Un mariage doublé d'une revanche (AU sans Tuerie)

Des fois, je me dis qu'avoir au moins une personne par polycule dans ce satané manoir qui possède une voiture sept places, c'est essentiel à notre survie. Plus encore aujourd'hui, au vu du nombre de personnes que j'ai à emmener sur les lieux. Mais malgré le côté essentiel à la survie de cet arrangement, quand je me gare près des voitures de nos autres invités, je me rends compte d'à quel point on fait tache, au milieu de tous ces riches. Et je ne peux pas dire grand-chose au vu de mon propre capital, certes... Mais une Renault Scénic de sept places, à côté de la quantité de BMW et de Mercedes, et ne parlons même pas de la Lamborghini d'Ichiro... Eh bien, personne ne pourrait douter qu'il s'agit de ma voiture.

Je coupe le moteur, et tout le monde sort avec plus ou moins de soupirs fatigués. J'espère bien que ce n'est pas ma conduite qui les a épuisés... Parce que ce n'est hélas que le début de cette journée. Jour heureux, certes. Mais épuisant quand même.

Je me rapproche de Sora, celui qui baille le plus. Il tourne la tête, et son sourire que j'aime tant se dessine sur ses lèvres en me voyant arriver près de lui.

« Tout va bien, Sora ? Je peux te réserver une chambre quelque part...

— ça va aller, Reirei, sourit mon amoureux en caressant doucement mon bras dénudé. J'ai juste mal au dos à cause du trajet, ça ira mieux après m'être assis sur un des fauteuils. Je peux bien tenir le choc pour notre grande journée. »

C'est vrai. Aujourd'hui, c'est notre jour, à tous les cinq. Après le mariage officiel de Raraka et Wen Xiang il y a de ça quelques mois, c'est à mon tour d'enfiler les bagues et de signer les contrats. Si je puis résumer à ces quelques mots tout le bonheur que me procure l'idée de lier ma vie aux leurs. Parce que ça ne sera jamais possible de l'exprimer pleinement.

Je balaie d'un regard mes amours, tous en dehors de la voiture. Haruko, resplendissante même dans son simple pantalon de toile, qui pianote sur son téléphone avec insistance. Je prie pour qu'elle n'ait pas de travail supplémentaire aujourd'hui. Michi, mon amour de femme, qui a opté pour un simple débardeur me donnant la vision de ses bras puissants à savourer. Elle a quitté ses élèves avec plaisir pour aujourd'hui, mais vu à quel point elle en a parlé avec amour, je ne serais même pas étonnée qu'elle me propose d'adopter dans un futur proche. Ou de tenter une méthode ROPA dans un plus lointain. Apparemment, les études que j'ai payées à Aïcha ont porté leurs fruits, puisque ma petite belle-sœur semble développer un talent de biologiste cellulaire Ultime...

Et puis il y a Wen Xiang, que son mariage récent fait resplendir d'autant plus. Sukina et Anjali n'ont pas encore eu droit à leurs bagues, je me demande si elles souhaitent l'avoir un jour ; mais je sais qu'elles aussi profitent de tout l'amour qu'elle a à offrir. Amour que j'ai l'impression de ne pas mériter, parfois. Wen Xiang est une étoile tombée du ciel, l'ange que je n'ai jamais cru pouvoir contempler. Elle m'a plus aidée que n'importe qui et je lui en serai éternellement reconnaissante. De ça et de son existence.

« Reina, mon amour, me chuchote Sora à l'oreille, sauf ton respect et toute l'affection que je te porte, tu es une énorme simp. »

Je ris et l'embrasse doucement sur la joue. C'est vrai, sans doute, je suis une personne très gay et il est la seule exception. Enfin, Thibault mis à part, mais Thibault, c'est différent. Mais que serait la vie sans un peu d'homosexualité et de vénération ? Ah, là, là, j'ai du mal à croire que j'arrive à penser comme ça. La moi de dix-huit ans en aurait fait une syncope. J'aimerais lui dire à quel point elle sera heureuse, à quel point ce sont ces femmes et ces hommes qui ont guéri ses blessures. Mais le passé est le passé. Seul le présent compte. Et mon présent, je m'y vautre comme jamais un auteur ne le décrira.

Je me dirige vers mes femmes et leur glisse un discret bisou sur la joue. Je vois dans les yeux de Michi à quel point elle se retient de me le rendre. Haruko, elle, se contente de rire, et les joues de Wen Xiang se teintent de cette délicate couleur rouge qui la rend tellement adorable. Ce qui me fait rire en écho à Haruko.

« Tout est prêt pour la cérémonie ? » Me demande d'ailleurs cette dernière avec un sourire.

Je hoche doucement la tête.

« Bien sûr. Nous avons des chambres pour nous changer tous, et papa m'a assuré qu'on aurait à s'occuper de rien. L'avantage de faire la cérémonie au manoir Satou... »

Ça n'a rien à voir avec le mariage de Wen Xiang et de Raraka. Il a fallu beaucoup batailler pour obtenir ne serait-ce qu'une cérémonie groupée, et une reconnaissance de mariage groupée. Mais j'ai le bras long à Hope's peak. Et pas seulement moi. Si bien que ce que j'avais prévu de réduire à un simple échange de bagues collectif s'est transformé en une immense cérémonie pour deux polycules.

Un bruit de pas attire l'attention de Sora, puis d'Haruko, et je n'ai que le temps de me retourner avant qu'une torpille ne se jette sur moi avec un grand cri de joie. Je ne peux m'empêcher de sourire. Ichiro approche de la vingtaine, je sais que papa compte bientôt lui faire une cessation officielle de toutes ses parts du conglomérat ; mais même s'il est déjà officieusement le PDG, il se comporte toujours comme un gamin. Un gamin que j'ai plaisir à revoir. Cela faisait si longtemps...

Je souris, et serre mon frère contre moi. Ce dernier pouffe.

« Rei-chan ! Ça faisait une éternité ! Et tu nous ramènes tes anges en plus, quel plaisir ! Que me vaut l'honneur de ta visite ? »

Je ne peux m'empêcher de lever mes yeux au ciel. Ichiro sait très bien pourquoi on est là, c'est lui qui a organisé toute la cérémonie, médiatisé le bordel, convaincu papa de le faire au manoir, contacté tous les anciens d'Hope's Peak ne vivant pas avec nous pour les inviter. Il s'est montré bien plus enthousiaste que moi pour un simple échange de bagues... Des fois, je me demande s'il vit à travers moi par procuration. Son travail lui prend tant de temps qu'il est toujours célibataire à en crever, et même s'il m'assure le vivre bien, je ne peux m'empêcher de me dire que ça doit lui peser.

Je relâche légèrement mon frère. Il est très débraillé aujourd'hui, ça fait bizarre. Habituellement, son costume est impeccablement taillé et ses cheveux enduits de gel à un point hallucinant, aujourd'hui on voit ses boucles pointer de partout et sa chemise est froissée. À croire qu'il en a oublié de s'habiller. Je souris.

« Coupe court les blagues, Ichiro, nous avons beaucoup à faire. Thibault est là ?

— Oui, il est arrivé quelques minutes avant toi, j'ai demandé aux gouvernantes de lui montrer les chambres ! je crois que je n'avais jamais vu autant de monde se bisouiller en même temps, c'est fou... Au fait, j'aurais des questions à te poser sur certains de ses fiancés après, tu veux bien ?

— On en reparlera après le mariage, je pouffe, ayant déjà des petites idées sur à qui il s'intéresse. On ferait mieux d'y aller, nos tenues sont longues à mettre et Sora doit s'asseoir...

— Oui s'il vous plaît, intervient ce dernier d'une toute petite voix. J'ai mal au dos... »

Une Haruko compatissante lui masse le dos, et il se laisse aller contre elle avec un sourire sous le regard attendri des autres et narquois d'Ichiro.

« Mais bien sûr, je me ferai un plaisir d'apaiser les douleurs de ce charmant monsieur ! Suivez-moi s'il vous plaît... Rei-chan, tu penseras à aller voir papa, maman et Isami, hein ? Ils sont là, ils t'attendent. »

Je grimace. Pas que j'appréhende l'idée de revoir mes parents, bien au contraire je suis impatiente, mais Isami et moi n'avons jamais eu l'occasion de discuter à tête reposée depuis son propre mariage. Notre relation est toujours autant tendue, et j'ai une crainte terrible qu'elle ne me gâche cette journée à cause de cette tension.

Ichiro nous mène jusqu'aux chambres des invités. Ça me fait bizarre de ne pouvoir récupérer la mienne, surtout sachant que c'est la première fois que je reviens au manoir Satou depuis des années ; mais c'est un mal nécessaire pour être en leur compagnie. Nous ne pouvons pas tous nous tasser dans ma chambre pour nous changer, la situation serait trop complexe... En plus, Thibault est probablement dans le coin, et j'ai moyennement envie de rester éloignée de lui. Nous avons beaucoup à discuter, tous les deux.

« Et voilà, mesdames et monsieur ! Vos appartements, pouffe Ichiro. Je vous récupère tout à l'heure pour vous mener au grand salon ?

— Inutile, Ichiro, je connais le chemin. Je te retrouve là-bas !

— Pas de souci, Rei-chan. De toute façon, je dois m'habiller, et vérifier qu'il n'y a que les bons Son qui passeront ces portes ! Papa a moyennement envie de se disputer de nouveau avec Ai Son pour je ne sais trop quelle connerie de japonais racistes... »

Je grimace. Je me rappelle très bien des regards de cette famille sur ma mère et nous. Malgré la fortune de maman, avoir des racines autres que japonaises n'est pas franchement recommandé pour être bien vu de cette famille traditionnaliste et riche à milliards de yens. Et nos gènes montrent assez clairement d'où cette branche de la famille vient. Indice, pas du Japon. Je crois que c'est à ce moment-là que papa a vraiment commencé à se détacher des valeurs traditionnalistes japonaises. Et je ne peux que l'en remercier, puisque c'est chez lui que je fais mon mariage...

