➝ chapitre 4: you don't know my heart the way you know my face.

ʏᴏᴜ ᴅᴏɴ'ᴛ ᴋɴᴏᴡ ᴍʏ ʙʀᴀɪɴ
ᴛʜᴇ ᴡᴀʏ ʏᴏᴜ ᴋɴᴏᴡ ᴍʏ ɴᴀᴍᴇ
ʏᴏᴜ ᴅᴏɴ'ᴛ ᴋɴᴏᴡ ᴍʏ ʜᴇᴀʀᴛ
ᴛʜᴇ ᴡᴀʏ ʏᴏᴜ ᴋɴᴏᴡ ᴍʏ ғᴀᴄᴇ.
ᴍᴇssᴀɢᴇ ᴍᴇɴ - ᴛøᴘ


« Connasse. » marmonne Emy quand elle aperçoit Lyvia parler avec Thomas.

Nous sommes dehors, notre terrain d'athlétisme encercle un petit terrain de football. Alors que les garçons doivent faire des tours de pistes, nous faisons des match de foot.

« Elle cherche vraiment les ennuis. Regardes-la. »

Elle ne cesse de toucher ses cheveux en se balançant sur un pied puis l'autre, elle sourit à pleines dents.

Je détourne le regard, le professeur nous demande de le rejoindre, nous rappelle les règles, puis nous sépare en deux équipes. Alors que nous nous dispersons sur le terrain, je croise Charlie, il me fait signe et fait mine de chercher un moyen de mettre fin à ses jours. Je ris, il sourit de plus belles.

« Middwick! On arrête de draguer mademoiselle Watson et un tour de terrain sur le champ! »

Charlie soupire, et part en flèche pour entamer sa punition. Je ricane, et l'encourage avec deux pouces en l'air.

Transpirante et essoufflée, je rentre dans les vestiaires dans le but de trouver ma bouteille d'eau, je la termine à grandes gorgées.

« Hey, Emma c'est ça? »

Je sursaute et me tourne vers une rousse, aux cheveux bouclés, qui m'observe en souriant.

« Catharina, je joue dans l'équipe de football de l'école. J'ai parlé avec Anne, la capitaine, et elle est d'accord avec moi. Tu es douée. Enfin tu te débrouilles bien. »

Je fronce les sourcils et secoue la tête.

« Nous manquons de joueuses dans notre équipe, et ce serait cool que tu viennes jeter un coup d'œil. Qui sait si ça te plaît tu pourrais faire partie de l'équipe! Ce serait pas génial? »
« Eum... pourquoi pas... »
« Envoies-moi ton choix sur messenger! Catharina De Luca. »

Je bredouille une phrase incompréhensible, elle rit. Puis me salue et s'en va. Je reste plantée, encore essoufflée des deux heures de sport qui viennent de s'écouler. Ou peut-être de la conversation aussi? Qui sait.

Alors que je m'habille, mon esprit vagabonde, je m'interroge. Je ne savais pas qu'il était possible de me repérer. Surtout en gymnastique, je suis très discrète, je n'ai presque jamais la balle. Mais il est vrai que je me suis beaucoup investie dans ce match. Et cela a porté ses fruits: on m'a remarquée, j'ai même été complimentée. Je dois encore réfléchir à la réponse que je vais envoyer à Catharina.

Mais une chose est sûr, je n'en parlerai pas à Ema avant d'avoir pris ma décision. Je sais bien ce qu'elle pense des filles de l'équipe de foot. Apparemment, c'est un sport de garçon, et les filles qui y jouent sont toutes lesbiennes. Je ne veux pas qu'elle influence mon choix. Je dois le faire moi-même.

Alors que j'accompagne Max chez nous, avant d'aller au travail, je me surprends à me ronger les ongles nerveusement, mon frère le remarque.

« Qu'est-ce que t'as? Un test demain? »
« Non non. Une fille est venue dans les vestiaires me proposer de rejoindre l'équipe de foot de l'école... Apparemment je me débrouillais bien! »
« Mais c'est génial! Pourquoi tu stresses?! »

Je lève les yeux au ciel. Max ne connaît pas encore ce genre de choix, s'il veut faire un sport, il le fait. On ne lui a pas demandé de rejoindre une équipe parce qu'il avait du talent. En effet, il fait du foot lui aussi, mais il l'a choisi. Et si je m'investis à fond dans le football et je me rends compte que ce n'est pas ce que je veux?

