Dix ans depuis... (3- AU sans Tuerie)

Partie 3 : Premiers secrets et sincère amitié

Un an après la rentrée.

C'est la nouvelle rentrée scolaire à Hope's Peak, en 2018, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle n'a plus rien à voir.

Déjà, le conseil des étudiants s'est bien rempli. Et il a beaucoup plus de gueule. Avec mes idées et sous la direction de Raraka Son, que je n'imaginais pas si diligente, on l'a séparé en fonction des besoins. À savoir, maintenant, il y a le CA principal, avec la trésorière, la présidente, la secrétaire, la responsable de diffusion, tout ça tout ça, puis ensuite il y a les branches, avec exactement le même fonctionnement mais en plus spécifique. A savoir, l'évènementiel, le relationnel avec l'extérieur, l'aide aux élèves avec la médiation, ce genre de choses... et une branche qui fait le lien avec le CA de l'école.

À mon grand désarroi, je n'ai pas vraiment un très haut poste, puisque je suis secrétaire à l'évènementiel. Mais bon, ça me convient très bien. Pour l'instant, j'ai trop de trucs à faire pour briguer plus haut, et de toute façon ça ne m'empêche pas de suggérer mes idées.

Beaucoup de choses ont changé pendant l'année. Déjà, ma rupture avec Alexis, violente, dont je vais avoir du mal à me relever surtout en considérant qu'il est devenu un Ultime. Nan mais, se sentir atteint dans sa fierté et les fondements de sa relation avec quelqu'un qu'on appréciait beaucoup, c'est pas mal destructeur.

Il y a aussi Sharon, qui s'est enfin installée à l'appart. Bon, du coup, ça veut dire que notre chambre d'amis est prise, mais je peux bien faire ce petit sacrifice pour elle.

Et puis, ma relation avec Senri s'est pas mal approfondie, aussi. En travaillant avec Raraka, et en me rapprochant un peu de Reina, qui visiblement l'avaient connu dans son enfance, j'ai pu apprendre quelques trucs sur son passé et ce qu'il s'est passé exactement dans leurs vies. Et je dois bien avouer que même si je ne pensais plus du tout à chercher du matériel à romans, je suis servi.

Si j'en crois Reina, le pauvre se traîne un énorme crush à sens unique sur Raraka depuis bien cinq ans au moins. Et vu que leur première année à Hope's Peak, elle a rencontré Wen Xiang, et que le courant est passé de suite... Disons que les chances de Senri se sont visiblement retrouvées ruinées.

Enfin, elle m'a pas dit ça en ces mots, mais en fouillant un peu les alentours et en posant des questions soigneusement orientées à Senri sur son passé, on finit par recoller les morceaux. Je vous ai déjà dit que j'étais un énorme fouineur ?

Enfin, du coup, ça explique beaucoup de trucs. Dont l'isolement dont il fait preuve. Si ses seuls amis sont Raraka et sa copine... Quoique, il y avait aussi Aloïs, et je crois même avoir vu Juge lui faire un signe, aussi, à un moment. Mais on s'attend à tout de notre directeur. Des fois, je me demande même s'il existe.

Enfin du coup, la soirée d'intégration bat son plein, j'ai retrouvé ma filleule pour l'année qui m'a semblé plutôt sympa, et maintenant je commence à en avoir marre de draguer un peu. Du coup, comme Louna n'est toujours pas admise et Sharon est partie de la soirée très tôt, je cherche Senri.

Qui est dehors, au pied des cerisiers. L'air de profiter un peu du calme, en train de pianoter sur son tel. Un amateur de sudoku, peut-être. Enfin, moi les chiffres, j'y ai jamais vu d'intérêt, ironique pour un gars qui a fait trois ans de finances. Je les laisse à Thibault.

Et à Senri.

À côté de qui je m'assieds, sans rien dire.

C'est à peine si ce dernier réagit à ma présence. Il se contente d'un léger sourire. Enfin, c'est déjà pas mal.

« Déjà fatigué de tes performances ?

— Écoute, je souris, c'est épuisant d'être sans cesse le plus beau de tous. Il faut bien que je me ressource, un peu, aux côtés de gens qui partagent ma magnificence.

