Longue vie à la Résistance (20 décembre 2021)
Vingt décembre 2021.
Je regarde la date sur ma montre. Mon cœur bat à toute allure. Ce que je vais faire... Ce que je vais faire va très probablement me porter au plus haut de la liste des gens à éliminer des Monokuma. D'ici peu de temps, je vais soit mourir, soit ils se rendront compte que je mérite un titre.
Et ce titre me condamnera presque à coup sûr, que j'en sorte vivant ou pas.
Je me sens mal, dans mon costume. Trop serré. Dommage qu'il soit de circonstance, sur l'impulsion d'Alexis et de celui censé me protéger pendant notre petite opération, eux cachés derrière un ordinateur et une porte, prêts à intervenir à tout moment.
On est tous là. La fine équipe, pourrait-on dire, composée d'Ultimes, d'anciens Ultimes et de proches d'Ultimes. Une cellule de la résistance qui n'a rien d'organisé, rien de particulièrement spectaculaire, mais qui va sans doute commettre ce soir son plus gros coup d'éclat.
« T'es bien sûre de toi, Maylis ? Redemande pour la énième fois Sven Ruoho en triturant les boutons de sa chemise. »
Cette dernière hoche la tête.
« A cent pour cent. L'allocution de l'Ultime Directrice Radio est ce soir. En s'y prenant correctement, on pourra pirater sa propagande et balancer au grand public une bonne dose de secrets d'Etat. »
Je serre les dents. Les secrets d'Etat, on l'a bien compris, on nous les agite sous le nez comme une carotte devant des ânes depuis les Abysses du Désespoir et l'Art de Créer l'Espoir. Mais ce n'est pas tant pour les révélations que je fais ça. C'est pour, enfin, briser mon silence. Sur les horreurs des Monokuma, sur ce monde qu'ils ont créé, qui m'a brisé, moi, et tellement d'autres. Ce monde qui m'a pris la femme que j'aimais.
J'espère que, où qu'elle se trouve, elle soit en mesure de regarder.
« Ca va être l'heure, lance Alexis. Tout le monde en position. »
Il a raison. Il est plus que temps.
***
J'ai froid.
Depuis ma sortie de Tuerie en 2017, je crois que je n'ai jamais cessé d'avoir froid.
Fabiola... Tu me manques tellement.
Toi, et tous les autres, qui sont morts pour mes bêtises.
J'ai vingt ans, aujourd'hui. Je fais bien plus que ce que je n'ai jamais fait quand je portais ce maudit titre, dont je n'ai pu me résoudre à en révéler le secret. A part à Fabiola. Elle était la seule qui savait, et maintenant, elle est morte.
A côté de moi se tient le responsable des interviews que j'ai traîné spécialement de la Russie. Ironique, que moi, j'ai des contacts jusque dans les terres du Kremlin, mais en quatre ans, mon influence s'est grandement étendue. Jusqu'à ce poste qu'aujourd'hui je consacre à aider toutes les cellules de la Résistance que je peux. Surtout les plus faibles.
C'est ce qui m'amène ici aujourd'hui.
Sasha me regarde avec des yeux inquisiteurs. C'est le journaliste que je préfère, sans doute à cause de son nom. Le vrai, l'autre Sasha, celui que j'ai connu et perdu. Mais il n'a rien à voir avec lui. Heureusement pour ma santé mentale, je suppose.
Je m'avance avec lui vers celui qu'on va interviewer. Florian Laangbroëk, quatorze, quinze ans à peine, rescapé d'un des pires enfers existants. Il a l'air tellement grave, dans son costume noir. On dirait presque moi à son âge.
« J'espère que tu es prêt. A partir de ce moment, il n'y aura plus de retour en arrière pour toi. »
Il déglutit. Mais son regard ne faiblit pas.
« Je suis prêt. »
Je retire ce que j'ai dit.
Il est bien plus courageux que moi à son âge.
***
La diffusion va commencer, et j'ai les mains moites. D'ici même pas quelques minutes, mon job va me le faire oublier, mais là, maintenant, tout de suite, je tremble. Je n'ai encore jamais fait d'opérations de cette ampleur. Et puis merde, c'est pas mon job, normalement, de pirater à l'échelle mondiale une foutue allocation de Monokuma.
J'ai peur. Le piratage est ma carte forte, mais je sais contre qui je suis. Et si jamais elle parvient à retracer mon adresse IP... Alors que Shiori Ikeda se trouve sur les lieux avec un survivant de Tuerie... Putain, je pourrais tous les pousser à la mort.
