Chapitre II (5) : Trop petit pour me prendre au sérieux
– Mika.
Argh, ma nuque. Ça fait un mal de chien. Et j'ai les membres tout engourdis.
– Mika.
Oui, oui, ça va, je me lève, deux secondes.
… Minute. Je me lève ?
Merde !!
Putain, le con, je me suis endormi.e ! Bravo, quelle merveilleuse idée, tout habillé.e en plus, bordel.
Et si j'en crois la couleur du vêtement sur lequel ma tête est posée, je me suis servi de Tritri comme oreiller. Bravo Mika, un énorme étron jusqu'au bout.
– Q-Quelle heure il est ??
Je ne distingue rien du visage de Tritri derrière son sac en carton, mais elle a l'air de fixer le mur, droit devant elle. Et elle se contente de hausser les épaules.
– … Le soleil. Il s'est levé.
Ses mots sont encore douloureux, rauques, et contrastent avec son timbre tranquille. Elle ne commente rien, pointe juste la fenêtre. Bordel, c'est vrai. Le soleil commence à se lever, et la salle détente s'est vidée de tous ses occupants. Il ne reste plus que nous.
– Pourquoi tu m'as pas réveillé.e ?!
Je crois la voir se crisper face à mon haussement de ton. Merde. Il faut que je me calme, elle pourrait très bien fuir si je continue comme ça. J'inspire un grand coup, me force à prendre un ton plus doux.
– Pardon. Pourquoi tu ne m'as pas réveillé ?
Elle triture sa télécommande dans un geste machinal. Son drone tournicote autour de moi, dans un ballet nerveux.
– … Tu avais l'air fatigué. Voulais pas te dé… ranger. Alors j'ai surveillé.
– Surveiller ? Surveiller quoi ?
Le drone s'arrête, puis commence à faire des tours dans toute la pièce.
– Comme ça. J'ai surveillé que personne venait pour tuer.
Attends. Elle a fait ça pendant tout le temps où je roupillais ?
– Tritri. T'as dormi, toi ?
Elle secoue la tête de gauche à droite, sans hésiter une seconde, et je soupire. Voilà, je me sens coupable maintenant. Elle aurait pu dormir un peu si je m'étais pas effondré.e comme un sac dans un endroit ouvert à tous les vents.
– Je dors pas beaucoup. Ça va.
Punaise, mais c'est toutes les mêmes. Sora, Noelle, Tritri, Kiseki, est-ce qu'il y en a UNE SEULE qui dort correctement ?
Bon. Ça sert à rien de m'énerver là-dessus. Je devrais plutôt être reconnaissant.e qu'elle ne m'ait pas tué.e ou juste laissé seul.e. Je me passe les mains sur le visage, en soupirant. Mes cheveux doivent être un sacré bordel.
– Eh bien, merci. Va te reposer, maintenant.
– Je dois surveiller.
Mon front se crispe douloureusement sous mon propre froncement de sourcils. C'était pas vraiment reposant de dormir dans une telle position.
– Bah non, pourquoi faire ? Il y a encore plein de gens, je peux les entendre d'ici.
Elle tire sur son sac, son drone s'arrête, repart, s'arrête de nouveau. Je pourrais presque deviner son expression à travers ces simples mouvements mécaniques.
– … Je dois surveiller.
Pourquoi elle marmonne ? Elle se parle presque plus à elle-même qu'autre chose. Sa main est crispée sur son vieux machin carton, m'est avis qu'elle ne bougera pas d'un centimètre et j'ai vraiment la flemme d'insister.
– Oublie pas d'aller manger alors.
Je crois que le drone me suit jusqu'à la porte et m'observe même alors que je traverse le couloir et rentre dans la pièce suivante. Je sais pas si ça me fait me sentir en sécurité ou bien si je trouve ça flippant.
Allez, un peu de concentration. Cette salle est la plus grande et se trouve de l'autre côté du couloir, il a fallu repasser devant le gymnase. Je me suis pas arrêté.e. Si Lan Yue est de nouveau là-dedans, je pense que je serais incapable de le regarder en face.
Plus qu'une salle à explorer après celle-là et je pourrais rentrer. Allez, du nerf.
J'abaisse la poignée.
…..
Je soupire très fort mentalement.
