La folie de la plage (AST)

« Qui a eu la brillante idée de ramener toute l'école à la plage, déjà ? »

Reina a une grimace d'excuse à l'adresse de Senri.

« Je sais que ce n'est pas l'idéal, mais on a si peu de sorties scolaires générales... et Juge était tellement ravi d'y emmener les élèves qu'il a voulu contacter les alumni.

— Ouais, enfin, c'est pas « sortie scolaire générale » du coup, mais « nouba de folie à Okinawa », je grommelle. Parce qu'entre les profs, les alumni, les élèves de 2021 à 2028 et nous autres... Je suis pas sûr que ce soit une bonne idée, ma chérie. »

Reina aurait bien aimé protester. Mais un hurlement lui coupe la parole, et elle ne peut que se taire, et regarder le chaos s'étaler sous nos yeux.

Sortie scolaire pour la journée à Okinawa. Financée par le conseil des étudiants de cette année, sauf pour les alumni, à leur charge, et les profs, gérés par le CA. Plage privatisée de ouf, un pique-nique de traiteur, de la place, du soleil et un énorme bordel digne de plus de cinq cents Ultimes lâchés dans la nature.

Voilà dans quel bordel je me retrouve, et le pire dans l'histoire ? Les profs sont là aussi et ne font rien pour calmer le bordel.

Senri pousse un profond soupir.

« Bon, ben, puisque je suis là, je vais aller surveiller que personne ne se noie.

— Encore désolée... Je ne m'attendais pas à ça. »

Oui, parce que pour une fois, ce n'est pas Emerens qui l'a traîné là. C'est Reina. J'ignore comment elle l'a convaincu, mais chapeau, trésor, il ne s'enfuit même pas, c'est tout juste s'il ignore Michi en train de monter le filet de volley-ball.

En tout cas, il ne lui tient pas ombrage, et se contente de se poser à un endroit surélevé. Il est encore habillé, j'espère que ça va le faire pour la chaleur, les températures à Okinawa sont prévues pour frôler les 40°C.

Enfin, un peu de soleil me fera du bien, et je crois que j'ai repéré où le reste de mon polycule s'est installé. Allons donc bronzer un peu en ignorant les hurlements hystériques des treize dingus de la plage.

Enfin si j'arrive à bronzer avec toutes les taches de rousseur.

***

« Matteo ! Je n'ai pas laissé Freïr à la maison pour que tu viennes me casser les burnes ! »

Ledit Matteo, en train de construire une tour de guet en galets avec Sachiko et Sukina, me tire royalement la langue. C'est ça gamin, continue donc de faire le mariole, lorsque tu tomberas de cette tour et que ta prothèse se cassera tu feras moins le malin.

A côté de lui, les deux autres fauteuses de troubles se contentent de rajouter des bâtons sur un édifice vachement branlant. Comment elles en ont trouvé autant, c'est un mystère, mais il vaut mieux ne pas chercher, surtout avec l'Ornithologue qui a tous els coups a dressé des mouettes et la Chanceuse dont je m'étonne de ne pas voir de diamants dans ses mains.

Je me rapproche de la terrible forteresse qui fait bien un mètre cinquante de haut, maintenant, avant de soupirer.

« Matteo, deuxième fois, descends de là.

— Gngngngngn. J'ai pas quitté l'Italie pour que mon paternel revienne me casser les couilles à travers toi !

— Considère que ce père-ci n'a aucune envie que tu te casses quelque chose, je soupire. Allez, Matteo, essaye au moins de ne pas griller tout ton jus... »

L'argument porte, cette fois. Il descend de la tour d'un bond, me tire la langue et repart en quêtes de galets en hurlant comme un possédé. Bon, au moins il risque moins de se casser un truc. Comment il va faire pour gérer le sable dans sa prothèse, c'est une tout autre histoire.

Sachiko pointe la tête de par-dessus sa tour. Elle a un large sourire ironique.

« Bah alors, cousin-Orduña, on a peur pour le pauvre petit ? T'inquièèèète, si il tombe évanoui par terre je veux bien manger ma tour de guet !

— Ca ne m'empêchera pas de m'inquiéter, Kimura. Et j'aimerais autant que mes médicaments d'urgence ne soient pas utilisés.

