36. Le paradis
Victoria Olsson
C'était comme si le sort avait décidé de s'acharner sur moi. Je recevais des menaces, j'étais terrifiée, je venais de me faire virer de mon job et pour couronner le tout Idriss était loin, beaucoup trop loin.
Mon dernier bilan médical avait été la seule bonne nouvelle de ses dernières semaines. Aucune rechute, d'après le médecin mon coeur se portait comme un charme. Plutôt étonnant pour une fille qui avait l'impression de l'avoir perdu en cours de chemin, ou abandonné à un rappeur partit à l'autre bout du monde.
En soi le job au restaurant ne me manquait pas, le patron était sacrément ingrat, la plupart de mes collègues idiots, et Stacy elle frisait la débilité incarnée. Mais ce salaire j'en avais besoin pour me mettre des sous de côté pour un appartement. Deen m'avait répété qu'il n'y avait pas de soucis, et que je pouvais rester autant de temps que je le voulais, mais j'avais cette sale impression de continuellement abusé de sa gentillesse.
Tout s'était transformé en réel merdier. Un peu comme si la terre entière m'en voulait.
Et ça ne s'était pas arrangé. En rentrant de ma journée de cours j'avais eu la sale impression d'être suivie. Enfin elle s'était intensifiée plutôt, parce que pour être honnête, j'avais cette impression depuis que j'avais reçu la photo. Je n'avais pas arrêté de me retourner, de jeter des coups d'œil derrière mon épaule, d'accélérer. Le trajet ne m'avait sûrement jamais semblé aussi long jusqu'à Aubervilliers.
Je passais mon temps à augmenter et baisser le volume du son, afin d'écouter les bruits autour de moi. Putain mon cerveau était littéralement entrain de vriller.
Je m'étais officiellement transformée en petite bête apeurée.
Quand j'entra enfin dans l'immeuble de Deen, les yeux rivés sur mon téléphone, je percuta un truc avant de basculer en arrière, sur mes fesses.
Bien joué Vicky.
Je grogna en récupérant mon téléphone tombé lui aussi par terre, quand mes yeux se posèrent sur des sneakers que je connaissais. Pas possible.
- Eh bah ma belle, tu ne sais toujours pas faire deux pas sans te ramasser?
Oh punaise.
Mes yeux s'écarquillèrent littéralement. Idriss se tenait debout devant moi, son éternel sourire collé au coin des lèvres, ses mains dans les poches de son sweat et sa capuche relevée sur sa tête.
Il était encore plus beau que dans mon souvenir. Putain ce que ces 5 semaines avaient pu être longue.
J'avais envie de lui sauter dessus, et de l'embrasser à ne plus en respirer. J'avais vraiment besoin de le sentir près de moi. Mais j'étais comme figée au sol, peut être un peu choqué de voir l'objet de toutes mes pensées se tenir debout devant moi. Enfin.
- Tu comptes rester comme ça encore longtemps? demanda t-il avec un petit sourire.
J'hocha négativement la tête avant de me relever et foncer dans ses bras. Merde j'avais l'impression de respirer à nouveau. J'encercla sa taille avant de prendre une profonde respiration contre son torse.
Comment j'avais pu tenir si longtemps sans lui?
Il releva mon visage vers lui avant d'essuyer des larmes que je n'avais même pas senti tomber. Il se mordilla la lèvre avant de poser son front contre le mien.
- Je suis là, murmura t-il.
- C'était long sans toi, chuchotais-je.
- Je sais.
Il posa ses mains en coupe autour de mon visage avant d'attirer mes lèvres contre les siennes. Et ce baiser là n'avait plus rien avoir avec les précédents. Il était vrai, il était vivant. C'était une promesse silencieuse, une expression implicite de nos sentiments. Des paroles ne m'auraient jamais fait ressentir ça. Je planais à deux milles, bien mieux que n'importe quelle drogue. J'avais l'impression d'avoir décollé pour une autre planète. Un truc bien loin.
Quand il se recula légèrement, un petit sourire se fit une place sur son visage, le type de sourire qu'aurait un gamin au matin de Noël.
- Vire ce sourire de là, murmurais-je en reprenant mes esprits.
- Surement pas minus. J'aime bien te voir enrager.
Je roula des yeux alors qu'il passa son bras autour de mes épaules avant de m'attirer à nouveau contre lui.
C'était là enfaite la meilleure place du monde. Pas sûr une plage quelconque, pas sûr un toit ou au milieu de nulle part. Non, c'était dans ses bras.
- Vous êtes arrivée quand? demandais-je en le traînant vers l'appartement.
- Dans l'après-midi. On a fait un détour chez Ken pour Titi puis je suis venue.
