Chapitre II (24) : J'en rêve encore

TW : Mention de suicide et de harcèlement scolaire

(Musique à mettre :D)
____

L'odeur.

C'est la première chose qui me parvient lorsque les murs disparaissent. L'odeur métallique du sang, qui prend aux narines, à la gorge, à l'estomac.

Puis le bruit.

Le bruit des talons de Theodosia qui court jusqu'au centre du cercle, pousse sans ménagement le corps inerte de Valéry pour serrer celui de Judicaël contre elle.

Le bruit de ses pleurs.

La vision de ses épaules qui tressaillent sous les sanglots.

Le bleu de son jean, le jaune de sa chemise, le marron de ses yeux, tout s'imbibe de rouge et disparaît.

Et ses mots, ses mots à peine murmurés qui sont répétés dans l'air immobile comme une prière.

Je ne te le pardonnerai jamais. Je ne te le pardonnerai jamais. Je ne te le pardonnerai jamais.

Je ne te le pardonnerai jamais.

Jamais. Jamais.

Jamais.

Et puis, de temps en temps, pour briser la litanie, un sanglot,

Reviens-moi, Judi. Reviens.

Elle le berce, les yeux perdus dans le vide. Comme s'il dormait. Comme s'il allait se réveiller.

Mais il ne se réveillera pas.

C'est…

C'est bizarre.

C'est vraiment bizarre.

J'ai manqué de tomber dans les pommes lors de l'exécution d'Hibiki, et là… là je n'ai jamais eu l'esprit aussi clair.

Je déteste ça.

Je déteste la manière dont mon cerveau enregistre absolument toutes les informations. Les pleurs, les visages, le sang. Tout ça… Tout ça pour quoi ?

Il y a une main sur mon épaule.

– Mika.

C'est Hibari. Je le regarde et je ne ressens rien. Enfin si. Je suis en colère.

– … Je crois qu'il est inutile de te demander comment tu vas.

Je vais pas bien. Personne ne peut aller bien après un truc pareil. Cela dit, vu la tête des autres et les bruits de vomissement, je crois que je m'en sors pas trop mal.

– Je voulais te dire merci. Pour ce procès. Tu as… Enfin, si tu n'avais pas été là…

Il baisse les yeux.

– Nous serions sûrement tous morts à l'heure qu'il est. Je suis vraiment désolé de ne pas avoir été plus clairvoyant. Nous le sommes tous.

– … J'espère bien que vous l'êtes.

Ma voix est tellement calme que je mets moi-même un moment à me rendre compte que c'est la mienne.

– J'espère bien que vous êtes désolés. Sauf que ça suffit pas. C'est peut-être moi qui ai choisi de prendre l'enquête en main, mais vous ? Dès que vous avez vu un coupable facile, vous vous êtes jetés sur l'occasion.

Peut-être que je suis injuste. C'est vrai, Hibari a été l'un des plus hésitants à accuser Sora. Il ne s'est même pas réellement mal comporté à son égard.

C'est sûrement pour ça que ça m'énerve d'autant plus que ce soit lui qui s'excuse pour tous les autres.

– Je vous demande pas d'être parfaits. Je vous demande même pas d'être investis.

Je repousse sa main d'un geste de la mienne. J'ai même pas besoin d'y mettre de la force pour qu'il me lâche.

– Je vous demande juste de pas me rendre la tâche encore plus difficile.

Je vous demande juste de pas tout mettre sur mes épaules.

– Maintenant, tu m'excuseras, mais j'ai quelqu'un dont je dois m'occuper.

Il me laisse partir. Tant mieux. Je suis pas sûr-e que je serais resté-e aussi calme s'il avait essayé de me retenir.

Sora est assis devant son pupitre, la tête cachée entre ses bras, eux-mêmes posés sur ses genoux repliés. Il tremble.

Cette fois, lorsque je pose mon manteau sur ses épaules, il n'essaie pas de me le rendre.

– Sora. On va rentrer, d'accord ?