Non mais quitte à avoir autant d'argent, ils pourraient pas s'en servir pour autre chose qu'une salle de réception inutilement immense ?? Il y a tellement de dorures et de lustres, on se croirait à Versailles. Versailles en plein milieu de la taïga. Non mais je rêve. Et je parle même pas de la quantité d'électricité gaspillée ! Je vous jure, cet étage tout entier hurle aux dollars gâchés. Ou aux roubles, je sais pas où les Monokuma se fournissent pour la construction et je veux pas savoir.
Il y a des buffets un peu partout aussi, recouverts de nappes blanches d'une propreté impeccable. Shun les aurait-il lavées malgré ses ô combien nombreuses réticences à nous servir de bonniche ? Nous ne le saurons jamais. Et puis quelque chose d'autre accapare rapidement mon attention.
Les murs sont recouverts de fresques similaires à celles de la salle du procès.
Des tas de fresques représentant la mort de saints ou de martyres célèbres, aux traits et corps déformés pour qu'ils ressemblent le plus possible aux sacrifiés des dernières années.
Je crois que je vais gerber si je me casse pas d'ici. Et vite.
J'ai pris la première porte venue, et maintenant j'ai pas la moindre idée d'où je suis. Qu'est-ce que je suis intelligent.e. Ça dit que Kiseki est stupide mais c'est même pas foutu de regarder où ça va.
J'entends quelques bruits qui ressemblent à des effets sonores, des chants d'oiseaux, des bruits de trains, des pas. La pièce est plutôt sombre, mais il y a quelques lampes tamisées, partout dans la pièce. Très peu de mobilier. Seulement des micros, un cabinet rempli de CD, des enceintes plus grandes que moi, une petite table avec deux chaises.
Mao est assis sur l'une d'elles.
Je comprends mieux. L'ultime Imitateur de sons. C'est son labo. Je crois que je l'aurais mieux vécu si Noelle n'était pas assise en face de lui et qu'ils ne me regardaient pas fixement, mais mon karma a décidé de me chier sur la gueule jusqu'au bout apparemment.
– Callaghan. Tes mains tremblent, tu es pâle, tu as les lèvres pincées comme pour retenir quelque chose. Soit tu as très envie de vomir, soit tu n'avais pas envie de me voir. Les deux, peut-être.
Et allez, c'est reparti avec la psychanalyse à la con. Voilà exactement pourquoi je ne peux pas la piffer. Son talent est utile dans les procès, mais dans les situations sociales c'est juste comme asperger quelqu'un qui te dit bonjour avec du spray au poivre.
– Vincent, si je voulais me farcir une neuropsychologue, j'aurais pris rendez-vous.
– Neuroscientifique, me corrige Mao.
– C'est pareil.
– Si vous le dites, madamonsieur l'ultime traducteur.e.
Oh mais qu'est-ce qu'il me les brise ce gosse.
– Je suis interprète, bordel, pas traducteur.e !
Les lèvres de Mao s'étirent en un très fin sourire en coin, alors qu'il réajuste sa position sur sa chaise.
– C'est chiant, hein ?
… J'ai complètement marché. Putain. Il m'a entraîné dans son jeu et moi j'ai suivi. Je crois bien que je suis devenu écarlate sous la honte, parce que j'ai l'impression de brûler et le sourire de Mao est de plus en plus moqueur.
– Alors ? Lae grand.e Mika Callaghan aurait-iel perdu sa langue face à moi, pauvre plébéien ?
Ses lèvres font des mouvements que je peine à suivre, et le son d'une souris qui se carapate imité à la perfection arrive à mes oreilles. Ha ha. Hilarant. J'ai pas du tout envie de disparaître sous terre.
– Mao. Iel a compris. Inutile d'insister.
L'intervention de Noelle m'arrache un sursaut. Elle n'a pas levé les yeux de son livre, mais l'imitation du concerné se meurt dans sa gorge alors qu'elle me désigne la porte par laquelle je suis entrée.
– Sora est dans les toilettes au fond de la salle dehors. Je pense que sa compagnie te sera plus agréable.
J'y comprends rien. Une seconde ça me roast, et celle d'après ça me défend ? Un minimum de cohérence, ça serait pas de refus.
Quoique. Elle a vu que j'étais mal à l'aise. Elle a peut-être décidé de s'arrêter pour ne pas m'énerver ? Notre discussion après le procès a peut-être fait le chemin jusqu'à son cerveau. En tout cas, c'est tout bénef pour moi.
– … Ok. À plus, tous les deux.
Je me glisse de nouveau dans la salle de réception, les yeux baissés. C'est comme si les fresques me fixaient, ça me fout la gerbe. Ça tombe bien puisque je vais aux chiottes.
