Chapitre 3 - Chase


Sans m'annoncer, j'ouvre la porte du bureau de mon demi-frère. Je me demande comment il réagira après ce que je vais lui apprendre...

— Tu as une drôle de manière d'accueillir les gens, frérot, lancé-je.

Julian lève les yeux du magazine qu'il lisait. Il reste bien installé sur le fauteuil, les jambes allongées devant lui, les pieds posé sur son bureau en chêne massif.

— Chase ! Je suis heureux de te revoir. J'ignorais que tu étais arrivé.

— Peux-tu m'expliquer ce dont je viens d'être témoin ? Que s'est-il passé ici pendant mon absence ? Le mot procès, tu connais ? Non parce que nous risquons d'en avoir un sur le dos !

— Moi aussi, je suis vraiment ravi de te voir, Chase. Je vais bien, et toi ? Ça a été ton voyage, non parce que... m'incendier de tant de questions alors qu'on ne s'est plus vu depuis six mois...

— Julian !

— Ça va, arrête de stresser comme ça.

Toujours aussi laxiste ! Il ne prend jamais rien au sérieux, ça m'exaspère ! Je m'approche, me campe devant lui et pose mes mains à plat sur son bureau.

— Alors pour toi, il est normal que les adjoints à la direction prennent des risques personnels pour effectuer le boulot de la sécurité ?

Sa nonchalance disparaît instantanément. Il se redresse, retire ses pieds du bureau et fronce des sourcils.

— De quoi parles-tu ?

— Sans mon intervention, cinq minutes plus tard, cette femme aurait été...

Bon sang ! Je boue encore de colère en songeant à ces péquenauds qui ont osé poser leurs sales pattes sur cette jolie brune, à la manière dont ce punk répugnant l'a serrée contre son corps luisant de sueur. J'aurais voulu lui arracher la tête ! Je ne préfère même pas imaginer ce qui aurait pu lui arriver si je n'étais pas intervenu.

Les conduire à la sortie, c'était le mieux. Inutile de contacter les autorités. Je n'ai pas besoin que quiconque s'intéresse de trop près à moi et à l'hôtel. Ça n'attirerait que les flics et les médias. A la moindre occasion, ces charognes braqueraient leurs feux sur Luck Manor. Et si cela arrive, cela provoquerait de nouveaux retards dans l'affaire qui m'occupe et bien d'autres choses que je préfère éviter.

Je n'ai vraiment pas de temps à perdre, ni de faire le ménage derrière mon frère.

Aussi loin que je m'en souvienne, grand-père m'a toujours reproché de rendre la vie trop facile à Julian. Mon frère n'assume pas les conséquences de ses actes et je suis celui qui nettoie souvent derrière. Je suis l'aîné. Sérieux. Réfléchis. Qui se sacrifie. Se bat. Je suis toujours là pour sortir mon jeune frère du pétrin, bien que parfois j'aie envie de l'étrangler ou de lui donner une bonne trempe.

— Chase ! Peux-tu au moins me répondre ?

Je souffle et arrime mon regard au sien.

— Dans l'une des chambres, il y avait quatre types bourrés, à faire n'importe quoi. Tu peux me dire pourquoi c'était cette femme qui était là-haut et non pas toi ? Que faisais-tu pendant ce temps ?

D'un bond, Julian se lève. Il pâlit, presqu'à en devenir livide.

— Qui était-ce ? Cass ?

— Je ne connais pas son nom, et franchement, je n'ai pas pris le temps de vérifier sur son badge. Il y avait plus urgent à faire.

— Décris-moi son physique.

Je n'ai pas à réfléchir bien longtemps. Son image surgit dans mon esprit. Belle. Intrépide. Avec des courbes de folies. De longs cheveux bruns emmêlés qui retombent sur son visage, des joues empourprées, des vêtements en désordre, un air farouche et déterminé. J'ai pu déceler un peu de crainte dans ses pupilles, mais durant quelques secondes à peine. Une créature diablement envoûtante, voilà à qui j'ai eu affaire. Et excitante.

Evidemment, ce n'est pas ainsi que je vais la décrire. Je ne dois pas me laisser distraire. J'annonce d'un ton plat :

— De longs cheveux bruns, des yeux d'ambre et un corps à damner un saint.

Voilà, largement suffisent.

— C'est Cass, dit-il en laissant échapper un juron. Elle va bien, au moins ?

Certain d'avoir enfin obtenu son attention, je m'écarte du bureau et m'approche d'un vase de cristal qui contient des fléchettes.

— Chase ! Elle va bien ?

— Hum..., marmonné-je, mais certainement pas grâce à toi.

— Que s'est-il passé ? me demande-t-il tout en s'approchant de moi.

— Ça intéresse qui, au juste ? Son supérieur hiérarchique ou l'homme ?

Je sais d'avance la réponse à cette question. Je connais bien mon frère. Il ne s'inquiéterait pas ainsi pour n'importe quel membre de son personnel. Bien sûr, il fait attention à toute l'équipe, à sa manière, évidemment. Mais pour le coup, pour cette Cass, je suis certain que c'est beaucoup plus.

— Ça ne te regarde pas, réplique-t-il beaucoup trop vite.

Pendant un moment, j'observe cette fléchette noire et brillante entre mes doigts. Puis je la lance avec force dans la pièce. Elle va se ficher au centre de la cible accrochée au mur.

— Ce n'était qu'une simple question, petit frère, souris-je. As-tu une liaison avec la beauté qui a failli se faire violer par ce groupe d'ivrognes ?

