Chapitre 80 - Crysentème
L'air de la serre est encore plus lourd que d'habitude quand nous en franchissons le seuil, avec Yoshio et Jin. J'ai l'impression que c'est comme ça à chaque procès. L'air devient moins supportable et la vie plus lourde. C'est toujours mieux que de m'y habituer, j'imagine. Je n'ose imaginer si je me faisais à la vie sur ce navire...
Jin, comme d'habitude, se dirige vers la bouilloire et tire quelques herbes, marmonnant que nous devons être stressés avec ce que nous avons découvert... Je crois qu'il parle surtout pour lui et je ne le blâme pas. N'importe qui pourrait se sentir mal dans une pièce comme celle que nous avons découvert... La pièce qui contient sans l'ombre d'un doute la prochaine arme qui enlèvera la vie d'un de nos camarades. Au moins un. Rien n'empêche quelqu'un de faire un meurtre de masse en empoisonnant la nourriture ou l'eau et de se suicider avec nous... Ça serait digne de quelqu'un touché par le désespoir.
Je suis arrachée à mes pensées par la toux grave de Yoshio, assit sur son escabeau habituel. C'est étrange, il ne me semblait pas malade, ces derniers temps... Il masse un peu sa gorge et grimace, comme s'il avait un chat coincé qui refusait de partir et sortait les griffes dans sa trachée.
«Tu es malade ?
- Hein ? Oh, nan, je crois pas. Juste un truc passagé, je pense. Ça m'arrive de temps en temps.» il hausse les épaules mais je ne peux m'empêcher d'avoir malgré tout un mauvais pressentiment «C'est comme ça quand on chante, t'sais.
- J'imagine...
- Ne t'inquiètes pas Atsu, je fais attention à lui.» Jin me sourit et sert trois tasses, comme toujours «C'est un idiot mais je ne tiens pas encore à le voir mourir d'une simple toux.
- Wow, je vois que ça n'arrête toujours pas avec les insultes.
- C'est affectif. J'appelle comme ça les gens que j'aime.
- Wow, et les gens que t'aime pas, c'est quoi ?
- Des crétins.»
Yoshio pouffe un peu et je ne peux m'empêcher de sourire aussi. Quand j'y pense, je n'ai presque jamais entendu Jin utiliser un juron ou une insulte. C'est tout à son honneur, mais c'est plutôt inhabituel pour un jeune de nos jours.
Je me contente de boire le thé, garder mes réflexions à moi-même et grimacer un peu devant l'amertume plus forte que d'habitude. Jin s'empresse de me donner le sucrier en remarquant mon expression, comme s'il s'y attendait. Je souris et prends assez de sucre pour satisfaire mon palais sans oublier de remercier mon ami. Le thé passe bien mieux avec un peu de douceur rajoutée, et je continue d'écouter la conversation à côté de moi, qui a dérivé sur les vieux films américains et japonais. Et quand je dis vieux, ce n'est pas "avant la tragédie", je veux parler de films des années mille neuf cent cinquante ou soixante. Voir plus ancien pour certains qu'ils citent, et pas très américains ou nippons. Charlie Chaplin n'était-il pas un français ?
J'ignore comment ils en sont venu à ce sujet mais la discussion est assez intéressante, même pour une néophyte cinématique comme moi. Ce n'est pas que je n'aime pas le cinéma, plutôt que je n'y ai jamais porté grand intérêt. J'ai toujours été un peu trop occupée pour aller dans un cinéma et passer plus de deux heures devant un film malheureusement. Mais ce n'est de toute évidence pas le cas de Jin et Yoshio, en particulier le premier qui semble incollable sur le sujet. J'apprécierai lui demander d'où lui vient ce savoir mais je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que Yoshio le fait pour moi.
«Oh, bah, quand j'avais... Quoi, treize ans ? J'ai vraiment été passionné de tout ça. Je regardais des documentaires, je lisais des livres... Je pensais beaucoup à ça, c'est des choses qui arrivent de temps en temps chez moi. Que pendant des semaines ou des mois, une fois pendant des années, j'ai un intérêt, un sujet qui m'intéresse énormément et soudain... Pouf. Plus du tout le même intérêt.