Ledit survivant est collé juste derrière mon dos, d'ailleurs. Ses doigts effleurent mon cou dans un geste qui se veut rassurant, mais je n'arrive pas à me détendre. Il me rappelle trop de souvenirs. Le genre qui me donne envie de pleurer.
« Ça va aller, il chuchote à mon oreille avant d'enrouler ses bras autour de mon cou. T'as pas besoin de garder l'antenne trop longtemps, de toute façon. C'est vraiment juste pour montrer que vous existez. »
Ouais, et ça me rend toujours autant malade que tu t'inclues pas dedans, mais bon, d'un autre côté, je crois que t'as eu assez d'attention sur toi. Inutile d'en rajouter avec une petite bande de cons qui a vraiment envie d'exorciser la douleur des Tueries qu'ils n'ont même pas vécues.
Il m'embrasse dans le cou, et j'ai un petit rire.
« C'est pas le moment, bébé.
— Ouais, on verra ça après, lorsqu'on sera au chaud à l'hôtel, j'imagine. Mais bon, t'avais l'air stressé, donc...
— J'ai plus besoin de me concentrer que de me détendre, même si t'es effectivement super sexy. Allez, file à la porte. Personne ne doit atteindre Florian. »
Ce dernier, ayant entendu son prénom, se tourne vers moi depuis le canapé. Il a les mêmes yeux que son frère. Putain, ce que j'ai pu jalouser son frère. Mais bon, aujourd'hui, ça n'a plus tellement d'importance. Je suis plus jaloux, juste horriblement en souffrance.
Et c'est bien beau d'essayer de se consoler avec des survivants de Tuerie quand eux-mêmes voient une autre personne dans mes yeux, quand je n'arrive même plus à envisager quelque chose de... De beau sans rêver ou cauchemarder sur de longs cheveux blonds et un petit air espiègle.
Pas le moment de laisser ses pensées dériver. Concentre-toi, Alexis. Tu as toute une bande d'Ultimes à protéger.
***
On est tous assis derrière la caméra. Moi, au son, Alexis, au piratage, Sven s'occupe du cadrage, et Shiori supervise le bordel de ses grands yeux indéchiffrables. Le journaliste est prêt à interviewer le gamin. Maylis guette à la porte avec un vieux pote que je n'aurais jamais cru revoir dans ces circonstances.
C'est stressant de devoir agir dans ces circonstances. Mais je devais le faire. Après l'Art de Créer l'Espoir, mon passage au Danemark pour aider Teodora, toutes les guerres, tous les coups d'éclat...
Va falloir que je lui envoie mon rapport, à Teodora. Elle voit d'un assez mauvais œil cette cellule de résistance désorganisée, qui pourrait lui causer plus de tort que de bien. Mais ce sont tous, ou presque, de vieux camarades. Je peux pas les laisser tomber.
« Son, paré, je chuchote à l'adresse de Shiori.
— La caméra est cadrée, enchaîne Sven, les mains moites. Vos visages sont floutés, mais on sait jamais. Pas de noms.
— ça va commencer, continue Maylis, les yeux rivés sur sa montre. T'es prêt, Alexis ?
— J'suis prêt à m'infiltrer dans le trou de balle de leurs serveurs, termine ce dernier. A l'antenne dans trois. Deux. Un... »
Les lumières s'allument.
Par réflexe, Shiori allume la télé, avant d'en mettre le son au minium. Juste à temps pour voir l'annonce de propagande des Monokuma être coupée par l'image de notre petit studio. Avec Florian, le visage flouté, assis sur un canapé face à Sasha qu'on ne voit pas.
Ce dernier prend une profonde inspiration.
« Bonsoir, tous ceux qui nous écoutent, citoyens du monde entier. »
Sa voix est claire. Elle ne frémit même pas. Pourtant, je le vois, à la sueur qui lui coule sur le visage, qu'il est terrifié.
Je floute un peu sa voix dans les paramètres sonores. Elle est robotisée, assez peu agréable à l'écoute, mais au moins, l'Impératrice Ultime aura moins de mal à l'identifier avec ses logiciels de traitement du son.
***
« Si je vous parle aujourd'hui, c'est pour vous informer. Vous faire vous réveiller. Vous faire comprendre où est la menace, contre quoi, contre qui il faut lutter. »
J'ai une liste de noms de politiciens corrompus dans ma main, ceux qui devaient arriver au pouvoir très prochainement dans des pays encore résistants, ceux qui essaient de se faire passer pour pro-résistance dans l'espoir de mieux contrôler leur pays, et ainsi de suite. Peu exhaustive, hélas, mais la lutte reste la lutte. Et je sais que certains des noms sont inatteignables, hélas pour moi.