— Vantard.

— Eh, on me changera pas. »

Et puis, comprends le compliment un peu, nom de Zeus, une année entière que j'ai passée à t'en faire à toutes les sauces et tu es toujours incapable d'accepter que tu es beau.

« Et du coup tu viens me voir moi, soupire Senri, toujours son sourire amusé aux lèvres. Faut croire que tes standards s'abaissent de plus en plus.

— Eh là, pas de blagues auto-dépréciatives. Et puis, le bon filleul, la compagnie, tout ça. »

Surtout que je dois bien avouer qu'il y a quelque chose de calmant à être là, la nuit, sous les cerisiers en fleur, seulement guidés par le bruit du vent et du petit rire de Senri sur mon inside joke. Dans le silence, avec comme seule limite celle du ciel étoilé.

Je devrais peut-être m'en inspirer, tiens. Pour deux gars en relation romantique, ce serait le meilleur plan. Mais bon, là, c'est juste Senri. Et moi. Rien de plus. Deux bros, sans vouloir faire une référence à ces chers profs Shérif et Quechua.

« Pour être franc, je finis par dire, je suis surtout là pour me détendre. Et ta compagnie m'apaise. J'aime bien le bruit et le clinquant, mais parfois, j'ai besoin de calme.

— Et donc, j'apporte le calme dans ta vie ? Bon à savoir, rigole Senri. Je vais le prendre comme un compliment. »

Mon sourire s'élargit un peu. Et je lui passe un bras autour des épaules, que par miracle presque il ne repousse pas.

« Ouais. Et merci pour ça. Sincèrement. »

***

Un an et deux mois après la rentrée.

Maintenant qu'on a un Ultime Batteur, Raraka nous a demandé de monter des auditions pour le groupe de musique qu'on avait réussi à créer l'année dernière, histoire qu'elle n'ait plus à s'occuper de la batterie, sans doute. Ça me rassure un peu, parce que c'était assez malaisant d'être entre elle et Senri, et leurs échanges très amicaux mais dans lesquels je sens encore une certaine tension qui ne partira sans doute jamais. Enfin, je me suis fait un devoir de changer miss Son en chandelle professionnelle à chaque fois que j'en avais la possibilité, mais quand même.

Surtout qu'elle a raison. L'Ultime Batteur est bien plus doué qu'elle, y'a pas photo. En plus, on a le même répertoire. Senri et moi n'avons pas eu à beaucoup tergiverser pour prendre cette décision, et Amelia a approuvé avec plaisir. C'est avec lui qu'elle est, en ce moment-même, pour lui expliquer l'emploi du temps actuel du groupe.

Du coup, je suis seul avec Senri dans les vestiaires, en train de boire au moins cent litres d'eau pour ma pauvre voix. Eh mine de rien, ça fatigue, Muse.

Senri, qui évidemment n'en loupe pas une, se remet à se moquer en me voyant attraper ma cinquième bouteille.

« Quel puits sans fond... Comment va ton réflexe vomitif ?

— Disparu depuis un an au moins, je ricane, et tu veux pas savoir comment, Senri, très cher. Ou alors tu veux savoir et je te fais une démo tout de suite, tant qu'on est seuls dans les vestiaires ? »

Il lève les yeux au ciel.

« Vicelard ! C'est un grand non de ma part, merci mais non merci !

— Dommage... Tu peux donc le prendre comme la plaisanterie que c'était ! »

Enfin, ce ne sera jamais que la troisième fois que je fais une blague là-dessus. En deux semaines. Hmmm oui, je crois que je guette le moment où ce ne sera plus une blague, mais pour le coup, je sais comprendre un non. Je me contente donc de plaisanter là-dessus une fois de temps à autres.

Senri hausse les épaules.

« Tu me pardonneras, mec, mais vu ta réputation, on est jamais très, très sûr.

