28. Pas d'étoile plus brillante
Victoria Olsson
- J'fais des allergies.
C'est la première connerie qui m'était passée par la tête. Et c'était l'excuse la plus minable que je pouvais sortir à ce moment précis.
Idriss semblait à deux doigts de faire une crise de nerf, et dans un mouvement rapide, il était sorti de la chambre, le visage déformé par la colère.
Je m'étais instantanément jeté sur lui. Il ne pouvait pas balancer ça à tout le monde. Je pouvais pas le laisser faire. Alors j'avais attrapé son poignet, et l'avait supplié du regard de me suivre dans la chambre. Après quelques secondes d'hésitation, il avait lâché et m'avait suivit.
Je souffla avant de m'asseoir sur l'angle du lit. Il était droit comme un piquet. Et sa mâchoire était tellement contractée qu'il devait en attraper des crampes à force.
- Tu te souviens du showcase, quand tu m'as retrouvé dans les toilettes.
Il hocha la tête.
- Ce genre de crise, ça m'est déjà arrivé avant. Ça débarque sans prévenir, ça me bloque la respiration, ma tête tourne, parfois je m'évanouie et d'autre fois je perd juste mon souffle. Les médocs que tu tiens dans ta main, ça régule. Ça les évite pas, mais ça me permet de les prévenir, et ça les adoucit.
Une demi vérité serait toujours mieux qu'un gros mensonge. Alors j'avais lâché l'affaire.
C'était assez gros pour qu'il pense que c'était la vrai histoire, car ça en était un bout après tout. Et c'était mon ultime chance de sauver tous les mensonges que j'avais bâti depuis mon départ à New-York.
- Pourquoi t'as ça? demanda t-il.
- C'est un truc chronique.
Il acquiesça avant de poser les boites de médicaments sur la table de chevet.
- Putain mais je comprend pas pourquoi t'en as pas parlé. Pourquoi t'as raconté toutes ces histoires de merde?
- J'ai pas envie d'inquiéter Louna, c'est rien de grave et je le gère bien. Après tout ce qui s'est passé avec Jonathan elle était complètement détruite, c'était un zombie. Alors tant que je peux la préserver de ça je le ferai. Et toi aussi, ajoutais-je.
- Et pourquoi je ferai ça? J'dois rien à Louna moi, répondit-il en se frottant l'arrête du nez.
- Mais tu le dois à Ken. T'as pas envie que la copine de ton reuf recommence à arrêter de s'alimenter. Parce que si elle l'apprend, je peux t'assurer que c'est ce qui va se passer. Elle s'en voudra à mort de ne jamais l'avoir remarqué, de m'avoir laissé seule, et elle a un rapport compliquée avec la nourriture. Elle replongera pas à cause de moi Idriss, alors tu vas gentiment la boucler.
Louna avait toujours eu une relation complexe avec la nourriture, et si pendant notre adolescence j'avais considéré que ce n'était rien de plus qu'une envie de ne pas prendre de poids, ça avait pris une toute autre dimension quand il y avait eu l'affaire Jonathan. Si bien qu'elle avait été a très peu d'être hospitalisée.
Et je savais pertinemment ce que le cataclysme de la révélation de mon état de santé déclencherait. C'était hors de question.
- S'il te plaît, dis-je en plongeant mon regard dans le sien.
Pendant plusieurs secondes il me fixa, et je pouvais parfaitement lire dans son regard qu'il ne savait pas quoi faire.
Je lui avais lâché ça comme ça, et j'étais prête à parier qu'il s'imaginait que je me shootais aux médocs quelques minutes plus tôt.
- Je dirai rien tant que tu fais gaffes à toi, lâcha t-il. Mais il va falloir que tu commences à faire confiance aux autres, tu peux pas porter le poids de tout tes secrets, ça va t'étouffer.
- Merci, soufflais-je.
Il s'était tourné pour sortir de la pièce, mais il se stoppa.
- Me remercie pas, au moindre truc chelou je te balance Victoria. Tu m'dégoutes avec tout tes mensonges, à croire qu'tu mens comme tu respires. J'veux plus rien avoir à faire avec toi.
Bim. Droit dans le coeur.
- Et crois moi, Deen et Moh seront beaucoup moins conciliant que moi quand ils apprendront la vérité.
Il avait tourné les talons et ne s'était pas retourné, me laissant au bord des larmes, le cœur sur les lèvres, et cette terrible envie de le retenir.
J'étais un cyclone. Et les vents commençaient à se lever.
J'aurai eu envie de lancer une alerte météo, une connerie disant qu'il fallait s'éloigner de l'épicentre de la connerie qui se préparait à nous déferler dessus.
Mais l'épicentre c'était moi.
Et Idriss venait de mettre les voiles.
Les jours suivants je les avais passé à subir ce voyage. J'avais essayé de garder le sourire, de répondre au blague, d'avoir l'air enjoué. Mais jouer la comédie me fatiguait. J'étais fatiguée de tout ça.