« C'est grâce à moi, quand tu jouais avec moi à faire des match, je t'ai appris plein de trucs! »

Je ris et ébouriffe ses cheveux. Une fois à l'intérieur, je me change et l'embrasse pour me rendre au centre ville. Cela fait plusieurs mois que je travaille au New York Dîner, un café qui fait aussi une petite restauration, burgers, crocs monsieur, ou encore des glaces. C'est un endroit très convivial et calme, assez joyeux et coloré. J'aime m'y rendre, de plus, mes collègues sont adorables.

« Emma! Comment se sont passé tes vacances? » me demande mon patron.
« Bonjour Mario! Super et vous? »
« Je suis allé voir la famille à Cesenatico! Je ne pouvais pas être plus heureux! »

Je souris, puis me dirige vers la pièce réservée au personnel où j'enfile mon tablier et range mon sac dans mon casier. Je sors et croise Will.

« Hey la blonde! »
« Salut le bourge. »

Je ne sais pas pourquoi il m'appelle la blonde, lui non plus d'ailleurs. Ça devait venir d'un délire, puis c'est resté, on en a oublié son origine. Mais son surnom "bourge" vient du fait qu'il est né dans une famille fortunée, c'est logique.

« Tu t'occupes du bar et moi du service? »
« Parfait boucle d'or. »

J'éclate de rire et lui montre mon majeur.

Il est vingt et une heure trente, je sors du bâtiment et me dirige vers chez moi. Bien que nous ne sommes qu'en septembre, il fait très froid. Je rentre ma tête dans mon manteau pour le réchauffer, je décide d'accélérer en voyant bien que ça ne fait pas vraiment effet.

Je ferme la porte de ma maison en soupirant, la chaleur s'empare de moi et engourdis mes mains et mes pieds. Je m'affale sur le canapé alors que je me réchauffe petit à petit.

« C'était bien au travail? » me demande Max.
« Oui. J'aurai ma paye en fin de semaine, si tu veux on ira au cinéma où au resto? »

Il me lance un petit regard en coin plein d'envie et d'excitation puis retourne à son dessin animé. Je le fixe un instant puis regarde l'horloge de mon téléphone, il est temps que je parte pour me rendre chez Charlie.

« Je t'ai fais des lasagnes, tu les réchauffes dans le micro-ondes pendant trois minutes d'accord? »

Il opine. Je me lève, prends mon sac, mon manteau, et une écharpe, cette fois.

« Et n'oublies pas de faire tes devoirs! Ne passes pas la soirée sur la télévision! »

Je l'entends grogner alors que je ferme la porte. Charlie n'habite pas bien loin, c'est à une dizaine de minutes de marche, heureusement que notre ville est assez petite. Tout le monde connaît tout le monde ici. Ce n'est pas spécialement un atout à vrai dire. Disons que c'est bien plus simple de la traverser et de se rendre chez des camarades de classe.

La maison de Charlie est étrangement petite, je ne m'attendais pas à cela. Elle est cependant très bien entretenue, et tout en hauteur. Je sonne, j'entends du bruits à travers la porte avant qu'elle ne s'ouvre sur mon ami.

« Hey Emma! Entre je t'en prie. »

Je le salue et entre en accrochant mon manteau. Il me conduit dans sa chambre et nous commençons nos recherches. Comme nous avions convenu au cours précédent nous allions faire un écosystème aquatique. Nous cherchons donc les bases de la chaîne alimentaire en milieu aquatique, et pour quel type d'eau faut-il opter. Nous prenons notes, discutons, débattons.

« Pourquoi tu es toujours avec Ema? »
« C'est ma meilleure amie pourquoi? »
« Ce que je veux dire c'est que, je ne comprends pas pourquoi tu passes ton temps avec elle alors que tu pourrais le passer avec des tas d'autres gens bien plus intéressants. »

J'éclate de rire.

« Tu n'as pas l'air de beaucoup l'apprécier. »
« C'est mon avis, je ne remets pas le tiens en question. Je ne suis simplement pas attiré par ce genre de personnalité et je pensais que toi non plus. »

Je baisse la tête, silencieuse.