— Écoute, tant que t'as pas envie, prends-le comme une blague, ça devrait suffire, je ricane. Enfin bref, on va pas s'éterniser là-dessus. En plus, on parle, on parle, et j'ai la gorge en feu, moi. »

Oui, parce que cette petite plaisanterie m'a rappelé assez douloureusement que mes cordes vocales sont gentiment en train de se déliter. J'avale le contenu de ma bouteille d'un seul coup, et Senri, de nouveau, se moque de moi, mais cette fois, en silence. Il se contente de retirer sa veste, poisseuse de sueur, ce qui est pas terrible pour une veste en c– Attendez une minute.

C'est quoi, ça, là, sur ses–

...

Des lignes.

Longues, blanches sur sa peau cuivrée. Nettes, claires, parallèles.

Reconnaissables.

Des traits tracés dans le sang sur un bruit de hurlement.

Le sang qui goutte, qui goutte, sur le carrelage. À côté d'une lame de rasoir. À côté d'un évier. À côté d'un miroir.

Rien autour.

Rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien autour rien

Une douleur dans mes genoux, dans mes bras. Ma gorge qui se déchire. Ma vision qui se trouble.

Puis le noir.

Je ne sais pas si j'ai repris conscience. Mais quelques temps plus tard, de nouveau, je récupère de la sensation dans mon corps. Celle d'une main sur mon épaule. D'un truc appuyé sur mon dos. D'un liquide froid sur mon visage.

Mes bras brûlent atrocement.

Mais la prise sur ma veste... Il y a quelqu'un. Quelqu'un est là. Je ne suis plus seul. Je ne suis plus seul. C'est fini. Il y a quelqu'un. Il y a quelqu'un pour m'aider.

Une voix transperce le brouillard dans mes oreilles. Une voix inquiète. Paniquée, peut-être.

« Tu m'entends, mec ? C'est pas le moment de me claquer entre les pattes... »

Une voix... Je connais cette voix. Je m'y accroche. Je m'y cramponne.

Et petit à petit, je la laisse m'extraire du brouillard.

Je suis toujours dans les vestiaires, visiblement. Personne à l'intérieur, à part Senri, qui est agrippé à mon épaule, semble me maintenir assis contre les bancs. Son visage est crispé par l'inquiétude, et visiblement, le fait que je cligne un peu des yeux le rassure à peine. Ça doit être à cause de ma respiration d'hippopotame en plein infarctus.

Mes bras me brûlent toujours.

Et c'est comme ça que je comprends ce qu'il s'est passé.

Une crise.

Je n'en avais pas eu de cette ampleur depuis des années.

Pas depuis mon emménagement à Hope's Peak, en tout cas, le temps que je commence une thérapie et que le psychiatre me diagnostique un PTSD avec mutisme psychologique lié à l'évènement et violentes montées d'angoisse.

Je ne pensais vraiment pas... Je ne pensais vraiment pas en refaire devant Senri.

Comme si je nageais dans une brume de rêve, je vois mes doigts se tendre, se refermer autour de mes avant-bras. Mes manchons sont toujours là. Tant mieux. J'ai déjà assez montré de faiblesse comme ça, pas le moment d'en rajouter. Même si je vais devoir essayer d'expliquer d'où vient la crise.

Je serre les dents.

La journée avait si bien commencé.

Senri semble toujours très inquiet. Il grimace en me voyant me recroqueviller, mais ma respiration qui se calme doucement finit par l'inciter à se détendre un peu. Et retenter de me parler, aussi.

« ... ça va mieux ? »

Je ne sais pas, Senri. Je me sens comme un énorme tas de merde, qui après toutes ces années a encore besoin de l'aide de quelqu'un. Mais pour éviter d'en rajouter, on va hocher la tête et dire que oui. Ça le rassurera.

« ... Fais-moi plaisir, mec, je dis d'une voix encore rauque. S'il te plaît. Me montre plus jamais tes bras. »

Il hausse un sourcil. Avant de jeter un coup d'œil à mes manchons, que je serre toujours. Et son visage se tord d'une grimace très évocatrice.

Il a compris, on dirait.

Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne chose.

Mais en tout cas, et j'apprécie, il ne reste pas fixé dessus bien longtemps. Il se contente de m'aider à me redresser, pour m'asseoir sur ce foutu banc qui me scie le dos depuis tout à l'heure.

