15. Un presque sourire
Victoria Olsson
Rappelez moi d'étriper Théo, genre de littéralement lui trancher la carotide. Ça faisait trois semaines qu'ils me bassinaient tous, en disant à quel point ils avaient hâte que je débarque, et là, ils avaient trouvés le moyen de m'oublier à la gare.
A peine quelques heures plus tôt j'avais eu Jasmine au téléphone qui m'avait assuré que Théo viendrait me chercher à l'arrivé de mon train. Mais devinait qui attend toute seule comme une âme perdue? C'est Vicky.
Je surfais sur mon téléphone, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, assise au bord du trottoir, mon sac de sport entre les jambes. J'avais toujours été une impatiente, et bordel ce qu'attendre sans rien faire pouvait m'énerver. Gosse j'avais toujours été la gamine hyper active qui n'arrivait pas à se poser plus de cinq minutes. Putain ce que ça avait fait chier mes parents. Puis j'avais appris à me canaliser au fil des années, mais rester inactive me faisait toujours autant bouillir.
J'étais entrain d'opter pour me mater l'intégralité des six saisons de Gossip Girl quand une voiture s'arrêta juste devant moi. Étant donné que j'étais la seule âme vivante sur un périmètre 200 mètres, je conclus rapidement qu'ils s'étaient enfin décidés à bouger leurs cul. J'ouvris la portière du côté passager.
- Putain c'est pas trop tôt, j'ai faillit dessécher. Oh. Salut Idriss.
Ok, je croyais voir Théo, ou Doums peut être. Mais sûrement pas Idriss alias le mec le plus lunatique de la terre entière. Qui me prend d'ailleurs littéralement pour une énorme peste.
- Je pensais que c'était Théo qui venait, expliquais-je en posant mon sac à l'arrière.
- Ouais il devait mettre au point quelques trucs avec l'ingé son.
J'hocha la tête en fixant mes genoux, ok cette situation était gênante. Il m'aimait clairement pas et je savais pas trop comment réagir. Je pouvais blaguer ou je risquais de me prendre une claque?
Hésitante sur la démarche à suivre j'opta simplement pour le silence.
Les yeux rivés sur l'extérieur je regardais le paysage défilé.
- Tu t'es fais quoi? demanda t-il en indiquant mes genoux.
Je baissa instantanément le regard sur mes genoux bousillés. Quelques jours plus tôt j'avais fais un dérapage incontrôlé en essayant de rattraper le bus. Mauvais atterrissage comme vous pouvez l'imaginer.
- J'ai voulu faire un câlin au goudron. Il était pas très consentent je crois.
Je vis le kabyle sourire légèrement en se re concentrant sur la route.
- Waouw. Un presque sourire, mais c'est que bientôt on aura le droit de voir les dents! le charriai-je en baissant le volume de la musique.
- Touches pas, grogna t-il en balayant ma main.
- Mais j'ai mal à la tête.
- C'est pas mon problème ça, répondit-il en augmentant le volume.
Je le regarda en écarquillant les yeux. Ok, on était toujours pas sur un bon mood. Je souffla en me ré installant contre mon siège, les bras croisés sur la poitrine. Putain mes genoux ressemblaient vraiment à rien. Je ressemblais à une gosse a qui on venait d'enlever les petites roulettes et qui était lamentablement tombée de son vélo.
On arriva après une trentaine de minutes sur le festival. Bien entendu, on passa par l'entrée réservée aux artistes. Je descendis de la voiture, mon sac dans les mains. Le tour bus trônait au milieux de nombreux algecos, voiture et autres bâtiments fonctionnels. On se trouvait derrière une des scènes.
Immédiatement Louna me sauta dessus en criant comme une sauvage. Putain ils déteignaient trop salement sur elle.
Elle était partie déjà une semaine plus tôt et les avaient suivit dans le tour bus tout comme Jasmine. J'avais reçu une tonne de snap de leurs conneries et je ne pouvais qu'avouer que j'avais hâte de les rejoindre.
Idriss s'éclipsa je ne sais où et je suivis Louna vers l'un des nombreux algecos mis à disposition des artistes.
- Vichy débarque les gars! hurla Doums en me voyant entrer.
Les gars étaient pour la plupart entrain de jouer à Fifa, ou de hurler sur ceux qui jouait comme si leurs vie en dépendaient.
- Putain je me souvenais même pas de ta tronche tellement ça fait longtemps, s'écria Moh en se levant.
- Merci, pouffais-je, ça fait toujours plaisir.
- Pas de soucis poil de carotte.
Tuez le s'il vous plaît. Tuez le.
On passa quelques instants là, jusqu'à ce que Louna et Jasmine me tire dehors pour faire le tour des installations du festival, et merde c'était quand même super impressionnant et super cool.
Les festivaliers commençaient à s'entasser à l'entrée et d'ici très peu de temps la plaine serait remplit de jeune prêt à en découdre et à kiffer leur soirée. Et mon dieu que cette énergie était cool.