Je ne crois pas qu'il m'entende, mais il doit sentir que je suis là parce qu'il prend la main que je lui tends pour se relever.

Sauf qu'il tient à peine cinq secondes sur ses deux jambes et s'affale de tout son poids sur mon seul bras valide.

– Merde- Sora ! Sora. Je vais pas pouvoir te soutenir comme ça…

Il réagit à peine. Bon. C'est mieux que rien, ça veut au moins dire qu'il est encore conscient. Mais ça n'empêche que si je bouge d'un millimètre, on tombe tous les deux.

Je suis encore en train de me demander comment je vais le gérer lorsque son poids disparaît soudain de mon bras. Hibari est à nouveau devant moi, un maigre sourire sur le visage.

– Je vais la ramener à votre chalet, si tu veux bien. Tu es d'accord ?

On peut pas dire que ça me rassure, mais vu la situation actuelle… c'est le seul dont je veux bien accepter la proposition. Alors j'acquiesce de la tête. Hibari a l'air un peu soulagé. Il croit quoi, que je vais le mordre ?

– Merci. Je.. Je te promets que je ne le fais pas pour essayer de me racheter. Je ne pense pas le pouvoir. Mais si je peux commencer à bien agir dès maintenant… alors je te remercie de me laisser faire.

Je soupire. C'est probable qu'il ne fasse pas ça pour assainir sa dette karmique mais c'est quand même l'impression que ça me donne.

– Juste… Ramène-le au plus vite. Faut qu'il se repose.

Hibari hoche la tête, et disparaît par la porte de la salle, désormais déverrouillée.

Je balaie le tribunal du regard.

Michiru est encore en train de vomir ses tripes dans un coin, et sanglote en même temps. Kiseki est dans un état similaire, et Tritri s'est accroupie à côté d'elles pour leur frotter le dos.

Mao s'est mis à l'écart avec Ema pour soigner ses mains encore parsemées d'échardes. Shun leur passe des bandages sans un mot.

Noelle n'a pas bougé de son pupitre. Elle fixe le sol, le sang qui le recouvre. Son expression est indéchiffrable.

Theodosia… Theodosia est restée au centre du cercle. Elle n'a toujours pas lâché ce qui reste de Judicaël. Altaïr est agenouillé à ses côtés, ses genoux nus dans la flaque rouge, en train de lui parler à voix basse.

Monokuma les regarde avec l'air d'attendre quelque chose.

… Ah. Elle doit emmener le corps à la morgue. Sauf que ça risque d'être compliqué avec Theodosia qui s'est basiquement greffée au cadavre.

Monoaku, lui, est déjà en train de mettre le corps de Valéry dans un sac mortuaire en souriant. Où est-ce qu'il va le mettre ? Il y a plein de casiers à la morgue, certes, mais aucun n'est à son nom.

Tout compte fait, j'ai pas envie de savoir.

Ce que j'aimerais bien savoir, par contre, c'est où Eiji a bien pu passer. Est-ce qu'elle est partie dès l'exécution finie ? Ça lui ressemble pas beaucoup. Et je préfère pas m'attarder ici.

Un dernier coup d'œil à la salle, un passage devant la porte défoncée du gymnase et un dans l'ascenseur, et je suis dehors.

L'air frais me mord la peau du visage, mais je préfère mille fois l'odeur de neige fondue à celle du sang. Respirer normalement ça devrait être moins sous-côté.

En plus, je n'ai pas à chercher bien loin.

Eiji est accroupie par terre, une épaule appuyée contre le mur de la tour et une main gantée couvrant sa bouche, les paupières crispées. Elle est livide.

J'ai l'impression d'être le témoin de quelque chose que je ne suis vraiment pas censé voir. Mais maintenant que je l'ai vue, je ne peux pas juste détourner le regard et faire comme de rien. Alors je m'approche un peu. Juste un peu.

– Eiji ?

L'appeler par son nom de famille me paraît vraiment déplacé dans une telle situation.

Elle entrouvre les yeux, puis les referme immédiatement. Sa main quitte sa bouche pour se crisper sur son épaule.