« J'ai eu la peur de ma vie, Emerens, il soupire une fois que je suis à peu près installé. Deux minutes plus tôt t'étais en train de me faire tes blagues crasses, et ensuite... je te vois te figer comme une statue et tu tombes au sol, à moitié évanoui. T'es certain que ça va ?

— On va dire. Combien de temps... Je suis resté inconscient ?

— Pas plus d'un quart d'heure, je pense. »

... Au moins ça. La dernière a fait plus d'une heure. D'une certaine manière, il y a du progrès. Ah, ah ah.

La main de Senri n'a pas quitté mon épaule.

« Désolé si c'est un peu indiscret, mais ça t'arrive souvent, ce genre de choses ? »

Je secoue la tête.

« C'est la première fois depuis environ un an.

— Je vois. »

Il jette un œil à ses propres bras. Recouverts par sa chemise, heureusement. Mais maintenant que j'ai une meilleure idée de ce qu'il y a dessous, je ne peux m'empêcher de me crisper.

Enfin. Il va falloir que je me fasse à l'idée, pas vrai. Tu t'attendais à quoi en devenant ami avec un dépressif, Emerens. Évidemment que ce genre de détails pouvaient avoir eu lieu.

Évidemment.

Mais très sincèrement, plus j'y pense, et plus ça me rend malade.

Ça me rend malade, la perspective que Senri ait pu vivre, un jour, la même chose que moi.

***

Rappelez-moi de ne plus JAMAIS faire confiance aux randonneurs.

Comment je me suis retrouvé là déjà ? Je veux dire, Louna m'avait prévenu, en plus. Quand un gars qui dit qu'il marche régulièrement vous propose une petite balade, on regarde d'abord le nombre de kilomètres et le dénivelé. Vu le père qu'elle a, j'aurais dû l'écouter. Ô combien j'aurais dû.

Un an et huit mois après la rentrée. Et lorsque Senri m'a proposé, pour la première fois, une sortie à deux sur une « petite balade tranquille », je crois que j'étais tellement excité que j'en ai oublié de vérifier les trucs de base. De type, est-ce que c'est un bon marcheur, comparé à moi l'handicapé, ou qu'est-ce qu'il considère comme petite balade.

Sauf que maintenant, je suis parti pour dix kilomètres de torture sur un chemin presque trop caillouteux pour ma prothèse et je regrette, bon sang je regrette.

Et Senri qui marche à bon rythme devant sans une once de sueur sur son front comme s'il me proposait pas quelque chose que même le père de Louna n'aurait jamais osé me suggérer. Oui, beau-papa, c'est vous que je vise. Bordel de merde.

« Tu vas me tuer en fait, je lâche pour la trente-huitième fois en dix minutes à Senri, qui s'est à peine arrêté pour m'attendre. Tu vas m'égorger dans ce buisson et repartir avec mon cadavre. Remarque, fais-le, je préfère une mort rapide que cette abomination.

— Quand tu m'avais dit que tu marchais très peu, fait Senri en fronçant les sourcils, je m'attendais pas à ce que t'aies une condition physique aussi dégueulasse. C'est une petite balade de rien du tout, mec, pas la peine de faire le dramatique...

— t'appelles ça petit, je lâche entre deux reprises de respiration laborieuse, mais pour moi, pauvre gars UNIJAMBISTE, c'est l'ascension du mont Fuji, nom d'un chien. T'as pas une croix de Saint-André pour la torture ? Au moins je saurai quand on me torture ! »

Il lève les yeux au ciel.

« Je crois que j'ai compris la chanson, au bout de la trente-neuvième fois. Allez, on fait une pause.

— Enfin un peu de miséricorde. En plus, j'ai vraiment mal à la prothèse, pour le coup. »

Disons que l'opération qui me l'a value n'était pas vraiment adaptée à ce type d'exercices. Ça brûle, ça fait un mal de chien au moignon, et en plus je crois qu'elle commence à planter, puisque je n'arrive pas vraiment à plier le genou... Ah quoique, l'autre est dans le même état. Ça doit être une réaction fantôme.

