Chapitre E : Premier mobile
Cela faisait un peu plus de deux semaines que les seize Ultimes étaient enfermés dans la villa. Tous s'étaient plus ou moins faits à l'idée qu'ils resteraient là pour l'éternité. Le mot meurtre flottait parfois dans l'air, mais personne ne le prenait vraiment au sérieux. Tout le monde était trop occupé à se construire une fausse routine. Une manière classique de passer le temps.
« J'en ai marre, se plaint Emi. »
L'Ultime Mannequin remua ses céréales avec lassitude. Les étudiants prenaient tous leurs repas ensemble ; c'était un ordre de Daiki. Pourtant, personne ne fit attention aux remarques incessantes du roux.
« Y'a rien à faire dans cette villa de merde !
— La villa comprend un laboratoire, une bibliothèque, une salle de sport ainsi qu'une piscine. De quoi te plains-tu ? Tu peux faire pratiquement tout ce que tu souhaites, ici, le reprit l'Ultime Tireuse d'Elite.
— Ferme-là ! J'en ai rien à faire de tout ça, moi ! J'm'en fous des livres, du sport et de la science !
— Mais...Je croyais que t'aimais la science, releva Eita, presque blessé.
— Non, j'aime quand t'en parles. Nuance.
— Tu n'as qu'à aller te baigner, dans ce cas.
— Comme si j'avais un maillot de bain, marmonna Emi en roulant des yeux.
— T'as qu'à y'aller à poil, proposa Yukiko. »
Akio laissa sa tête s'entrechoquer violemment avec la table. Il comprenait Emi, d'une certaine manière. La seule chose qu'il avait à faire, c'était écouter les stupidités qui sortaient de la bouche des autres Ultimes. Et ils en avaient, des choses à dire...
Monokuma bondit subitement sur la table, renversant au passage la moitié des assiettes. Un énorme pichet de jus d'orange se déversa sur la nappe propre ; des œufs s'explosèrent sur l'herbe. Moe le fixa, les larmes aux yeux.
« Je...J'avais pris tant de temps à préparer ce petit-déjeuner...
— Pleure pas, Moe, c'est pas si grave que ça, la réconforta Aimi.
— Que nous veux-tu, Monokuma ? intervint Daiki. »
L'ours monochrome pencha la tête sur le côté.
« Quoi ? Tu ne sais pas pourquoi je suis venu ?
— Non.
— C'est évident pourtant ! J'ai entendu la critique constructive d'Emi par rapport au manque d'activités à faire dans la villa. Je suis venu avec des cadeaux, oupoupoupou ! »
Monokuma posa sur la table une énorme boite en carton entourée de plastique transparent. Emi tendit la main pour l'attraper ; l'ours l'en empêcha.
« Ce n'est pas très poli d'ouvrir un cadeau sans la permission de celui qui l'a offert !
— Parce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à faire, de la politesse ?
— Ce cadeau est extrêmement spécial, il faut donc l'ouvrir avec précaution !
— Qui a-t-il à l'intérieur ? le questionna Daiki.
— Ah, j'attendais que quelqu'un me le demande ! A l'intérieur se trouve...votre premier mobile ! »
Les doigts de l'Ultime Mannequin retombèrent contre la table.
« Ne cachez pas votre joie, voyons ! Je sais que vous mourrez d'envie de m'embrasser, mais retenez-vous !
— Nous-Nous n'avons pas besoin d'un mobile, vraiment ! »
Haru s'était levée et, malgré que ses joues avaient pris un peu de couleur, tous ses traits s'étaient durcis.
« Bien sûr que si, vous en avez besoin ! Ça fait déjà deux semaines, et personne n'a tué personne ! Tout le monde s'ennuie, vous savez !
— Si c'était juste pour nous dire ça, tu peux dégager ! s'énerva à son tour Ren. »
L'ours monochrome ignora l'Ultime Makeup Artiste ; il distribua un sac de sport à chaque élève. Akio remarqua que son prénom était inscrit sur l'étiquette. Pourquoi Monokuma se donnait-il tant de mal pour de simples sacs ?
« Voilà ce que tu as demandé, Emi !
— J'ai demandé quoi déjà ? »
Haru inspira calmement, avant d'ouvrir son sac. Elle le ferma précipitamment, si bien que personne ne vit ce qu'il contenait.
« C'est un-un maillot de bain.
— Avec une serviette ! On dit merci qui ? Merci Monokuma ! Allez, c'est à vous ! »
Devant le silence qui suivit, le visage de Monokuma se teinta de tristesse.
« Je tenais à vous faire des cadeaux, afin que vous soyez heureux ici...Mais décidément, vous êtes tous des ingrats ! »
L'ours disparut en un instant. L'attention de tout le monde se reporta sur la boite, au centre de la table. Qu'étaient-ils censés faire avec ça ? Daiki la souleva, avant de la laisser retomber brusquement.
« Son contenant est assez lourd...Je me demande ce qu'il y a là-dedans...
— Ouvre-le ! cria Aimi, surexcitée.
