Une monstrueuse plaisanterie (1er Avril 2018)
Eh, en vrai c'est cool les soirées d'intégration.
Booooon. J'ai dû forcer un peu la main du BDE pour qu'on ait de l'alcool et surtout qu'il soit surveillé, parce que les petits de quatorze ans, il paraît que ça court les rues chez les Ultimes. Aussi, j'ai dû payer de ma poche une bonne partie des lumières et l'aménagement de la salle parce que bordel, personne ne voulait oublier le temps d'une soirée qu'on est en danger de mort ?
Mais après c'est pas ma faute. Les soirées d'intégration, ce n'est pas mon idée, elles existent depuis au moins 2017. Faudrait que je demande à Akihito ou Shanleigh si y'en avait aussi une en 2016. Tu me diras, sûrement une forme ou une autre, vu qu'en 2016 on savait pas encore le bordel que ça allait devenir, cette école. Et je dis ça poliment. Même si moi, je suis arrivé en toute connaissance de cause.
Par contre, c'est ma faute pour y avoir mis autant de peps. Eh oui, fallait pas me prendre au BDE. Et même si je n'ai pour le coup pas sorti ma guitare, sans doute au grand déplaisir des fans, disons que je suis responsable d'au moins les deux tiers de l'ambiance et probablement de beaucoup de bordel, aussi. Me blâmez pas, blâmez l'alcool.
Ce même alcool qui a incité Sharon à partir très tôt de la fête, et Reina, adorable coincée, tire la tronche depuis le début de cette soirée. J'irais bien la pécho un peu pour la calmer mais flemme, et puis c'est l'alcool qui parle et qui me fait oublier qu'elle me mettrait sûrement la tarte de ma vie et que je l'aurais méritée.
De toute façon on va dire que la soirée grouille de beaux gens. Eeeeet que je me suis à peu près autant fait mettre de stops que j'ai eu de personnes qui ont répondu positivement. Tiens, par exemple, le nouvel Écrivain Fantasy, adorable avec ses cheveux turquoise bouclés. Les plus grosses vibes de polyamoureux que j'ai jamais vu, aussi. J'ai tenté ma chance, parce que bon entre écrivains on devrait se comprendre...
QUELLE ERREUR ! J'avais pas fait gaffe à sa jalousie. Bon, je sais, je suis une personne incroyable et mon titre l'est d'autant plus, mais quand même, quand même, Yamasaki, je suis un peu vexé, là.
D'autant plus qu'il est en train de vivre sa meilleure vie dans les bras de nulle autre qu'Haruko Kita. Ça, va, bien à séduire les gens inaccessibles ? J'vous jure, y'en a qui ont de la chance.
Enfin bon, je remâcherai mon seum plus tard, j'ai toute l'année scolaire pour retenter une approche dans une optique un peu moins forceuse. Surtout qu'on aura les mêmes classes, donc je pourrai peut-être un peu mieux comprendre sa jalousie.
Al-Hadin est toujours dans son coin, en train de regarder son téléphone d'un air un peu absent. Il me paraît encore plus triste qu'en début d'année dernière, et quelque chose me dit que je suis pas la personne qu'il faut pour le consoler. Encore moins le petit nouveau qui s'approche de lui, que je n'arrive pas à reconnaître, preuve qu'il est nouveau. Mais j'apprécie énormément le style. Et puis questions mecs, avouons-le, j'ai toujours eu un faible pour les peaux foncées, n'est-ce pas Alexis, espèce de fils de pute, qui me regarde en coin de sa colonie d'admirateurs depuis tout à l'heure ?
Oh, le plaisir que je vais me faire à les faire tous se casser.
Enfin bref. Revenons à ma mission du jour, essayer de dégager Al-Hadin des pattes du petit nouveau qui m'a l'air suffisamment racoleur pour me faire de l'ombre, à moi. Bon, pas que je sois vraiment jaloux. Au contraire, ça m'intéresse.
Disons que je n'ai pas vraiment eu de compétition en termes de séduction vu que les rares qui pouvaient rivaliser n'ont démontré leurs talents que dans des Tueries dont l'issue a été dramatique.
Ledit Al-Hadin commence d'ailleurs à être un peu gêné. Il cache son téléphone du mieux qu'il peut, et au vu de sa tête, la simple arrivée de notre ami le nouveau ne semble pas lui plaire. Bon, au bout d'un moment, c'est un peu une tradition pour moi de faire fuir les harceleurs ; mais vu que ce gars a juste l'air d'essayer de mettre plus de flirt dans la vie des gens, autant être sympathique.
Ce qui fait que plutôt de me mettre à grogner de telle manière que Nakano en aurait des flashbacks de la guerre, et oui je sais je suis atrocement hilarant appréciez mon humour noir, je me contente de me pencher vers le nouveau, à la gauche de Al-Hadin. Donc après une année scolaire je n'ai toujours pas le prénom, d'ailleurs. Sacré secret.