— Toi qui vois, mon bout de chou. Nous, on a du boulot ! »

Et les voilà reparties à construire leur espèce de forteresse. Appelez ça le niveau supérieur des châteaux de sable ? »

***

Je n'arrive plus à suivre PERSONNE, c'est INFERNAL.

Déjà que je n'aime pas la plage. Nan, sans blague. Je suis pâle comme la mort et vêtue de noir, vous vous imaginez que j'aime me rôtir au soleil ? Non, il me faut mes livres et mon parasol pour ne serait-ce qu'accepter de venir. Ou alors, que Lan Yue me fasse les yeux doux.

Et Lan Yue m'a fait les yeux doux. Et maintenant je suis sur la plage. Et maintenant devinez qui joue à la bagarre avec Elvira, Sora sur les épaules de l'un.e et Alannah sur celles de l'autre ?

Sora Seon, hein. Sora Yamasaki, lui, est tranquillement assis sous un parasol et LUI peut bisouiller sa copine tranquillement !

Quoi ? Le sel ? Nooooooon.

Florian est au bord de la plage en train de filmer Mark et Moanaura se faire leur meilleure game de pirates, Lan Yue joue à celui qui tombera dans le sable en premier et Ichiko... Ichiko doit être en train de dragouiller toute sa bande aussi, je ne vais pas vraiment lui jeter la pierre. Mais dans ma grande solitude je m'ennuie, et j'aimerais encore ne pas subir de kéké des plages type l'ex de mon frère qui est actuellement en train de flirter avec tout ce qui bouge.

Heureusement, je suis bien installée dans mon petit coin d'ombre, et j'ai pensé à prendre un livre. Ça tombe bien, je devais justement m'avancer sur la prochaine lecture de mon club critique...

J'ouvre le livre, et parcours une page, puis deux, puis trois. Sauf que le livre est bien plus... Epicé que ce que j'avais prévu. Et je le retrouve à serrer les cuisses sur la plage parce que le maillot de bain cache très mal le horny.

Joie.

En désespoir de cause, je m'étale voluptueusement sur mon transat, essayant d'ignorer la tension dans mes cuisses. C'est pas le moment d'être horny, Mareva.

Foutu héritage fraternel.

Mais bon, évidemment, c'est toujours quand on veut être tranquille que se ramènent les problèmes. Et les problèmes se présentent en l'image d'une rouquine bien entreprenante qui vient de s'asseoir sur mes cuisses avec un large sourire.

« Mais que fait donc une aussi charmante demoiselle toute seule sur la plage ? »

Je ne peux m'empêcher de sourire.

« J'essayais de faire une petite sieste, mais il semblerait que je n'en aie la possibilité.

— Petite sieste avec tant de tension dans les cuisses, mmmmh oui, bien sûr. Tu veux un petit... Massage ? »

J'éclate de rire devant l'expression plus qu'évocatrice d'Ichiko, qui porte tout naturellement ses mains vers l'endroit le plus tendu. Petite coquine.

« ça attendra qu'on soit rentrés à l'hôtel, ma douce.

— Il est vrai que bien que ce maillot de bain soit délicieux à regarder et doit l'être d'autant plus à retirer nous sommes en public, et papa pourrait très bien cesser de regarder la plage incessamment sous peu. Mais bon, si tu me permets gentiment de m'installer, je ne vais pas me gêner... »

Et devinez qui s'est calée entre mes seins ? Eh bah oui. Il semblerait bien que je sois comme qui dirait piégée.

Je ne vais pas me plaindre. Un peu de câlins ne fait de mal à personne...

***

Mareva est beaucoup trop belle dans son maillot de bain et j'en retire un certain nombre d'émotions pas toutes gérables mais dieu merci la distraction est toujours présente. Et cette fois, la distraction, ce n'est pas le concours de châteaux de sable que je suis presque sûr qu'Aleksei va perdre, ou même la partie de beach-volley qui se prépare un poil trop prêt du pique-nique à mon goût.

Non, la distraction, c'est Mark une ou deux bouées plus loin, assis sur un radeau de fortune, en train de faire taïaut au bateau gonflable de Moanaura. Et quand je dis « radeau de fortune » c'est uniquement parce c'était à l'origine une bouée, percée par un malencontreux coup de sabre, et qu'il a fallu toute la chance et la volonté de Mark pour le remettre debout.

Et moi ?

