35. Éteinte
Victoria Olsson
Cette sale peur qui me tordait les entrailles avait persisté. Elle ne m'avait pas quitté une seconde. J'avais eu beau y passer des nuits blanches, à énumérer les personnes que j'avais pu blesser ou offenser, rien ne méritait une telle haine.
J'avais jamais été une personne subtile, et des embrouilles et des histoires j'en avais eu des tas au lycée. Mais c'était des histoires de gamins qui s'étaient tassés sur le tas. Rien qui ne méritait cette intimidation. Rien qui ne méritait cette haine.
Louna aussi avait peur. Elle était terrifiée. Elle disait à Ken que tout allait bien ici, mais tous les soirs elle fondait en larme. Alors je me retenais. Fallait bien que l'une de nous deux garde le cap.
Ou du moins en donne l'impression.
J'avais aussi cette sale impression d'être toujours observée et j'en devenais complètement parano. Je pouvais même pas compter le nombre de fois où je me retournais en rentrant le soir. Cette histoire me bouffait littéralement le cerveau.
- Vichy tu prends quoi? Vichy?
Doums se tenait devant moi et agitait ses grandes mains pour me faire réagir.
- Euh ouais une quatre fromage s'il vous plaît, demandais-je au serveur.
- Ma parole qu'tu fatigues ma petite, tu deviens longue à la détente, râla le rappeur.
Je grogna en jetant un regard autour de moi. Il était déjà assez tard, alors là pizzeria en bas de chez Moh s'était bien vidée. Juste deux ados dans un coin, et un vieux avec son journal.
- J'étais dans mes pensées.
- Tu devrais sourire un peu plus souvent, on dirait un soleil éteint, remarqua t-il.
Je força un sourire auquel Doums me répondit par un énorme sourire et une tape sur ma tête.
Ce soir là, c'était soirée chez Moh. Les gars du S était officiellement parti depuis plus d'un mois, et même si ils mettaient les bouchés double pour rentrer rapidement, ils avaient encore un peu de travail sur le nouvel album. Les deux amoureuses transies commençaient à littéralement déprimés, et Jasmine encore plus sachant qu'elle crapahutait dans tous les sens pour organiser les derniers préparatifs du mariage.
Deen et Moh étaient tout les jours derrière moi, il ne devait pas se passer une heure sans que je reçoive un message de l'un des deux me demandant où j'étais et si tout allait bien.
Cette histoire rendait tout le monde chèvre.
- Mais du coup, je sais pas si je dois mettre ma cousine à côté du cousin de Théo. Parce que le problème c'est qu'elle est sortie avec le meilleur pote de son cousin, mais askip y a eu des bails chelou entre eux deux. Alors je sais pas si ils seraient content ou si je vais perdre ma tête le jour de mon mariage, souffla Jasmine en gribouillant sur le plan de table.
- Tu devrais pas les mettre à côté, répondit Louna, mets là à côté de lui plutôt.
- Ouais mais lui il vient juste de rompre avec sa copine. Et elle connaît toute la famille, la galère si elle voit des snaps, elle va me tomber dessus en me disant que j'essaie de caser son mec. On sait très bien comment ça fini les mariages.
- Et moi tu me mets où? demanda Moh en s'installant à côté de moi.
- Dans les cuisines tu fais le service, pouffa Louna.
Il mima une claque et la blonde fit semblant de tomber à la renverse avant d'éclater de rire.
- Moh, chercha la métisse, t'es à côté de Chloé. C'est une amie d'enfance.
Il commença à faire bouger ses sourcils d'une manière assez équivoque.
- N'y pense même pas Mohamed!
- Putain ça sert à quoi d'aller à un mariage si j'peux pas choper? pesta t-il.
- Je t'ai proposé de ramener quelqu'un t'as pas voulu, répondit Jasmine. T'as qu'à te trouver un +1 et là tu pourras en faire ce que tu veux. Mais pas touche aux invitées, tu vas les faire flipper.
Doums cria qu'il ne se faisait pas respecter alors que Deen lui cherchait à voir le plan de table.
La question de mon +1 s'était posée, et je n'avais pas vraiment su quoi répondre. J'avais eu envie de dire que je viendrai avec Idriss, mais aller à un mariage c'était une sacrée officialisation, et au final on ne savait pas où on allait ou encore ce qu'on espérait l'un de l'autre. Puis le kabyle ne m'avait rien dit sur ça. On s'était envoyé quelques messages, très peu. Trop peu.
Alors j'avais dit à la métisse que je serai seule, et elle avait roulé des yeux avant de pester et de dire que de toute façon, on savait très bien que ce n'était pas vrai. Puis elle avait bien pris le soin d'écrire mon nom à côté du sien.