« Tu sais, je lance au séducteur importun, y'a plein de gens dans cette école qui seraient ravis d'avoir tes attentions, inutile de perdre du temps avec ceux qui en sont dérangés... »
Ça a le mérite de le détourner de sa victime du jour, qui pousse un léger soupir de soulagement avant de décaler un peu son téléphone de son torse. J'y surprends la photo d'une fille, ou d'une personne perçue comme fille parce qu'on ne sait jamais, blonde en longue jupe, qui regarde la caméra avec une expression de calme absolu.
Tiens, tiens.
J'emmerderai Al-Hadin là-dessus plus tard.
Pour l'instant ma priorité c'est le petit nouveau qui vient de me balayer du regard de haut en bas, et hmmm, on voit rarement des yeux aussi bleus, j'apprécie. Quand je disais qu'ils étaient mignons, les nouveaux, c'était pas une blague.
Et il vient de me faire un clin d'œil en plus. Ça commence à me plaire, ça.
« J'imagine, me dit-il alors qu'Al-Hadin se casse de sa chaise après m'avoir remercié d'un hochement de tête, que tu fais partie de ces gens ? »
Je lui rends son clin d'œil. Décidément, ça me plaît de plus en plus.
« Ça, il ne tient qu'à toi de le découvrir. »
Ma réponse lui arrache un petit rire, rire qui met un peu de temps à mourir alors qu'il me tend la main.
« Humberto Flores, Ultime Costumier. Enchanté.
— Tout le plaisir est pour moi. Emerens Van Heel, Ultime Romancier. »
Je lui serre la main avec amitié, mais ne tente pas d'aller plus loin. Pas le temps. Une voix appelle la fameux Humberto du fond de la salle et à regret, il doit lâcher ma main.
« Je serais ravi de discuter davantage avec un des meilleurs écrivains de son temps, mais je crois que le devoir m'appelle, annonce-t-il d'un ton un poil grandiloquent. Est-ce que je peux espérer te recroiser plus tard dans la soirée ?
— Je ne compte pas bouger de cette salle, donc, à moins qu'un groupe de Monokuma sanguinaires ne se décident à m'enlever, je devrais être tranquille... »
Le rire d'Humberto se fait un peu plus aigre. Je le comprends. Mon propre sourire s'est mué en rictus à la mention fort peu plaisante de ce satané groupe terroriste.
« Espérons qu'on le reste. »
Ouais. Comme tu dis, Humberto.
Enfin en attendant, même si j'ai croisé un petit nouveau fort sympathique et ouvert à l'amusement pour plus tard, je reste un peu sur ma faim. Scott a l'air d'être occupé avec Nakano, vraiment, je ne comprends pas ce qu'il lui trouve, du coup bah, ma seule solution pour espérer me détendre un peu semble réduite à trouver Seo-jun.
L'avantage, c'est qu'en soirée d'intégration, c'est pas compliqué de trouver Seo-jun. Il est au bar, en train de noyer son chagrin dans de l'alcool.
... Assez littéralement, d'ailleurs.
A croire qu'il s'est encore pris un râteau. Décidément, Kichiro est vraiment un imbécile...
En attendant je ferais mieux de le stopper. La déontologie m'interdit de laisser un pote nager dans la boisson, et puis c'est de l'alcool pour s'amuser, pas pour oublier que son patron est un énorme incestueux... oups, je devrais peut-être pas le dire ? Quel idiot je suis, eh eh.
Enfin bref. Seo-jun est à moitié effondré sur le bar, ça prend de sacrées proportions, là. Je lui tape sur l'épaule, et devinez qui me fond dans les bras avec un air de petit chiot ? ah là là, dire que tu es censé être le meilleur garde du corps de ta génération, ça fait un peu pitié, là, Seo-jun. Affectueusement.
Enfin, on va dire que c'est drôle. Je lui tapote le dos amicalement, et le voilà qui se cale dans mon épaule. Ouch, ça sent pas bon, cette histoire.
« Eh bé alors, mon pauvre Seo-jun, il s'est passé un truc avec Tamura ?
— Mouuaaaaiiiif, grogne mon pote toujours accroché comme une bernique à son rocher. J'ai passé des heures et des heures à me faire tout beau pour la soirée, j'ai sorti ma meilleure tenue, et il me regarde même paaaaaaas... j'ai l'impression d'être invisible... »
Mouais enfin, c'est un peu le principe des gardes du corps, chéri. Mais je vais pas lui dire ça alors que l'alcool lui fait déjà sortir des choses qu'il regrette. Quoique, ça l'empêcherait ptêtre de parler. Je suis une saloperie mais pas au point de l'écouter déballer ses plus profondes pensées en plein milieu de la salle d'intégration.
