Cauchemar (AU sans Tuerie)

Cauchemar.

La sensation du sang qui me coule sur les bras, cette horrible douleur dans ma jambe, un hurlement, un autre, plus de la colère que de la peur. C'est moi qui aie peur. Et qui ait mal, encore et toujours, partout, aux bras, aux jambes, au cœur.

L'odeur du sang est partout. Elle m'emplit les narines, me serre la gorge au point de m'étouffer. Je suis enseveli dans une baignoire de sang et il n'y a plus que du rouge dans ma vision. Du sang, des cris, des larmes. Est-ce que ce sont les miens ?

Je ne vois rien. Où sont les autres ? Ils ont disparu, ils m'ont encore laissé tout seul. Encore, encore, encore. Je ne veux pas être seul. Ne me laissez pas... ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas ne me laissez pas NE ME LAISSEZ PAS-

Je me réveille en sursaut, suant à grosses gouttes, le poing contracté sur mes draps. Mince... On dirait que je me suis encore fait peur au point de me réveiller. Foutu cauchemar.

Je suis au bord de la crise d'angoisse mais je crois que cette fois c'est contrôlable. Tant mieux, parce que cette nuit je dors tout seul. Thibault a dit qu'il allait rester avec Ruben, Louna en a marre de moi. Et Sharon... Je n'ai pas eu d'écho d'elle, mais j'imagine qu'elle voulait prendre son temps pour elle. Elle en a bien le droit, après tout. Surtout maintenant que je ne suis pas la seule personne dans sa vie...

Bon. En attendant, je ne réussirai pas à me rendormir. J'ai besoin d'une douche, d'un bon café et de temps pour moi. J'espère que je ne vais pas tomber sur un des autres insomniaques dans l'une des cuisines... Certes, j'ai aidé à financer non pas une maison mais un véritable manoir, mais lorsqu'on vit à soixante parce que mes crétins de partenaires passent leur temps avec d'autres polyA, eh bien, c'est très facile de tomber sur quelqu'un qui a un rythme de sommeil autant niqué que le vôtre. Et avoir un rythme de sommeil aussi niqué qu'Emerens Michael Andreas Van Heel, qui est réduit à néant par les nuits de cul, les cauchemars, les crises d'angoisses et les soudains moments d'inspiration nocturne... Faut le faire. Dire que je donne des leçons à Sharon. J'aurais beau râler, jamais je lui avouerais que je me sers d'elle comme prétexte pour faire mes nuits, moi aussi.

Je me lève, chope ma prothèse près de mon lit et me dirige vers la cuisine. Je dois sans doute puer la sueur vu à quel point je me sens poisseux, mais franchement à ce stade je m'en fous. De toute façon, quiconque je rencontrerai ne sera sans doute pas en meilleur état que moi.

Tiens ? y'a du mouvement dans le sal- ooooooh, quand je parlais de Sharon. Regardez qui voilà, dans les bras de Salimeh, en train de dormir devant une série tandis que l'autre lui caresse les cheveux. Parfait, voilà de quoi me rassurer. Etant donné que dans la moitié de mes rêves elle a mis les voiles... Ah ah ah.

Je me rapproche d'elles avec un sourire, oubliant un instant que j'ai envie de café. Elles sont décidément trop mignonnes, toutes les deux. Et je suis tellement, tellement content que Sharon ait pu trouver quelqu'un pour elle. Quelqu'un qui ne soit pas moi, s'entend. Parce que... Disons que certaines choses que j'ai apprises me faisaient douter de comment je devais me comporter avec elle.

Je voulais juste lui faire un petit bisou de bonne nuit sans les réveiller, mais visiblement Salimeh ne dormait pas, puisque mon approche lui arrache un sursaut. Oups. Je lève les mains en signe de non-hostilité et me permets un sourire fatigué. Soyons le moins menaçant possible, je suis déjà assez un intrus comme ça...

« Désolé, j'voulais pas te réveiller. P'tite insomnie, je fais mon tour de maison.

— Cauchemar ? »

Elle devine drôlement bien, dis-donc. Je soupire. A ce stade, autant ne pas mentir.

« Ouais. L'habituel. Je réussirai pas à me rendormir de sitôt. »

Je me penche vers Sharon, que notre échange n'a pas réveillée. Elle dort comme un bébé, ça fait plaisir à voir. Même si je me doute bien qu'il y a une raison pour laquelle la miss n'est pas dans son lit. Est-ce que je peux vraiment parler, moi, par contre ?

Je lui caresse la joue sous le regard de Salimeh, et me permets un bisou sur le front. Ah mince, elle grogne dans son sommeil... peut-être qu'elle dormait pas assez. Autant filer vite. Je me décale en douceur et me tourne vers Salimeh.

« Café ? Tant que je m'en fais un autant compléter...