Je m'assieds laborieusement sur un rocher et commence à masser mon moignon, qui comme je m'y attendais est irrité comme c'est pas possible. Un vrai bonheur. Décidément, j'adore ce genre de sorties. Et ça ne fait que confirmer ma théorie que Senri en a marre de moi et veut m'assassiner à l'abri des regards avant de se nourrir sur mon corps estropié.

J'vous jure, les faux amis.

Senri s'assied à côté de moi. Avant de faire la moue en voyant la rougeur au niveau du moignon.

« Ah ouais, tu mentais pas. Ça doit faire mal.

— Merci de ce peu de confiance en moi, je boude. En règle générale, je fais ma rééduc à la salle. Pas dans des chemins de torture de ce genre.

— Ouaip, je pense que j'ai compris, à force. »

Il finit par hausser les épaules, avant de se relever.

« Écoute, j'ai une proposition à te faire. Si tu veux rentrer avant de manger, du moins. Tu récupères les deux sacs, et moi je te porte pour le retour. Ça te va ? »

Qui que quoi ? Ne plus avoir à marcher ? Un peu que je veux. Et je montre sans doute un poil trop d'enthousiasme à cette charmante proposition parce que Senri, bien évidemment, ne peut s'empêcher de se moquer.

« Allez, grimpe, flemmard. Autant que tu sois utile en tant que sac à dos.

— je ne répondrai même pas à cette fine provocation. Allez, montre-moi donc ton dos, Senri de mon cœur, et laisse-toi donc monter, que je te grimpe dessus...

— Urgh, il grogne. Es-tu vraiment obligé de rendre tout tendancieux ?

— Pas ma faute si tu es objectivement sexy, mec. Allez, blague à part, laisse-moi monter. Je veux avoir l'utilité d'un sac à dos. Un très agréable à regarder sac à dos. »

Ça le fait rire. Il me permet néanmoins de m'installer sur son dos, semblant ignorer mes soixante-quinze kilos au bas mot comme si je ne pesais qu'un sac à patates. Oh... C'est que ça va être chouette, cette balade, tout compte fait. J'adore être porté comme une vieille grand-mère. Surtout par quelqu'un qui ne semble même pas y balancer de l'effort.

Je crois que je vais un peu accentuer la drague, tout compte fait.

***

Deux ans et cinq mois après la rentrée.

Je suis concentré sur mes petites explorations, en ce moment. Il faut dire que depuis que j'ai fort opportunément découvert une énigme dans un des murs de l'école, je suis littéralement fasciné. J'ai toujours adoré les chasses au trésor. C'est un excellent exercice pour les capacités cérébrales.

Du coup, comme je n'avais pas assez de temps le jour pour fouiller absolument tout l'établissement, qu'est-ce que je fais, moi ? J'y retourne la nuit. Par effraction. Ça a été vachement dur de faire le mur dans le sens inverse avec ma jambe artificielle, mais j'y suis quand même arrivé. Et maintenant, je suis ma progression dans l'énigme derrière les couloirs.

L'école est fascinante de nuit. Beaucoup plus silencieuse, sombre, vide. On entend à peine les courants d'air dans les endroits où les rires sont monnaie courante. Pour beaucoup, ce serait le setting parfait d'un fim d'horreur, ou d'un jeu (n'est-ce pas, White Day) mais moi, je la trouve tellement plus... Authentique.

Sans miroir d'hypocrisie, ou couverture de faux bonheur, non, rien d'autre que le bâtiment rendu à lui-même.

Enfin, il y a sans doute d'autres explorateurs. En me voyant fouiner, notamment, cette conne de Kimura s'y est mis. Celle-là, je peux pas la sentir. Mais bon, je suis pas con au point de penser que j'ai provoqué le début des recherches de tout le monde.

Surtout que si ça se trouve, les gens sont bien plus avancés que moi.

Alors voyons. Selon l'énigme en cours, si je l'ai bien décryptée, je suis devant le bon mur, celui entre la salle dédiée à l'histoire et celle dédiée à la géographie. Merci Cheng Hui pour l'indice involontaire en parlant de ton petit ami, au fait. Et si je ne me suis pas trompé, je dois presser, dans cet ordre, cette brique, cette brique, et...