Mais ce n'est pas par ça que je veux commencer.
« Depuis deux mille seize, vous avez vu passer les Tueries, entendu parler des Tueries, perdu des gens dans les Tueries. On vous vend les Tueries comme le fer de lance de la lutte, comme la seule chose qui compte, mais la vérité, c'est que l'action de ceux qui se font appeler les Monokuma est bien plus lourde que ça. »
Je déglutis. C'est tellement dur à dire, comme ça, mais d'un autre côté, alors qu'on commence tout juste à se rendre compte que le monde entier est impliqué, que le rasage de la Fédération du Nord n'était pas pour rien, il est des mots qu'il est bon d'imprimer dans tous les esprits.
« Je suis ici pour vous rappeler que la lutte est partout. Que nous ne pourrons pas voir se dessiner la fin en comptant uniquement sur les génies. »
Inspiration. Ma main qui se serre sur la liste. Le journaliste qui, me voyant en difficulté, prend le relais.
« Vous êtes conscient du monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, n'est-ce pas.
— Oui. La propagande faite depuis deux-mille-seize par les Monokuma ne sert qu'à masquer leurs innombrables crimes de guerre. Ce n'est pas un simple enchainement de coups d'Etat qui ne vous toucheront jamais, ou qui peut-être vous affectent sans que vous sachiez pourquoi. Chaque chute, de celle de la Fédération à celle du Laos, est orchestrée par les Monokuma. Qui sait, peut-être même que ce politicien qui vous a convaincu de l'élire est à leur solde.
— Une accusation très lourde qu'on ne peut lancer sans preuve. Avez-vous des preuves ? »
Je prends une nouvelle inspiration.
« Oui. J'en ai. »
***
Florian est en train de citer tous les noms de politiciens que j'ai passé un temps monstre à récolter, avec l'aide de Maylis, d'Amelia et de, fort coincidentiellement, les espions de Teodora et du Gotoland. J'ai même reçu une aide, quelque peu clandestine, de Louna Asin-Orduña. Je ne pensais pas qu'elle savait tant de choses.
L'Ultime Scénariste a eu la bonté de me rediriger vers un de ses contacts, une taupe au cœur même de l'organisation. C'est grâce à lui que j'ai eu la moitié des noms de cette liste. Et que je sais aussi que les Monokuma sont en train de se mordre les doigts de la prise de la tour de leur jeu d'échecs.
Louna, putain. Qu'est-ce qui t'as pris ? Un tel danger alors que Kagari se contente de te traire de toutes les informations qu'il peut, qu'il refuse ton implication. Tu devais vraiment être furieuse de ce qu'il s'est passé cette année-là, en deux-mille-dix-neuf.
Tu me diras, je le suis aussi. Mais pas pour les mêmes raisons.
Je soupire. Faut que je recadre la caméra, le visage de Florian est en train de se déflouter. Tous les programmes d'Alexis vont être inutiles si la tête du petit frère de l'Ultime Théoricien est projetée mondialement.
Mon cœur se serre. Désolé, Thibault. Mais je peux vraiment rien faire de plus pour protéger ton petit frère.
***
Un voyant s'allume sur mon écran.
Il m'échappe un juron sonore, qu'heureusement Amelia arrive à étouffer.
« Putain de merde !!! »
Aussitôt, Shiori est à côté de moi. Les poings serrés.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »
Je pince les lèvres, les doigts déjà en pleine action.
« L'Impératrice a pas perdu de temps. Elle a réussi à retracer la diffusion et essaie de m'arracher des infos. Fais signe à Sasha de pas faire trop traîner le truc. Si elle chope nos adresses IP, on est foutus. »
Je vais faire tout mon possible pour l'en empêcher, bien sûr, mais je ne suis pas l'Ultime Pirate Informatique, je suis l'ex-Ultime Acteur X. Et malheureusement, je peux pas baiser les attaques informatiques pour les soumettre à ma volonté.
Je peux juste les repousser, encore, et encore, et encore. Autant que possible.
***
Sasha plisse les yeux de l'autre côté de la caméra.
« Ces gens sont certifiés à la solde des Monokuma ?