Et pour la première fois depuis longtemps, j'avais envie de tout lâcher, et de pleurer, au moins jusqu'à ce que ça m'assomme et que je tombe de fatigue. Ou que je tombe tout court.
Les regards que me jetait Deen depuis plusieurs minutes me firent vite prendre conscience que tout le monde me fixait. On était assis sur la terrasse d'un petit resto, et j'avais pas capter qu'un grand silence s'était fait depuis quelques minutes.
- Ça va Vicky? demanda finalement Théo.
J'hocha la tête en leur servant une esquisse de sourire. Non ça n'allait pas du tout. Vraiment pas.
Mon regard dévia sur Idriss, qui lui était le seul à ne pas me fixer avec des yeux inquiets. Il avait le regard posé sur son verre et évitait soigneusement tout contact visuel avec moi.
On avait passé les derniers jours à faire comme si on ne se connaissait pas. Et pourtant, les quelques regards que j'avais réussi à capter de sa part étaient rempli de dégoût. Et ça m'avait retourné le bide à chaque fois.
Le soir après notre dispute, Louna m'avait très bien fait comprendre que tout le monde avait entendu qu'on se criait dessus. J'avais évité le sujet. Je savais faire que ça de toute façon.
J'étais sur le point de me mettre à chialer comme une gamine quand Deen se leva et posa sa main sur mon épaule pour m'inciter à le suivre.
Bénies sois tu Mikael Castelle.
Il laissa glisser aux autres qu'il gérait avant de me tirer par les épaules vers la plage qui bordait le restaurant.
On marcha silencieusement quelques instants, pour s'éloigner du champ de vision des gars, jusqu'à ça ce que je m'arrête face à la mer. Il m'imita silencieusement.
- Promets moi que tu me détestera jamais, murmurais-je.
Mes yeux me piquaient trop.
- Pourquoi je te détesterai? répondit-il.
- Promet le moi, s'il te plaît.
Il hocha la tête avant de m'attirer vers lui et de m'embrasser le sommet du crâne.
- T'es ma reuss. On abandonne pas la famille.
- Même quand elle fait de la merde? murmurais-je.
- Surtout quand elle fait de la merde.
J'hocha silencieusement la tête avant de me tourner vers lui et de m'enfouir dans ses bras. Il les referma contre moi en me murmurant que quoi qu'il se passe, ça irait.
J'en étais plus si sûr.
Mais entendre Deen le répétait me fit du bien. J'étais fille unique, et plus jeune j'avais souvent idolâtré les frères de mes copines. Leurs relations. J'avais toujours rêvé d'avoir un frère à moi. Et c'était un peu ce que Deen était devenu.
En quatre mois il avait pris une place tellement importante dans ma misérable vie que cela en était impressionnant.
- J'ai pas envie de rentrer, soufflais-je après avoir reçu un message de Louna, me prévenant qu'ils n'allaient pas tarder à partir.
- On va aller se promener, dit-il.
Et c'est ce qu'on avait fait, toute une partie de la nuit. Il mourrait d'envie, ça se voyait à sa tête, de me demander ce qu'il se passait. Mais il était bien trop doux et conciliant avec moi pour me pousser à le dire.
On s'était posé dans un petit port, les jambes pendus au dessus de l'eau, et on avait regardé les étoiles. On avait imaginé quelles histoires pouvait se cacher derrière ses astres en feu. J'avais même appris qu'il était possible d'en acheter une.
- Ça serait cool une étoile Deen Burbigo, remarqua mon acolyte.
- On pourrait l'appeler la grande burb, répondis-je en souriant. Qui sait, peut être que tu serais même une part d'un grand système.
- L'entourage. Ça s'est mon système.
Ouais, il avait raison. Pas besoin d'une étoile à son nom, ni d'une constellation. Il brillait suffisamment, et encore plus avec ses gars.
Vers les coups des 4h du matin, on se décida à rentrer à la villa. Elle était à un peu plus de trente minutes à pied, alors on en profita pour évoquer la rentrée, qui se rapprochait vertigineusement.
J'allais reprendre mes études, après un an d'arrêt. Et c'était le réconfort de ces derniers jours. J'allais pouvoir recommencer à faire ce que j'aimais vraiment. J'allais retrouver mon exutoire.
J'allais encore rester quelques semaines chez Deen, avec sa grande approbation bien sur, mais rapidement je me mettrai à la recherche d'un appartement. Il me bassina tout le trajet en me disant que l'appart d'Auber était assez grand, et qu'il pouvait même y installer un lit à la place de son bureau. Mais il avait déjà fait énormément pour moi. Et je voulais pas tirer sur la corde.
Quand on arriva finalement à la villa, toutes les lumières étaient éteinte, sauf celle surplombant la terrasse. Et l'un des gars s'y tenait, une capuche sur la tête, et un stylo calé entre les doigts.
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