Thylane. Je ne l'avais pas revu depuis l'enterrement. Mais d'après Louna c'était compliqué. En même temps elle venait de perdre ses deux parents, et son petit frère se trouvait dans un état désastreux à l'hôpital. Elle gérait ça toute seule.
Ma meilleure amie m'avait raconté qu'elle avait poussé les gars à partir. Ils étaient prêt à repousser mais elle les avait convaincu de partir.
Cette fille était un modèle de courage.
- Il est pas là Deen? demanda le brun en jetant un coup d'œil dans les chambres.
- Il est en stud' avec Eff et Jekh, il y passe presque toute ses nuits.
Un petit sourire en coin éclaira le visage d'Idriss. Je roula une nouvelle fois des yeux en soupirant.
- C'est même pas la peine d'y penser, je crèverai de honte si Deen débarquait.
- Petite joueuse.
Je lui balança un coussin qu'il esquiva habilement. Pourquoi ça marchait jamais sérieux?
- T'as déjà mangé? demanda t-il en regardant son téléphone.
Je lui répondis que non alors il décida que ce soir nous sortions au restaurant. En réalité il m'avait amené dans un petit grec, et on avait passé le repas à se raconter de la merde et à pouffer comme deux idiots.
Il n'avait pas arrêté de me parler du Japon, du nouvel album, mais surtout du Japon. C'était fou à quel point ce pays pouvait les inspirer. Ce n'était pas leur premier voyage là-bas, et à en voir ses yeux qui pétillaient, sûrement pas le dernier.
J'avais pris soin d'éviter de parler de tout ce qui s'était passé sur Paname, rien de beau que je n'avais envie de remettre sur le tapis. Pas maintenant alors que l'instant était parfait.
Après ça on avait marché un moment, il faisait nuit, et pour la première fois depuis un moment, je n'avais pas peur. Je n'avais pas cette désagréable impression d'être épiée. J'étais juste bien, la main de mon kabyle dans la mienne.
Notre promenade silencieuse nous avait mené tout droit chez le kabyle. Rien n'avait vraiment bougé depuis la dernière fois que j'étais venu, au mois de juillet. Et j'eus un petit rire quand je remarqua que sur le canapé traînait encore le plaid que j'avais laissé ici en partant, et que ce doué de Deen n'avait pas été capable de récupérer quand je l'avais envoyé chercher mes affaires.
J'étais un peu paumé dans mes songes quand les lèvres du kabyle se posèrent dans mon cou pour doucement remonter jusqu'à ma mâchoire. Je laissa échappé un soupir quand il poussa mes cheveux avant de le mordiller le lobe.
- Tellement impatient, murmurais-je en fermant les yeux.
- Tellement insolente, grogna t-il en embrassant ma mâchoire avant de s'attaquer à mes lèvres.
Ce baiser n'avait plus rien d'innocent et de mignon, il était remplit d'envie, de désir. Il plaqua ses mains contre ma taille, et me rapprocha encore un peu plus près de lui, alors que je passais mes mains dans ses cheveux en faisant tomber sa capuche.
Il grogna légèrement, mais ne lâcha pas mes lèvres, bien trop occupé à les explorer sous toutes les coutures.
Putain je ne savais pas que c'était possible d'avoir autant envie d'une personne. Ça me semblait totalement hors norme. La sensation de lui contre moi ne me donnait qu'envie d'avoir plus. Beaucoup plus.
Je lui mordilla légèrement la lèvre pour qu'il arrête de s'acharner sur les miennes, mais en simple réponse son baiser s'intensifia.
Son baiser prit une toute autre dimension. Quelque chose de plus sauvage, de plus sexy, de bestiale peut être même. Alors sans y réfléchir plus je passa mes mains sous son sweat, dessina du bout des doigts ses abdominaux avant de lui retirer. Un nouveau grognement échappa de sa gorge alors qu'il me traînait, toujours ses lèvres plaques sur les miennes, vers sa chambres.
Nos habits rejoignirent rapidement le sol, avant que nos corps s'unissent pour la première fois.
Et ça avait le goût du paradis.
À bout de souffle et encore tremblante, je n'arrivais plus à détourner le regard du beau kabyle sur lequel ma tête reposait. Il caressait doucement mon ventre, me procurant au passage des milliers de frissons.
Son souffle contre mon crâne et sa peau contre mon corps me berçait.
Si le paradis avait un nom, il devait s'appeler Idriss Akrour.
- Elles craquent toutes, murmura t-il à mon oreille.
- T'es vraiment trop con, grognais-je alors que je pouvais sentir son torse se soulever doucement et un sourire s'étirer sur ses lèvres.
Il passa ses doigts dans mes cheveux, jouant doucement avec, jusqu'à ce que j'interrompe à nouveau le silence confortable qui s'était installé.
- Ne me laisse plus partir, murmurais-je en fermant les yeux.
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