– … Mika. Pardonnez-moi, je… je ne voulais pas que vous me voyiez ainsi.

J'ai pas envie de la voir comme ça non plus. Je l'ai déjà vue baisser sa garde devant moi et ça me suffit, j'ai pas besoin qu'elle soit au plus bas.

Au lieu de m'agenouiller à sa hauteur, je lui tend une main pour l'aider à se relever. Elle la prend.

Elle tremble. Eiji tremble. C'est vraiment, vraiment pas habituel et je suis presque sûr-e qu'elle avait pas prévu que ça lui arrive.

C'est quand même vachement ironique que j'aie l'impression d'être lae moins détruit-e par ce procès.

– Je… Je vous remercie.

– De rien. C'est… C'est l'exécution qui t'a mise dans cet état ?

Elle secoue la tête. Sa main serre toujours la mienne, alors qu'elle prend de longues inspirations.

– Non. Enfin, si, mais ça n'a pas commencé à l'exécution. C'est… C'est la diffusion de la vidéo mobile qui a tout déclenché.

Je veux comprendre. Je veux pas la forcer à en parler, pas alors qu'elle s'accroche à moi comme si j'étais le dernier solide concret sur Terre, mais je veux comprendre.

– Quelle partie ? T'es pas obligée de me répondre, hein.

Elle hésite, mais finalement, me répond dans un murmure alors qu'elle baisse la tête.

– Valéry. Lorsqu'il a sauté. Et l'exécution n'a fait qu'empirer mon cas.

Oh.

Oh, putain.

J'ai cru que c'était Kiseki qui avait crié lorsque les pieds de Valéry ont quitté sa chaise.

Mais le cri n'était pas vraiment un cri dû au choc.

Non, c'était un cri désespéré, un cri qui s'adressait presque à Valéry, qui oubliait le fait même que c'était une vidéo.

"Attends".

C'est Eiji qui a crié.

– Ça m'a rappelé de mauvais souvenirs.

Je serre sa main, sans réfléchir.

– Tu peux me raconter.

– C'est ridicule.

– Je crois pas.

C'est pas ridicule si ça la met dans un tel état. Et puis, je lui dois bien ça. Sans elle, je n'aurais même pas tenu jusqu'au bout du premier procès.

Je pense qu'elle le sent, sans que j'ai besoin de le dire, parce qu'elle se décide à me regarder, et à parler. Et ses yeux, sa voix, tout est à vif. C'est toujours Eiji que j'ai en face de moi, mais elle n'a pu se reconstituer aucune armure.

– J'ai sauvé la vie de quelqu'un.

Je le sens mal.

Je le sens mal parce que j'ai rarement autant entendu le verbe "sauver" prononcé de manière aussi négative.

– Elle avait essayé de se pendre avec un drap.

Je digère lentement les infos, une par une. On ne peut pas dire que le parallèle m'ait échappé.

– Lorsque je l'ai décrochée… Elle ne respirait déjà plus.

Ironiquement, je retiens mon souffle.

– J'ai appelé à l'aide. Commencé un massage cardiaque. Je ne me souviens pas du temps que ça a duré, mais je me souviens bien de la sensation de ses côtes qui craquaient sous mes mains.

Elle déglutit.

– C'était la première fois que je faisais un massage cardiaque. J'ai cru que j'étais en train d'aggraver la situation. Mais j'ai continué quand même. Je ne pouvais rien faire d'autre.

Elle souffle, sa main broie presque la mienne, mais elle se contrôle encore.

– Elle s'est remise à respirer. Je ne sais pas après combien de temps. Sauf que lorsqu'elle m'a regardée… Elle me fixait comme si c'était moi qui venait de la tuer.

Un faible rire lui échappe, sa tête retombe légèrement vers l'avant.

– Quand j'y repense… Je crois que c'est aussi la première fois que je me suis mise en colère contre quelqu'un.

J'ai pas besoin de plus. J'ai compris. Ma bouche est pâteuse lorsque je l'ouvre à nouveau.