Enfin. Inutile de se perdre dans les intrigues financières et familiales des premières fortunes japonaises. C'est censé être un jour heureux, et Ichiro semble bien décidé à me le rappeler puisqu'il me plante un bisou sur la joue avant de se précipiter dans le couloir d'un pas bondissant, sous le regard plus ou moins surpris de mes amours. Je ne peux m'empêcher de pouffer intérieurement. C'est vrai que la plupart d'entre eux n'ont jamais vu mon frère...

« ... Il est toujours comme ça ? » Me demande Wen Xiang, l'air un peu gênée de poser la question, après la disparition d'Ichiro à l'angle d'un couloir. « Je crois qu'il me rappelle plus Akimune que Raraka... »

Traduction, ce n'est pas vraiment l'image qu'on se fait d'un jeune PDG. Je peux comprendre, notez.

« En effet, je ris, mais je ne m'en fais pas vraiment pour l'avenir du conglomérat. Ichiro prend son travail très au sérieux, et est très doué.

— Je ne m'en fais pas trop pour ça, sourit Haruko. Simplement, quand tu nous as dit que ton frère était l'héritier Satou, j'avoue que connaissant la grande majorité des Son, les Imaï et Kichiro, j'aurais pensé à quelqu'un de beaucoup plus... Comment dire. Collet-monté ? »

Je hausse les épaules. Je n'ai pas spécialement envie de discuter des préjugés des gens à l'égard de mon frère, surtout quand on connaît Raraka qui... Comment dire. N'a pas non plus toujours l'image d'une PDG à ce compte-là. Je préfère me contenter de sortir ma robe de sa housse. Un signal assez clair qu'il faut que tout le monde se prépare.

« Je peux prendre la salle de bain ? Demande Sora. Disons que j'ai... Comment dire... Pas eu le temps de me doucher ce matin.

— Ah mais c'est pour ça que ça puait ??? S'exclame Michi, joueuse. Allez, file, gros tas de crasse, nous on est propres, on en aura pas besoin avant de se maquiller ! »

Sora lève les yeux au ciel avant de se diriger vers la salle de bain, sa propre housse de vêtements à la main. Et nous commençons à nous préparer à peine la porte refermée derrière lui.

Les gens qui se font un cliché du temps que mettent les femmes à se préparer ont bien tort. C'est peut-être qu'à quatre, nous sommes plus efficaces pour nous coiffer mutuellement, ajuster nos robes et nos costumes et corriger quelques défauts dans la tenue ; mais dans tous les cas, et malgré la faible résistance de Michi à l'envie de me faire des bisous pleins de rouge à lèvres, nous nous retrouvons prêtes avant que Sora n'ait eu le temps de sortir de la salle de bain. Et quand il le fait, sa chemise est de travers, ses cheveux encore humides et en bataille, et on voit bien sur son visage que ses cernes ont gagné la bataille avec le fond de teint. Qui d'ailleurs ne dissimule même pas ses joues rouges lorsqu'il nous voit.

« Wow, les filles, je... Vous êtes magnifiques.

— On peut pas en dire autant de toi, Sora ! Pouffe Michi. Tu ressembles à un épouvantail bleu turquoise comme ça ! »

Sora se renfrogne un peu, mais Haruko prend tout de suite le relais et s'empare de son set de maquillage.

« Ce n'est rien qu'on ne puisse ajuster, en tout cas. Sora, la prochaine fois, demande-nous pour le maquillage, d'accord ?

— Voulais pas déranger, grommelle l'ancien Ultime Écrivain Fantasy.

— Tu ne déranges pas. Reina, tu refaire sa coiffure pendant que j'ajuste son maquillage ?

— Bien sûr. Wen Xiang, tu viens m'aider ? »

Un peu hésitante, cette dernière s'approche néanmoins de Sora qu'on a fait asseoir presque de force sur une chaise. Je récupère une brosse non loin, et commence à peigner doucement ses cheveux en essayant de ne pas abîmer ses boucles, pendant que Wen Xiang m'aide au sèche-cheveux à côté, et qu'Haruko repasse le fond de teint en couche un peu plus correcte. La tâche est compliquée, surtout que Sora a des cheveux magnifiques mais indomptables ; mais ce n'est rien que quelques dizaines de minutes de travail ne peuvent aider à sublimer. Et visiblement, le spectacle est particulièrement désopilant pour Michi, puisque cette dernière pouffe et s'empare de son portable.

« On dirait des oiselles esthéticiennes, autour de leur dernière proie, rigole-t-elle en nous mitraillant sous son flash. Sora ressortirait en clown que je ne serais même pas étonnée.

— Vous allez pas me transformer en clown hein ? Hein ? » S'exclame un Sora soudainement paniqué.

Je souris, et lui caresse les cheveux.

« Mais non voyons. Tu connais Michi, elle essaie de te faire peur. Détends-toi, que je ne te fasse pas mal avec le peigne ! »

Le travail est assez long, mais lorsque nous nous écartons de Sora, il est beaucoup mieux apprêté. Sa chemise remise correctement est agrémentée d'une veste de costume bleue, du même bleu roi que les yeux de Wen Xiang, ses cheveux tombent en boucles délicates autour de son visage, une partie attachée dans son dos de manière à éviter qu'il n'ait trop de mèches dans les yeux : et Haruko s'est permis un maquillage autour des yeux qui les lui agrandit et fait ressortir le bleu de ses iris. Je crois que je suis en train de retomber amoureuse. Si ce n'est pas le cas depuis le début de cette journée.

J'ai envie de l'embrasser, mais je me retiens. J'ai un rouge à lèvres sombre, et il n'y a que Sachiko pour s'en foutre pas mal des traces que son rouge à lèvres laisse sur la peau des autres. Pauvre Thibault...

« Je crois qu'on est prêts, non ? Rigole Wen Xiang. On devrait y aller avant qu'Ichiro ne vienne nous chercher...

— Il en serait bien capable... je suis d'accord, je renchéris, allons-y. Autant profiter un maximum du grand salon avant que la cérémonie ne commence. »

Haruko prend la tête, et nous sortons de la chambre en prenant bien garde à ne pas nous cogner les uns dans les autres. Nos tenues ont coûté assez cher, il faut dire, entre le superbe costume noir de Michi, la robe fourreau lilas qu'Haruko a commandé exprès du Danemark, la superbe robe bleue à manches en dentelles de Wen Xiang et ma propre robe, à bustier, rouge sombre brodée d'argent, qui atteint presque mes chevilles et laisse mes bras assez libres pour que Michi ait pu s'amuser à me recouvrir de bracelets... Je n'ai pas très envie de me retrouver dans une situation où nos tenues se retrouveraient ruinées. J'ai envie de les admirer toute la journée, pas de regretter.

Je n'ai cependant pas l'occasion de m'éloigner de ma chambre sans rentrer en contact avec quelqu'un. Des bras viennent d'entourer ma taille, et au vu de la hauteur du crâne que je sens dans mes omoplates, il n'est pas difficile de deviner qui me fait un câlin. Je soupire et me laisse aller contre Thibault, amusée, alors que ce dernier râle sur mon poids. Eh, je n'y peux rien si tu es plus petit que moi, mon cœur, il fallait y penser avant de me faire un câlin.

« Content de me voir, Thibault ? je pouffe, alors que les autres s'arrêtent.

— Bah oui quand même, pense donc, je retrouve enfin la seule personne raisonnable de mon polycule, ça me manquait ! Et puis tu es superbe, Reina, franchement, j'allais pas me gêner... »

Malgré ses belles paroles, il ne met pas longtemps avant de me lâcher. Au moins, il me laisse l'occasion de me retourner pour voir qui donc est derrière moi. Ce qui constitue à peu près tout son polycule. D'ailleurs, Emerens, Sachiko et Alannah affichent tous les trois des têtes outrées, sans doute à l'entente du « seule personne raisonnable »... C'est toujours les moins concernés qui sont les plus vexés, pourrait-on dire.

Euh aussi sont vêtus de pied en cap. Sachiko porte une superbe robe noire et blanche qui me fait penser un peu à nos anciens professeurs ; Emerens est assorti, avec néanmoins un pantalon rouge. Les deux ont relevé leurs cheveux en un chignon lâche. Alannah, elle, a opté pour une tenue un peu plus punk-rock, avec une veste en cuir et des chaînes un peu partout. Ibrahim n'a visiblement pas trouvé de costume à sa taille, car il est simplement en chemise, comme Thibault d'ailleurs ; Et Ruben a opté pour un long manteau orné de diverses pierres précieuses, que je sais être son dernier ouvrage de joaillerie.

Je souris.

« Prêt pour cet après-midi, dirait-on ?

— Évidemment, rigole Thibault. Et puis, j'ai toujours voulu rencontrer mes beaux-parents ! Version « sympa », évidemment, on va pas parler des autres. »

Grimaces collectives de tout le polycule. Ibrahim soupire, Sachiko crache au sol (merci le parquet, hein), Alannah se renfrogne, Ruben baisse les yeux, Emerens siffle. Thibault, remarquant sans doute que ce n'est pas un sujet à évoquer, hausse les épaules.

« Enfin bref. Ton frère nous a dit qu'on devait aller au grand salon mais personne s'est proposé pour nous indiquer la route, j'imagine qu'on compte sur toi ?

— Oh, pas de souci. Suivez-moi, c'est par ici !

— Chouette, pouffe Emerens. Un bout de chemin avec tant de beautés, ça se refuse pas. »

Il en loupe pas une, celui-ci... Et ça ose porter le titre de mon meilleur ami avec ces conneries ? Vraiment Emerens ? Le jour du mariage ? D'ailleurs, je ne suis pas la seule lassée par son attitude. Sora vient de lever les yeux au ciel. Ce qui est une mauvaise idée pour lui étant donné qu'il porte le statut de « l'une des victimes favorites d'un romancier trollesque ». Emerens le repère évidemment tout de suite et se dirige vers lui.