— Tous ont reçu des fonds de leur part en échange d'installation, ou sont simplement des opportunistes espérant une place dans leur organisation, je réponds avec empressement. Les restes de l'Omnisciente sont à prendre en compte, aussi. Ces gens-là travaillent dans l'ombre pour que la rébellion soit contrôlée. On ne peut pas les laisser faire comme ça.
— Tout ça dans le but de continuer les Tueries ?
— Pas seulement. Aussi pour essayer de détecter les génies, les Désespérés, et s'épargner la peine de faire ce genre de démonstration. On en est pas encore au génocide, mais Hitler n'a pas conçu les camps dès son arrivée au pouvoir, n'est-ce pas ? »
J'ai un sourire sans joie. Celle-là, elle va faire polémique, je le sens.
***
Sacré Florian. Même Sasha ne peut s'empêcher de pouffer.
Moi, je n'arrive pas vraiment à rigoler. Je suis près de la porte, à guetter des forces armées, des intrus, n'importe quoi. Evidemment, je sais moins me battre que le cher collègue à mes côtés, mais honnêtement, je ne peux plus faire que ça.
L'avantage de connaître les différents points de pression du corps humain est que je sais mieux me battre que la plupart des gens ici. Et si je peux m'en servir, je vais le faire.
J'étais contre cette idée, à la base. Surtout quand on m'a dit que ce serait Florian qui ferait le porte-parole. Je sais que c'est un vidéaste de talent, un génie, sans doute, mais il n'a que quatorze ans. On avait même pas cet âge, Thibault et moi, quand Gabriel est mort. Si mort est vraiment le mot, je pense, amèrement. Cette foutue diffusion en direct me fait douter de tout et n'importe quoi.
Je n'ose imaginer ce que ça avait été pour lui. Il avait aimé Gabriel tellement fort avant sa disparition.
« Les Tueries ne sont qu'un instrument, continue Florian en fond. Médiatisé, au centre de leur doctrine, mais ce n'est pas le pire. Le pire, c'est ce que certains font en s'en servant comme excuse. Ceux qui face aux Tueries ont mis les génies et le Désespoir sur un tel piédestal que tout est bon pour les encenser ou les stopper.
— Que pensez-vous de ceux qui disent que le Désespoir est la seule chose faisant commettre de telles atrocités aux gens ? Prouvées par l'existence des Monokuma et des Tueries ? »
Florian serre les dents, alors qu'un grondement s'échappe d'entre ses lèvres d'enfant.
« J'en pense que ceux-là n'ont jamais vu de près Adelheid van Heel. »
***
« Putain, putain, putain, gronde notre hacker en pianotant le plus vite possible sur son clavier. Elle est de plus en plus insistante ! »
Je grince des dents. Si ça continue comme ça, elle va récupérer nos infos malgré les efforts d'Alexis, et je vais être responsable de la mort d'un enfant, quelqu'un ayant des informations précieuses, et un de mes meilleurs journalistes que je suis censé protéger. Quand est-ce qu'on va pouvoir conclure, bon sang ?!?
« Tu tiens le coup, Alexis ? » je demande à voix basse pour ne déranger ni Sven ni Amelia.
Ce dernier grimace.
« Je fais ce que je peux. Mais j'arrive à court d'idées pour me défendre, là ! Grouillez-vous de conclure ! »
Sauf qu'on ne peut pas conclure comme ça.
Florian a encore tellement de choses à dire.
***
Je ne peux pas finir sur ça.
Je ne peux pas m'arrêter comme ça.
Je dois l'expliquer au monde.
Je dois dire ce qu'il se passe réellement.
Mais par où commencer ?
Sasha, voyant mon trouble, finit par soupirer.
« Mais si tout ça est entraîné par les Tueries... Est-ce que l'objectif, avant de détruire les Monokuma et leurs racines, ne devrait pas être de les empêcher de faire des Tueries ? Tout arrêter cessera ces dérives du génie, n'est-ce pas ? »
Sa question paraît tellement innocente, comme ça.
Mais moi, elle m'emplit d'une colère noire.
« Donc vous êtes en train d'insinuer que c'est les Tueries qui ont poussé ces foutus projets secrets pour la découverte du Désespoir, pour le contrôle du Génie ? Que c'est les Tueries qui ont entraîné le Projet Renaissance ?
— Ce n'est pas réellement ça, intervient Sasha, dont les sourcils se plissent devant ma soudaine montée de colère. Ce que je veux dire, c'est que la priorité, elle devrait être a la destruction du problème principal, le Désespoir, et non déraciner une organisation qui s'en nourrit- »
Je me lève d'un bond.