« Tu parles de toi quand tu dis "des gens bien plus intéressants"? »
« Emma... pas spécialement. Juste regarde ce lycée. On y trouve de tout, c'est un écosystème super varié, tout le monde vis en groupe, ou alors seul. Mais ceux qui vivent à plusieurs sont avec leur semblables. Tu ne verras jamais une raie avec une crevette. Ils sont tous de la même espèce du moins presque. »

Je referme mon cahier de note et prend appui sur mon coude, le poing contre ma joue.

« Et moi je suis quoi? »
« Toi tu es un petit poisson au couleurs changeante, tu te camoufles un peu, tu es discret, tu te fonds dans la masse. Mais tu as de très jolies couleurs, que tu expose de temps en temps quand tu es à l'aise. Pourtant tu ne vis pas avec les autres poissons de ton espèce, ceux qui sont colorés, qui ont pleins d'histoires à raconter. Tu préfères vivre avec le requin, celui qui guette les proie, qui se fait craindre dans tout le récif. Ça c'est Ema. »

J'explose de rire, il fronce les sourcils, croyant que je me moque de lui. Je trouve juste cela fou qu'il aille aussi loin, faire des comparaisons avec des poissons...

« Mais encore une fois, tout ça... c'est mon avis. Tu veux nager avec le requin, nage avec lui. Tu veux cacher tes couleurs, caches-les. Je trouve que tu gâche le peux de temps que tu as à passer dans un endroit où les espèces sont si diverses à traîner juste avec une seule. »
« Tu te trompes je commence à traîner avec toi! »
« Ok ok, moi je suis le Bernard l'ermite un peu rigolo qui dit ce qu'il pense et qui fait le pitre. J'ai une maison minuscule mais c'est assez pour me protéger, je m'y sens en sécurité. »

Je souris, il me rend mon sourire. Pendant un moment, nous restons en silence. J'observe sa chambre alors qu'il joue avec son bic pensivement. Les murs sont sombres, il y a collé des photos de lui et de ses amis, sa famille, ainsi que des affiches de foot. Sur une étagère il a même déposé quelques trophées et médailles qui lui sont décernées.

« Je ne savais pas que tu faisais du foot. »
« Maintenant tu le sais. »
« Tu es dans l'équipe avec Thomas? »

Il opine en écarquillant les yeux.

« Oh oui. »
« Qu'est-ce que ça veut dire? » je demande en riant.
« Ça veut dire que je trouve ce gars fortement inintéressant, surtout qu'il sort avec un requin donc ça fait de lui le petit poisson minable qui suit le requin comme un toutou. J'en sais rien ce type m'énerve, il se la pète un peu. Et cela sous prétexte qu'il est nouveau et mignon donc que toutes les filles sont à ses pieds. »
« C'est un imbécile. Je suis d'accord. »
« Quoi tu n'es pas folle de lui? »

Je fronce les sourcils et rougis. Il est vrai que Thomas est assez beau, plus je découvre ses expressions et ses mimiques, plus je m'en rends compte. Mais je n'aime pas son comportement. Le fait qu'il pense me connaître, et qu'il puisse me protéger ou qu'il pense que je vais lui parler de Lyvia comme si l'on se connaissait depuis des années.

« Non! »
« Mmm. Décidément Emma Watson tu es plus intéressante que je le pensais. »

Il prend appui sur son poing et m'observe un moment. Je baisse les yeux et rougis légèrement étant donné que nous sommes tous les deux assez proches.

« Il se fait tard, je devrai y aller... »
« D'accord. Tu veux que je te raccompagne? »

Je me tourne vers lui en sortant de sa chambre, lui sur mes talons.

« Non ne t'en fais pas. C'est gentil. »

Il opine puis m'ouvre la porte, j'enfile mon manteau, embrasse sa joue et descends les quelques escaliers pour ensuite me retrouver sur le trottoir.

« Salut! Merci beaucoup de m'avoir invitée. »
« C'est normal. J'espère refaire ça très prochainement. »

Je tourne la tête vers lui, il plonge son regard dans le miens alors qu'un sourire taqui s'étire sur ses lèvres. Je baisse encore une fois la tête, faisant mine de n'avoir rien entendu et rentre chez moi.