« Ça ce n'est pas ce que j'appellerais une tête à mariages ! Bah alors, Sora, pourquoi tant de haine dans le regard, tu n'es pas content de me voir ? »

Je sens la réplique cinglante brûler les lèvres de mon amoureux, mais heureusement pour l'ego d'Emerens il se contente de détourner le regard avec une moue boudeuse. Ce que ce dernier n'interprète visiblement pas comme un signal de fuite puisqu'il se penche pour lui tirer les joues.

« Roh allez ! Me fais pas cette tête, enfin, souris, regarde un peu qui t'épouses !

— Certainement pas toi en tout cas, crache Sora, visiblement à bout de patience. Bas les pattes, Van Heel. »

Son ton était cette fois bien assez violent pour faire passer un message. Emerens pouffe et se rétracte immédiatement. Heureusement pour lui parce que je crois que Sora est en train de programmer son meurtre, et disons que je n'ai pas envie d'avoir un drame au manoir sur les bras. J'imagine qu'il se contentera de le tuer dans la suite de la Déchéance. C'est tout ce qu'il mérite, ce petit con.

« Emerens, je me contente de soupirer. Est-ce que tu pourrais cesser d'emmerder mon mari et te concentrer sur le tien ? On a pas que ça à faire.

— Eh mais me refile pas le colis ! Hurle Thibault, outré. Je me le suis tapé tout le trajet ! »

Trop tard. Emerens m'a visiblement prise au mot, et vient de soulever Thibault dans ses bras en ricanant. Ce dernier est désormais obligé de l'empêcher d'étaler son rouge à lèvres partout sur sa figure. Avec forces jurons français que je crois que ni Ruben ni Wen Xiang n'avaient entendu un jour, vu leurs têtes.

Je ne peux m'empêcher de rire. Je dois vraiment être masochiste pour apprécier passer mes journées avec ça.

Le cortège ma foi fort bruyant me suit jusqu'au grand salon, avec visiblement Sachiko, Emerens et Ibrahim qui essaient de se négocier des tours de transport de Thibault Laangbroëk. Avec plus ou moins de succès visiblement, puisque lorsqu'on arrive, ledit Thibault est sur les épaules d'Ibrahim, avec Sachiko qui lui tire la jambe et Emerens qui essaie de le faire tomber dans ses bras. Une manière fort acrobatique de garder l'équilibre. Je comprends parfaitement la frayeur sur son visage.

Le grand salon est déjà rempli. Je vois Ichiro dans un coin qui donne ordre sur ordre aux pauvres domestiques, qui courent déjà dans tous les sens ; papa et maman discutent dans un coin avec tante Rin et oncle Kyosuke. Visiblement, la discussion se passe mal. Mais je n'en attendais pas moins des parents d'Isami.

Mon grand-père Hakim est dans un coin. Il n'a pas l'air habitué à une foule aussi haute en couleurs, car il se contente de siroter son champagne avec tout le jugement que peut abriter son regard de grand-père débonnaire. De temps en temps, il prend à part Ichiro pour lui parler. Mon frère semble lui répondre avec empressement, mais ne reste jamais bien longtemps avec lui. Pauvre grand-père... J'irai lui parler une fois que je serais sortie de la foule d'Ultimes et d'ex-Ultimes qui me barre le passage. Incluant les fiancés de mon fiancé, d'ailleurs.

Kichiro est le premier à fendre la foule. Son visage est détendu, contrairement à l'habitude ; et il n'hésite pas une seule seconde avant de serrer la main de tout le monde. Même Michi. Monsieur semble avoir revu son traitement du « prolétariat » à la hausse depuis que je lui ai fait un discours sur le socialisme... Il termine par moi, et je le sens garder ma main dans la sienne un peu plus longtemps que d'habitude.

« Bonjour, Reina. Un vrai plaisir de te voir aussi rayonnante.

— J'espère que c'était un compliment sincère et pas ton spectacle de l'Ambassadeur, Kichiro, » je pouffe devant sa politesse.

Il hausse les épaules.

« Seo-jun m'a fait tout un discours sur la nécessité de bien me comporter avant de venir. Venant de mon propre garde du corps, quel affront... »

Mais il le laisse faire, cet affront, n'est-ce pas Kichiro ? D'ailleurs, je l'ai bien vu, le regard qu'il jette à Seo-jun alors que ce dernier est venu refiler une énorme claque dans le dos à Emerens. Ce qui entraîne d'ailleurs une sacrée réaction en chaîne puisque ce dernier lâche la taille de Thibault, qui, déséquilibré, tombe des épaules d'Ibrahim en plein dans les bras de Sachiko avec un cri de surprise. Mais passons. L'important reste tout de même que Kichiro le fixe avec une affection que jamais personne ne connaissant Kichiro Tamura n'aurait pu voir sur son visage.

Je souris.

« Ton époux, tu veux dire. C'est un détail de taille, tu ne crois pas ? »

Et c'est alors que l'impossible se produit. Kichiro éclate de rire.

« On va dire ça, oui. »

Je crois que la surprise générale est telle qu'Emerens cesse tout de suite de se battre avec Sachiko pour lui arracher Thibault des bras. Et c'est exceptionnel, ça. D'ailleurs, tout le monde est plus ou moins choqué, et même Ibrahim le calme même affiche une expression éberluée. Enfin. Le pire, c'est probablement Seo-jun. Je doute que ce soit la première fois qu'on voit Kichiro Tamura rire, surtout pour lui qui se le coltine vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais visiblement le gay vient de l'assommer d'un coup de massue très spécial, vu la rougeur sur son visage. J'ai presque envie de me moquer de lui, tiens.

Kichiro, remarquant nos regards, hausse un sourcil.

« Eh bien, pourquoi faites-vous ces têtes ?

— Pour rien, pour rien, s'empresse de dire Seo-jun. Ils sont juste bêtes. Dis, si on allait voir de quoi est composé le buffet avant qu'Ichiro n'en chasse tout le monde ?

— Pourquoi p- »

Il n'a pas le temps de finir. Un Seo-jun écarlate lui attrape le bras et se précipite vers ledit buffet en courant. Je suis leur avancée du regard et souris. Si je ne savais pas qu'il ne s'agissait que d'un prétexte, j'aurais bien cru aux paroles de Seo-jun ; surtout que le buffet est appétissant. Il y a des spécialités indiennes, vietnamiennes, chinoises, mais aussi occidentales, et quelques-uns des plats préférés de grand-père Hakim, les fameuses spécialités iraniennes qu'il nous vante en permanence. Mais je doute que Seo-jun ait en tête le buffet à cet instant précis. Je pense surtout qu'il voulait fuir les railleries de la moitié du groupe.

Emerens et Alannah ont l'air un peu déçus de ne pas pouvoir le charrier, mais le cortège ininterrompu de gens ne fait que commencer avec Kichiro. Et avant que je n'aie pu me reposer, une tornade rose prend sa suite en se jetant sur moi avec un cri de joie.

Je souris. Hina non plus, je ne l'avais pas vue depuis une éternité.

« Reinaaaaa ! T'es trop belle dans cette robe, waaaaaaaaw !

— Contente de te voir aussi, Hina, je souris. Je dois te remercier pour aujourd'hui... »

Car évidemment, qui d'autre qu'Hina Kawasaki aurait pu recevoir la tâche de préparer notre mariage ? Je sais très bien qu'Ichiro a remué ciel et terre pour retrouver sa petite entreprise, surtout après le succès de son dernier mariage de grande envergure. Et je reconnais sa patte dans beaucoup des décorations du grand salon. Je ne pense pas m'avancer en disant que la salle où nous nous marierons, la salle de réception du manoir Satou, aura été soumise au même traitement...

Hina me fait un large sourire, avant de finalement me relâcher.

« Ça faisait si longtemps qu'on ne s'était pas vues ! Ah là là, regardez-moi tout ça ! La dernière fois que j'ai vu autant de riches réunis au même endroit, c'était pour le mariage de Sagawa Son... »

Elle grimace un peu, et je remarque le regard fuyant de Wen Xiang. Je fais la moue. J'imagine qu'Hina l'a toujours un peu mauvaise de n'avoir pu organiser celui de Raraka avec Wen Xiang, mais visiblement elle le prend mieux que ce que j'aurais pensé, puisqu'elle la salue avec un grand sourire, sa grimace dégoûtée reléguée quelque part dans les limbes. C'est une Wen Xiang rassurée qui lui fait un petit signe de la main.

« Tu vas voir, j'ai organisé plein de trucs ! Rigole Hina. Comme la fête d'après-mariage, ou les décorations, ou les discours des témoins... Tu serais étonnée du nombre de gens qui ont voulu faire un discours pour toi, ma puce ! J'ai dû limiter pour avoir un planning correct !

— Je n'en doute pas, je pouffe. Saki est là ?

— Oui, Akihito l'a amenée tout à l'heure. Je crois qu'il veut faire un article sur votre mariage, j'espère qu'il ne sera pas trop méchant... Mais après, je saurais pas te la trouver, désolée ! Et puis j'ai moyennement envie de la chercher... »

Elle soupire. Un soupir visiblement teinté de suffisamment de déception pour attirer l'attention d'Emerens. Un large sourire illumine aussitôt son visage.

« Hina ! Nan mais regarde-toi, tu es magnifique ! »

Hina le repère aussitôt, et lui bondit dans les bras. Je dois bien reconnaitre qu'il a raison : Hina est superbe dans sa robe saumon, ornée de rubans noirs. Et plus encore alors que son rire retentit dans la salle, pendant qu'il la soulève à sa hauteur. Ils sourient tous les deux, et Thibault de son côté bougonne.

« Je pensais que j'avais la préséance sur les démonstrations d'affection ?

— Te plains pas, je pouffe. T'en as cinq autres pour ça.

— Très, très vrai. Allychou ? Je peux avoir des câlins ? »

Alannah éclate de rire et le récupère immédiatement, tandis que je me reconcentre sur Hina et Emerens. Qui ont toujours l'air aussi contents de se voir. La preuve, il ne l'a toujours pas reposée.