J'entends la voix de Sora s'échapper de derrière une porte, et une autre lui répond. Aiguë, avec une intonation qui me hérisse les poils.
Ema.
C'est la journée des sales gosses, décidément. Mais ça devrait aller avec Sora, alors je pousse la porte. En effet, elles sont bien là toutes les deux, mais il y a un truc qui cloche.
… Oh. Elles ne sont pas maquillées, ni l'une ni l'autre. Je vois ça au violet des cernes de Sora. Ses traits sont bien plus marqués et tirés sans tout ce fond de teint. Ema n'a ni fard à paupières, ni rouge à lèvres, ni blush sur les joues. Elle paraît beaucoup plus humaine comme ça, j'aperçois même des petites cicatrices rondes un peu partout sur son visage.
– Mika ! Ça va ? T'es pas rentré.e dormir hier, j'étais inquiet ! Je t'ai envoyé plein de messages, tu les as pas reçus ?
L'air soudain inquiet de Sora me rappelle brutalement notre… sommeil conjoint de l'avant-veille. Merde. Je rougis encore.
– T-T'inquiète, j'étais avec Tritri dans la salle détente.
Sora cligne des yeux, et un sourire en coin se dessine sur ses lèvres.
– Ohooo, seuls ?
Mais. Mais c'est quoi leurs problèmes à voir des sous-entendus partout ?? Et on parle de Sora, là, c'est quand même pas celuel avec l'esprit le plus mal tourné ! Je suis sûr.e que c'est à force de traîner avec Judicaël, ça.
– I-Il s'est rien passé ! Elle a juste veillé sur moi !
Bordel, c'est sorti plus fort que prévu. Ema me jette un regard éloquent elle aussi, maintenant.
Vite. Une diversion, n'importe quoi.
– Q-Qu'est-ce que vous fabriquez ici, vous ? C'est pas habituel de vous voir sans maquillage.
Les yeux de Sora s'illuminent. Ouf, diversion réussie avec succès.
– Ça tombe bien que tu demandes ! Je conseillais Ema sur son make-up, et on s'est décidées à venir travailler ça ici !
Maintenant qu'il le dit, il y a en effet des tas de pinceaux, tubes et autres flacons éparpillés sur le bord des éviers. En revanche, aucun n'est ouvert.
– On discutait justement de ce qui irait le mieux à Ema avant que tu n'arrives ! Je disais que l'eye-liner noir c'est vraiment pas nécessaire, t'en penses quoi ?
– Hem…
Mes yeux se posent sur Ema. Sans maquillage, son regard est un peu différent, moins chargé. Mais je vois pas trop en quoi ça change quelque chose qu'elle porte de l'eye-liner ou pas. Elle remarque ma galère, et soupire.
– Je comprends pas non plus.
– Je t'explique, commence Sora en posant une main sur l'épaule de la Mime. Tu as des cils naturellement longs, très foncés et très épais, et tes yeux sont très noirs. Ajouter de l'eye-liner ou du mascara noir, ça alourdit inutilement ton regard et ça empêche les gens de se concentrer sur l'ensemble. C'est pareil pour le fard à paupières ! Le rouge que tu appliques d'habitude est très joli, mais c'est pareil, ça charge inutilement tes yeux et ça les noie. Surtout qu'en tant que mime, tu veux que les gens se concentrent plus sur tes gestes, non ? Pas sur ton visage.
– Hm… Mais sinon, j'ai l'air d'un vampire sous les projecteurs.
Je me retiens de dire qu'elle me draine déjà autant que si elle en était un. Sora secoue la tête, l'air ravi de pouvoir étaler sa science.
– Pour éviter ça, il suffit de mettre correctement son fond de teint et son blush, ce que tu fais déjà super bien ! Mais pour les yeux, un liner fait au fard à paupières ou bien d'une couleur très claire comme du blanc t'irait mieux. Pareil pour le fard, il te faut un rouge ou un rose plus clair ! Pour ton rouge à lèvres par contre, tu peux y aller sur les couleurs plus foncées. Les paillettes aussi, c'est nickel ! Garde les couleurs chaudes d'ailleurs, ça fait ressortir tes yeux et ça te donne un teint incroyable.
Ema, d'habitude fort loquace, hoche la tête en ouvrant de grands yeux, l'air mi-émerveillé mi-perturbé.
– Euh… Ok, merci. J'essaie ça de suite.
– Hehe, tu m'enverras ton frère, j'aurais aussi quelques conseils à lui donner.