— Violer ? répète Julian.

Je peux constater une lueur d'affolement dans son regard. Il tient à elle visiblement. Plus qu'il ne veut bien le dire.

— Où est-elle ? Je veux m'assurer qu'elle va bien !

Je hausse des épaules, comme si cela m'était égal. Je lance une seconde fléchette qui se plante à un demi-millimètre de la première.

Julian traverse la pièce et attrape à son tour une fléchette argentée.

— On s'entend plutôt bien, elle et moi, m'annonce-t-il en projetant sa fléchette vers la cible qui se heurte à la mienne et tombe au sol.

Je réprime mon envie de rire. Qu'il est facile de le faire parler sans que j'insiste !

— C'est-à-dire ?

Il hausse des épaules.

Julian ne ressemble pas vraiment à un directeur d'un hôtel de luxe de Chicago avec ses cheveux blonds, son teint doré et ses yeux bruns pailletés d'or. Il ressemble plus à un maître-nageur californien. Seuls son pantalon sombre et sa chemise impeccable trahissent son passage dans une université prestigieuse de la côte Est.

— Je ne veux pas aller trop vite avec elle. On va à son rythme. Les choses se passent bien mieux quand on prend son temps.

Cette fois, je laisse fuser mon rire amusé car j'ai parfaitement compris la situation.

— En d'autres termes, tu as essayé et ça n'a pas marché.

— Ça ne s'est pas passé comme tu le penses, bougonne-t-il.

— Bien sûr que si.

Il est trop facile de lire en lui ! Ça a toujours été le cas.

Je lance une autre fléchette qui une fois encore, arrive pile au centre de la cible.

L'image de cette jeune femme s'impose à nouveau à mon esprit. Son regard brillant, ses longs cheveux brun foncé où j'ai eu envie d'y glisser les doigts, ses courbes tentatrices... D'un regard, elle m'a envoûté. J'ai encore la sensation de respirer son parfum doux et ambré, entendre sa voix de velours. Il aurait fallu être sourd, aveugle et idiot pour ne pas succomber au charme de cette femme. Je ne suis ni sourd, aveugle ou idiot.

Cependant, il n'y a pas de place dans ma vie pour ce genre de distraction. Je dois oublier sur-le-champ le frisson d'excitation que j'ai éprouvé en la voyant, et surtout, en la touchant !

— Je reconnais cette lueur dans ton regard, me lance Julian. Je sais comment tu fonctionnes. Ne crois pas que tu peux arriver ici, séduire Cass d'un claquement de doigts et la laisser tomber lorsqu'elle ne t'amusera plus ! Ce n'est pas un jouet !

Je décèle dans sa voix une nuance protectrice, mais aussi de colère.

— Du calme, petit frère. Je ne compte pas rester longtemps ici, de toute manière. Je ne te ferais pas de l'ombre et puis, j'ai des choses beaucoup plus importantes à m'occuper que d'emmener dîner ta directrice adjointe.

— Il te faut moins que ça pour emballer une femme, bougonne-t-il.

— Effectivement.

Son visage se rembrunit davantage. Il va vers le minibar, se sert un alcool fort et l'avale d'un trait. Cette conversation l'a perturbé.

— Comment ça s'est passé en Ecosse ?

Je souris. C'est sa manière à lui de détourner la conversation.

— Je suis étonné que le vieux t'ait laissé revenir, continue-t-il.

— Il n'a pas eu son mot à dire.

Notre grand-père n'a pas été enthousiasmé par ma décision, il aurait préféré que je reste en Ecosse afin de garder un œil sur moi et de m'empêcher de mettre une fois de plus le feu aux poudres.

Je suis partit le cœur lourd, avec regret de le quitter. J'aime cet homme qui a tant fait pour moi ! J'ignore si je le reverrais un jour. Je l'espère. Mais je n'avais pas d'autre choix que de revenir. Tout ça à cause de Julian...

— Tu as peur que je t'espionne ?

— Je suis juste curieux, répond-il.

Tu parles !

— Tu veux prendre ma place ?

Nous y sommes !

— Je l'ai déjà occupé, et je n'aimais pas ça.

— Tu as pris la fuite, Chase. Personne ne savait où tu étais passé ni même si tu étais encore vivant. Je ne l'ai su que récemment. Et quant à cette pauvre Magali...

Je repose bruyamment mon verre que je venais de me servir sur le bar et mes yeux lui lance des éclairs.

— Ne prononce pas ce nom devant moi.

— Elle allait devenir ta femme, je te ferais remarquer.

Encore heureux que je n'ai pas commis cette connerie !

Les souvenirs affluents bien que je tente de les réfréner, traînant dans leur sillage les mensonges, les trahisons, la tromperie. Ainsi que leurs relents amers.

— Pour moi, c'est comme si elle était morte, à présent. Je te conseille de ne pas l'oublier.

— Désolé, je ne voulais pas te vexer ni raviver de mauvais souvenirs.

— Passons. On continuera notre discussion demain. Je suis exténué.

Je me dirige vers la porte que j'ouvre et m'engouffre dans le couloir.

— Chase !

Je m'arrête et me retourne. Julian me sourit et lève son verre.

— Bienvenu à la maison.

Je relève mes lèvres dans un coin et m'éloigne ensuite. Ouais... la maison... quelle vaste blague !

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Chase... sombre et mystérieux, vous ne trouvez pas? Mais il n'est pas insensible à l'intrépide Cassandra! Et son frère semble avoir craqué pour elle. Qu'est-ce que ça va donner, selon vous?

Des bisous ♥

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