Moi, je suis assis sur la plateforme flottante, et je filme. C'est le meilleur angle de vue que je pouvais avoir, et pas seulement parce que Mark est au premier plan.

Heureusement que j'ai pris une caméra waterproof.

Liu est à côté de moi, à prendre des photos. De temps à autres, ses commentaires sarcastiques perturbent le film. Mais bon, il suffira de jouer avec le son pour garder les meilleurs et couvrir les autres.

« regardez-moi ça, il lance au moment où une frappe estoc de Moanaura déséquilibre notre copain. Il va encore tomber à l'eau, cet idiot... »

J'ai jamais entendu quelqu'un prononcer le terme « idiot » avec autant d'amour, et pourtant je vis avec Thibault et Emerens.

« Ça ne le découragerait pas, je dois dire. Un pirate n'abandonne jamais. »

Liu porte la main à son cache-œil avec une légère grimace. Je choisis de ne pas faire de commentaires. Sujet sensible, et j'ai bien failli subir le même sort il y a trop peu de temps, de toute façon.

« ... C'est vrai. Regarde moi ce beau coup. On pourrait presque le voir gagner face à la Capitaine Ultime– »

Et pile au moment où il dit ça, Moanaura lui assène un tel coup avec la garde de son sabre en plastique que voilà notre vaillant pirate déséquilibré et tombant à l'eau avec un énorme plouf. Les rires de la Capitaine Ultime étant son seul trophée.

« Arh arh arh ! Tu croyais vraiment pouvoir triompher de moi, Steindorf, petit poisson-clown ? »

Mark remonte à la surface avec une ou deux giclées d'eau recrachées, et se dirige vers nous, cette fois bel et bien vaincu. Tout ça pour grimper se coller à nous avec un large sourire.

« MARK ! Proteste Liu. T'es tout plein de sel !

— Ca c'est Flo d'habitude, ricane Mark en se collant d'autant plus. D'ailleurs, vu qu'il est toujours tout plein de sel, il va pas m'en vouloir si je lui fais un gros bisou marin ? »

Voilà pourquoi j'ai pris une caméra waterproof. Cinq secondes plus tard, Liu est libéré seulement pour que j'ai un sale goût d'algues et de mer dans la bouche et un sourire de grenouille juste devant mon nez.

« Vous êtes PD ! » Gueule Moanaura au loin avec un gros rire. Mark lui fait un geste obscène avant que Liu n'ait sa dose de câlin salé, et qu'il retourne essayer de me faire goûter le sel d'Okinawa.

Et le pire dans l'histoire ?

C'est que ça me fait rire.

***

Fiu, je me suis bien bagarrée avec Sora et Lan Yue ! On a perdu, mais aussi c'est pas juste, Elvira est trop grande, c'est plus facile de la déséquilibrer en s'y prenant bien. Et les bisous c'est vraiment pas du jeu.

Sauf que là du coup je m'ennuie. Thibault est en train d'aider Louna avec son château de sable, et Héloïse aime pas les plages de sable, elle a pas voulu venir... Du coup j'suis toute seule, puisque je sais pas où est Teratai.

Je ferais bien un château de sable mais j'ai pas la patience... Et les drones d'Impératrice qui me tournent autour ne sont que des insultes supplémentaires à mon génie. Moi j'ai pas eu le droit de prendre les miens. Greuh, greuh et re-greuh.

Du coup bah je tourne en rond. Le pique-nique va pas tarder à être servi, je crois, ça commence à bouger du côté de la bouffe. Mais je sais pas quoi faire. Je reviens de la baignade, flemme de construire des trucs, tout le monde joue et j'ai pas envie de m'incruster...

Oh là là je me demande bien qui va bien pouvoir me sauver de l'offense–

« Bonjour ma belle, qu'est-ce que tu fais donc perdue seule ? »

Et voilà, le super radar à Teratai a encore marché, ufufu ! Maintenant elle a pas le choix elle est obligée de me faire des câlins.

En plus elle est super belle dans son maillot de bain violet à dentelle... J'ai envie de bisous, moi, maintenant.

« Oh, pauvre de moi, j'annonce en me mettant une main sur le cœur. Abandonnée de tous et de tout le monde, perdue sur la plage esseulée... Qui va donc bien pouvoir me sauver de mon éternelle solitude ? »

Teratai éclate de rire et me prend dans ses bras. Victoire de la joueuse irlandaise !