Elle se tourne vers moi, avec un grand sourire. Oh non, me dites pas que je vais y passer aussi.
– Je peux te conseiller aussi, Mika, dis ? S'il te plaît !
Argh. Encore son petit air de golden retriever tout content. C'est comme avec mes frères, je me fais mener par le bout du nez.
– Si tu veux, mais je suis pas très maquillage. J'aime pas avoir des trucs qui collent sur le visage.
– J'avais remarqué ! Mais t'inquiète pas, je prendrai ça en compte. Viens plus près !
Je m'approche du miroir, pas franchement convaincu.e. Ema, à côté, a déjà commencé à appliquer son fond de teint.
– Alooors. Déjà, t'as une peau super lisse ! Ça se voit que t'as jamais eu d'acné. Et puis tes taches de rousseur sont trop mignonnes, tu pourrais même les accentuer encore plus à mon avis ! Pas besoin de fond de teint.
Je crois bien que c'est la première fois qu'on me complimente sur mes taches. Je les ai toujours trouvées trop nombreuses et trop foncées, moi. J'ai toujours détesté les amalgames moches que ça forme sur ma peau, comme des grumeaux. Le fait que Sora trouve ça beau, c'est… surprenant. Et ça me fait un peu plaisir.
– Si on arrivait à trouver un blush de la bonne couleur, je suis sûr que ça serait génial. Et pour tes yeux… je crois que n'importe quel type d'eye-liner t'irait, ça dépend juste de l'impression que tu veux donner. Si tu veux que tes yeux ressortent, privilégie quelque chose de clair, mais si tu veux souligner ton regard plus discrètement, du liner noir ou marron ferait l'affaire. Un fard à paupières jaune, orange ou rose foncé t'irait vraiment bien ! Surtout avec un effet glossy, métallique ou paillettes. Le doré de tes yeux n'est pas très vif, alors du fard mat, ça ferait un peu trop.
Je me sens rougir au fur et à mesure que je l'écoute. J'ai l'impression que mon visage est scruté sous toutes les coutures, mais pas de la pire des manières. C'est pas si désagréable, mais Sora est un peu trop proche.
– Et si t'aimes pas ce qui colle, alors juste un peu de gloss suffira, pour tes lèvres. Elles sont un peu gercées d'ailleurs, je te prêterai un baume à lèvres…
Elle tourne autour de moi, l'air pensive. Puis sourit. Ohhh je connais ce sourire et ça ne me dit rien qui vaille.
– Je peux essayer de te maquiller un peu maintenant, si tu veux ! Juste pour que tu voies comment ça rend.
Le seul maquillage que j'aie jamais porté dans ma vie, c'est ma mère qui me disait de le faire. Pour ne pas qu'on voie mes cernes. Ou les rares boutons qui pouvaient apparaître.
C'est différent, cette fois, non ? C'est différent. J'espère. Son sourire me donne envie d'espérer un peu.
– … D'accord. Mais j'enlève après si ça me plaît pas.
Sora a l'air aux anges, iel sautille sur place et me prend la main dans son emportement. Je crois que je vais pas survivre à cette journée.
– Bien sûr ! Appuie toi contre le mur, t'es à la taille parfaite pour que je te maquille, hehe.
Rah mais je sais que je suis petit.e, c'est bon, on a compris… Je pousse un léger grognement et pose mon dos contre le mur, sans un mot. Au moins iel se niquera pas le dos.
– Je vais te demander de fermer les yeux, s'il te plaît !
J'ai une boule dans la gorge, mais j'obéis quand même. Ça peut pas faire de mal, après tout.
Mes paupières tremblent alors que je sens Sora apposer son pinceau dessus. C'est pas désagréable, mais j'ai pas du tout l'habitude. J'entends sa voix, plus basse, résonner dans le faible espace qui nous sépare.
– T'as de la chance de pas avoir les paupières tombantes, Mika… C'est beaucoup plus difficile d'appliquer le fard pour moi à cause de ça. Ça se voit juste sur le contour extérieur de l'œil.
– Je confirme, j'entends marmonner Ema. C'est la pire chose, et c'est pas pratique pour le liner non plus.
Je connais pas mal de langues, mais ce n'est pas l'une d'entre elles. Y a une espèce de savoir commun à tous ceux qui se maquillent, j'ai l'impression, et je n'en fais pas partie.