•••

« Vous n'avez pas entendu la nouvelle? Elena et Gladys ne se parlent plus, apparemment il y a eu un gros problème avec le mec d'Elena, Tom. »
« Ah oui? » demande Thomas.
« Oui, apparemment Gladys aurait fait des avances à Tom, il aurait refusé et aurait tout avoué à Elena. Je l'ai vue la fusiller du regard dans les couloirs. De toute façon, cette fille a toujours été louche, je savais bien que c'était une personne à qui on ne pouvait pas faire confiance. Une fille super timide et loyale à première vue mais après ça fricote avec ton copain dans ton dos. C'est normal qu'Elena lui en veuille. Si en plus on doit se méfier de ses amies... »

Un gros silence se fait, je fixe mon assiette. Le regard de Thomas se pose sur moi, Emy aussi.

« Que ça ne te donne pas des idées Em'. » dit-elle en ricanant.

Je lève la tête et fronce les sourcils, je bredouille alors que mes joues s'enflamment.

« Alors là... y'a aucun risques. »

Je me rends compte que j'ai parlé beaucoup trop sèchement, le blond me fixe, les sourcils froncés. Il n'a pas l'air vraiment blessé, mais je vois que mes mots l'ont tout de même atteint. Ema éclate de rire, un rire moqueur et fort. Je décide de me lever, et après avoir rangé mon plateau, de sortir du réfectoire.

Je marche d'un pas énervé à travers le couloir.

Depuis qu'elle sort avec Thomas, elle ne me parle presque plus, ses propos sont remplis de faux compliments, ou tout simplement de reproches à moitié camouflés. Je n'arrive pas à lui dire.

« Emma! »

Je me retourne, Thomas court vers moi. Je lui dis que ce n'est pas le bon moment, mais il s'avance vers moi.

« Je voulais te parler... »

Je m'apprête à lui répéter de ficher le camp mais le regard qu'il me lance me ferme le clapet.

« Je... j'ai l'impression que tu ne m'aimes pas. Enfin je veux dire, que tu ne m'apprécies pas. Alors qu'on ne se connaît pas vraiment. »
« Je sais exactement qui tu es, Thomas. »

Il me fixe, le regard calme. Cependant il y a quelque chose dans le brun profond de ses yeux qui me déstabilise, je ne sais quoi. Et surtout je ne préfère pas y faire attention.

« Non. Emma. On ne se parle jamais, ça a peut-être mal commencé entre nous, quand on parlait d'Ema, mais je te promet que ce n'est pas moi. »

Je soupire. Pourquoi m'embête-t-il à ce sujet?

« D'accord Thomas je te crois, et alors? Où est le problème? »
« J'aimerai qu'on se connaisse mieux. Toi et moi. »

Je ricane. J'ai cette facilité, avec certaines personnes d'être froide et méchante, alors qu'avec d'autres, je ne peux qu'être gentille et faire semblant.

« Pourquoi? En quoi est-ce si important? »
« Pour moi ça l'est. Tu es la meilleure amie de ma copine, tu as l'air très gentille, intelligente, cultivée et pleine de ressources. Tu es le genre de fille avec qui j'apprécie lier une amitié. »

Je fronce les sourcils. Il fait un pas vers moi, des élèves qui passent arrêtent leur conversations et nous fixent, curieux.

« Cela ne m'intéresse pas Thomas. Tu ne m'intéresse pas. »
« Laisse-moi te prouver que je peux être intéressant. Vendredi, après l'école, on va boire un verre ensemble. »

J'éclate de rire.

« Toi et moi? Boire un verre? Pourquoi pas un rendez-vous tant que tu y es. »
« Emma. Qu'est-ce que je t'ai fait au fond? Si je ne te convient toujours pas, tu peux continuer à m'ignorer comme tu le fais très bien depuis quelques jours, si tu veux. »

Je lève les yeux vers lui, son regard est suppliant, je me surprend à me perdre dans tout ce brun.

« Si tu veux, j'irai parler à Daniel, mais il faut alors que tu acceptes. »
« C'est du chantage. »
« Peut-être. Tu n'es pas obligée de dire oui, mais tu rates une opportunité. »
« Et de la corruption. »
« Une amitié vachement sympa peut-être être issue au départ de chantage et corruption. »

Je souris, amusée. Au fond, qu'ai-je à perdre. Et puis à la clef, il irait parler à Daniel de moi. Je me connais assez bien pour savoir que je n'arriverai jamais à faire le premier pas. Si quelqu'un me facilite la tâche, je suis preneuse.

« Marché conclu. »

Il sourit de plus belle et serre le poing.