« Est-ce que cela suffit pour te sauver de la perdition, ma belle princesse en détresse ?

— Hm j'suis pas sûre. Je crois qu'il faut un bisou ou deux pour vraiment régler le problème. »

Je suis récompensée d'un nouveau rire et de la pression de ses lèvres dans mon cou. Pile ce qu'il me fallait, tiens !

***

C'est l'heure du pique-nique. J'avoue que je n'ai pas super faim, à l'instant présent, mais Mareva a eu la gentillesse de me déposer un sandwich près de ma place, avec de quoi me nourrir, et honnêtement j'apprécie l'attention.

Je mangerai sans doute après avoir fini de dessiner. Et m'être mis de la crème parce que le soleil est un fléau et que je refuse de mettre le moindre putain d'orteil en-dehors de l'ombre du parasol.

J'y ai bien passé la foutue matinée je dois dire. Un croquis de la mer, histoire de faire une étude plus approchée des paysages. Je suis surtout doué pour les portraits, en ma qualité de Caricaturiste, mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas expandre mon champ de compétences.

Enfin, si j'arrive à oublier la torture que je subis.

La plage n'est pas tant le problème, en soit. Le problème, c'est le soleil. Le bruit. Les gens qui courent partout. Le sable. Et la quantité de couples qui passent leur temps à se bisouiller sous mon nez.

J'vous jure, je vais faire du ragoût de cousins, un de ces quatre. Entre Thibault qui passe son temps dans les bras des six sur sept partenaires qu'il a récupéré et Florian qui ose se plaindre que Mark l'a embrassé à goût de sel... Moi aussi j'aimerais qu'on m'embrasse à goût de sel, sauf que le seul qui fait attention au petit dessinateur du coin, c'est–

« Tiens donc. Tu ne manges pas ? »

... Virgil Vânător en personne.

Quand on parle du chasseur de vampires, on en voit la queue ! Devinez qui est planté devant ma serviette en fixant du coin de l'œil mon pique-nique en attente d'être consommé ? Le mec qui depuis son arrivée à Hope's Peak essaie de démasquer ma prétendue nature vampirique et ce de manière particulièrement assidue. Vêtu de pied en cap comme j'ai jamais vu ça à la mer.

Je hausse un sourcil en le voyant se planter devant moi.

« Tu crèves pas de chaud ?

— Je préfère ça au soleil sur les cicatrices et au sable plein la prothèse, soupire Virgil en se posant à côté de moi. Après, j'ai l'habitude des conditions difficiles. »

... Mouaif. Moi aussi, j'ai des cicatrices, entre celles de la mammec et celles de mes problèmes dans la vie, et c'est pas pour ça que je me planque du soleil. En attendant, arrête de me regarder comme si t'attendais que le soleil d'Okinawa me consume entièrement, c'est ton job– j'ai pas pensé ça du tout. Non non non.

J'vais avoir du mal à crayonner dans ces conditions. Je pose mon carnet, et regarde le contenu du sac à pique-nique. Au moins, Hope's Peak a pensé à mes allergies, il n'y a ni tomate ni cacahuètes... Bon par contre, le pain à l'ail, je m'en passerais bien, j'aime pas ça, et c'est pas un truc à dire en face du chasseur de vampires Ultime.

Un soupir m'échappe devant mon pique-nique, et Virgil hausse un sourcil.

« Un problème ?

— Nan rien, je grommelle en prenant mon sandwich. Tu manges pas, toi ?

— Si, attends, j'ai mon pique-nique avec moi. »

Et le voilà qui bouffe. Dis-le tout de suite si tu veux surveiller ma consommation de nourriture humaine.

Après, il n'est pas de trop mauvaise compagnie. Pas trop bruyant, et pas non plus giga insistant. Il se contente de me jeter des regards en coin à droite, à gauche pendant que je mange, sans doute pour vérifier que je ne recrache pas mon pique-nique.

Moi ? J'évite soigneusement de regarder dans sa direction. Il me donne giga chaud. Parce qu'il est en manteau ! Parce qu'il est en manteau. Rien d'autre.

« C'est beau, la mer, finit-il par dire après quelques minutes de silence. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de paysage.

