Je veux savoir (9 mai 2019)

Petit disclaimer : Cette nouvelle spoile salement le Chapitre 2 de The Art of Creating Hope. Et quand je dis salement, c'est "plot twist du procès" salement. 

Donc vraiment, et surtout parce que je veux que vous appréciez ce Chapitre à sa juste valeur car c'est clairement mon préféré dans ceux que j'ai écrit... Ne lisez pas ça avant d'être à jour dans le Chapitre 2.

A vos risques et périls, du moins.

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Je ne sais pas quelle heure il est et je m'en fiche.

La nuit, sans doute. Il y a personne dans les couloirs de cette fichue maison. Et il fait noir. Même si je ne me rends pas compte. Il fait toujours noir, de toute façon. Toujours noir dans cette maison.

Cette maison, je la déteste. Elle est trop grande. Trop familière. Trop puante de mort. J'y vois encore les poupées. Les rires qui n'ont plus rien d'humain. Les musiques, qui se finissent en cri. Je les vois, sans les avoir vu. À travers les yeux de tous ceux qui les ont vu avant moi.

Est-ce que tu es encore vivant, toi qui as assisté en avant-première à ce que cette maison a vécu ? Même si ce n'est qu'une réplique, la réplique est trop vraie, et si je vois par tes yeux, j'espère que ce ne sont pas des yeux morts.

Note que ça n'a plus d'importance, maintenant. Où que tu sois maintenant, je ne te rejoindrai jamais. Et je le sais. Je le sais, parce que ce que je serre dans ma main me condamne plus sûrement que le jugement de Monokuma.

Ce serait un jugement mérité, après tout.

Mon reflet dans la lame du couteau me renvoie mes yeux pleins de cernes, pleins de larmes. C'est vrai, je n'ai pas cessé de pleurer. Depuis tout à l'heure. J'imagine que c'est ma faute. Je n'aurai pas dû espérer, pas trop me projeter. De toute façon, c'est toujours ma faute. Je ne suis pas assez bien, pas vrai ? J'imagine que je devrais m'estimer heureux qu'il ait été honnête avec moi. Il aurait pu me rire au nez et partir. Comme d'autres avant lui. Et encore d'autres avant lui. Et encore d'autres...

Monokuma ne le laissera pas survivre. Je le sais. Il mourra dans d'atroces souffrances après avoir assisté aux nôtres. Ou alors, quelqu'un le tuera maintenant, et ce sera sans miséricorde. Ce sera une nouvelle Sparrow, et comme Sparrow avant lui, ça ne fonctionnera pas. Ou bien la cruauté inutile sera savourée par le tueur, cette fois.

Qui peut savoir ?

Qui peut savoir dans ce monde ou le meurtre est la seule chose qui importe ?

Wen Xiang Monogatari, je veux savoir. Savoir où tu as trouvé la force de ne pas chercher à échapper à tout ça.

Même si je n'aurai jamais la réponse, quelqu'un la voudra sans doute.

Un reflet passe dans la lame du couteau. Mon image disparaît.

Il est l'heure.


La porte de sa chambre n'est pas verrouillée. Quelque part, ça me tue. Je ne veux pas faire ce que je m'apprête à faire. Je cherche des raisons pour me plonger, moi-même, le couteau dans la poitrine. Ce serait moins de souffrance pour moi plus tard, et moins de problèmes pour les autres. On ne peut avouer un meurtre. Je peux cacher, du mieux que je peux, une lettre de suicide.

Mais et lui ? à quel point mon choix le fera souffrir, si je laisse tomber cette porte et que je retourne dans ma chambre, pour m'arracher les entrailles comme j'aurais pu le faire ? On lui donnera encore l'enquête, peut-être, il verra mon cadavre. Il continuera à souffrir. Peut-être qu'il se rendra responsable. Peut-être que ce choix sera pire, encore, pour lui.

Je ne peux pas faire ça.

Je ne peux pas faire ça.

Pardon.

Pardon.

Pardon.

Pardon pour ce que je m'apprête à faire, pour ce que j'ai envisagé de faire. Sois heureux, là où je vais t'envoyer. J'espère vraiment qu'il y aura quelque chose. Tu le mérites. Tu as besoin d'être heureux.

Je passe la porte.

La lumière d'une veilleuse éclaire faiblement la pièce. Ça me permet d'y voir. Au moins assez pour ne pas prendre la lampe torche que j'ai prévue, au cas où, ou simplement me prendre les pieds stupidement dans le tapis. Ce... Serait assez stupide. Surtout qu'il y a beaucoup de désordre au sol, pour une seule personne.