« Yes! »
« Mais un seul rendez-v... je n'appellerai pas ça un rendez-vous quoi qu'il arrive. »
« Tu changera peut-être d'avis quand tu comprendra que je suis merveilleux et unique. »

La sonnerie retenti, il disparaît parmi les élèves qui grouillent comme des fourmilles. Je soupire, et décide d'aller chercher mes affaires au casier avant d'arriver en retard en cours.


•••


« Pourquoi tu t'es faite belle? » me demande Max.

Je lève les yeux au ciel.

« Je ne me suis pas faite belle. J'ai simplement fait attention à comment je m'habillais, ça change en effet. Je n'ai pas besoin de tes remarques. »
« Oui, d'accord. Tu sors maintenant? »
« Je vais voir Thomas dans un café je ne rentrerai pas tard. Je te ferai des crocs monsieurs, ça te va? »

Il écarquille les yeux.

« Attends, attends. Tu sors avec Thomas? Tu as un rendez-vous avec Thomas? »
« Non. On ne se connaît pas, nous avons décidé de se voir à l'extérieur de l'école pour mieux se connaître. »

Une partie de moi explose de rire, comme si j'étais d'accord au début.

« Mais... c'est un rendez-vous. » répète-t-il perdu.
« Non! Il sort avec Emy, je te rappelles. »

Il opine puis me lance un regard énervé, je lève les yeux au ciel. Je prends mon manteau et mon écharpe, les enfile rapidement, j'entends un klaxon à l'extérieur, je sors. Thomas m'attend dans une vieille Jeep. Je fronce les sourcils en voyant la peinture bleu outremer s'écailler à multiples endroits, elle semble en mauvais état.

J'ouvre cependant la portière sans difficulté, bien qu'elle émet un grincement étrange. Je monte à la place passagère.

« Salut! »
« Salut. » je réponds.
« Ceintures attachée? »

Je fais ce qu'il dit, il démarre, le moteur gronde un moment, mais décide finalement d'obéir, la voiture avance. Je reste perplexe un moment.

« Comment ça se fait que tu aies une voiture? »
« Je l'ai reçu comme cadeau il y a un an. »
« Mais, je veux dire, comment ça se fait que tu en aies une alors que tu prends le bus. Comme moi. »

Il sourit.

« Le fait que j'ai une voiture ne m'empêche pas de prendre le bus, c'est plus écologique, plus simple surtout. Je n'ai pas à me garer. »

Il n'a pas tort. Je regarde les petites maisons défiler à travers la vitre, enfin j'essaie de percevoir à travers car la poussière a erroné tout concept de netteté.

Une fois arrivés au café, il ouvre ma porte, je lève les yeux au ciel.

« Ne fais pas non plus semblant, Thomas. »
« Je ne fais pas semblant. » rétorque-t-il.

Nous entrons dans le café, et nous asseyons à une table. Il fait chaud à l'intérieur, j'enlève mon manteau en soupirant, il regarde mon vieux t-shirt de My Chemical Romance et sourit en secouant la tête.

« Quoi? »
« Rien rien. » dit-il sans arrêter de sourire.

Je commande un milkshake à la banane. Ça a toujours été mon fruit préféré, et surtout en milkshake. Une fois mixée, son goût est encore plus doux et feutré. Comme un petit nuage qui se répand dans ma bouche, il glisse sur ma langue, la frôle presque. J'aime cette sensation quand je bois un milkshake.

« Soyons sincères. »

J'arrête d'aspirer ma boisson et lève la tête vers lui.

« As-tu accepté d'aller à un rendez-vous avec moi simplement parce qu'en échange j'allais parler à Daniel de toi? Où alors aussi parce que malgré tes propos, au fond tu meurs d'envie de me connaître d'avantage car je suis super intriguant? »
« Ce n'est pas un rendez-vous! »
« Oh Emma, tu m'as bien compris tu veux que j'appelle ça comment? »

Je hausse les épaules en détournant le regard.

« Je n'en sais rien Thomas, peut-être que j'avais aussi envie que tu arrêtes de m'embêter. »
« Mais si finalement on se plaît bien, en amis, peut-être que ça peut évoluer entre nous non? »

Je hausse les épaules, encore. Il pince les lèvres, puis décide d'assassiner la déco de son milkshake choco-menthe avec sa paille.