— C'est clair qu'on doit pas trouver beaucoup de vampires à la plage, je pouffe. Trop de soleil et trop d'humains.

— T'as l'air d'en savoir beaucoup. »

C'est moi où il dit ça sur le ton de la plaisanterie– Oh mon dieu j'aurais pas dû tourner la tête. Pourquoi il retire son manteau que maintenant j'en ai aucune idée, mais j'ai jamais vu des muscles pareils sur un homme, c'est pas humainement possible de cacher pareils biceps ! et après c'est moi, pauvre gars maigrichon, qui suis le vampire ?!

Le pire c'est qu'il s'étire en regardant dans ma direction et AAAAAAAAAAAAH pas d'autre choix pour me distraire que de fourrer la moitié de mon sandwich dans la bouche en essayant de pas faire de crise d'asthme.

Pourquoi faut que je crush sur le mec qui veut me buter, bon sang ?!?

***

Ah, le soleil, la plage et les hurlements de joie, tant de beauté que j'aime tant regarder loin de moi nom d'un chien !

Non mais parce que déjà, le soleil, c'est mon pire ennemi. Regardez-moi de plus près, j'ai la peau la plus pâle humainement possible, au point que le crush de mon cousin par alliance m'a déjà tourné autour d'un peu trop près. Non, Virgil, je suis une succube, pas un vampire.

Du coup, une peau de cette pâleur, ça se préserve, vous imaginez les coups de soleil que je peux me prendre ? Ajoutez-y le sable dans la prothèse, l'odeur du sel et les GENS, et comprenez que je ne sois pas emballé.

Le seul avantage, c'est que du coup, je reste tranquille avec Amelia qui ne peut pas bouger sans équipement adapté, et que certaines personnes ont tellement pitié des pauvres handicapés qu'elles viennent leur tenir compagnie. Par là j'entends Reina, traînant derrière elle Senri, Wen Xiang et Raraka pour une petite séance de lecture collective.

Ça se bisouille beaucoup par-là bas. Surtout Wen Xiang et Raraka, j'avoue. Du coup, pour éviter qu'Amelia ne lâche trente-six « ew » à la seconde, Senri fait office de distraction, et Reina de relais entre les deux groupes quand ce n'est pas elle que Wen Xiang embrasse. J'avoue que j'apprécie. Je m'ennuie, moi, Sharon a peur de la mer et Thibault et Louna font des forteresses du turfu en plein cagnard avec les autres participants du concours de château de sable.

« Pitié, enterrez-moi dans le sable, grommelle Amelia au cent-quatre-vingtième roulage de pelles de la journée. Au moins j'aurais une excuse pour ne pas bouger.

— Ta paralysie n'en est pas déjà une ? » Pouffe Senri en lui filant un coup de coude. »

C'est bien un des rares qui peut se permettre de faire des blagues à Amelia sur son handicap en n'étant pas lui-même handicapé, tiens. N'importe quel autre valide se serait fait arracher la glotte à coups de dents et je crois que j'aurais pris des photos.

A la place, elle se contente de ricaner.

« Nan mais si j'entends encore un seul mec me demander pourquoi je bouge pas les jambes, je te jure j'en fais du hachis. Au moins avec une fausse queue de sirène, ils me poseront moins de questions !

— Ou tu peux juste leur foutre un coup de poing dans les roubignolles, t'es pile à la bonne hauteur, je ricane. Moi, en tout cas, je bouge pas de sous le parasol sauf si un beau mec se ramène.

— Emerens van Heel dans toute sa splendeur, soupire Senri. Avec une soif pareille, tu vas me vider la mer en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

— Roh ça vaaaa, c'est pas... La mer à boire, eh eh eh. D'ailleurs ça me fait penser que le soleil commence à se montrer de nouveau très agressif. Quelqu'un peut m'aider avec la crème solaire ? »

Dit en adressant un superbe clin d'œil à Senri. Pas de chance pour moi, cependant, c'est Reina qui se dévoue, me prenant le tube de crème des mains. Bon, je vais pas m'en plaindre non plus, hein. Mais essayez un peu de draguer Maman Reina et vous allez comprendre votre douleur.

« Fail, Emerens, ricane Amelia. C'est la belle meuf qui se ramène.

