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Felicia :

Après plusieurs semaines passées, la routine s'est de nouveau installée. Papa et maman sont partis tous les deux pour une semaine prétextant un voyage d'affaires. Je me retrouve donc seule à la maison, ce qui ne fait qu'augmenter cette peur constante qui pèse sur mes épaules.

Nous sommes vendredi après-midi et je vais chez Estelle après les cours. Cela fait un petit moment maintenant que nous prenons cette habitude. J'essaie le plus possible de ne pas me retrouver seule. Durant la semaine, j'ai reçu plusieurs messages de Marcus. Il parle toujours de la même chose : « Je vais m'en prendre à ta famille ».

Je suis effrayée, je m'inquiète pour mes parents et aussi pour ma sœur à qui je téléphone tous les soirs pour apaiser les peurs qui nourrissent les ténèbres quand vient la nuit. En tant qu'adolescente, je suis censée avoir une enfance comme les autres, je devrais être épanouie, libre et heureuse. Je constate que je suis totalement l'opposée de tous ces adolescents-là, j'ai un destin funeste.

Tous les soirs quand je me couche, je suis terrorisée, quand j'entends un bruit alors que je suis seule, mes membres se mettent à trembler, j'ai la chair de poule et je ne tiens plus en place. Je suis constamment sur mes gardes, et je commence faiblir. Je manque cruellement de sommeil.

J'ai expliqué mon passé à Estelle. Fort heureusement, elle a compris ma douleur, mon désarroi et mon inquiétude. Elle sait me réconforter et m'aide du mieux qu'elle peut dans la vie de tous les jours. On peut dire qu'avec les événements causés par Marcus, je crains de tomber dans une sombre dépression. D'un côté, j'ai envie de m'amuser, de l'autre, je veux quitter cette terre et gagner la paix.

Alors je repense à ce que m'a dit Estelle il n'y a pas si longtemps

« Tu ne peux pas faire ça Felicia, des gens t'aiment. Ne te laisse pas emporter par ce flot d'horreurs qu'est la mort. »

- Alors, tu en penses quoi ? m'interroge-t-elle.

- Oh, pardon... j'étais dans la lune. Je crois que tu as raison. Je devrais appeler mes parents pour leur dire que Marcus est de retour, je sors mon cellulaire de ma poche et je vais chercher ma mère dans les contacts.

- Coucou maman ! Oui je t'appelle pour vous parler. Tu peux mettre sur haut-parleur, s'il te plaît ? demandé-je.

- Oui, bien sûr ma chérie. C'est bon, nous t'écoutons.

- Voilà, ça fait quelques semaines que j'hésite à vous en parler, mais je dois le faire. Marcus est de retour, débité-je la voix tremblante.

- Nous le savons ma chérie. Quelqu'un nous a prévenus. Nous avons fait installer des caméras à l'intérieur et à l'extérieur de la maison. Nous avions prévu de te le dire. Tu dois aussi savoir que des gens te surveillent et que pour ta sécurité, un garde va maintenant t'escorter dans tous tes déplacements. J'espère que tu comprends notre démarche.

- Oui, totalement... Mais j'ai peur quand même, maman... Je n'arrive même plus à dormir.

- Je sais et je comprends. Mais rassure-toi, tout va bien se passer. Et puis, nous rentrons dans une semaine. Si tu veux, on se passe un coup de fil tous les soirs ? D'accord ? s'enquit-elle.

- Oui, je veux bien.

- D'accord, ça marche. Nous te faisons de gros bisous, annonce mon père.

Je craque, un craquage, c'est le mot qui convient le mieux à mon état actuel. Estelle me prend dans ses bras et je sanglote. La vie est injuste avec moi.

- Ça va aller ma belle, je suis avec toi, moi, et Nash aussi.

- On peut aller chez lui ? On s'ennuie ici, dis-je en essayant de me calmer.

- Pourquoi pas. Allons-y.

Moins de quelques minutes plus-tard, nous nous retrouvons devant sa porte, Nash et nous fait entrer après nous avoir toutes deux saluées. Pour terminer la journée, il propose que nous regardions un petit film. Je suis directement emportée par cette proposition. Un sourire naît sur mon visage car je sais comment va se passer la suite.