« T'es tout beau ! S'exclame Hina en lui passant une main dans les cheveux. Ça se voit que c'est ton grand jour aujourd'hui !

— Eh là, doucement le décoiffage, pouffe Emerens, j'ai passé une demi-heure sur ce chignon ! Et toi alors, ton grand jour, il est pour bientôt ?

— Nan, rigole Hina, je suis toujours célibataire à mourir ! Les gens préfèrent me donner rendez-vous pour leur mariage plutôt que de parler mariage avec moi... »

Emerens lui tire aussitôt les joues.

« Ah mais ça va pas du tout ça ! Les gens sont décidément stupides... T'inquiète pas, je vais t'en trouver un ou une, de fiancé.e, moi ! Il serait temps que les gens te voient un peu quand même... »

Hina éclate de rire, et moi je pouffe. Emerens ne changera décidément jamais.

« Reina, me chuchote Wen Xiang à l'oreille, je vais aller retrouver Raraka et Sukina, je crois... On se voit à la cérémonie ? »

Je me penche et lui embrasse délicatement les lèvres.

« Bien sûr ma chérie. Je te retrouve après, de toute façon je dois aller parler un peu à ma famille. »

Oui, parce que mon père vient visiblement de me repérer, et lui et tante Rin se rapprochent dangereusement de moi pour être simplement de passage. Je soupire, et salue le reste du groupe avant de me diriger vers eux. Papa me prend aussitôt dans ses bras.

« Ma grande fille qui se marie ! Je suis si fier de toi ma Reina... »

Je lui rends son étreinte avec un léger sourire. Qui disparaît aussitôt à la remarque de tante Rin.

« Si on peut appeler cette grossière mascarade un mariage. À quoi pensais-tu en prenant autant d'époux, jeune fille ? »

Je me crispe. Rin n'est pas la personne la plus désagréable de la famille de papa, d'ailleurs grand-mère Yui et grand-père Tetsuji ne sont pas là pour une raison. Mais elle n'a toujours pas pardonné mon absence au mariage de sa fille, et en toute honnêteté, je pense qu'elle se plaint davantage pour une revanche qu'en réelle désapprobation de mon polyamour. Et papa le sait très bien, au vu du regard qu'il lui lance.

« Ça suffit, Rin. Ne commence pas à lui gâcher cette journée, ce n'est vraiment pas le moment de faire parler tes griefs. »

Rin fronce le nez.

« Je cesserai de faire parler mes griefs lorsqu'elle aura enfin fait des excuses correctes à Isami. »

Évidemment. Il fallait que le sujet d'Isami revienne sur la table. Surtout aujourd'hui. Rin reste une maman farouchement protectrice, évidemment qu'elle allait suivre Isami dans toutes ses colères. Et je n'ai pas jugé utile de lui révéler la vraie raison pour laquelle mes excuses ne convenaient pas à ma cousine.

Je reconnais volontiers mes torts dans l'affaire. Mais Isami ne reconnaît pas les siens. Et c'est ça, sans doute, qui empêche les deux de se rendre compte de pourquoi mes excuses sont largement suffisantes.

Je soupire, et me dégage des bras de papa.

« Je vais aller voir maman, maintenant. Tu sais où elle est ?

— euh... Près du buffet, avec Isami, justement, répond papa, un peu gêné. Ça ira ? »

Je jette un regard au visage méprisant de Rin. Qui soutient mon regard pendant de longues secondes.

« Parfait. Cela fera d'une pierre deux coups. »

Rin siffle, mais ne répond rien. D'ailleurs, elle n'en a pas le temps. Ichiro vient de surgir derrière moi, un bras autour des épaules de papa.

« Eh bien alors, tante Rin, pourquoi avez-vous l'air d'être aussi constipée de la vie ? Franchement, j'ai cru que vous aviez pris le salon pour les toilettes en voyant votre visage de loin ! »

Le glapissement outré de Rin me poursuit alors que je m'éloigne de papa et d'Ichiro, après un regard de remerciement à ce dernier. Qui me fait un clin d'œil juste avant que son visage ne disparaisse dans la foule. Je me permets un léger sourire avant de me diriger vers le buffet.

Maman est là, en effet. En grande conversation avec Isami et son épouse, qui semblent toutes deux peu apprécier leur présence en ces lieux. Je soupire. Évidemment, je vais devoir gérer les deux en même temps.

Je m'approche, et maman me fait un grand signe de la main.

« Reina ! Ma chérie ! Viens, viens, nous parlions justement de toi ! »

Au vu de la grimace d'Isami et de sa femme, sans doute pas en bien. Et maman semble en être parfaitement consciente au vu du regard en coin qu'elle vient de leur lancer. Mais je préfère faire comme elle, et agir comme si nous n'étions pas en froid depuis voilà bien huit ans.

« Bonjour, maman, je la salue avec un sourire. Isami, Liha. »

Aucune des deux ne me rend mon salut. Pas que je m'en préoccupe. Si elles veulent se la jouer puériles, tant pis pour elles. Je ne suis pas là pour me traîner à leurs pieds en priant pour une réconciliation. Et ma mère s'en rend très bien compte, vu comment elle leur tourne le dos.

« Comment va le travail, en ce moment ? Pas trop occupée ? J'ai entendu parler de ce boom dans les grossesses, et...

— Je gère, maman, je souris, peu d'humeur à lui avouer que ces derniers temps, je suis surchargée. Il y a beaucoup de travail, oui, mais je ne suis pas la seule gynécologue du pays... »

Et à partir du moment où les gens ont commencé à voir Sachiko Kimura ficher le bordel dans ma salle d'attente, j'ai eu bizarrement beaucoup moins de patients. Ça me repose un peu, quelque part, même si la gérer elle n'est pas une partie de plaisir. Ça en vaut la peine, cependant. Je sais qu'elle compte annoncer une nouvelle très spéciale à Thibault dans les prochaines heures... Peut-être même en plein milieu de la cérémonie, ça ne m'étonnerait même pas d'elle.

Je souris un peu, et ma mère, toujours aussi observatrice, me tire un peu la joue.

« Tu penses déjà à la cérémonie, Reina ? Ne sois pas si pressée, savoure l'instant ! Tu auras tout le temps d'en profiter le moment venu...

— Si toutefois ce n'est pas un monumental fiasco, intervient Liha, aigre. Pas qu'elle ne se préoccupe des mariages familiaux, toutefois ? »

Et allez, c'est parti. Ma mère, outrée devant autant d'impertinence, fixe Liha d'un regard glacial, mais je l'interromps avant qu'elle n'ait eu le temps de parler.

« Si tu as l'intention d'être l'instigatrice de ce gâchis, Liha, tu peux le dire tout de suite. Cela me donnerait le temps de demander à la sécurité de vous escorter à la sortie, toutes les deux. »

Liha me fixe avec colère. Je maintiens son regard avec calme. Ce n'est pas une gamine piégée dans le corps d'une adulte qui me gâchera le plus beau jour de ma vie.

« De quel droit tu lui parles sur ce ton ? Intervient une Isami furieuse. Tu ne te donnes même pas la peine d'assister à notre mariage, de l'accepter même, et tu oses exiger qu'on soit respectueuses au tien ?!? Ton hypocrisie me sidère, Reina, franchement, je n'ai pas d'autres mots ! »

J'en ai plus qu'assez.

Plus. Qu'assez.

« Isami, commence ma mère furieuse, je ne te permets pas... »

Je la stoppe d'un mouvement de la main. Avant de me diriger vers mon insupportable cousine, et me placer devant elle avec calme, essayant de faire passer tout le mépris que je lui porte en cet instant dans mon regard.

Elle me rend mon regard avec la même émotion. Parfait, nous nous parlerons au moins à visage découvert.

« Isami, je soupire, tu connais très bien la raison qui m'a poussée, à l'époque, à réagir avec un tel manque de respect à ton mariage. Je te l'ai expliquée dès qu'il m'a été possible de le faire. J'aurais compris ta réaction du temps où tu ne fus pas au courant, mais tu l'es, et ce depuis des années, je ne peux donc que considérer tes paroles comme animées de l'hypocrisie que tu me reproches. Sache que je n'ai jamais exigé ta présence, c'est toi qui as choisi de venir, et je ne peux te le reprocher. Mais si ta présence est uniquement motivée par le souhait de gâcher mon mariage, je vais te demander de garder tes fines remarques pour toi, et de prendre la porte dans les prochaines minutes. J'ai été suffisamment claire ? »

Ma cousine, dont j'ai été autrefois si proche, me fixe avec toute la rage qu'accumule ce monde pendant près d'une bonne minute, incapable de dire le moindre mot. Je lui rends son regard avec la même colère, le même mépris à l'idée qu'elle ne soit là simplement pour foutre en l'air ce jour censé être heureux.

Nous nous fixons avec ces mêmes yeux encore quelques dizaines de secondes. Et puis, Isami finit par hausser les épaules, avant de laisser échapper un grognement de rage. Liha, l'image de sa femme, fait de même, en m'adressant un œil plein de mépris, avant de prendre ma cousine par le bras, et s'éloigner sans mot dire de maman et moi.

Cette dernière pousse un profond soupir.

« Eh bien, ça aurait pu se passer plus mal.

— Difficile de faire mieux avec Isami, je soupire. Tante Rin la gâte beaucoup trop. Je suis déjà surprise qu'elle n'ait pas attiré l'attention de tout le monde sur notre petite conversation. »

Maman me prend par l'épaule, avec un sourire compatissant.

« Tu sais que je te soutiens dans cette histoire, Reina, mais ne soit pas trop dure avec Isami. Elle ne comprend pas ce que tu as vécu et je sais que toi comme moi ne voulons pas qu'elle en ait un exemple. »

Je baisse les yeux, un peu honteuse. C'est vrai, sans doute. Mais je ne peux m'empêcher d'être un peu salée. Huit ans, et elle n'a toujours pas réussi à me pardonner ? En sachant ce pourquoi j'ai agi de la sorte ?