— je rappelle à l'aimable assistance que je suis polysaturée, sourit Reina, et que même en cherchant d'autres partenaires mon choix ne se porterait certainement pas sur Blondie ici présente. J'ai assez à gérer avec toi en tant que métamour.

— Outré. Blessé. Bafoué.

— Comme d'habitude avec toi, pas vrai ? Enfin, j'ai terminé. »

Ouf, je vais de nouveau être protégé du cancer de la peau. Bon, ça ne va pas me faire sortir de sous le parasol, mais là je n'ai plus d'excuse pour ne pas bouger.

Raraka jette un regard en coin à Reina, toujours collée à Wen Xiang. La pauvre choute est tendue comme un ressort, va vraiment falloir la calmer.

« Personne a l'intention de se baigner ? Je lance à la cantonade. Bon, moi non, mais au cas où...

— Je préfère surveiller, je peux moyennement me baigner en chemise, répond Senri en haussant les épaules. D'ailleurs, je pense que c'est mieux, au vu des numéros. Raraka, tu sais où est passée Rigieta ? »

Raraka grimace.

« Non, désolée... Attends, ce n'est pas luiel, sur la bouée au loin ? »

Oh oh.

Le truc à ne pas dire. Reina vient de recracher le contenu de sa bouteille d'eau.

« ... Vous vous fichez de moi–

— Si, si, c'est luiel, s'exclame Amelia morte de rire. Iel nous fait des signes, matez-moi ça ! Putain, plantée debout sur la bouée comme ça, iel va se faire mal ! Je sais même pas comment iel est arrivé.e là-bas avec ses brûlures et son bras en moins... »

On est mal barrés, là. Reina va nous faire une crise d'apoplexie, de type « je vais étriper ce.tte foutu.e chasseureuse de trésors ». Et si j'en crois son mouvement brusque lorsqu'elle fourre la bouteille d'eau qu'elle portait en plein dans le torse d'un Senri éberlué, je crois qu'iel aura de la chance de garder ses deux oreilles.

« Je reviens tout de suite, annonce Reina d'un ton particulièrement dangereux. Le temps de dire deux mots à cette espèce d'inconsciente ! »

... Et la voilà qui vient de se précipiter sur la plage à toute vitesse, manquant de piétiner le château de sable de Sora son copain qui sursaute en la voyant passer.

Au secours maman Louna j'ai peur.

« Si j'étais Rigieta, je chuchote à Senri contre qui la terreur m'a fait me coller, j'essaierais de faire profil bas pour les vingt prochaines années.

— Pas sûr qu'iel en soit capable, répond Senri pas plus rassuré que moi sur le même ton. Reina va finir par se transformer en officier de discipline alors qu'on en a déjà eu un. »

Je me tourne vers ladite officier de discipline, en train de se faire un concours de regard avec Haruko si j'en crois leur affrontement silencieux bien gay. Mais même l'Ultime ne me fait pas aussi peur en cette instant que la colère de l'autrefois si fragile Gynécologue.

***

Le concours de châteaux de sable avance bien. Si j'en crois les œuvres, Ruben et Tahel sont les mieux placés pour gagner ; Surtout Tahel, vu la solidité du sien. Celui de Ruben est trop délicat.

Les autres œuvres sont magnifiques, et je ne dis pas ça parce que je suis l'une des juges appointées, bien malgré moi, par Kichiro qui prend tout ça bien trop au sérieux. J'ai toujours eu un certain amour de l'architecture, même de sable ; voir s'élever des œuvres créées par les Ultimes est donc pour le moins satisfaisant.

Enfin, sauf dans un des cas. Parce que sans offense à Aleksei, mais, euh, un carré de sable aussi lourd même pas hérissé de créneaux, j'appelle pas ça un château.

Le pauvre chou y passe tout son temps depuis tout à l'heure. A tasser son sable, construire son unique tour centrale, au moins c'est un effort, et la marée l'entame à peine. Mais les douves, c'est quand même mieux dans ce genre de cas que le super parallélépipède rectangle doté d'un pauvre poste de garde.

Je m'étale de la crème solaire pour la trentième fois de la journée avant de récupérer mon chapeau et me diriger vers lui. Il pince les lèvres en me voyant arriver.

« Je pensais que les jurés n'avaient pas le droit de déconcentrer les autres ?

