9
Je me réveillai à nouveau. C'était ma troisième nuit que je passais ici. Je commençais à m'habituer aux aller-retour de mes « sauveurs ». Yamen, un des dix gardiens du monde entier, venait chaque soir pour vérifier mon état. Il n'arrêtait pas de me dire que j'étais le seul rescapé des "chémifs". Il en était étonné et prenait soin de moi comme si j'étais son trophée. Il y avait aussi Grant, évidemment, le médecin, qui s'occupait de moi. Je le voyais bien plus souvent car il venait une dizaine de fois dans la journée me donnait des substances dont je ne connais pas la provenance mais qui m'aidaient indéniablement. Je ne savais pas comment il faisait, mais l'énorme blessure que j'avais sur le ventre était presque cicatrisée à 100%. Pour finir, il y avait Eloïse. Cette fille qui était avec Yamen lorsqu'ils sont apparus à la ferme et qu'ils m'ont fait traverser ce mur. D'ailleurs, je lui avais rappelé ce détail, et elle m'avait dit que j'étais un humain, que je ne pouvais pas comprendre. C'était frustrant de ne rien savoir alors que tout le monde autour de moi paraissait connaître ces secrets.
La Famille. Voici comment on appelait l'ensemble des membres de cette « secte ». J'utilisais ce terme car c'était un cercle fermé, rempli de secrets et ne voulant pas attiser les regards des autres, comme pour dissimuler leur existence, la cacher du reste du monde.
J'avais demandé plusieurs fois à Yamen en quoi consistait la "Famille", et il se contentait de me répondre que je le saurais plus tard. Que des mystères ! Je n'en pouvais plus, j'avais besoin de réponse. Fort heureusement, ils ne me séquestraient, je pouvais sortir quand bon me semblait, bien que mes blessures ne m'en permissent tout le temps.
Je me trouvais toujours sous cette tente, allongé dans mon brancard. J'y restais tellement longtemps que j'y avais creusé ma silhouette. S'il y avait bien une chose étrange que j'avais pu voir hors de cette tente était bien évidemment l'absence de nuit. Il n'y avait pas de matin, pas de midi, pas de soir. Il faisait jour toute la journée. Lorsque je m'endormais, le soleil était là. Lorsque je me réveillais aussi. J'avais essayé de tenir longtemps sans dormir également pour ne serait-ce qu'observer une baisse de luminosité, mais le ciel nous éclairait toujours autant. Je n'en avais pas parlé à Eloïse ni aux autres, je ne voulais pas qu'ils me répondissent à nouveau « tu sauras plus tard ».
Alors que j'étais dans mes rêveries, les yeux rivés sur le plafond, Grant entra sous la tente et vint jusqu'à moi, me souriant comme toutes les autres fois, puis me posa toujours la même question :
« Ça va ?
- Oui, ça va mieux qu'hier, souris-je.
- C'est bien, tu vas bientôt pouvoir visiter le Refuge. Tu verras, c'est magnifique !
- J'ai déjà vu la forêt, celle à côté de l'église, affirmai-je.
- Tu sais, le Refuge ne se limite pas à une église et une forêt. Loin de là ! »
Il regarda sa montre puis me dit qu'il était 21 heures. Le soleil brillait toujours aussi haut dans le ciel. J'en profitais alors pour lui poser la question qui trottait dans ma tête depuis des heures.
« Il ne fait jamais nuit ici ? »
Grant rit à haute voix, comme amusé par ma question. Personnellement, je trouvais qu'il n'y avait rien de drôle. A moins qu'il fût en train de se moquer de moi ?
« Le sol sur lequel nous marchons est mobile. Il tourne autour de la terre et est toujours tourné vers le soleil, de telle sorte à ne jamais connaître l'obscurité. L'obscurité est notre plus grande faiblesse. Nous avons besoin de lumière pour voir, la vue est un facteur primordial à notre survie.
- Comment ça ?
- Les chémifs, par exemple, cette bête qui t'a attaqué. Tu ne l'as jamais vu, n'est-ce pas ?
- Oui... murmurai-je, ne voyant pas où il voulait en venir.
- Pourtant, il a toujours été là, près de toi. La seule raison qui t'a poussé à le voir, c'est celle de croire en son existence. A partir de là, tu l'as vu, et c'est donc pour cela qu'il t'a attaqué. Et bah sache que les chémifs ne sont pas les seules créatures à vivre dans la nature, près des humains. Il y a aussi une espèce que l'on appelle les noctus, qui ont besoin d'obscurité pour se déplacer. Ils meurent dès qu'on les regarde. Ils ne vivent que lorsque nous ne les regardons pas. Ce sont nos plus grands rivaux, nos ennemis les plus dangereux. Ils ont trouvé comme nous neutraliser : ils s'attaquent à notre vue. Ils rendent aveugles nos alliés, nous ne savons toujours pas comment, et cela leur permet de les tuer sans craindre la mort. Les noctus sont les seuls qui peuvent capter la position géographique du Refuge, et donc la lumière nous est importante.
- Mais... Pourquoi vous dites tous "les humains", vous n'en êtes pas ? demandai-je, perdu.
- Si. Enfin... Plus maintenant. J'en étais un, avant de devenir médecin chez les Mythons. Moi, je ne possède aucune magie, mais ils m'ont baptisé néanmoins Mython, donc je fais partie des leurs. Je me contente de soigner les blessés alliés. J'ai du apprendre toutes les compositions des élixirs, les bienfaits de toutes les plantes, ainsi que toutes les caractéristiques des Mythons pour apprendre à les soigner. Au début, ce n'était pas facile, car ce sont des êtres très étranges. Ils ont beau avoir apparence humaine, ils sont très différents de toi, par exemple. Ils... »
Nous fûmes coupé par Eloïse qui vint entrer dans la tente et appeler Grant. Apparemment, un blessé venait d'arriver au refuge, un blessé d'extrême urgence. J'entendais les cris d'un homme qui semblait souffrir énormément. Heureusement qu'une tente me séparait de ce dernier, car le spectacle ne devait pas être très beau.
Grant sortit donc de la tente, me laissant seul avec Eloïse qui regarda Grant partir puis qui s'approcha de moi, avant de murmurer d'une manière qui ne me plaisait pas du tout :
« Toi, je dois te parler, tout de suite. »
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top