« Tout va bien, Rei-chan ? Demande Ichiro, juste à côté de moi. J'ai vu Isami se précipiter en dehors du salon en récriminant contre toute la famille et les esprits de nos ancêtres...

— Ce n'est rien, j'imagine, je soupire. Juste une petite discussion entre elle et moi.

— Oh... En attendant, je te cherchais pour te dire qu'il faut que tu te prépares, Rei-chan ! La cérémonie va être un peu avancée, on a un petit souci sur les bras et je pense que certains parmi vous voudront le traiter après l'échange des bagues ?

— Quel souci, Ichiro ? intervient ma mère. Si c'est quelque chose de facilement réglable, je ne vois pas pourquoi... »

Ichiro se penche vers elle, et lui chuchote quelques mots à l'oreille. Je vois aussitôt ma mère se tendre. Je me rapproche, espérant comprendre de quoi il retourne, mais maman m'attrape le bras en douceur, avant de me faire un sourire tendu.

« Ton frère a raison, ma puce, il faut qu'on fasse ça vite. Ce souci ne sera pas simplement réglable avec une action de la sécurité, je le crains. »

Je grimace. Je n'aime pas du tout ce que ça implique, mais puisque même maman le dit... Je m'incline, avant de me tourner vers mon frère.

« Tu peux prévenir les autres ? je vais chercher Thibault, et on se retrouve dans le vestibule.

— Bien sûr, Rei-chan. De toute façon, il ne me reste plus que les siens à prévenir, je crois. Vas-y, ne te préoccupe pas de moi, je gère tout avec Hina ! File, allez ! »

Je n'aime pas du tout la tournure que ça prend, mais on va faire comme si tout allait bien, et pas comme si la cérémonie commençait avec une heure d'avance. Je salue maman d'un signe de tête avant de traverser la foule, à la recherche de Thibault.

Par chance, ce dernier n'est pas trop compliqué à trouver. Il parle avec Veikko Lajunen, d'un ton visiblement assez froid, je sais pas trop pourquoi. Et vu le regard en coin qu'il me jette, il n'attend que moi pour terminer la discussion avec l'ancien Ultime DJ. Je soupire, et trottine vers lui aussi vite que je le puisse sans abîmer ma robe. Il se tourne aussitôt vers moi, suivi par Veikko.

« Reina ! Il y a un souci ?

— Rien du tout, mon cœur, je soupire. Juste, la cérémonie va commencer.

— Déjà ? »

Je hoche la tête, essayant de faire passer dans mon regard qu'il ne s'agit pas simplement d'un prétexte pour éloigner Veikko. Ce dernier hausse les épaules.

« Je pensais que ça allait être plus tard...

— Désolée Veikko, changement de programme... Ichiro m'a dit qu'on avancerait quelques trucs, il veut sans doute ménager du temps pour la fête d'après le mariage. »

Il hausse les épaules.

« Bah, moi, ça m'importe assez peu tout compte fait ! ça avance juste le moment où mes musiques vont passer dans la salle de réception, hein ! Félicitations, au fait, Reina ! tu pourras transmettre tous mes vœux à Wen Xiang ? »

Je hoche doucement la tête, et Thibault m'emboîte le pas illico presto, le temps de se retrouver au vestibule. Ce n'est que lorsque Veikko est hors de vue qu'il se permet un profond soupir.

« Ah bon sang. Enfin libre...

— Il y a un problème avec Veikko ? je lui demande. Je sais que c'est une personne très égocentrée, mais si Lyslas l'a supporté assez pour l'épouser alors qu'elle est du genre introvertie et renfermée...

— Nan, c'est pas tant Veikko le problème, soupire Thibault, l'air un peu agacé. C'est juste que je sature, là. Depuis tout à l'heure, j'ai eu un véritable défilé d'Ultimes que je connaissais à peine de l'école venus me souhaiter leurs félicitations, bons vœux de mariage et tout le toutim, et ça, en plus de la pédanterie de certains de ta famille, plus Willy qui arrête pas de me charrier depuis tout à l'heure, plus Lan Yue dont je suis sûr qu'il essaie de tenter son coup avec Florian, plus... Enfin t'as compris quoi. Veikko, ça a juste été la goutte qui fait déborder le vase. Sinon, j'ai rien contre lui en général, hein, c'est un bon gars. Et puis ce serait assez ironique de ne pas supporter mister flirt alors que je vais épouser le roi du flirt.

— Vrai, je pouffe. Ne t'inquiète pas, Thibault. Là, tout ce qu'on va avoir à faire, c'est réciter un texte et embrasser plusieurs personnes.

— Je t'avoue que j'ai plus hâte de la dernière partie, rigole Thibault. Tu sais quand on est censés rentrer en scène ?

— Quand Clair de Lune commence à jouer. Si tu reconnais pas la musique, je te donnerai le signal. »

Thibault hoche la tête, et je sens sa main se glisser dans la mienne. C'est vrai, aujourd'hui, c'est aussi notre mariage. On va aller à l'autel ensemble. Peu conventionnel, certes, mais je pense que c'était nécessaire. Il ne s'agit pas seulement d'unir nos deux familles, aujourd'hui. C'est une cérémonie collective en l'honneur de nos affections.

Clair de Lune se met à jouer, et je tire légèrement sur la main de Thibault pour lui donner le signal. Ce dernier me suit sans mot dire, toujours paume serrée entre mes doigts, l'air de ne pas vouloir se dégager. Et nous ouvrons la porte ensemble, d'un même geste.

La salle de cérémonie est magnifique. Je sais qu'Ichiro et Hina ont tenté de reproduire l'ambiance d'une église au maximum de leurs capacités, même si personne dans nos polycules n'est réellement croyant ; mais il y a malgré tout quelques libertés qu'ils ont prises, comme la présence des deux cercles de chaises de chaque côté de l'autel, où nous attendent nos amours respectifs. Nous traverserons ensemble les rangées et les rangées de bancs recouverts de fleurs blanches, histoire de nous montrer à l'entièreté de nos invités ; avant d'enfin rejoindre l'autel, où nous pourrons mener nos cérémonies. Chacun de notre côté au début ; puis, de nouveau, ensemble.

C'est Taichi qui officie. Même si ça n'a rien à voir avec un mariage sous l'Accession, il a tenu à remplir ses devoirs d'Ultime Prêtre pour nos deux polycules. Je le vois au loin revêtu de sa tunique rituelle, agrémenté de fleurs rouges et orangées, nous adresser ce qui de loin ressemble à un immense sourire. C'est quelque peu rassurant. Au moins, nous ne seront pas liés, par un inconnu.

« Oh là là, me chuchote Thibault, tout ce monde, bordel...

— Shhhht, je lui réponds sur le même ton. Regarde devant, cherches leurs visages, ne t'occupe pas des autres. »

Il hoche la tête, mais je vois sa tension sur son visage alors que nous commençons à traverser les rangées d'invitées.

Moins stressée que lui, je me permets un regard vers les bancs alors que nous passons à côté. Quelques visages qui ne me sont pas inconnus me sourient. Madame Yamasaki, au troisième rang, est tout simplement radieuse ; à côté d'elle, Soma m'adresse un sourire quelque peu teinté par la tristesse dans ses yeux. Un peu plus loin, je vois Kanade, le tuteur d'Haruko, hocher doucement la tête. Madame et monsieur Monogatari sont là aussi, la première l'air un peu crispée, le deuxième en train de sourire à Wen Xiang. Et évidemment, le deuxième rang au grand complet est occupé par la famille de Michi, qui m'adresse de grands signes avec un sourire plus que large.

Thibault ne semble pas manquer d'invités bruyants, lui non plus. Madame Laangbroëk lui adresse de grands signes, et à côté d'elle, Elvira, Mareva et Willelmien, les sœurs et la cousine d'Emerens, sont éblouissantes de bonheur. Niahm, la sœur jumelle d'Alannah, est assise à côté d'eux avec son petit frère sur les genoux ; et dans un coin, assis dans son fauteuil, je reconnais Freïr, qui adresse à son frère un de ses extrêmement rares sourires. Leo n'est pas très loin non plus, mais lui n'ose pas bouger, le pauvre, et ne parle qu'à Ryo. Ce dernier me voit passer et me fait un clin d'œil complice.

Nous arrivons enfin devant l'autel. Taichi me fait un clin d'œil à son tour en remarquant nos mains jointes avec Thibault, et les prend d'un même mouvement avant de les poser sur l'autel.

« En ce jour, commence-t-il, nous célébrons, plus que la fusion de deux familles en une, l'union d'âmes liées pour de bon par des liens indéfectibles, des liens que bien peu comprennent, mais tous admirent... »

J'écoute à peine Taichi. Je sens dans mon dos les regards de toute ma famille, et de toute ma nouvelle famille, qui pèsent sur moi. Et ça n'a rien de désagréable. Au contraire, je sens l'impatience monter en moi. Doucement, je me dis, me rappelant des paroles de ma mère sur profiter de la cérémonie. Patiente un peu. Mais difficile de patienter quand la seule chose qui t'anime est ton désir de les serrer dans tes bras, tous autant qu'ils soient...

Taichi finit par nous donner le signal, et Thibault et moi nous lâchons la main pour nous diriger vers nos groupes de chaises respectifs. Ichiro m'attend en plein centre, une boîte en main. Inutile de l'ouvrir tout de suite. Je sais déjà ce qu'elle contient avant même qu'il ne me la remette.

« Félicitations, grande sœur, sourit-il alors que mes doigts se referment sur le velours du couvercle. Tu mérites ce bonheur. »

Je le remercie d'un signe de tête, et il me serre l'épaule avant de s'écarter du cercle, me laissant face à mes futurs époux.

« Reina Satou, Thibault Laangbroëk, continue Taichi, jurez vous d'aimer et de soutenir ces personnes, vos amants, vos amis, de partager leurs vies jusqu'à ce que l'avenir vous entraîne vers des chemins différents, d'être leur pilier dans la détresse, leur épaule dans la tristesse, leur camarade dans le bonheur ?