Je n'appelle pas ça de la déconcentration, je signe. Juste un contrôle. »

Il lui faut un peu de temps pour déchiffrer mes signes, mais je n'ai pas mon bloc-notes sur moi, donc pas les moyens d'être plus claire. Heureusement pour moi qu'il a appris un peu de LSJ.

Je réajuste ma robe et m'assied à côté de lui, le laissant reprendre son travail sans mot dire. Il n'a vraiment pas besoin de moi pour être déconcentré, je dois dire. Tant d'ardeur à la tâche est admirable. Et il est beau quand il essaie d'empêcher sa tour de s'effondrer avec la quatrième couche sur les fondations.

Je n'ai pas le cœur de lui dire que ce n'est pas la solidité qui importe pour le jury. Il est trop concentré sur son œuvre pour que je vienne briser ses rêves.

***

Mais quelle idée j'ai eue de jouer au volley, nom d'un chien ?!

Ca commençait si bien, pourtant. J'avais installé le filet, réuni une petite bande comptant notamment Chakriya, Kiseki, Taichi, Patrick, Seo-jun et Shanleigh, et demandé un ballon à Impératrice plantée près du front de mer avec Juge.

On allait bien s'amuser.

Et puis Eugène et Tomyris ont rejoint la bagarre.

Le match est soudainement devenu beaucoup plus sérieux. En voyant les tatanes qu'on se prenait, Stefan et Shira ont rejoint l'aventure, sans grand succès. Même Seo-jun pouvait pas lutter face aux colosses. Donc Daisuke s'est ramené, et j'ai espéré, moi pauvre Judoka à peine plus forte que la moyenne, pouvoir survivre quelques jours de plus et pas perdre trop violemment.

QUELLE ERREUR !

Devinez qui s'est pointé pour antagoniser son ex ?

IBRAHIM NASSAOUI.

Et ouais, Thibault, tu peux baver autant que tu veux, en attendant c'est pas toi qui te prends les parpaings de ton mec dans la tronche !

Parce qu'Ibrahim, Eugène et Tomyris à eux trois sont MEURTRIERS. Ils ont même pas besoin de Taichi et Kiseki les pauvres bébous laissés à l'arrière pour tataner violemment, les deux cons n'ont limite droit qu'aus services. Et les nôtes tombent les uns après les autres ne devant qu'à Daisuke, Stefan et Chakriya d'être en vie.

Heureusement pour Chakriya qu'elle joue avec les pieds. Et pas comme un pied. Ça perturbe Goliath un, deux et trois assez pour qu'on ait pu arracher trois points.

Contre cinquante.

Dur la vie.

« Allez, les gars, gueule Patrick, le seul à pas se laisser déconcentrer. On peut pas perdre aussi facilement ! Au prochain coup, on les démonte ! »

Il est mignon avec ses encouragements, mais Tomyris vient de passer la balle à Eugène, qui bondit en l'air. Il va nous faire son coup spécial, et l'un d'entre nous va mourir à coup sûr.

On est pas prêts.

Comme dans un cauchemar, on voit le colosse bondir. Lever la main. La lancer vers la balle. Qui fuse à toute allure vers la tête de Stefan.

Mais Stefan est l'Ultime Joueur. Au dernier moment, il se décale. Et celui qui vole emporté par la balle n'est nulle autre que Patrick. Notre soldat le plus motivé. Tombé au champ d'honneur.

Le cri que tout le monde pousse traverse l'air comme de l'eau.

« PAAAAAAAAAATRIIIIIIIIIIIIIICCCCCCCCCCCCK !!!! »

***

Quel fiasco.

Je suis plantée devant la bande d'idiots enfin calmée de leurs ardeurs. Rigieta, prothèse abîmée, Patrick, qui a frôlé la commotion cérébrale, et ainsi de suite et encore et encore des blessés et des idiots.

C'est bien la dernière fois que j'amène des gens à la plage.

Emerens, assis par terre comme s'il n'était pas puni d'avoir passé le reste de son après-midi à essayer de draguer tout le monde, ricane.

« Reina la discipline est de retour–

— Toi, si tu veux pas être privé de dessert, je te conseille de la fermer. »

Le voilà qui baisse les yeux à toute allure. C'est ça, écrase-toi.

Et Wen Xiang qui veut des enfants. Je ne veux pas l'offenser, surtout, mais en cet instant, j'ai l'impression que j'en ai cinq cents.


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