– Donc quand Monokuma a diffusé l'extrait où Valéry…

Elle hoche la tête.

– Ça m'a rappelé ce qui s'était passé avec Mashiro.

Mashiro. Je peux donc mettre un nom sur le visage flou de la presque suicidée. Il me dit vaguement quelque chose, ce nom, mais je n'ai pas vraiment le temps de m'attarder dessus.

– L'impuissance, la panique, la responsabilité de sauver quelqu'un… Je ne voulais plus jamais les ressentir à nouveau. Pourtant, me voilà. En quelques minutes, quelqu'un a mis fin à ses jours devant moi. Deux fois. Et je n'ai rien pu faire. Et finalement, si je n'étais arrivée que quelques minutes plus tard, alors Mashiro ne serait plus.

Elle secoue doucement la tête.

–  C'est ce que m'a dit le… l'équipe médicale.

Rien ne me vient.

Je la regarde et rien ne me vient.

À part une chose. Une seule idée que je n'arrive pas à me rentrer dans le crâne tant elle paraît incongrue.

Elle n'a que seize ans.

Elle était sans doute plus jeune encore lorsqu'elle a sauvé cette Mashiro.

On ne devrait jamais être obligé de sauver une vie lorsqu'on démarre à peine la sienne.

– Tu regrettes ?

Ma question est à peine chuchotée. J'ai honte de la poser. Mais Eiji me regarde et se contente de soupirer.

– Non. Je ne regrette pas de l'avoir sauvée.

C'est du bout des lèvres qu'elle continue, en lâchant ma main. C'est elle qui semble honteuse, maintenant.

– J'aurais simplement préféré ne jamais avoir à le faire.

Quelques secondes passent dans un silence qu'aucun-e de nous deux n'arrive à remplir. Finalement, Eiji murmure une excuse, un remerciement, puis se dépêche de retourner à son chalet. Et je ne peux que regarder son dos s'éloigner.

J'ai d'autres choses à faire, moi aussi.

Comme, par exemple, pousser la porte du chalet de Judicaël et Lan Yue.

Les volets ne sont pas fermés, et le soleil qui se couche éclaire une pièce principale qui paraît encore vivante elle-même. Il y a des vêtements jetés pêle-mêle sur le dossier du canapé, des mugs entassés dans l'évier, des miettes sur la table, des tubes de vernis entamés sur les tablettes de la salle de bain. La chambre de Benedikt paraissait bien trop propre pour celle d'un adolescent, celle d'Hibiki était déjà vidée. Je suis pas sûr-e que quiconque aura le courage de ranger ce chalet. Ceux qui l'ont quitté ce matin prévoyaient d'y retourner.

La cloison coulissante qui sépare les deux chambres a été complètement tirée pour ne faire qu'une seule pièce. Les draps sont défaits, et si le sol est dégagé – pour permettre au fauteuil de Judicaël de circuler, j'imagine – on ne peut pas en dire autant des murs ou des bureaux. C'est un bordel sans nom.

Heureusement, je trouve vite ce que je cherche. Les photos données par Monokuma, comme la dernière fois.

Lan Yue en a quatre, cachées sous son oreiller. La première montre un enfant d'une dizaine d'années que je suppose être celuel qui sera le futur ultime Pole Dancer entouré de ses parents. Les trois sont tirés à quatre épingles et tirent des têtes de six pieds de long. La deuxième photo est celle d'un adolescent, seul, qui n'est pas Lan Yue. Sans doute son frère.

La troisième photo est plus récente, Lan Yue tel que je le connais… sais, en train de serrer dans ses bras un jeune border collie. Je savais pas qu'ael avait un chien. Le nom de ce dernier est inscrit au dos de la photo : Lénine. Une partie de moi rigole et se dit que c'est vraiment un nom pourri, une autre se demande si le chien a quelqu'un pour le nourrir maintenant que son maître ne reviendra plus. Mieux vaut pas trop y penser.