On traîna quelques temps parmi les installations jusqu'à ce que les deux me traînent dans le tour bus pour se changer. J'enfila une bralette, un short en jean noir, ma paire de vans et un foulard. Petite astuce pour la poussière.
Louna enfila une combi kaki alors que Jasmine opta pour un short en jean et un tee shirt noir à motif.
On retrouva les gars quelques instants plus tard, rassemblé dans l'algeco. Ils n'allaient pas performer avant plusieurs heures, mais étant relativement connu, ils pouvaient carrément oublier l'idée de déambuler dans le festival incognito.
Je m'installa sur le rebord d'un des canapés et Deen vint me voir. Il me tendit un badge, et je grimaça en voyant ma tête placardée dessus.
- Comment t'as eu ça? pouffais-je. Je dois avoir 17 ans sur ce truc.
En effet la photo était pas vraiment glorieuse pour moi. C'était ma dernière photo de classe au lycée. Et autant dire que j'étais pas un canon de beauté.
- C'est Louna qui nous l'a filé. Fais pas cette tête on en avait besoin pour ton pass. Avec ça tu devrais pas galérer sur le festoch alors le perd pas.
J'hocha la tête en passant le cordon autour de mon cou.
- Et tu devrais faire un truc pour tes genoux, tu vas t'enculer avec la poussière, ajouta t-il.
Il avait pas tord, vu l'état de mes genoux qui commençaient à peine à cicatriser, prendre deux tonnes de poussières sur la gueule ne leurs feraient pas spécialement du bien.
J'abandonna la troupe pour rejoindre le Tour Bus. Ils devaient bien avoir une trousse de premier secours qui traînait quelque part. Je fouilla dans tous les endroits qui me venaient en tête mais rien à faire, mes pansements semblaient loin, très loin.
- Qu'est ce tu fous?
Je me retourna vers Idriss qui se tenait dans l'entrée du bus, son éternelle casquette Seine Zoo collée sur la tête.
- Je trouve pas de pansement. Pour mes genoux, ajoutais-je.
Il hocha la tête et avança vers moi avant de me dépasser. Il était grand quand même. Forcément avec mon mètre soixante cinq, tout me paraissait rapidement grand. Je le regarda silencieusement alors qu'il fouillait dans l'un des tiroirs sous une des couchettes. Il en sortit une boîte de premier secours.
- Assis toi, demanda t-il en m'indiquant la banquette derrière moi.
Un peu interloquée je m'installa tout de même là où il me l'avait demandé. Il sortit de la trousse du coton et un désinfectant.
- Je peux me le faire, dis-je en tendant la main.
Il ne m'écouta absolument pas et posa le coton imbibé sur mes genoux bousillés. Je sursauta légèrement au contact froid et piquant du liquide. Et lui bien sûr il y allait absolument pas doucement non non, si il pouvait bien appuyer pour que le désinfectant brûle, il se faisait plaisir.
Je lui lança un regard noir qu'il ignora. Il passa à mon second genoux, un peu plus délicatement avant de se reculer pour chercher des pansements.
- Je savais pas que t'avais une formation d'infirmier, me moquais-je.
Il roula des yeux.
- T'es bien trop insolente Victoria.
- Et toi bien trop lunatique, répondis-je alors qu'il s'afférer sur un de mes genoux avec un rouleau de pansement.
Il hocha les épaules sans rien ajouter.
- Ça te déranges que je sois là? demandais-je.
Parce que oui j'avais beau jouer la fille sur d'elle et confiante, j'voulais absolument pas m'imposer.
Et si j'étais plutôt confiante par rapport à l'estime que pouvait me porter le reste du groupe, celle d'Idriss était totalement vague, peut être même inexistante.
Alors, ouais, ça me prenait un peu la tête.
- Les gars sont contents que tu sois là.
- Mais toi? demandais-je.
Il ne répondit rien et se recula légèrement en regardant mes genoux, maintenant couvert par de gros pansements.
Bon c'était pas le truc le plus esthétique, mais ça m'éviterait de choper je ne sais quelle connerie, ou de passer la soirée à me vider de l'eau sur les jambes pour nettoyer les plaies.
Je lui souffla un rapide merci en me relevant. Il suivit mon mouvement et se releva à son tour. On se fixa quelques secondes dans le silence. Pas un silence gênant ou étrange. Un silence simple et réparateur. Un peu comme si sans parler on se mettait d'accord. D'accord sur le fait qu'on devait faire des efforts pour le groupe, pour nos potes, pour la cohabitation des prochains jours, mais aussi pour nous.
Je ne me sentais pas de briser ce moment, parce qu'il était sûrement, depuis la nuit au parc, l'un des plus réels et calme que l'on ai passé ensemble.
Une accalmie dans la tempête.
Mais le rappeur termina par briser ce moment hors du temps, et nous ramena à la réalité.
- Tu devrais y aller, les premières scènes vont ouvrir.
J'acquiesça en me préparant à sortir quand il m'interpella une seconde fois.
- T'es mignonne avec tes genoux niqués Victoria.
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