— Oui, j'annonce d'une voix forte, mes yeux se plongeant, l'un après l'autre, dans le regard de mes amours.

— Oui, » me fait écho Thibault, sur le même ton d'extase.

Je lui jette un regard. Il a lui aussi un immense sourire, et semble avoir choisi de croiser mes yeux au même instant que moi. Un peu reculé, mais avec le même sourire attendri qu'Ichiro, Florian m'adresse un petit signe de la main.

Taichi entonne le même cérémonial pour chacun d'entre eux, alors que je m'avance pour leur remettre leurs bagues. L'un après l'autre, au rythme des paroles de l'officiant. Me laissant me perdre dans leurs yeux pleins d'amour. De toute façon, j'ai l'éternité pour y trouver mon chemin.

Beaucoup pourraient trouver ce cérémonial répétitif, mais pas moi. C'est tout ce que j'ai toujours voulu. M'avancer. M'agenouiller. Glisser une bague à leur doigt, et un baiser sur leurs lèvres. Leur répéter, encore et encore, à quel point je les aime. Recommencer. Jusqu'à ce que finalement, ils aient tous leurs bagues à leur doigt, et que nous puissions nous retrouver avec Thibault au milieu de nos deux cercles.

« Thibault Laangbroëk marié, je pouffe en chuchotant alors que Taichi se prépare à officialiser notre union. On me l'aurait dit un jour que je ne l'aurai pas cru.

— Dit-elle alors qu'elle va me passer la bague au doigt, rigole ce dernier. T'es mal placée pour parler, Satou. Plus une infinité de noms de famille, maintenant. »

Je rigole. Avant de lui prendre la main, pour lui enfiler la dernière bague qu'il me reste.

Il fait de même. Et nous nous étreignons sous les applaudissements du public, les rires de nos polycules, et la musique qui prend encore plus d'ampleur.

J'entends leurs rires derrière moi. Leurs sourires. Leur bonheur. Tout me transporte d'une joie sans pareille. C'est donc tout naturellement que j'attrape la main de Thibault, me saisit de celle la plus proche de moi, celle d'Haruko. Qui attrape la main de Sora, qui s'empare de celle de Michi, qui récupère celle de Wen Xiang. Et qu'ensemble, nous nous précipitons dehors dans les éclats de rire, toute dignité oubliée, juste transportés par le bonheur de ce jour heureux.

J'entends leurs applaudissements à tous. À Hina qui est la plus bruyante de toutes, à Senri dont j'ai le temps de saisir le sourire, à Saki qui signe frénétiquement dans ma direction, en train de rire comme jamais je ne l'ai entendue rire. À Kichiro qui hoche doucement la tête, à Seo-jun qui siffle autant qu'il peut, à Aloïs dont le rire est communicatif. Sur le chemin, tradition ou pas, nous nous retrouvons bombardés de projectiles de toutes sortes. Les plumes de corbeau sont signées Sukina, les grenouilles doivent venir de Royale Flush. Évidemment, le riz côtoie les pétales de fleurs, et parfois les confettis. Ma robe ne passera sans doute pas cette épreuve sans quelques dégâts. Mais je m'en fiche pas mal. Je suis heureuse. C'est tout ce qui compte.

La salle de réception est pleine quand nous entrons enfin. Changés, pour la plupart, car les grenouilles n'ont pas été tendres avec nos tenues ; Euphoriques, pour tous, chacun d'entre nous en train de contempler les bagues qu'on a aux doigts. Emerens ne cesse de fixer la sienne avec de grands yeux ébahis, l'air de ne pas y croire. J'avoue que j'ai du mal aussi.

Je me dirige vers lui, désireuse d'engager la discussion, mais une main se referme sur mon épaule, et je sens une tête se caler dans le creux de mon épaule. Avant qu'une voix pour le moins amusée me chuchote à l'oreille :

« Tu cachais bien ton jeu, hein, Reina ? »

Je souris. Je sais exactement de quoi parle cet intrus surprise. Si c'est réellement le terme adapté au vu des bagues qui alourdissent nos annulaires.

« Félicitations, futur papa. Sachiko t'a montré la vidéo de son battement de cœur ou je peux le faire ? J'ai la clé USB dans mon sac...

— Inutile, ricane Thibault, je demanderai à la future maman. Qui a bien choisi son moment, tiens. J'aurais jamais cru que ça fonctionnerait maintenant... Au premier essai... »

Je lui serre la main. Je me souviens très bien ce premier essai, de l'annonce de l'échec de l'implantation des embryons. Mon assistant, qui connaissait leur historique et leur fertilité respective, était à deux doigts de suggérer de repasser à une méthode plus... traditionnelle, d'enfanter. J'ai cru que Sachiko allait le découper en rondelles s'il disait un mot de plus. Je me suis contentée d'en reprogrammer une. La bonne, visiblement.

Thibault me serre dans ses bras un peu plus fort, avant de finalement me relâcher après un petit « merci » glissé dans mon oreille. Je sais très bien qu'il ne parle pas que de la fécondation in vitro. J'ai autant de sujets que lui de le remercier.

En attendant, je dois reprendre mon idée originelle. Je me dirige vers Emerens, un sourire aux lèvres, vite rejointe par Senri qui traînait non loin, puis Aloïs, et enfin Ichiro qui a littéralement les yeux qui brillent. Une telle concentration d'hommes au même endroit me met toujours assez mal à l'aise, mais bon, on parle de mon meilleur ami, de mon frère, d'une personne à qui je tiens énormément et d'une en qui j'ai toute confiance... Donc bon.

« Félicitations, Emerens, sourit Senri. Toi marié, on y croyait plus. »

Emerens lui tire la langue, tandis qu'à côté Aloïs lui fait un clin d'œil.

« J'espère quand même que ça ne privera pas le reste du monde de ton attention ! Ce serait une sacrée perte...

— Le reste du monde dont toi, pas vrai ? Ricane Emerens en filant un coup de coude à Aloïs. T'en fais pas, même marié je reste libre comme l'air, c'est suffisamment clair entre Thibault, Louna, Sharon et moi ! Ma chambre est toujours open bar... »

Je le fixe avec tout le jugement dont je suis capable, avant d'échanger un regard lassé avec Senri. Ce dernier a un petit sourire qui court sur ses lèvres. T'inquiète pas, on a bien compris que même s'il te fait chier ça t'amuse. On est tous pareils avec lui, je crois qu'il réveille notre côté masochiste.

Ichiro me tire la manche. J'ai l'impression qu'il est redevenu mon petit frère de six ans qui ne savait pas s'y prendre avec les adultes, et pas le futur PDG du conglomérat Satou. J'imagine que c'est la présence de ces deux-là qui l'intimide. Je parle bien évidemment d'Aloïs et d'Emerens, parce que Senri, à force, on le connaît bien. Je soupire.

« C'est vrai, désolée, j'ai oublié de faire les présentations. Emerens, Aloïs, je vous présente mon petit frère, Ichiro Satou. C'est lui qui gère le conglomérat depuis quelques temps maintenant ! »

Ichiro a un sourire un peu timide. Et alors qu'il lâche ma manche, je vois ses joues prendre une teinte plus sombre... Tiens, tiens, alors comme ça, ça gay panique, petit frère ? Intéressant. Heureusement pour lui qu'Emerens ne s'en est pas aperçu. Par contre, Aloïs, si. Il lui adresse d'ailleurs un clin d'œil.

« Enchanté ! C'est rare, les PDG si jeunes, dites-moi... On pourrait presque écrire un roman comme ceux d'Emerens, pouffe-t-il en montrant l'intéressé d'un signe de main. Tu penses aller à Hope's Peak ?

— Du calme ! S'exclame Ichiro qui rougit encore plus. J'ai aucune envie de me retrouver dans une romance pour le moment ! Et pour répondre à ta question, je pouvais pas y aller tant que Raraka possédait encore le titre, et là maintenant je pense que je n'aurais plus le temps d'étudier, alors même si Hope's Peak me proposait je crois que je refuserais...

— Dommage pour Hope's Peak, et dommage pour l'histoire, pouffe Aloïs. Je crois que c'est une trope classique en plus, le PDG et sa secrétaire. Ou son secrétaire, hein Emerens ?

— Oh pitié, s'exclame ce dernier en levant les bras au ciel, je ne supporte pas d'écrire sur des déséquilibrages de pouvoir comme ça, pas sans montrer un minimum le côté toxique. Ma limite, c'est le PDG et le journaliste mignon qui vient l'interviewer ! Pas de menace d'éviction ou quoi que ce soit du genre, comme ça !

— C'est très sympa tout ça, j'interviens, mais est-ce que vous pourriez discuter de ce genre de choses dans un contexte où elles n'impliquent pas mon petit frère, s'il vous plaît ? »

Emerens et Aloïs échangent un regard, puis le premier me lance un regard d'excuse tandis que le deuxième hoche la tête.

« Bien sûr, Reina. Simple hypothèse de ma part. Difficile de ne pas réfléchir à le caser, ce charmant jeune homme, après tout ! »

Seigneur, il le fait exprès. Le pauvre Ichiro est rouge tomate, et je crois que cette fois Emerens l'a remarqué, vu son sourire en coin.

« On peut même se dévouer si tu veux d'ailleurs ! Y'aurait pas beaucoup d'efforts à faire... »

Aloïs pouffe, avant d'adresser un clin d'œil à Ichiro. Senri, de son côté, soupire.

« T'en loupes pas une, toi. Vous deux, d'ailleurs. Si vous le mettez mal à l'aise, vous savez que Reina est légalement autorisée à vous en coller une ? »

Je lève mon poing avec un faux air menaçant, mais Ichiro l'attrape avant que j'aie pu compléter ma menace, avant de lancer un regard à Senri, regard du type « pas la peine que tu t'en mêles je gère ». Avant de s'incliner élégamment devant Emerens et Aloïs.