— Certainement pas. Personne n'ouvrira ce mobile, et ainsi, personne ne commettra de meurtres. Je vais de ce pas le jeter à la poubelle. »
L'Ultime Tireuse d'Elite lança la boite dans l'immense poubelle sans ménagement. Cela fait, tous semblaient plus détendus. Pourtant, ils devaient bien se rendre compte que cela ne servait à rien, non ?
« Bref ! On a des choses plus importantes sur lesquelles se concentrer ! affirma Emi.
— Qu'est-ce qui peut être plus important que ce mobile ?
— Les maillots de bain, bien évidemment ! On se rejoint tous demain à la piscine ! Vers 14 heures, ça vous va ?
— Ce n'est certainement pas une priorité.
— Bien sûr que si ! Alors, qui est pour ? »
A la grande surprise d'Akio, la grande majorité des étudiants était pour. Quelques voix s'élevèrent cependant pour contester :
« No-Non merci, déclina poliment Haru. Je n'aime pas les maillots de bain.
— Rabat-joie.
— Emi ! Sois gentil avec elle !
— Je ne viendrais pas non plus, enchaina Daiki. Je n'en vois pas l'utilité.
— La solitude est bonne aux grands esprits et mauvaise aux petits. La solitude trouble les cerveaux qu'elle n'illumine pas, lança Himari.
— Ça veut dire que l'énergumène ne vient pas, trancha Emi. Bon bah à plus tout le monde ! J'ai des trucs à faire, moi !
— Je croyais que c'était le contraire, protesta l'Ultime Tireuse d'Elite. »
Mais Emi était déjà parti, son sac à la main. Quelques minutes après, ce fut au tour d'Eita de se lever, et ainsi de suite jusqu'à ce que la cuisine se vide entièrement. Akio prit cependant le temps de finir son repas.
Quelqu'un lui toucha doucement le bras. L'Ultime Étudiant sursauta lorsqu'il se rendit compte que Mai était à ses côtés. Elle avait tellement su se fondre dans le décor et le silence que s'en était terrifiant.
« Akio, peux-tu venir avec moi ? J'aimerais inspecter les vestiaires, et je n'ose pas y aller toute seule.
— Pourquoi ?
— L'annonce du mobile me fait un peu peur, avoua-t-elle. »
Ça fait deux semaines qu'elle aurait pu le faire..., songea Akio. Malgré cela, il accepta la requête de Mai. Les vestiaires n'étaient qu'à quelques mètres, après tout. Ils étaient composés d'un long couloir menant à trois portes différentes.
« Fille, garçon, autre, lut Mai. Hmm... »
Elle plaqua son ÉlectroID au-dessus de la poignée de la porte où était noté Autre. Une lumière rouge se mit à briller, et Mai fut incapable d'entrer.
« Haru doit être la seule à pouvoir ouvrir ce vestiaire, déduit-elle. Akio, je vais jeter un œil à l'intérieur de celui des filles. »
Sans attendre une seconde de plus, elle entra dans le vestiaire du fond. Je ne vais pas rester là sans rien faire...L'Ultime Étudiant se faufila dans celui des garçons. Trois cabines s'étendaient contre le mur ; en face de lui se dressait un vieux placard. A l'intérieur, une énorme serpillère prenait la poussière.
On dirait que personne n'est venu ici depuis des années...Si la villa suintait l'entretien, ce n'était clairement pas le cas ici. Le carrelage méritait un bon coup de produit nettoyant, mais Akio n'avait aucune envie de le faire.
Il remarqua avec stupeur que les cabines ne pouvaient pas être fermées à clé. L'intimité ne devait pas être un principe qui tenait à cœur à Monokuma...Akio finit par sortir, décidant qu'il avait fait le tour du vestiaire. Mai l'attendait déjà dehors.
« Je t'ai appelé beaucoup de fois.
— Ah bon ? Désolé, j'ai rien entendu.
— Ça m'a l'air très bien isolé... »
Elle le nota dans son ÉlectroID.
« Les vestiaires étaient composés de trois cabines et d'un placard. Était-ce pareil de l'autre côté ?
— Oui, affirma-t-il. Il n'y avait même pas de serrure sur les cabines...
— Je sais. Je l'ai déjà noté. As-tu remarqué autre chose ?
— Le parquet, les cabines...Tout était très sale. Je ne comprends pas pourquoi. »
Mai griffonna ces quelques mots.
« Nous devrions demander à Monokuma pourquoi les vestiaires sont dans cet état.
— Quelqu'un m'a appelé ? »
L'ours monochrome apparut devant la porte des vestiaires autre. La fille à la tresse hocha vigoureusement la tête.
« Pourquoi tout est si sale ?
— Oh, et bien, la réponse est tragique...
— Tragique ? répéta Akio.
— Restriction budgétaire. Vous avez déjà de la chance que le reste de la villa soit propre !
— Mais...La serpillère est là...
— Alors tu n'as qu'à nettoyer toi-même ! Bande d'ingrats ! »
Monokuma disparut aussitôt. Un fin sourire se forma sur les lèvres de Mai.
« Il semblerait qu'il soit toujours en colère à propos de ce matin. Merci de m'avoir accompagné, Akio.
— Oh, c'est normal. Après tout, on aura peut-être besoin de ces informations plus tard...
— Je n'espère pas.
— Moi non plus. »
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