« Tu écoutes vraiment MCR? »
« Oui. Sinon je ne porterai pas le t-shirt. »

Je me suis fixée comme règle de ne jamais acheter de t-shirt ayant l'effigie d'un groupe que je ne connais pas. Beaucoup trop de gens font ça, c'est ridicule et c'est une honte pour les groupes. Beaucoup trop de t-shirt Nirvana et Guns N' Roses portés par des gens qui ne connaissent que la chanson qui a fait un taba et se proclament fans.

« Je ne te voyais pas comme ça. »
« Comment ça? »
« Entre nous, t'as pas trop la tête d'une fille qui écoute du emo. »
« J'écoute de tout c'est peut-être pour ça. »
« Alors le côté emo c'est ta "dark side". »

Je ris doucement, il me sourit et boit une gorgée de sa boisson, victorieux.

« Tu veux faire quoi plus tard? » je lui demande, pour changer de sujet.
« Dans mes rêves, guitariste. Dans la réalité, je créerai peut-être une restauration, j'aime beaucoup cuisiner et je me débrouilles pas trop mal. »
« J'ai hâte de goûter ça. »

Il lève les yeux vers moi, soudainement fou de joie.

« Tu pourrais venir chez moi un de ces quatre! Je te cuisinerai un truc! »
« Je ne pense pas non. » je m'écris en riant.
« Pourquoi? Tu es bien allé chez Charlie, pour science. »
« Oui mais c'était différent. Charlie n'est pas le petit copain de ma meilleure amie. »

Il lève les yeux au ciel.

« Pourquoi tu es meilleure amie avec Ema? »
« C'est quoi cette question? »
« Je veux dire, vous ne vous ressemblez tellement pas. Elle est tellement voyante, et tu es tellement... discrète. »

Je fronce les sourcils. Comme si je ne savais pas que j'étais discrète.

« Peut-être qu'elle est la seule à m'avoir vue. »
« Non je t'ai vue aussi. »
« C'est normal, c'est parce que je suis amie avec Ema. Si nous n'étions pas amies je serais restée dans mon coin, sans elle, tu ne m'aurais jamais repérée. »

Et, bon dieu, que j'aurais été tranquille.

« Non. »

Je mords l'intérieur de ma joue devant sa réponse nette.

« Je t'aurais repérée crois-moi. »

Je baisse la tête gênée, sentant le rouge monter à mes joues.

« Emma. Tu pourrais croire que je suis le type de garçon à sortir avec les filles canons comme Emy ou à être super populaire parce que je fais du football américain mais, voyons les choses de plus près. Je sors avec Ema parce qu'elle me plaît, et que je me sens bien avec elle. Je ne joue pas au foot pour être populaire et attirer les filles, j'aime juste ce sport, je me sens dans mon élément quand j'y joue. »

Je fronce les sourcils, ne comprenant pas où il veux en venir.

« Ce que je veux dire c'est que, certes je suis moins discret que toi, mais je ne suis pas vraiment celui que tu penses. J'aime beaucoup lire, passer du temps avec mes sœurs, j'aime aussi dessiner, écouter des musiques déprimantes. J'aime même étrangement les comédies romantiques clichées. »

J'éclate de rire.

« Ne te moques pas, je fais un très bon meilleur ami pour une fille. »
« Ça se peut. »

Nous montons dans la voiture. Elle grince sous mon poids, dois-je le prendre mal? Mais elle fait pareil avec Thomas, qui est fin comme un cure-dent.

Le route se passe en silence, je ne vois toujours rien dehors à cause de cette couche de poussière.

« Ta vitre est très sale. » je laisse entendre.
« Je sais. »
« Et tu ne la nettoies pas? »

Il sourit, tourne la tête vers moi et me regarde, attendri. Je fronce les sourcils.

« Tu vois la voiture sale dans laquelle tu te trouves? Elle appartenait à mon grand père, Joseph. Il travaillait dans le nord, dans la nature. Il lavait rarement sa caisse, il n'avait pas trop le temps. Puis il a eu un fils, Mark. Et ce fils a eu un fils, Thomas Brodie-Sangster. Bien que papi Jo' soit quelqu'un de très renfermé il s'est tout de suite entendu avec son petit fils, d'une certaine façon, ils se ressemblaient. Puis, quand Thomas a eu 15 ans, Jo' développa un cancer du poumon, assez grave et incurable à son âge. Il mouru un an après, laissant seul son petit fils, ou plutôt ne lui laissant que sa bagnole. »

Je tourne la tête vers le blond, il regarde la route, avec un sourire nostalgique.