« Messieurs je suis flatté de vos attentions, surtout de la part d'Ultimes aussi réputés et d'hommes aussi beaux, mais je suis au regret de vous informer que mon cœur n'est pas à prendre ! Il faudrait, pouffe Ichiro en relevant la tête, que vous entriez en compétition avec mon travail et je dois vous avouer que la tentation que vous représentez n'est pas à la hauteur de l'excitation que me procurent les chiffres... »

Et il adresse sur ces mots un charmant clin d'œil aux deux flirt-monster sur pattes qui sont absolument éberlués d'une telle répartie. Je ne peux m'empêcher de prendre mon crâne dans ma main. Tout compte fait, il avait moyennement besoin de mon aide, Ichiro. Senri me glisse un regard en coin, l'air de signifier qu'il l'a surpris, lui aussi. Bah, moi aussi, Senri. Je sais que je vois assez peu mon frère, mais je ne le croyais clairement pas capable d'un tel numéro...

Emerens et Aloïs échangent un regard abasourdi, puis le premier éclate de rire, pendant que le deuxième hoche la tête.

« Eh bien ça c'est ce que j'appelle un refus élégant ! Difficile de garder rancune dans ce genre de cas...

— j'l'aime bien, ton frère, Reina, renchérit Emerens, toujours en train de rire. Il me rappelle certaines personnes de ma connaissance. »

Et il fait un clin d'œil à Senri, qui a un léger sourire. Ichiro, de son côté, a un sourire en coin.

« Un plaisir ! Je suis un fan de votre travail à tous les deux, d'ailleurs...

— Merci, sourit Emerens. Je dirais bien moi de même, mais pour être honnête, tout ce que m'inspirent les PDG, ce sont des intrigues de roman. »

Ce qui est un compliment en soit pour un romancier socialiste. Je secoue doucement la tête, histoire d'exprimer mon habituel lassitude, mais mon regard accroche quelque chose, et je ne peux m'empêcher de me retourner. C'est la sécurité, qui a l'air en plein milieu d'une discussion houleuse. Je plisse les yeux.

« Ichiro, les vigiles ont l'air agités... »

Ce dernier se tourne vers la direction que je lui indique, et jure en iranien. Je me crispe.

« Il y a un problème ?

— Je crois, Reina... S'il te plaît, si ça se confirme, ne m'en veux pas, d'accord ? J'ai fait tout ce que j'ai pu...

— De quoi tu p– »

Je me fige. Parce que je viens de comprendre ce qu'il se passe. Parce que je viens de les voir fendre la foule, et se diriger droit sur nous. Et parce que cette fois je sais qu'on ne peut pas fuir, parce qu'on a été repérés. Parce que mon regard vient d'accrocher l'œil vert sombre et glacial de Damian Van Heel.

C'est à mon tour de jurer en iranien.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? » Demande un Senri tendu.

Je l'ignore pour me tourner vers Ichiro. Son visage blême est le reflet du mien.

« Je croyais qu'on avait demandé à ce qu'ils soient refoulés à l'entrée au cas où ?

— Je sais, soupire Ichiro. J'ai essayé, crois-moi. Mais Adelheid a menacé les vigiles d'un procès et d'une bonne dizaine d'attaques médiatiques sur notre famille, et le conglomérat n'a vraiment pas besoin de ça. J'ai demandé à papa de négocier avec eux parce qu'il est plus doué que moi pour ça, mais visiblement, il a perdu les négociations...

— En effet, ma chérie, intervient mon père à côté, que je viens de voir arriver. J'ignore pourquoi ils tenaient tant à venir, mais ils n'ont pas lâché l'affaire avant de pouvoir rentrer. C'est pour ça que j'ai demandé à Ichiro d'avancer la cérémonie. Au cas où ils auraient eu les mêmes intentions que ta cousine. »

Franchement... Franchement, papa, je sais que tu ne sais pas tout. Mais je pense que les parents Van Heel ont en tête des intentions bien plus noires que celles d'Isami. Je ne sais même pas comment ils se sont crus méritants d'une place dans cette journée qui ne leur est même pas dédiée. Sauf qu'Ichiro a raison. Les Van Heel sont une des premières fortunes néerlandaises, et ce qu'ils possèdent fait de l'ombre au conglomérat. Sans connaître toute l'histoire, je comprends qu'ils aient voulu privilégier leurs intérêts.

Je jette un coup d'œil à Emerens. Le pauvre s'est mis à hyperventiler, les yeux écarquillés, et tremble de tous ses membres. Senri est en train de lui passer doucement le dos, et Aloïs essaie de le soustraire à la vue de sa famille. Sans guère de succès, hélas. Damian et Adelheid Van Heel ne perdent en effet pas une seule seconde pour se diriger vers nous. Je m'empresse d'envoyer un message à Thibault pour lui expliquer la situation. En priant pour qu'il ait eu le temps de mettre Elvira à l'abri.

Je soupire. J'ai déjà eu affaire aux parents Van Heel une fois. Je peux recommencer.

« Madame, monsieur, je les salue d'un ton égal alors qu'ils se plantent devant nous. Que me vaut l'honneur de votre visite ? »

Ces mots me déchirent la gorge, mais je fais comme si de rien n'était. Damian me jette un regard soupçonneux, mais si Adelheid a remarqué mon hostilité, elle n'en montre rien.

« Damian et moi n'allions tout de même pas louper le mariage de notre fils, tout de même ! En tant que ses parents, ne pas lui présenter nos félicitations était inconcevable... »

Senri serre fort le bras d'Emerens, et papa pose une main sur mon épaule. Je sais. Je dois garder mon calme. Même en sachant très bien que ces deux immondes tas de crottin n'ont certainement pas en tête l'unique intérêt de leur fils en venant à cette journée. Pas après ce qu'ils lui ont fait. Non. Ils n'en ont aucunement le droit.

« Il ne s'agit pas uniquement du mariage d'Emerens, intervient papa avec calme. Ma fille est au centre des célébrations. Il est normal que sur la liste des invités, nous privilégions notre famille et nos proches plutôt que les siens. »

Manière sympa de dire qu'ils n'étaient pas sur la liste des priorités. Mais visiblement, le rappel qu'il ne s'agit pas que de sa journée semble refroidir grandement Adelheid et Damian.

« Ah, c'est vrai, soupire ce dernier, le fameux mariage polygame... Que des parents soutiennent ce style de vie me dépasse. »

Et il lance un regard glacial à Emerens. Qui lui renvoie un œil plein de haine et de colère. Cette attaque n'est clairement pas passée inaperçue, sachant que plus d'une fois, il a été traîné aux fêtes de Noël avec Thibault, Louna et Sharon... qui se faisait passer pour Elijah à ce moment-là.

Connaissant Emerens, il n'a sans doute pas pu résister à bien exprimer à quel point sa famille, sa génération exceptée, lui faisait horreur. En affichant son style de vie « décadent ». Mais je doute que ça l'empêche de souffrir en pensant au mépris de ceux qui auraient dû uniquement l'aimer.

Je soupire.

« Je suis juste là, monsieur. Retenez votre mépris.

— Ne me donne pas d'ordre, toi. Tu sors à peine de l'adolescence, tu n'as aucune expérience de la vie.

— Damian, intervient Adelheid, tu ne crois pas être un peu dur ? Bien sûr, cette enfant est perdue, comme notre fils, mais la violence ne résout rien, n'est-ce pas ? Nous pourrions nous expliquer calmement, et peut-être, leur montrer comment exploiter au mieux sa vie... »

Ah oui, comme la fois où t'as expliqué à ton fils de treize ans que tu voyais en lui qu'un réservoir à succès ? En d'autres mots, bien sûr, parce qu'évidemment jamais Adelheid Van Heel ne montre ses vraies émotions... Mais l'idée était là. Et au vu de la tête d'Emerens, il se rappelle de ce moment, lui aussi.

« Je n'ai pas besoin de vos conseils, je soupire, j'ai vingt-six ans, je suis cheffe de service dans le plus grand hôpital du Japon et je pense avoir réussi dans la vie. Gardez-les pour vous-même !

— Vingt-six ans, soupire Adelheid en me tapotant la tête, c'est si jeune encore... Notre Elvira avait encore besoin d'être guidée à cet âge, je crois que j'ai ma petite expérience en la matière, non ?

— Guidée ?!? Vous appelez guider ce que vous lui avez infligé, espèce de vieille mégère ?!? Hurle Emerens, à bout de patience. Il a fallu des mois de thérapie pour qu'elle se remette de votre traitement « miracle » sur quelques jours à peine ! Ne me redites pas que vous appelez ça « guider » !

— Tais-toi, gamin, le coupe Damian avec froideur. Tu auras ton mot à dire quand tu cesseras de te comporter comme un adolescent attardé. »

Emerens se fige net.

Je bous sur place, je crois que si je les vois une seconde de plus, je vais les jeter dehors façon ju-jitsu. J'ignore encore quelle audace les a poussés à venir raconter de telles obscénités le jour de mon mariage, mais je ne compte pas leur laisser le temps de s'expliquer. À deux doigts d'appeler la sécurité, je lève une main, mais Ichiro m'attrape le poignet, avant de me chuchoter doucement « laisse-moi faire ». Je lui jette un regard. Il a sérieusement intérêt à réparer sa négligence en termes de qui a l'autorisation de rentrer ou non.

« Madame et monsieur Van Heel, s'il vous plaît ! La règle d'or des invités est de ne pas provoquer de scandale ! L'enfreindre provoquerait d'assez lourdes conséquences en termes de notre gestion de l'hospitalité...

— Et qui es-tu, toi ? Intervient Adelheid avec un sourire un peu de travers. Le petit cousin ? »

Ichiro plisse les yeux, mais ne se laisse pas démonter.