... Et ces vêtements ne sont pas les siens.

Je ne sais pas ce que je m'attendais à voir en me tournant vers le lit. Sans doute cette scène. Mais ça n'empêche pas que les voir à deux dans le même lit, serrés l'un contre l'autre, me donne l'impression que mon cœur va éclater.

Ils sont là. Tous les deux, blond et roux, entremêlés je ne sais trop comment et je refuse de savoir. Endormis, le visage paisible, la respiration régulière. Il a passé son bras autour de sa taille. Et son menton est enfoui dans le creux de son cou.

Quelque part, je ne peux m'empêcher de me demander. Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? Pourquoi lui ? Qu'est-ce qui plaît, pourquoi c'est lui que tu as choisi, est-ce que j'avais seulement la moindre chance ? Pourquoi lui, et pas moi ?

Mais ce sont des pensées égoïstes. Ce sont des pensées égoïstes, parce que je n'ai pas à décider qui fera son bonheur, qui devrait lui plaire plus qu'un autre. Pas maintenant, pas alors qu'ils ont l'air si heureux, l'un avec l'autre, l'un dans les bras de l'autre. Cette jalousie ne me sert à rien, de toute façon. Elle ne le fera pas me choisir.

Tout au plus se réveillera-t-il demain avec un cadavre dans les bras. Et c'est un sort que je ne souhaite à personne. Même pas lui.

Mais je n'en suis pas au point de rajouter un sacrifice supplémentaire.

Je me rapproche. Doucement. Le couteau en main. Ils ne se réveillent pas. Leur respiration reste égale, profonde, endormie. Il est beau, comme ça. Calme. Il reste beau, toujours beau, mais contempler quelqu'un d'endormi n'a rien à voir avec qui il est réveillé. La détente du visage, la douceur de la respiration.

Mais je n'ai pas le droit de le regarder. Je n'ai pas le droit de le regarder, car ce n'est pas moi qu'il attend au réveil. Je n'ai pas le droit de le regarder, car c'est un instant volé dont je profite tel un intrus, et pas comme la personne qui le regardera se réveiller demain matin, et à qui il lancera ce regard plein d'amour que je regretterai pour l'éternité.

Je lève le couteau.

Pardon.

Sifflement.

Ma main s'est arrêtée.

Je ne peux plus l'avancer.

Quelque chose la bloque.

Quelque chose... ? Quelqu'un. Une main. Une main refermée autour de mon poignet, suffisante pour en faire le tour, et au vu de la pression que je sens, d'autant plus suffisante pour me le briser.

Je retiens une exclamation. Je ne dois pas les réveiller, je ne dois pas, je...

...

Un œil vert brille dans la pénombre, sous la faible lueur de la veilleuse.

Il est réveillé.

C'est sa main, qui tient mon poignet. Le couteau à seulement quelques centimètres de sa nuque.

Toujours dans la même position, pourtant, je sais qu'il est réveillé, parce que son corps entier est tendu, et son œil est fixé, fixé en plein sur moi.

Et cet œil est plein de la haine la plus pure.

« Avance ce couteau d'un centimètre de plus. Tente ta chance. Et je n'hésiterai pas une seule seconde à t'arracher le bras.

Sa voix est froide. Glaciale. Pleine de colère. Pleine de rage. De haine, peut-être. Je ne sais pas. Je ne sais pas. Mon coeur bat plus vite. Et ce n'est pas la chaleur qui me fait trembler. Mais le froid d'une absolue terreur.

Je me débats. J'essaie de faire quelque chose. De lui reprendre mon poignet. D'avancer le couteau. De reculer le couteau. N'importe quoi. N'importe quoi. N'importe quoi.

Son propre poignet se tord.

Douleur.


Je lâche le couteau

Il le rattrape en plein vol

J'ai mal

Mal

Mon poignet brûle

Mon poignet hurle

Mais

Je ne peux pas hurler.

Je ne peux pas hurler

Parce qu'il dort encore

Et que je ne peux plus rien faire.

Je n'ai plus mon poignet

Et si j'attaque

Si j'attaque avec l'autre

Je le sais

Je le sais

Il va me tuer.

Alors je pars

Je pars

Je cours

Loin

Loin de cette chambre

Sous le poids écrasant

De son regard vert.

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