Bingo ! Le mur s'ouvre. Mais derrière, il n'y a pas de nouvelle énigme à fouiller, ou de trésor à récupérer, comme j'aurais pu l'espérer. Enfin, sauf si Senri, qui me fixe avec stupéfaction, est un trésor à remporter. Mine de rien, peut-être.

« Qu'est-ce que tu fais là, tu me suis ?!?

— Tout de suite les grands mots, je bougonne. Non, je cherchais mes énigmes tout seul comme un grand. Mais je pensais pas que t'étais la récompense, dis-donc. »

Senri pouffe.

« Désolé de te décevoir, mais je suis comme toi, je cherche. Allez, rentre, avant que le mur ne se referme et que la combinaison ne change de nouveau.

— Une minute. Comment ça elle ch– »

Pas le temps de protester. Senri me traîne à l'intérieur de ce qui ressemble à... Une espèce de placard en désordre qui contient toutes sortes d'objets. Que je triture, un à un, le temps de m'apercevoir qu'ils sont vissés au sol ou collés sur les meubles. Pour la plupart.

« Prends des photos, plutôt, lance Senri. C'est mieux, pour ce genre de trucs.

— Merci de ton savoir infini. Mais euh, d'ailleurs, comment tu sais ça ? »

Il hausse les épaules.

« Je fouille cette école depuis trois ans, à peu près. À force, on finit par comprendre des trucs sur la composition de l'énigme. Par contre, désolé, mais je t'aiderai pas plus. Juge apprécie pas trop.

— Ben voyons. Dis plutôt que tu veux arriver au bout en premier. D'ailleurs, tu sais c'est quoi, le bout ? »

Nouveau haussement d'épaules.

« Pas plus que toi, et même si je le savais, je te le dirais pas. Fais marcher ta tête, un peu.

— Et si je te fais un bisou, t'acceptes de me donner un indice ?

— Tu prends tes désirs pour des réalités là je crois– »

Sa phrase est interrompue net par le craquement d'une porte ouverte. Qui n'est pas le pan de mur par lequel je suis passé. Non, plutôt, il vient d'au fond. Au fond du placard.

Juste derrière le globe terrestre, une seconde porte dérobée vient de s'ouvrir, pour laisser passer nulle autre que la petite tête de notre directeur.

« Oh bah ça alors ! Moi qui avais entendu du bruit, je me serais jamais douté qu'on se galocherait dans mon placard ! Salut, Senri, salut le blondinet, ça gaze ? »

Senri a un léger soupir amusé alors que moi, tout ce que je suis capable de faire, c'est de passer de son visage même pas surpris à la tronche du dernier gars que je m'attendais à voir dans l'école de nuit de toute ma scolarité.

« Salut, monsieur Juge. Désolé, on dirait que j'ai des invités surprise.

— Oh mais t'excuse pas, j'adoooooore les gens curieux ! Bon par contre, je suis venu vous tirer de là, parce qu'après le passage du blondinet, j'étais censé réorganiser tout ça. Le dur boulot du directeur, vous-mêmes vous savez. Allez, filez avant de vous retrouver enfermés jusqu'à ce que le prochain arrive... Vous voulez pas finir coincés à deux dans un placard, quand même ?

— Oh, je sais pas, je rigole, me saisissant à pleines mains de la perche qu'il me tend intentionnellement ou pas. Rester rien que tous les deux dans un endroit aussi étroit, ça ouvre des possibilités, hmm ? »

Senri lève les yeux au ciel, avant de me tirer par le bras en dehors dudit placard. Dommage.

« C'est ça, c'est ça. On en reparlera quand on ne risquera plus d'être enfermés jusqu'à dépérir. »

Il marque un point. Mais dommage quand même.

Enfin, inutile d'en rajouter. Je le laisse me traîner dehors, à la suite du directeur qui de toute façon disparaît juste après dans un coin du couloir, essayant de ne pas trop penser à l'ironie rigolote que c'est de nous voir sortir du placard.

Surtout après le nombre d'insinuations bien gay que je lui ai faites...


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