Surtout qu'il a pas tort. Il s'est vraiment fait beau, en plus. À croquer. Oui, je dis ça dans le sens horny, enfin, on a pas passé la fin de l'année scolaire dans sa chambre pour rien. C'est très rigolo de désacraliser les ambassades, d'ailleurs.
« Allons allons, je souris, il est juste bête, avec un peu de temps ça va bien finir par rentrer. Surtout qu'il est bien le seul à ne pas te remarquer.
— Tu paaaaaaarleeeees... Tu veux pas me faire un bisou histoire que ça le rende un peu jaloux ? »
Ouh là. Alors d'habitude je profiterais de l'occasion, j'adore créer ce genre de dramas, mais là il est clairement complètement bourré et l'haleine d'alcool n'est qu'un détail mineur parmi les problèmes que cette fort peu innocente proposition entraînerait après.
Je fronce le nez.
« Certainement pas, tu pues l'alcool et je déteste rouler des pelles aux vapeurs de rhum. Va plutôt faire ton job, qu'il regarde un peu ton côté employé compétent.
— Peux paaaas... mal à la tête– En plus il passe son temps à tourner autour de Saki et moi j'ai pas spécialement envie de la voir...
— Raison de plus pour faire ton beau, je soupire. Eclipse Saki un peu avant que ça devienne vraiment dégueulasse.
— ... Qu'est-ce que tu veux d-
— Allez, file, mécréant ! j'ai d'autres trucs à faire que de jouer les psys pour un garde du corps en mal d'amour ! »
Bon, je dis ça gentiment, mais quand même. J'espère que Seo-jun a saisi le message. Et heureusement, il le saisit plutôt vite, vu la vitesse à laquelle il se casse d'entre mes bras ; à sa défense, je viens quand même de le chasser d'une sacrée claque aux fesses. Et heureusement parce que j'allais faire une énorme gaffe. Il est pas vraiment censé savoir ça. Et je crois que j'ai pas envie de voir ce qu'il se passerait s'il l'apprenait.
Disons que je me retrouverais avec une énorme loque sur les bras.
Enfin. Comme je suis un pote gentil, je vais lui donner un coup de main. Saki passe son temps avec Reina. Si je leur signale que Kichiro leur tourne autour, vu la frousse des mecs de la jolie demoiselle, ça devrait suffire pour que Seo-jun puisse roucouler...
Je sors mon téléphone sans perdre trop de temps avant de chercher dans mon répertoire le numéro de la Gynécologue –nan, me demandez pas comment je l'ai obtenu– et d'appuyer sur la touche d'appel.
Rien.
Bizarre. D'habitude, elle décroche au moins pour me demander non sans passif-agressif d'arrêter de la faire chier. Pas que je l'ai pas mérité les trois quarts du temps, j'ai effectivement passé la majorité de mes appels à la faire chier.
Au bout de la troisième fois à tomber sur messagerie, par contre, je commence sérieusement à m'inquiéter. Elle est de garde. C'est impossible qu'elle ait pas son téléphone au moins en vibreur. À moins qu'elle soit déjà partie ? Logique, mais dans ce cas, j'aurais au moins vu Hina passer...
Du coup devinez qui est de corvée chasse au trésor ? Nan, pas le pape. Et oui, je suis salé, mais je crois que j'ai comme qui dirait un petit stress qui monte.
Tiens, là-bas, c'est l'Ultime Eleveur qui traîne dans un coin. Il est seul. Je vais lui demander des renseignements.
« Eh, Hideki, je le hèle en passant, t'aurais pas vu Reina ? »
Le beau brun fait la grimace. Oh, ça va, du calme, t'as le seum, mais va pas me dire que son seul nom te donne envie de gerber quand même, la pauvre.
« Nan, pas vue. Et crois-moi que j'ai pas envie de la chercher.
— Hmm hmm. Okay. Pas merci, hein. »
Oui, pas très poli, mais je commence vraiment à m'inquiéter. Hideki sait toujours très bien où se trouve son ex, quoi qu'il dise. Il est toujours pas passé au-dessus de son râteau. En soit il était méchant, mais quand même. Ou c'était une rupture méchante peut-être ? je sais pas, c'était pas clair.
Hideki me regarde partir avec surprise. Sans doute qu'il a l'habitude de me voir plus insistant. Dans tous les sens du terme. Désolé, Eccleston, pas aujourd'hui, j'ai autre chose à penser que ton postérieur ou ta fierté gâchée.
Je rappelle Reina pour la cinquième fois de la soirée. En haut-parleur, tant pis pour la discrétion. Dans ma main, les bips du téléphone couvrent presque la musique.
Toujours pas de réponse.
Sixième appel.
Une sonnerie se fait entendre à mes pieds.