Le reste du maquillage se passe dans le silence. Je sens différents pinceaux effleurer mes joues, mes yeux, mon nez aussi. Sora applique quelque chose sur mes lèvres, et je ne peux pas m'empêcher de frissonner. À cette distance, sa respiration est totalement audible, je la sens sur mon visage, qui se réchauffe de manière de plus en plus incontrôlable.
Lorsqu'iel se recule enfin, mon cœur bat la chamade. C'est pas le moment, bordel.
– Je crois qu'on est bon. Tu peux ouvrir les yeux…
Le ton de sa voix m'inquiète un peu, on va pas se mentir. Iel s'est peut-être raté ?
J'ouvre rapidement les yeux, et les cligne aussitôt. L'expression de Sora est indéfinissable. Sa bouche est légèrement entrouverte, et ses joues sont un peu plus roses que d'ordinaire… à moins que je ne me fasse des idées.
– Tu devrais te regarder dans le miroir.
J'obéis, machinalement.
Les yeux de mon reflet s'écarquillent.
Je le reconnais à peine.
Un trait d'eyeliner orange, quelques paillettes dorées au coin des yeux, un peu de brillant à lèvres, c'est tout. Mais c'est déjà tellement.
J'ai les joues rouges, aussi, mais je ne crois pas que ça soit dû au blush.
Je crois bien que pour la première fois depuis un long moment, peut-être pour la première fois de ma vie, je me trouve… autrement que moche. Ça fait chaud dans la poitrine, ça me donne bizarrement envie de pleurer, mais je ne suis pas triste. Du tout.
– Ça… Ça te va, vraiment bien, bafouille Sora, presque aussi rouge que moi.
Je le regarde, il me regarde, on se regarde avec la bouche ouverte comme deux abrutis. Jusqu'à ce qu'un raclement de gorge nous ramène à la réalité.
– Ahem. Je suis toujours là, hein, lance Ema.
Sora s'écarte précipitamment de moi, et je peux constater que la Mime a appliqué ses conseils. Le liner est blanc, les paupières d'un rose pâle et pailleté, sa bouche un peu plus rouge. Ça lui va mieux. Je dois bien admettre que Sora est vraiment doué. D'ailleurs, il regarde Ema avec l'air immensément satisfait.
– C'est génial ! Ça te va vraiment super bien, j'avais raison !
– Ça me va pas si bien que ça, marmonne Ema en essayant de dissimuler son rougissement pas très discret derrière ses cheveux.
– Mais si, je t'assure, t'es super belle !
Sora devrait arrêter de lâcher des compliments comme ça à tout bout de champ, je crois qu'Ema va s'étouffer avec son rouge à lèvres. Ça me tue de le dire, mais je compatis.
– Bon ! À moi maintenant !
Il se saisit de son fard bleu pastel à paillettes, et commence son propre maquillage. J'admire silencieusement les arabesques qu'il trace, les petites étoiles qu'il dessine sur ses joues. Je sens mon cœur louper un battement de nouveau lorsqu'il passe son bâton de rouge à lèvres orange sur sa bouche.
Sur ses lèvres.
Bordel, ses lèvres.
J'admire le maquillage, bien sûr. Le maquillage.
– J'ai fini !
Mon corps entier fait un bond, comme si elle venait de me surprendre en train de faire un truc illicite. Pourtant je faisais rien de mal. Fixer les lèvres de quelqu'un lorsqu'on trouve son maquillage beau, c'est normal. Rien de bizarre là-dedans. Rien du tout.
En parlant de ses lèvres d'ailleurs, elles forment un immense sourire qui encore une fois me plaît assez peu. Le fait qu'iel me prenne de nouveau la main, encore moins.
– Et maintenant, Mika, faut qu'on aille montrer à tout le monde à quel point t'es magnifique comme ça !
J'ai même pas le temps de protester que je me fais brutalement tirer hors des chiottes et jusque dans la salle de réception. Putain, ça m'apprendra à être complaisant…
– Nan mais m'attendez pas surtout ! s'écrie une Ema visiblement assez irritée depuis les toilettes.
J'aurais préféré être à sa place, mais je crois qu'à force je commence à être habitué.e aux impulsions stupides de Sora. Et à me faire tirer partout.
Le mieux que je puisse faire pour l'instant, c'est de fermer ma gueule pendant qu'elle me traîne dans les couloirs, et jusqu'à une autre pièce.
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Funfact : J'étais censé intégrer des FTE dans ce chapitre et finalement j'ai vu une opportunité de faire du ship donc je l'ai saisie :D
Ne me remerciez pas hehehe-
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