33. Découpée

Victoria Olsson

- Vicky chérie, il va vraiment falloir que tu te détendes deux secondes, lança Jasmine en me voyant regarder la porte d'entrée pour la énième fois.

- Je suis pas super à l'aise avec le fait de rentrer par effraction à ton taff, répondis-je.

- Théoriquement c'est pas tellement par effraction, j'ai juste oublié mes clés.

- Ah ouais? Alors on qualifie comment le fait de rentrer par une fenêtre?

- C'est un plan B, j'ai vraiment besoin de ce dossier, répondit-elle en fouillant dans son ordi.

- Tu peux te dépêcher? demandais-je en observant les bureaux vides autour de nous.

- Ouais c'est bon, j'ai tout ce qu'il me fallait, lança t-elle en agitant sa clé USB en l'air.

La métisse m'avait tiré du lit un samedi matin parce qu'elle avait absolument besoin de récupérer un dossier client à son taff et qu'elle voulait qu'on passe ensuite la journée à faire les magasins. Mais quand on était arrivé elle s'était rendue compte qu'elle n'avait pas les clés. Alors on avait escaladé la moitié de la façade pour entrer par une fenêtre laissé entrouverte. Autant vous dire que ça avait été une galère sans nom en talon, et que j'avais abandonné bien rapidement mes bottines à l'extérieur.

Je lui avais dit qu'on pouvait faire l'aller retour chez elle pour récupérer les clés, mais elle avait trouvé l'idée d'escalader la moitié du bâtiment et de se la jouer à la James Bond beaucoup plus intéressante.

Ça avait aussi été beaucoup plus intéressant quand on s'était retrouvé à la sortie face à 3 flics, leurs armes braqués sur nous.

Oui, ça avait été un grand moment quand Jasmine avait essayé de leur prouver par A + B qu'elle bossait ici et que ce n'était pas vraiment une entrée par effraction. On avait quand même fini en garde à vue au poste.

Assise sur le banc, la métisse essayait de négocier avec le flic assis à son bureau, sans succès.

- J'y crois pas sérieux, marmonna t-elle. Eh monsieur! Oui vous! Je travaille là-bas j'avais juste pas mes clés!

Le flic ne lui lança même pas un regard et se re concentra sur son ordinateur. Jasmine soupira et se laissa tomber, les bras sous la tête.

- J'aurai du rester dormir, je le savais, grognais-je les mains posés sur les barreaux.

- M'en parles pas, marmonna t-elle, tout ça parce qu'une fois dans ma vie j'ai voulu prendre de l'avance sur mon travail. Je vais continuer à être une feignante ça me réussit mieux.

Après notre première heure d'attente, un homme en uniforme se pointa, des papiers dans les mains.

- Alors, Jasmine Toledo et Victoria Olsson?

On releva instantanément la tête.

- Coffré pour tentative d'effraction, récita t-il.

- C'est pas une effraction, râla t-elle, je travail là-bas.

Le policier n'en eut rien à faire et continua à examiner sa feuille.

- Et bien Mademoiselle Olsson, on a déjà eu à faire à vous. Comme quoi certaines choses ne changent pas.

Il était vraiment entrain de faire référence aux deux minables gardes à vue de mon adolescence?

La première, c'était à une soirée un peu trop enfumée. On avait tous fini en gardav, même Louna. Bon la deuxième c'était pas glorieux, on nous avait retrouvé avec quelques potes complètement défoncés sur la voie public. Mais sérieusement, c'était des conneries de jeunesse, rien de plus.

- Une affaire va être ouverte, il y aura peut être des poursuites.

- Mais je travaille là-bas putain, je suis allée récupérer un dossier, c'est complètement ridicule! s'énerva Jasmine.

- C'est la procédure mademoiselle. Qui peut-on appeler?

Louna à cette heure là était au travail, et Deen probablement en studio.

- Passes lui le numéro de Moh, dis-je à Jasmine.

Quelques heures plus tard, le marocain débarqua, le visage oscillant entre l'envie de se moquer de nous et celle de cracher toute la haine qu'il avait pour les flics.

J'étais pas vraiment de ceux qui vouaient une haine viscérale aux flics. Après tout on était bien heureux quand ils étaient là pour nous protéger. Ils obéissaient aux ordres c'étaient leurs jobs. Même si à ce moment là j'avais quand même un peu la haine. Toute cette histoire était d'un ridicule affligeant.

On sortit du poste en soupirant. Comment pourrir un samedi mode d'emploi?

- Bon comment vous avez fini au comico les deux génies? demanda Moh en s'installant au volant de sa voiture.

- Demande à Jasmine et ses idées brillantes, pouffais-je en m'installant à sa droite.

- M'en parlez pas, râla t-elle, je mets plus jamais aucune bonne foi dans ce taff de merde, c'est fini.