- C'est comme ça pour toi, le jardinage ?
- Non, c'est toujours là depuis que je suis petit ça.» il rigole un peu et rougit également, comme si ça le gênait «C'est toujours dans un coin de ma tête, quand j'ai rien d'autre à faire.
- C'est intéressant, je dois l'avouer. Mais donc, les films américains des années cinquante...?
- Quand j'avais quatorze ans ouais. J'ai regardé Greese avec mes parents et mes frangins, et ça m'a passionné d'un coup, cette époque... C'est plutôt idiot.
- Je trouve ça cool moi, t'as plein de savoir sur des trucs différents, c'est pas à la portée de tout le monde !» je hoche la tête, participant ainsi d'une certaine manière à la discussion «Pis c'est pas comme si tu étais chiant quand t'en parle, loin de là même !
- .... Merci Yoshio.» il sourit, comme s'il n'était pas habitué à ce genre de remarques positives. Et je crois qu'il est sur le point de cracher un poumon quand Yoshio lui donne un coup du plat de la main dans le dos, pile entre les côtes. «Évite de me tuer par contre, tu veux...?
- Désolé, désolé ! Mais J'suis sincère, promis !
- Je sais, on voit quand tu mens. Oh, et je viens de penser, vous savez comment j'associe des fleurs aux gens ? Maintenant j'en ai pour vous aussi !
- Ooooh ? Dis nous tout !!
- Ne cherchez pas trop loin, mon cerveau ne marche pas si loin mais... Yoshio, tu es un crysentème vert. Et toi Atsu, une rose jaune.
- Oh...? Dis, Jin, tu connais le language des fleurs pour dire ça ?
- Non, je n'ai jamais pris le temps de l'apprendre. Ce... N'est pas vraiment utile en fait.
- Comment ça ?» je penche la tête sur le côté, tellement de romans en parlent comme d'une chose importante en botanique...
«Bah... En fait, si vous demandez à un fleuriste de faire un bouquet pour X occasion, la plupart du temps il va pas se casser la tête avec le language des fleurs, c'est un truc de poète ça. Nan, il va prendre des couleurs ou des tailles de fleurs différentes. Un mariage aura pas les mêmes couleurs et fleurs qu'un premier rendez-vous amoureux, ou qu'une fête des mères par exemple.
- Oh... C'est con mais j'imagine que ça fait sens.
- Ouais, c'est tout bête.» il rigole un peu et passe une main sur sa nuque «Donc vous embêtez pas à essayer d'en savoir plus sur ça, en tout cas ça veut rien dire pour moi.»
Je hoche la tête et présente ma tasse pour être resservie. Une rose jaune... Une belle fleur, je dois avouer être flattée. Mais je ne peux m'empêcher de penser aux implications assez tristes de cette fleurs dans les livres. Bien que comme l'ait dit Jin, ça n'ait pas de lien dans sa manière de penser, ça reste... Intriguant.
Je regarde le soleil commencer à se coucher à travers les parois de la serre et pose ma tête sur l'épaule de Jin. Je crois que je commence à m'endormir, mais pour une fois depuis le dernier procès, ça ne me stresse pas. Je me sens en sécurité, avec eux, aujourd'hui. Au moins aujourd'hui.
***
Ah la la... Les gens qui connaissent le language des fleurs ont bien le droit de se poser des questions, mais est-ce que ces fleurs sont là pour une raison ou non...
Aussi, je vous ai déjà parlé de la ressemblance entre Yoshio et Kaito ? :D
Heelu : Menteureuse. Il tousse pour une raison différente de celle de l'astroboy.
Je sais, j'aime faire stresser un peu mes lecteurs, surtout que Yoshio est, ma foi, très populaire.
En vrai, j'arrive pas à croire que j'ai pris autant d'avance en, quoi, 3 jours d'écriture ?- Être motivée par ma petite amie a aidé, faut croire :') Merci chérie <3
M'enfin, on est encore loin du procès, je vous rassure uwu
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