Tiens ? quelqu'un a fait tomber son téléphone... Au milieu du bordel et des gens bourrés, ça me surprend pas. Mieux vaut que je le ramasse avant que quelqu'un ne marche dessus, ça esquinterait l'écran. Et si j'arrive à voir qui est son propriétaire...
Le téléphone reçoit un appel, donc pas moyen de dire à qui il appartient. Enfin sans doute à un japonais, je reconnais les hiragana... Et puis je sais les lire au moins un minimum, merci Hope's Peak, pour une fois que tu sers à quelque chose. Par contre, ce ne sont pas les hiragana d'un nom. On dirait plutôt ceux qui forment trois mots... Si je traduis ça, ça fait... « Crétin de blond » ?
Le téléphone cesse de sonner.
Appel manqué.
Dans ma main, la messagerie de Reina se déclenche.
...
Doucement, je lève mon téléphone a hauteur de mon visage.
Reina est de garde.
Jamais elle ne laisserait tomber le sien.
Je rappuie sur la touche d'appel pour la septième fois.
...
...
Le téléphone sonne.
...
...
Merde.
Merde merde merde merde merde merde MERDE !
Pas de temps à perdre. J'interromps l'appel et clique sur l'écran de contact de Seo-jun. Ce dernier décroche au bout de la deuxième sonnerie. Sa voix est pâteuse, j'ai l'impression qu'il va me claquer entre les pattes à tout moment.
« ...Tu veux quoi, bordel...
— Arrête de râler et dis-moi si tu as Kichiro en visuel.
— Pour–
— Bouge tes fesses, Seo-jun. »
J'espère que c'est suffisamment clair.
Si Seo-jun a Kichiro en visuel, il aura peut-être Saki. Et avec saki, Reina et Hina. Si ça se trouve, ce n'est qu'une simple perte de téléphone, pas vrai ? Pas la marque d'une fantastique ironie.
Dans ma main, le téléphone de Reina pèse de plus en plus lourd.
Cinq longues minutes de silence au bout du fil. Pendant lesquelles je balaie frénétiquement la salle du regard, m'attirant l'attention de même Ansgar Kasjasdottir, la nouvelle la plus célèbre de l'année 2018 quand même. Cinq longues minutes sans la moindre piste. Pas même le bout d'une mèche châtain à l'horizon.
Et puis, j'entends un crachotement à l'autre bout du fil. C'est Seo-jun. Sa voix, loin de la mollesse de tout à l'heure, est plus blanche que jamais.
« ... Je le trouve pas... Putain, Emerens, je le trouve pas ! »
... Oh bordel de putain de foutue sainte merde-
Ce n'est pas ce que je pense, hein ? Dites-moi que ce n'est pas ce que je pense. Et pourtant, quand je balaie la salle, je ne peux que voir de plus en plus d'absents. Haruko, et son foutu copain. Akihito, aussi, l'un des survivants de 2016. Mizutani. Nishijima. Watanabe. Et bordel, la petite Yuuki est introuvable. Putain, même Scott et Nakano ont disparu !
Et ce ne sont pas les seuls. La promo 2018 me paraît étrangement petite pour les cent Ultimes censés rentrés cette année, alors que je sais que j'en ai vu arriver certains le matin même.
...
« Emerens... ? continue Seo-jun à l'autre bout du fil. Tu le vois, toi ? »
Je ne lui réponds pas. La colère est en train de monter, et si je ne la contrôle pas...
« ... Ils se foutent de notre gueule ?
— Pardon ?
— Je disais, ils se foutent de notre putain de gueule ?!? »
... Bon ben autant pour contrôler sa colère.
Je viens encore de balancer un seau de glaçons sur l'assistance, visiblement. Tous ceux autour de moi dans un rayon de cinq mètres viennent de frissonner d'un coup, et même si la musique ne s'arrête pas, je crois que de toute façon, je ne l'entends plus. J'ai les oreilles qui bourdonnent.
« En plein milieu d'Hope's Peak, je crache, ignorant mes entrailles en train de congeler. Ils ont poussé le vice jusqu'à enlever les participants de la Tuerie de cette année en plein milieu d'Hope's Peak. Alors je me demande si à ce stade, ils se foutent vraiment de notre gueule, Seo-jun. »
On dirait que cette fois, j'ai été trop clair. La vaste blague prend fin sur des hurlements de terreur, et tout le monde autour de moi s'égaillent. Je viens de briser un statu quo de fausse sécurité, visiblement pour le reste de la soirée, mais de toute façon, un statu quo brisé par un enlèvement en plein cœur d'un environnement censé être neutre pour les Ultimes était déjà une monstrueuse plaisanterie.
Mon poing se serre sur le téléphone égaré.
Il est plus que temps de mettre fin à la blague.
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