« Je sais qu'elle paye pas de mine cette bagnole, qu'elle est sale, en mauvais état, pas spécialement jolie, et surtout que l'odeur qui s'en échappe n'est pas digne du dernier Chanel. Mais c'est la voiture de mon grand père. Et j'ai passé tellement de temps avec lui dans cette voiture, aller au Drive-in à regarder des vieux films muets en mangeant des saloperies, ou simplement les escapades d'une demi-journée dans la ville. Quand je suis dedans, j'ai l'impression qu'il est toujours là, avec moi. »

Je reste bouche bée devant ses propos. Je baisse la tête honteuse et balbutie:

« Excuse-moi... je ne voulais pas te rappeler de souvenirs douloureux. »
« Ne t'excuses pas. Tu n'as pas fait exprès. »

Si, c'était de la méchanceté gratuite. Il n'a rien fait de mal, tout ce qu'il voulait c'était mieux me connaître et que je le connaisse mieux afin que l'on puisse éventuellement devenir amis. Ce qui est tout simplement adorable et très gentil. Et moi je lui fais de réflexions déplacées, je le rejette et prétends que je sais exactement qui il est.

Une fois arrivés chez moi, il m'ouvre la porte et m'accompagne devant ma maison.

« Bon. À plus Emma. »
« Salut, Thomas. »
« Je... je parlerai à Daniel. Je lui dirai à quel point t'es une fille cool. Je le pense vraiment. »

Il plonge son regard dans le mien. J'y décèle de la tristesse, ce qui ne fait qu'accentuer ma culpabilité. Alors qu'il tourne les talons et s'apprête à entrer dans sa voiture, je crie son nom.

« Thomas! »

Il lève la tête.

« Tu veux peut-être rester dîner à la maison? »

Un immense sourire s'étire sur ses lèvres, puis il fronce les sourcils.

« Oh... je ne suis pas là ce soir. Mais Lundi! Ce serait super! »
« Parfait! Ma mère travaille ce jour là. Il n'y aura que nous deux et mon frère. Tu pourras me montrer tes talents de cuisine! »
« Super! »

Je sourit à pleines dents, il rentre dans sa voiture et démarre. Je ferme la porte, et entre dans la maison le coeur léger, bien plus léger que quand j'en était sortie.

•••


Je ne voulais pas en parler avec Ema. Je n'avais pas à le faire de toute façon, elle allait jalouser pour une chose si insignifiante. Il était préférable qu'elle ne soit pas au courant de cette histoire. J'invitais juste Thomas pour mieux le connaître.

De plus, je ne parle plus beaucoup avec elle en ce moment. Depuis que je suis partie en trombe de la cafétéria, elle ne m'adresse plus la parole. Elle ne m'ignore pas, nous nous disons bonjour, mais elle reste principalement avec Thomas et ne parle qu'à lui. Je pense que je n'ai rien à me reprocher. Elle avait été désagréable.

Nous sommes dimanche, je suis affalée sur le canapé à regarder mon feed Facebook sur mon ordinateur quand je reçois une invitation d'amis, Catharina. Je l'accepte, et passe faire un tour sur son profil, elle sourie à pleines dents sur toutes ses photos. J'aperçois aussi l'équipe de foot de l'école au complet, ou je la vois jouer. Elle a trié les photos par album en fonction des dates importantes, les tournois, les victoires.

Je me surprend à sourire devant son profil, et à avoir envie de ressentir ce qu'elle ressent quand elle joue. Elle a l'air dans son élément, dans son monde.

J'aimerai trouver le miens.

Car même si je suis la meilleure amie de la fille le plus populaire de l'école, je sais bien que, malgré cela, je n'ai toujours pas encore trouvé de place dans ce monde. Je sais que cette vie n'est pas faite pour moi.

Devoir aller travailler presque tout les jours après les cours pour arrondir les mois, car ma mère travaille de nuit, et que ça ne suffit pas pour nous nourrir nous trois. Et être invisible à l'école, influençable, sans avis. J'aimerai que cela change, mais je ne sais pas comme faire.





Les lecteurs fantômes, je vous vois! N'hésitez pas à voter et à commenter ça fait toujours plaisir!

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