La quatrième photo est la pire. C'est une photo prise par Lan Yue, un selfie surprise vu qu'on ne voit que la moitié de son visage et que les deux autres personnes sur la photo ouvrent de grands yeux. Un-e asiatique aux cheveux relevés en deux chignons, aux dents de devant légèrement écartées, et une fille à lunettes typée européenne avec de grands yeux bleus et des cheveux teints en violet. Retourner la photo ne fait que confirmer ce dont je me doutais déjà : ce sont Xiao Wei et Héloïse. Et comme la fille dans la photo d'Hibiki, la dénommée Lisa, iels ne reverront jamais la personne qu'iels aimaient. Je range la photo avant que la boule dans mon ventre ne prenne toute la place.

Bon. On passe aux photos de Judicaël. Il n'y en a que trois, cette fois, et elles sont accrochées au-dessus de son lit.

Judicaël doit avoir quelque chose comme huit ans sur la première. Il est dans un parc d'attractions, à ce qu'il semble. Un ado qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau se tient derrière son fauteuil roulant et deux adultes les couvent d'un regard bienveillant. Ses parents et son frère, j'imagine. L'arrière de la photo m'apprend leurs noms : les parents, Marcus et Blanche, le frère, Caleb.

Sur la deuxième photo, Judicaël doit avoir treize ou quatorze ans. Le garçon à côté de lui, à peine un de plus. Il est maigre, presque rachitique, ses yeux sont cernés et ses cheveux coupés courts. L'autre garçon, Valéry avec des cheveux plus longs et des yeux qui n'ont pas l'air de ceux d'une carpe morte sans doute, n'est pas dans le meilleur des états non plus, mais les deux sourient et font un peace sign à la caméra. L'ombre de Saint-Cyr plane sur toute l'image.

Et la dernière… je n'ai pas envie de m'attarder sur la dernière. Là où la photo représente quatre adolescents heureux en train de manger dans un fast-food, je n'arrive qu'à voir deux robots fabriqués par Monokuma, celui qu'ils ont tabassé et celle qui leur criait d'arrêter.

Je voudrais m'enfuir. Au lieu de quoi je m'assois sur le lit défait, et je regarde le plafond pour ravaler mes larmes.

Quel putain de gâchis.



...Tu es revenu-e.

Enfin, pas exactement. Pour revenir quelque part, il faut déjà y être venu-e une fois.

Or, même si tu étais déjà venu-e en ces lieux, tu ne pourrais pas reconnaître l'endroit. Tout n'est que feu. La cendre s'élève dans le ciel qui lui-même est en feu. Ce qui brûle n'aura nulle place où se reposer car les cendres elles-mêmes brûlent sans se disperser.

Tu ne peux pas te reposer non plus, pas si près du but.

Tout n'est que flammes et pourtant tu cours. Tu cours même alors que tu brûles. Tu courras tant que tes pieds seront encore chair et tant qu'ils ne seront pas cendres ou poussière. Tu courras tant que tu le peux encore.

Tout n'est que fournaise et pourtant tu frissonnes. Plaisir ou terreur, qu'importe, la sensation est la même. Tu es l'incendie et l'ouragan qui l'éteindra. Tu es la bête et celle qui la traque. Tu es le crime et le châtiment.  Tu es le début et la fin de tout.

Tes pieds suivent des fils écarlates et invisibles que les flammes n'ont pu brûler. Ils suivent une rivière rouge qui vient de partout et de nulle part. Tu sais qu'il n'y a rien au bout mais tu sais que c'est là que tu rencontreras ta fin.

Quelque chose explose et t'éloigne du chemin.

Impasse, passe, imposteur, à ton poste, ta mission n'est pas finie. Fin de la course et début de la fin. Tu fuis. Tu poursuis.

Il n'y a entre ces deux verbes qu'un simple canon.

Il n'y a entre le Chasseur et sa Proie qu'un simple nom.

Le Chasseur dit "je suis"
La Proie dit "je suis"

Mais le Chasseur ne fait que suivre
Tandis que la Proie ne fait qu'être.