— J'adorerais, sourit cette dernière, mais j'ai pas le droit après vingt-et-une heures. Ordre général de mes partenaires. »

Je pouffe.

« Mince, il va falloir que j'évite de préciser ça à Thibault, comment je vais faire pour mes nuits blanches ?

— Commencer par dormir ?

— J'en parlerai à mes cauchemars. Je vous laisse dormir, bonne nuit, vous deux ! »

Et je m'éclipse avant que mon commentaire ne soit trop mal interprété. Je n'ai vraiment pas besoin de m'attirer de l'inquiétude supplémentaire, surtout que je suis un grand garçon qui suit sa thérapie et parle de ses problèmes... Enfin presque. Aussi ouvert à la confidence que puisse être Thibault, aussi douce que puisse être Sharon, aussi calme que puisse être Louna, aucun des trois n'a jamais vu mes avant-bras. Et ne savent ce qu'il y a dessous. Je crois que moi-même, je ne sais plus, tant j'ai peur de retirer ces foutus manchons. Il n'y a plus que mes cauchemars qui s'en rappellent, désormais.

Je sirote mon café, portable à la main, essayant de penser à autre chose qu'aux visions de cauchemar. Je ne sais pas encore trop ce que je vais faire cette nuit. Sans doute pas rejoindre quelqu'un. J'imagine que certaines personnes dans cette maison ne seraient pas contre si elles dormaient seules, du moins en considérant que je ne compte pas dormir, ah ah ah. Mais je vais pas faire la tournée des chambres pour savoir qui voudrait bien m'accueillir dans ses draps, je suis touch-starved mais y'a des limites.

Une série ? Flemme monumentale de commencer quoi que ce soit de nouveau. Écrire ? Dans l'état où je suis, je serais capable de tuer un de mes personnages. Ou de lui refiler le cancer. Je suis nettement moins regardant vis-à-vis d'écrire mes propres expériences quand je me réveille d'un cauchemar qui fait froid dans le dos, bizarrement. Et tenter de me distraire avec de la mignonnerie ne changerait pas grand-chose. Mes doigts traîtres en feraient une scène particulièrement triste.

Je peux peut-être commencer, ou relire, un manga. J'en ai plusieurs qui m'attendent dans ma bibliothèque. Ou alors écouter de la musique. Ou juste glander sur mon téléphone en attendant que l'effet de la caféine s'estompe et que je m'effondre de fatigue...

« Emerens ? »

Ah. Bonsoir Louna. On dirait que je ne suis pas le seul à ne pas réussir à dormir. Je soupire.

« Coucou, chérie... Insomnie aussi ?

— Pas aussi grave que toi, sans doute. Juste l'anxiété. Et puis je t'ai entendu passer alors que j'essayais de me rendormir, et je me suis dit que tu ne devais pas être en grande forme.

— C'est le moins qu'on puisse dire... »

Louna fait une petite moue, avant de se rapprocher et de m'enlacer. Je sens sa joue qui froisse le tissu de mon T-shirt, appuyée sur mon dos. Visiblement, elle se fiche pas mal que je pue la sueur.

Son regard tombe sur la tasse après quelques secondes de silence. Vu la crispation de ses bras, elle sait ce que je viens de boire.

« Trésor... Tu sais ce que je pense du café à cette heure-ci...

— Ouais, je sais. Mais je fais comme je peux, Louna.

— Tu veux en parler ? »

Je baisse les yeux vers mon portable.

« Non. »

Elle hausse les épaules, et se décolle de moi avant de me prendre par les épaules.

« Va dormir, mon cœur. Je suis dans la chambre à côté, si tu as besoin de moi.

— Merci, mais ça ira...

— Mon cœur. Je sais que ça ira pas. »

Oui. Elle le sait très bien. Mais elle sait aussi que je ne peux pas faire appel à elle comme ça. J'aurais trop peur de déranger. J'aurais trop peur d'être trop, qu'elle finisse par en avoir marre de moi, qu'elle parte, qu'elle me laisse seul. Comme avec Sharon. Ou Thibault.

Je finis mon café d'une traite et m'arrache un petit sourire. Faire comme si tout allait bien. Faire comme si tout allait bien.

« Si j'ai besoin d'aide, j'irai la chercher, d'accord ? Bonne nuit, chérie. »

Elle sait que je ne le ferai pas. Mais elle ne me retient pas, me laisse partir vers ma chambre en silence. Je sens son regard qui pèse sur moi alors que je passe la porte. Salimeh s'est endormie aussi. Bien pour elle.

Je souris. Je me sens un peu apaisé. Peut-être pas assez pour me rendormir paisiblement, mais assez pour éloigner de moi ce satané cauchemar.

____

Ptit OS tranquille de ship parce que j'avais envie ! 

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