« Je suis Ichiro Satou, PDG du conglomérat du même nom, et septième plus grosse fortune du Japon. En plus d'être l'héritier Satou et le frère de la mariée. J'estime à cet égard avoir mon mot à dire sur les règles de l'hospitalité que je peux appliquer ou pas dans ma propre maison. »

Cette fois, je crois que son ton plus froid que la glace semble déstabiliser l'imperturbable Adelheid. Elle se penche vers lui, l'air de se demander si ça vaut la peine de contrer l'attaque de ce jeune homme d'à peine plus de vingt ans, que selon ses standards elle doit vraiment mépriser ; mais Ichiro fait un geste de la main, et trois vigiles apparaissent juste derrière lui. L'horrible mégère ne peut que s'avouer vaincue, et détourne enfin le regard. Encore heureux.

« Peu importe... Viens, Damian, nous devrions aller voir ce que font nos filles.

— J'espère que j'aurais plus d'espoirs à leur égard, siffle le terrible paternel. Bien que vu l'influence, je ne peux pas vraiment être rassuré. »

Emerens siffle, mais ne répond rien. Heureusement pour lui, les deux épouvantails ne perdent pas de temps pour tourner les talons, et se perdre de nouveau dans la foule. Sous les yeux sombres de Senri et moi, le regard froid d'Ichiro et de papa, et l'air surpris d'Aloïs.

« Je crois que j'ai pas toute l'histoire, intervient ce dernier alors que les mèches grisonnantes des vieux disparaissent de notre champ de vision. Qu'est-ce que tes parents ont fait à ta sœur ? »

Emerens grimace. C'est Senri qui répond à sa place.

« Ce n'est pas quelque chose dont on peut discuter dans une salle bondée comme ça. Tout ce que je peux te dire, c'est que ces salopards ne doivent pas approcher d'Elvira. À aucun prix.

— Et si on peut les mettre dehors le plus vite possible, grommelle Ichiro, ça m'arrangerait... Ce sont des gâcheurs de fête sur pattes. »

Il n'a pas tort. Mais comment mettre deux personnes aussi insistantes dehors... Oh. Une minute. Je crois qu'il me vient une idée diabolique.

« Papa, je lance d'une voix innocente, tu ne devais pas montrer à Emerens la magnifique collection d'instruments qu'Ichiro a accumulé au cours des années ? Avec la batterie, les platines de DJ, et la guitare électrique ?

— Je... N'ai pas souvenir qu'on en ait parlé, ma puce, me répond mon père, tu es sûre que tu n'as pas abordé le sujet avec maman ?

— Mais si, mais si, je continue en lui jetant un coup d'œil éloquent, tu sais, quand j'ai parlé de la petite exhibition de milieu de soirée... Monter le concert, souviens-toi ! »

Je fais un clin d'œil très appuyé à Ichiro, qui n'a l'air de rien y comprendre ; son visage s'illumine aussitôt.

« Mais oui, c'est vrai, je me souviens ! Quand Reina m'a dit qu'Emerens était un excellent musicien ! Tu as dit que si je voulais, je pourrais lui montrer ma collection, et qu'on les essayerait ensemble sur scène... Souviens-toi, papa, c'est même dans le programme !

— Le prog- Oh mais oui bien sûr, le programme, rigole papa. Quelque chose que même les invités de marque ne peuvent râler contre sans manquer à l'hospitalité. Bien sûr, Ichiro, je te donne les clés. Va donc faire une démonstration à Emerens de toute ton incroyable collection, je vais prévenir l'organisatrice que nous allons avancer le concert... »

Il sourit, avant de me tapoter doucement la tête et de s'éloigner, jetant au passage les clés à Ichiro. Ce dernier fait un clin d'œil à Emerens.

« Allez, c'est pas tout ça, mais ça va être ton moment ! Pense à t'échauffer la voix, hein !

— Comment ça mon mom-

— Mais si enfin, je ricane, ton concert. Avec les chansons que tu veux, bien évidemment ! De toute façon, comme c'est les mariés qui décident, tout le monde devra y participer, et les vigiles se chargeront des places...

— Mais je n'ai rien prév- Oh. Ooooooooooooooooooh. »

Enfin il a compris. Son sourire s'élargit, et se transforme en rictus diabolique.

« Mais oui bien sûr, mon concert. Demandé par la mariée en personne... Avec un répertoire de ma composition...

— Tu as tout compris, bouffi. Avec un répertoire aussi crade que tu veux, on est plus à ça près. On peut même demander aux danseurs de s'incruster, je suis sûr qu'ils seraient ravis... »

J'adresse un coup d'œil éloquent à Aloïs, mais ce dernier n'en a visiblement pas eu besoin pour comprendre.

« Mais bien sûr ! Toujours prêt à me donner en spectacle ! Je vais chercher Lan Yue le temps que vous vous prépariez, si on a des tenues et tout ce qu'il faut...

— J'ai en tant que riche excentrique pas mal de hobbys, intervient Ichiro. Demandez à une des servantes de vous montrer mon terrain de danse, je suis sûr que vous y trouverez votre bonheur en termes de tenues.

— Donc je vais me retrouver dans une situation où je porterai tes vêtements ? pouffe Aloïs. Tu cherches à profiter de l'occasion ?

— Pas du tout, rigole Ichiro. Et je n'ai pas du tout ma caméra de prête. »

Aloïs éclate de rire, puis s'éloigne, tandis qu'Ichiro fait jouer de ses clés. Emerens a un large sourire.

« Senri, t'en es ?

— Du moment que tu me jures que je serai à l'écart sur la scène pendant que tu chantes tout ton répertoire tendancieux, ça me va, rigole Senri. Je ne suis jamais contre t'aider à faire un gros fuck à tes parents.

— Alors c'est décidé ! Intervient Ichiro. Vous en faites pas pour la batterie, je me débrouille pas trop mal. Je te retrouve sur scène, Rei-chan, file prévenir Thibault et les autres !

— J'y cours, je pouffe. Ah, et, Emerens ? »

Ce dernier se tourne vers moi. Mon rictus sardonique s'élargit.

« Lâche-toi. »

L'insupportable Van Heel, prêt à en faire jouer pour le bien d'une fête tout entière, me rend mon rictus.

« Toujours, Reina, ô astre de mes journées. Je te revaudrai ça. »

Il se précipite à la suite d'Ichiro et de Senri. De mon côté, je fends la foule à vive allure. Je ferais mieux de prévenir Thibault avant que son mari ne se donne en spectacle, je crois qu'il va devoir préparer sa résistance au simp.

Nous sommes devant la scène, non loin des parents Van Heel qui se demandent ce qu'ils se passent. Thibault est à côté de moi, de même qu'Elvira et Mareva, que j'ai tenu à garder à l'œil, et Willelmien, qui s'est greffée au groupe. Louna n'a pas tardé à nous rejoindre avec le sourire de celle qui sait à quoi s'attendre. De fait, je n'ai pas eu besoin de la briefer quand le rideau s'est enfin levé, sur Emerens en tenue bien plus rock-and-roll, suivi de Senri, dans ses vêtements habituels, et d'Ichiro, qui a opté pour une tenue similaire à celle de Senri. Mais évidemment et comme d'habitude, c'est Emerens qui prend toute la place sur scène. Tout particulier quand il s'empare du micro.

« Ahem ! Conformément au programme et avant le discours des témoins, voici le petit concert très, très privé en l'honneur des mariés ! Et si je peux vous donner un petit conseil : Écartez-vous les uns des autres et surtout des vieux décrépits, parce que ça va secouer, et je n'aimerais pas qu'une pichenette mal placée soit responsable d'un meurtre... »

Les vieux Van Heel ne sont visiblement pas les seuls outrés par cette attaque totalement gratuite mais si satisfaisante. Tante Rin et oncle Kyosuke sont verts de rage, et grand-père Hakim a l'air de bouder. Je lui expliquerai sans doute plus tard que ce n'était pas tourné contre lui, là, j'ai envie de profiter de ma douce vengeance.

Emerens réajuste sa guitare, avant de lancer les premiers accords, provoquant les hurlements généraux de la foule la plus jeune. Thibault s'y joint d'ailleurs bien volontiers, ce sacripant. Quelques mouvements de doigts sur les cordes lui permettent d'ajuster le son, puis il se racle la gorge, et attaque sa première chanson.

I wanna be your slave, I wanna be your master,

I wanna make your heartbeat run like rollercoasters...

Je ne peux m'empêcher d'éclater de rire. S'il commence direct par Mäneskin, ça promet pour la suite. J'ai hâte de voir la tête des parents Van Heel quand il attaquera Simon Curtis vu déjà l'expression qu'ils affichent devant une chanson toute simple à peine explicite...

Emerens a l'air au comble du bonheur. Jamais je ne l'ai vu autant remuer sur une scène, et au premier rang c'est facile de voir le nombre de clins d'œil qu'il balance à son public. Sous le regard dégoûté, ulcéré, même, de ses géniteurs, il enchaîne les mouvements de tête, les remises en place de sa chevelure, les expressions flirty. Je crois qu'il est autant déterminé que moi à les mettre dehors. On se comprend bien.

« Il est pas croyable, lui alors, ricane Thibault dans mon oreille.

— Je me doute bien que tu n'arrives pas à croire lui avoir passé la bague au doigt, mon cœur, mais c'est une réalité, je pouffe. Regarde-le, il a l'air de revivre rien qu'à l'idée qu'il emmerde ses parents sous la protection des miens.

— Ah là là, oui, je l'ai épousé, rends-toi compte. Et le pire dans tout ça c'est que j'en suis heureux. »

Je souris. Oui, en effet, le pire, ou le meilleur dans tout ça, c'est que nous sommes heureux. Il nous rend heureux, nos épouxes nous rendent tous heureux, pouvoir leur exprimer notre amour nous rend heureux.

Thibault me passe un bras autour des épaules, et je réponds en glissant sa main sur sa taille. Observant, ensemble, une revanche plus que mémorable.

_____________________

c'était

LONG !

Remerciez Soupe, c'est elle qui m'a donné l'idée. Avec quelques petits bonus backstory, ehehehehehehe-

Alors dites-moi vous en dites quoi de ce charmant mariage ?

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