Nuit de...
Il faisait complètement noir. Je flottais dans le néant, je n'avais plus de corps, plus rien.
Soudain, je me sentis tomber. Sans fin. C'était presque comme si la chute était mon état naturel. Comme si la chute me définissait. J'étais une entité qui tombait.
Et soudain, le sol. Soudain, toutes les contraintes physiques me tombaient dessus. J'avais conscience du sol rugueux, en bois peut-être. J'avais conscience de mon... corps. J'essayai de bouger, dans tous les sens. J'avais de vagues souvenirs d'une autre forme, pleine de contraintes. Je ne pouvais pas la plier comme je le voulais.
Maintenant, j'étais libre, complètement. Je pouvais bouger partout, me rouler, me tendre, je pouvais même nouer mes... Tentacules, c'était le mot. Je frissonnai. Ce mot me rappelait une peur, une vieille peur, instinctive. Je me rétractai. Puis me tendit à nouveau. Devant et derrière moi, j'effleurai une paroi en bois elle aussi. Celle de devant bougea légèrement.
Un instinct me prit aux tripes. Là-bas, au-delà de cette porte, se trouvait quelque chose que je devais absolument récupérer.
J'entrouvris le battant et me glissai au-dehors. Il faisait toujours noir mais pour la première fois, je réalisais que ce n'était pas mon environnement qui était obscure, mais moi qui étais aveugle.
Sous le choc, je m'arrêtai. Des souvenirs de couleurs, de paysages affluèrent. C'était ceux de mon ancien corps, sûrement. Je les rejetai. C'était ceux d'un étranger.
Devant moi, légèrement surélevé, je repérais une source de chaleur. Ma cible.
J'avançai mes tentacules, les uns après les autres, lentement, pour ne pas alarmer ma proie. J'entendais sa respiration lente, régulière. La mienne se calqua dessus. Je m'enroulai autour d'un plot en bois, effleurai du tissu. Mon but, ma... nourriture, était blottie dans ce cocon de drap, j'allais délicatement la déballer...
J'effleurai son pied, doucement. M'enroulai autour de sa cheville, caressant la douce peau.
Je me rétractai violemment, sonné. Ma proie m'avait frappé! Le rustre, il allait voir. Il était sûrement soulagé, persuadé de m'avoir fait fuir, mais il allait voir. Finie la subtilité.
Je me ramassai sur moi-même et poussait un cri de rage. C'était l'heure de la fin, l'heure du dénouement, il était à moi. Je sautai sur le lit, m'abattit sur ce bout de chair, enroulai mes tentacules tout autour. Il était devenu tout raide, le bout de chou, paralysé par la peur sans doute. Il avait raison.
Je me penchai sur son visage, plaqua ma bouche contre la sienne. Je sentais son souffle précipité, sa panique. Petite chose.
Je commençai à aspirer, l'air tout d'abord. Lorsqu'il n'y en eut plus, enfin, je commençai à aspirer son essence. Je savais que ça allait être délicieux. C'était mon but absolu, aspirer l'essence de cet être, de ce garçon, j'allais enfin goûter cette merveille.
Choc. Des voix, des couleurs, des sensations. Toute une vie défilait devant moi. Je me régalai.
Mais, insidieusement, un sentiment de malaise se mêlait à mon extase. J'aspirais l'âme d'un autre, mais qu'y avait-il de mal à cela? L'âme d'un autre, qui me semblait étrangement familière...
Repu, je m'allongeai sur le cadavre encore tiède. Au fond de moi, je sentais la petite âme s'agiter. Mon malaise disparaissait. J'avais sommeil.
Je me réveillai en sursaut, au fond de moi ça bougeait, au fond de moi on m'étouffait!
Quelque chose grossissait, me rongeait de l'intérieur, quelque chose annihilait mon esprit. Je sombrais.
Dans un dernier éclair de conscience, je reconnus mon assassin. C'était l'âme du garçon. Mon âme.
Nuit
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top