Je la vis croiser ses bras sur sa poitrine avant de faire la mimique habituelle de la râleuse.

La vibration de mon téléphone me fit sursauter.

- Oh y'a Théo qui m'appelle, dis-je. Pourquoi il m'appelle à moi?

- Plus de batterie, répondit Jasmine en regardant le sien. Vas-y réponds et mets sur haut parleur.

J'acquiesça et appuya sur le bouton vers avant d'activer le mode haut parleur.

- Salut Théo, pas de panique, on est sortie, débitais-je.

- Putain mais vous avez foutu quoi encore? Jas est là?

- Ouais ouais je suis là bébé, répondit-elle en s'avançant. Je devais récupérer un truc au bureau mais j'avais pas les clés.

- Et du coup vous avez préféré rentrer par effraction? pouffa une voix derrière lui que j'assimila a celle de Ken. Vous êtes des génies les filles!

- C'était pas mon idée, grognais-je. Moh t'es une sacrée poucave sérieux!

- Eh j'vais récupérer la go de mon reuf en gardav encore heureux que je le prévienne!

- Balance, grognais-je alors que Jasmine m'attrapait le téléphone des mains.

- On est parti depuis quoi, trois semaines, et vous trouver le moyen de vous foutre dans la merde aussi rapidement, j'te jure bébé, tu m'impressionnes, résonna la voix de Théo.

- Il dit ça mais il était à deux doigts de prendre un billet retour quand Moh a téléphoné, ajouta Ken. Y'en a un autre qui avait pas l'air serein non plus.

Un ta gueule balançait un peu plus loin résonna à son tour dans la voiture. Jasmine me lança un petit coup d'œil. Je lui avais raconté ce qui s'était passé la dernière fois qu'Idriss et moi nous étions vu, et elle était plutôt du genre à interpréter ça positivement.

- Sneazz t'as pu payer la caution? demanda Théo.

- Ouais ouais tranquille. Vic j'te ramène chez Deen? demanda le conducteur.

- Attends non vas-y pose moi à l'appart de Lou.

Il me lança un regard chelou.

- Je dois récupérer des affaires pour les cours, ajoutais-je.

- Vic tu devrais peut être pas, résonna la voix de Ken.

L'histoire de l'appartement lui était encore en travers de la gorge. Ça l'avait bien fait flipper pour Louna, mais toutes les serrures avaient été changé, alors il n'y avait plus de raison d'éviter cet endroit.

- Je vais juste chercher des affaires Ken, j'y reste 5 minutes à tout casser. Tournes là Moh, je crois que j'ai vu une place.

Quelques minutes plus tard, il se gara sur la place. Je lui claqua un bisous sur la joue avant de dire au revoir au gars et à Jasmine.

Ça faisait un petit moment que je n'avais pas mis les pieds dans cet immeuble. On avait laissé cette affaire se tassait, et même si on avait eu la confirmation que cela ne pouvait pas être Jonathan, je savais que Louna continuait à y penser. En même temps, à part une porte laissé ouverte par mégarde il n'y avait pas 36 autres moyens de rentrer dans l'appartement. Et Louna jurait qu'elle n'avait pas oublié de la fermer.

Je grimpa les escaliers deux à deux avant d'insérer la clé dans la porte. J'avais récupéré un gros paquet de courrier que je posa sur la table.

Je fis rapidement le tour de l'appartement, par simple prévention, avant d'attraper un sac et d'y glisser les affaires dont j'avais besoin. Mon regard se posa sur le sweat que j'avais emprunté à Idriss, il y a quelque semaines pendant les festivals. Il était posé au milieu de mes fringues.

Je l'attrapa légèrement en tremblant. Je m'étais dis que ne pas le voir me le ferait sortir de la tête, mais c'était tout l'inverse. J'avais l'impression d'y penser à chaque seconde de la journée. J'avais la sensation de ses lèvres contre les miennes et de son souffle contre mes cheveux. Ça virait presque même à l'obsession.

J'avais eu quelques nouvelles de part Jasmine et Louna, mais aucune venant directement de lui. En même temps à quoi je m'attendais? C'était moi qui avait fait connerie sur connerie avec lui.

Je soupira en glissant le pull dans mon sac avant de me rediriger dans la cuisine. Je m'installa contre le plan de travail et ouvrit le courrier. Au milieu des lettres de la banque, des publicités et de l'assurance, il y en avait une sans expéditeur, pas de nom, pas de timbre.

Une simple enveloppe blanche.

Je la déchira, les sourcils froncés. Et en tirant le bout de papier de l'emballage je me figea.

Je tenais entre mes doigts une photo de Louna et moi. Elle datait de quelques année. Mais au lieu de me voir, moi et mes super lunettes de soleil dont j'étais très fière, il y avait un trou.

Ma tête était découpée.

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