- Mesdames, que dîtes-vous de Comment c'est loin ? nous propose-t-il en montrant la jaquette du DVD.

- Mets, on ne connaît pas, déclare Estelle en haussant les épaules.

- C'est un chef d'œuvre du cinéma français. Enfin, selon moi.

La pièce plongée dans le noir, le film peut enfin démarrer. Mais quelques répliques plus tard, Nash se met à parler, nous empêchant d'écouter la télévision.

- Vous ne trouvez pas que cette scène est bien tournée. Non ? Parce que franchement, moi à leur place, je serais mort de rire. Je ne pourrais même pas dire ma réplique.

- Chut !!!

Estelle et moi là-dessus, nous sommes synchronisées. J'adore Nash, vraiment, mais il parle toujours pendant que c'est un moment intéressant.

- Oh ça va... C'est juste une question recherchée sur laquelle j'aimerais avoir votre avis.

- Tais-toi, on veut écouter le film, dit Estelle en soupirant.

- Ça va, j'avais compris, râle Nash.

Je prends la télécommande et mets le film sur pause. Un sourire orne mon visage car cette scène me rappelle vaguement quelque chose.

- Nash, comment veux-tu que l'on regarde ton « chef d'œuvre du cinéma français » si tu n'arrêtes pas de parler ? l'interrogé-je en croisant mes bras.

Je remets le film en route et le silence se fait de nouveau.

L'après-midi s'est finalement bien passée. J'ai prévenu mes parents que je restais dormir chez Nash avec Estelle. Nous sommes une vraie petite bande d'amis.

Le soir arrive vite, nous sommes tous installés autour de la table pour déguster le bon repas préparé par Roxane, la mère de Nash. Nous mangeons comme de gros gourmands, elle cuisine plutôt bien ! J'envie Nash, lui il a quelqu'un qui cuisine pour lui, moi je fais tout, mes parents sont presque tout le temps absents.

- Dites les filles, Nash m'a confié que vous partiez tous les week-ends en classe verte ! Ça vous plaît ? demande-t-elle ses yeux faisant plusieurs voyages entre Estelle et moi.

Je manque de m'étouffer en entendant cette question. La question dangereuse à laquelle nous n'avons pas le droit de nous tromper.

- Oui, exactement, c'est très enrichissant...réponds-je en lui offrant tout de même un sourire.

Roxane n'insiste pas plus et nous continuons de manger dans le silence, je suis plutôt mal à l'aise. Personne ne doit découvrir ce que nous faisons vraiment, nous ne devons pas même être suspectées de mensonge.

Avant d'aller dormir, un passage obligé par la salle de bain s'impose à moi. Pendant que je me prépare, mon téléphone sonne. Posé sur le lavabo, je m'en empare et décroche.

- Felicia, c'est Noah...annonce la voix.

- Comment as-tu eu mon numéro Noah ? demandé-je surprise.

Je lâche la brosse de cheveux et m'appuie sur le rebord du meuble afin d'être attentive à sa réponse.

- C'est une très longue histoire. Dis-moi, je voulais savoir comment tu allais.

- Euh...Je... bien merci, bégayé-je tout en triturant une mèche de cheveux à l'aide de ma main libre.

- Il y a-t-il quelque chose qui te perturbe en ce moment ?

- Non, ma vie est normale.

- Très bien, merci c'est tout. Passe une bonne nuit. Et fais attention, ajoute-t-il une pointe d'inquiétude dans la voix.

Je n'ai même pas le temps de répondre, qu'il a déjà raccroché. Pourquoi toutes ces questions ? Pourquoi s'intéresse-t-il à moi tout d'un coup ? Depuis quand est-il gentil avec moi ?

Peut-être qu'il me demande tout ça car il a vu mes cicatrices de scarification ? Mais Noah n'ai pas le genre de personne à s'inquiéter pour quelqu'un qui n'entre pas dans le cercle très privé de ses amis. Il n'y a aucune logique entre ce qu'il pense de moi et ces agissements.

Veut-il se racheter ? Peut-être a-t-il enfin compris que je ne suis pas quelqu'un de méchant ? Je ne sais pas. En tout cas, je trouve son comportement très étrange.