4


Six semaines plus tard, j'étais toujours chez John, et je ne comptais pas en repartir de si tôt. Il me considérait comme son fils, bien qu'il n'avait que le double de mon âge. J'avais 15 ans. Lui 30. J'étais allé avec lui à plusieurs reprises dans cette commune, et j'avais aperçu deux fois (et ce fut les deux fois où j'eus un léger vertige du au stress d'être retrouvé par les policiers) une affiche avec une photo de moi, où était inscrit « Thomas, 15 ans, disparu depuis le 17/03 » puis une succession de caractéristiques telles que la couleur de mes cheveux, ma taille, et même mon poids. Fort heureusement, entre temps, des poils étaient apparus sur mon visage. La barbe me poussait doucement, la moustache surtout. John m'avait conseillé de me la laisser pousser afin de paraître plus vieux et ne pas être retrouvé par mes parents. Je lui avais tout raconté sur mes parents, et il avait accepté de me garder chez lui, à la seule condition qu'un jour, je retournerai voir mes parents. J'avais accepté, je n'avais pas le choix, mais je ne savais pas si j'allais tenir cette promesse. 

Nous étions en mai, et les journées commençaient à se faire chaudes. Je pouvais vous assurer que moissonner, nourrir les cochons, sous un soleil luisant sur notre peau et nous brûlant les tempes, ce n'était pas fameux. John me disait que j'allais m'habituer, que c'était simplement dans la tête.

Dans la tête, comme ces monstres ?

J'avais reparlé à John de ma thèse, et il m'avait avoué que lui aussi s'était posé la question une fois. Cependant, jamais il n'avait été cherché plus loin, car pour lui, c'était juste l'inconscient qui nous jouait des tours. Tout le monde le pensait. Mes parents, Margaux, tout le monde. J'avais donc exposé tous mes arguments, mais il avait l'air pas très ouvert d'esprit. Notre discussion s'était arrêté par le bruit d'une vache qui hurlait la mort. Deux minutes plus tard, elle décéda. 

Je ne lui en avais pas reparlé depuis, et je n'avais plus trop de raison de le faire, puisque aucun événement « bizarre » m'était arrivé depuis. C'était étrange. C'était la première fois que je ne m'étais pas senti suivi, que les objets ne s'étaient pas déplacé, n'avaient pas disparu. A croire que ces monstres existaient pas... Ou bien qu'ils n'aimaient pas les fermes. Quoi qu'il en fût, j'étais serein.

Je devais avouer, cependant, que mon ancienne vie me manquait légèrement. J'en voulais extrêmement à mes parents, mais je les aimais. Il m'avait permis de grandir, même si je me sentais trahi, incompris. 

Et Margaux ? Elle devait être seule en cours. J'étais assis à côté d'elle en mathématiques, en français, et même en SVT. Elle devait s'ennuyer énormément. A moins qu'elle eut trouvé d'autres amis. J'espérais pour elle.

Ne plus aller en cours, c'était magique. Je me levais à l'heure que je voulais (mais pas trop tard non plus, sinon John me réveillait avec un gros seau d'eau dans la visage), je n'avais pas le stress des contrôles que je révisais la veille au soir, ni ceux des réunions parents-professeurs qui me mettaient fortement dans l'embarras.

Tout allait pour le mieux. Jusqu'à... ce samedi.

C'était un samedi comme les précédents, à la seule différence que je devais aller à la commune, chercher des boites de conserves et des œufs, sans John. Il était trop occupé à soigner les vaches. Il y avait une épidémie de je ne savais quoi, et par conséquent, il ne pouvait pas m'accompagner. 

J'allai donc seul en direction du petit village peu fréquenté, lorsque, pour la première fois depuis plusieurs semaines, ces pas se firent entendre à nouveau. 

Un pas. Deux pas. Trois pas. Quelqu'un me suivait. Je me retournais, personne. J'arrêtais de marcher. Un silence complet m'entourait. Je recommençais à marcher. Le bruit de mes pas résonnaient autour de moi, mais très vite, ce n'étaient plus deux pieds qui marchaient sur ce chemin, mais quatre. J'entendais quelqu'un marcher, quelques mètres derrière moi, à une vitesse légèrement différente. Ses pas étaient plus lents que les miens, moins réguliers. J'avais l'impression qu'il ralentissait, puis accélérait pour me rattraper car je prenais trop d'avance. J'avais peur. Un frisson me parcourut. Je ne devais pas paniquer...

Dans ma tête, dans ma tête...

Je marchais de plus en plus vite, espérant que cette chose ne me suivît pas. D'un seul coup, je m'arrêtais afin de le surprendre, cet être derrière moi, et je pus entendre exactement trois pas avant qu'il ne s'arrête complètement. Je me retournais d'un seul coup, mais rien. Rien, à part ces fameuses traces de pas derrière moi. On pouvait bien distinguer celles de mes chaussures, mais à côté de celles-ci se trouvaient des traces de pattes. Oui, des pattes ! Comme celle d'un chien, mais en un peu plus gros. Ces pas s'étaient arrêtés à seulement trois mètres de moi. 

Pourquoi me suivait-il ? Que me voulait-il ? 

Apeuré, je me mis à courir en direction du supermarché, espérant ne plus être suivi. Je ne me concentrais que sur mes pas, et non sur ceux qui étaient derrière moi. Je ne voulais pas l'entendre. Je ne voulais plus l'entendre. Je voulais vivre comme tous les autres, je voulais croire que tout cela était mon imagination, que c'était mon inconscient. Avant même d'entrer dans la commune, je sentis une forte pression dans mon dos. Cette bête venait de me sauter dessus et je tombais plat ventre sur le sol. Lorsque je rouvris les yeux et me relevai, il n'y avait plus rien, à part quelques gouttes de sang sur le sol, dues aux huit longues griffes qui parcouraient désormais mon dos.



Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top