Deen et moi étions rentré sur les coups des deux heures du matin. Je tombais un peu de fatigue à cause des cours, de mon job et de mes nuits blanches, si bien que pour une fois depuis plus de deux semaines je m'étais endormie à peine la tête posée sur l'oreiller.
Le lendemain avait été une longue, très longue journée. Après ma journée de cours, j'avais enchainé sur quelques heures au restaurant. Le patron avait étonnamment accepté d'aménager mes heures en fonction de mes cours, je passais donc pas mal de soirée au travail.
Elliott, mon fidèle collègue, et seul être humain supportable de cet endroit n'était pas là ce soir, et je sentais déjà que mes nerfs mis à rudes épreuves allaient très rapidement craqué face à une Stacy qui scrutait le moindre de mes gestes. A croire qu'elle attendait que je fasse tomber un truc.
J'apporta les plats d'un couple avant de prendre la commande d'une famille. En retournant au cuisine, je percuta la blonde peroxydée qui traînait dans le couloir. Celle-ci laissa tomber les assiettes pleine qu'elle tenait dans ses mains. Elles explosèrent bien entendu, et la blonde se mit à crier et à faire de grands gestes histoire de bien attirer l'attention.
Mais quelle autruche.
- Non mais tu peux pas faire attention un peu?! Ça va pas de me foncer dedans comme ça? Il va vraiment falloir que tu te concentres Victoria.
- C'est quoi ton problème avec moi? grognais-je entre mes dents.
- Mon problème? s'exclama t-elle beaucoup trop fort. Mais c'est toi qui a un problème avec moi! T'arrêtes pas de me rentrer dedans, de mal me regarder. Tu crois que je vous vois pas avec Elliott!
- T'as un sacré problème ma grande, dis-je en me baissant pour ramasser.
Je comptais pas faire une scène, pas ici, pas à mon travail. Mais la blonde attrapa mon poignet en tirant.
- Lâche moi de suite.
- Où quoi? demanda t-elle. J'aimerai bien voir ce que tu vas faire Olsson.
- Où ça va pas le faire. Lâche mon poignet avant que je t'en colles une Stacy.
Elle resserra sa prise et ses faux ongles s'enfoncèrent dans ma peau.
Retenez moi de lui arracher les dents.
Je me releva, laissant les vestiges de plat au sol. J'attrapa son poignet avant de le serrer comme elle le faisait avec le mien. Elle me fixa plusieurs secondes et là un sale sourire étira ses lèvres.
- OH MON DIEU MAIS T'ES MALADE! LACHE MOI IMMÉDIATEMENT TU ME FAIS MAL VICTORIA! T'ES COMPLÈTEMENT FOLLE!
Et là un silence de mort pris place dans la salle. Tous les clients s'étaient arrêtés de manger et le brouhaha constant avait cessé pour laisser place à une Stacy triomphante, et au patron rouge de colère qui me lançait des éclaires avec ses yeux.
Quelle connasse.
Je lâcha son poignet en la mitraillant du regard. Et elle, elle affichait son regard victorieux et son air supérieur.
Retenez moi de ne pas lui refaire le portrait. Mes poings me démangeaient atrocement, mais je fus tirer par le patron dans les cuisines avant que je ne puisse coller mon poing dans la gueule refaite de la blonde.
- C'est fini. Rends moi ton tablier, je te veux plus ici.
Je le regarda en écarquillant les yeux.
- Mais j'ai rien fait, Stacy en fait des tonnes, c'était même pas fait exprès!
- Je m'en fous. Elle avait raison, t'es ingérable. Je ne veux pas de personne comme toi dans mon équipe!
- De personne comme moi? demandais-je incrédule.
- Exactement. Je ne veux pas de personne qui agresse ses collègues. Rends moi tes affaires, rends moi les clés. Je ne veux plus te voir. Stacy m'avait prévenu il y a un bon moment mais j'ai préféré de donner le bénéfice du doute. Visiblement je n'aurai pas du.
Je le regarda totalement incrédule. J'étais entrain de me faire virer comme une malpropre, et tout ça, c'était l'œuvre de Stacy. Elle avait tout fait pour me pousser à commettre une faute, et une fois que j'avais eu l'idiotie de marcher dans son jeu, elle s'en était servie contre moi.
Je laissa échapper un soupir avant de défaire le tablier autour de ma tailler et le laisser tomber au sol. Qu'il aille se faire foutre, je ne le ramasserai pas.
J'attrapa mon sac au vestiaire avant de traverser la grande salle, toujours sous le regard à moitié médusée des clients et celui fière de Stacy.
Putain j'allais la démonter si elle n'arrêtait pas rapidement de sourire.
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