« Est-ce que vous croyez vraiment que c'est le Désespoir qui a poussé Adelheid van Heel à enlever les frères, les sœurs, les cousins des participants de la Tuerie de l'Art de Créer l'Espoir pour créer en eux le génie ?!? Y compris ses propres filles ? »
Shiori pousse une exclamation, tandis que Sasha déglutit. Mais trop tard, je suis lancé.
« Est-ce que vous croyez que c'est le Désespoir qui a fait disparaître Gabriel Mercier ?!? Qui m'a fait traverser un calvaire d'une année entière tout ça pour que je devienne le génie qu'elle avait tellement souhaité ?!? »
Les larmes me viennent aux yeux. Je n'arrive plus à les contrôler. Tout comme je n'arrive plus à contrôler mes manches qui se relèvent, dévoilent mes cicatrices, tellement profondes, tellement marquées.
« REGARDEZ-MOI ! J'ai été son sujet d'expérience pendant des mois et des mois au point que ce soient les Monokuma qui soient venus me sauver ! Mais d'Adelheid, point on ne parle, n'est-ce pas, alors que ce n'est pas les Tueries qui l'y ont poussé, c'est cet accent qu'ils mettent tous sur la grandeur du génie, sur l'horreur du Désespoir !!! Pourquoi est-ce que personne ne veut reconnaître que le problème, ce n'est pas une prétendue fin du monde qu'il faut contrôler, c'est ceux qui s'en servent comme excuse ?!? »
Mes bras me font mal, et devant moi, la lumière de la caméra se mue en celle, aveuglante, de la lampe blanche qui a été ma compagne durant toutes ces semaines.
Mais je n'arrive plus à m'arrêter.
***
« Elle va choper nos adresses IP, intervient Alexis en sueur. Il faut dégager ! »
Je serre les dents. Je ne m'attendais pas à ce problème alors que la caméra en rencontre un autre.
« Le flou s'est arrêté, je grimace en triturant les boutons. Il bouge trop vite, le programme peut pas suivre. Tout le monde a vu son visage, il est passé cinq secondes... »
Le visage de Shiori se tord immédiatement à la nouvelle.
« On arrête la diffusion immédiatement et on remballe. Conclusion immédiate, ayez pas l'air d'être stoppés en plein élan. Allez ! »
Florian est coupé net, et Sasha dans son professionnalisme ânonne en vitesse une phrase de conclusion qui dieu merci, passe assez bien dans le flow de l'interview pour que je puisse couper la caméra. Alexis interrompt la diffusion dans le même temps, avant de bondir sur ses pieds.
« Maylis, prépare le détonateur ! On ne doit rien laisser derrière nous, y'a notre ADN partout et je suis presque sûre qu'elle peut nous retracer même maintenant ! »
Cette dernière n'insiste pas, et sort de sa poche une télécommande alors que Florian et Shiori réunissent nos quelques affaires importantes et qu'Alexis pousse le fauteuil d'Amelia dehors à toute allure.
Il faut fuir.
***
Course effrénée dans les rues.
Personne ne se demande quoi, dieu merci, Alexis est assez à l'aise pour nous faire paraître comme un groupe de potes encore trop imbéciles heureux. Mais aucun d'entre nous n'est un imbécile, et aucun d'entre nous n'est heureux.
Shiori a rabattu sa capuche. Il n'est pas le seul. Les survivants de Tuerie sont trop reconnaissables. Pourtant, rien ne peut cacher son regard eprçant lorsqu'il se tourne vers moi.
« Maylis, le détonateur. »
Je soupire, et appuie sur le bouton.
Au loin, une explosion retentit, attirant les regards des passants, et détruisant tout ce qu'il reste du broadcast du 20 décembre 2021.
***
... et tout de suite notre flash spécial. Hier, à 21h, un groupe non-identifié a pris d'assaut la diffusion satellite en nous jetant à la figure une liste de politiciens qu'ils décrivent comme corrompus. En plus de cela, l'interview a révélé les agissements de l'ancienne première fortune néerlandaise, retrouvée morte dans un laboratoire clandestin en 2020, Adelheid van Heel, qui aurait apparement expérimenté sur des proches de génies. L'identité de la personne visionnée n'est pas encore confirmée, mais il semblerait qu'il ait des liens étroits avec le survivant de la Tuerie de la Cité perdue le plus célèbre, Thibault Laangbroëk, qui n'a plus donné signe de vie depuis l'explosion de la cité en 2019....
Extrait d'une émission radio étasunienne, 21 décembre 2021
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top