La Proie n'est Proie que si nommée ainsi. La Proie peut vivre. La Proie est complète. "Proie" n'est qu'une étiquette.

Le Chasseur sans sa proie n'est plus Chasseur.
Le Chasseur sans sa proie n'est qu'un tueur.
Le Chasseur sans sa proie n'existe pas.

La Faucheuse sans rien à récolter n'a plus d'utilité.

Alors pour que le Chasseur survive, la Proie prise de pitié se laisse tuer.

Un seul mot, blanc au cœur du rouge,

"Merci"

résonne en toi, met fin à la supercherie.

La détonation retentit.

Un nouveau fil rouge serpente à travers l'incendie.

Chasseur et Proie ont rempli leurs rôles, la pièce est finie.

Et toi, simple membre du Chœur, quel rôle avais-tu choisi ?



J'ouvre brutalement les yeux, en cherchant ma respiration. Je suffoque. Il n'y a de la fumée nulle part et pourtant j'ai l'impression de brûler.

Il fait sombre dans la pièce, donc la nuit est tombée.

Merde, déjà ! Putain, j'ai vraiment mal choisi mon moment pour me taper une sieste.

Je bondis sur mes pieds, photos en poche, et sort à toute allure du chalet pour courir vers le mien. J'ai laissé Sora seul-e pendant au moins plusieurs heures, dans un état vraiment pas terrible, et je l'ai oublié-e. Quel con je fais, putain, quel con !!

La porte est pas fermée, je la pousse en grand.

Sora est là. Il est assis sur le canapé, son téléphone à la main, mais il ne regarde même pas l'écran. Ses yeux sont perdus dans le vide. Il a l'air un peu plus reposé qu'il y a quelques heures, mais… c'est définitivement pas le Sora d'avant le meurtre.

Je m'assois à côté d'elle, et là seulement elle se décide à me regarder. Ses yeux sont encore rouges et gonflés.

– … Dis, Mika ?

Elle a une petite voix, à peine audible.

– Hm ?

– … Il s'est passé quoi pendant le procès ? Pourquoi est-ce que Judicaël a été exécuté ? C'était lui le coupable mais… pourquoi ? Comment ?

Oula. Je me doutais bien qu'il avait pas tout saisi mais là c'est quand même grave.

– Il a essayé de mettre la culpabilité sur tes épaules pour cacher le fait qu'il a assassiné Lan Yue, en gros. T'as rien fait de mal. C'était un coup monté.

Cela dit, moi aussi j'ai une question.

– Pourquoi tu as dit que tu étais coupable ? Tu savais bien que tu n'avais pas tué Lan Yue, non ?

À peine ai-je fini ma phrase que ses yeux se remplissent de larmes. Oh. Oh, merde.

– P-Parce que je voulais… je voulais qu'ils me laissent tranquille…

Un sanglot étranglé lui échappe.

– Mais ça a pas marché ! Ils ont continué à me poser des questions et je comprenais rien, et je savais pas quoi faire pour qu'ils arrêtent !

Iel couvre son visage de ses deux mains. Je sais pas sur quel bouton j'ai appuyé, mais j'ai clairement merdé quelque part là.

– M-Mais j'aurais dû m'en douter que ça marcherait pas… Ça marche jamais. Depuis que je suis tout petit déjà c'est comme ça, ils parlent tous en même temps et ils posent des questions et moi je comprends pas parce que ça va trop vite, et même avec les appareils je suis trop débile pour comprendre et si je réponds pas ils se moquent de moi et si je réponds ils se moquent de ma voix et peu importe ce que je fais ils veulent pas me laisser tranquille…

Son flot de paroles est trop rapide, c'est moi qui m'y perd.

– Sora, je l'appelle en haussant la voix. Sora, ralentis, s'il te plaît. Qui ne veut pas te laisser tranquille ?

– Mais les autres !! Les autres enfants, ils voulaient pas me laisser, ils tiraient mes cheveux et ils tiraient sur mes appareils et ils m'imitaient parce que je savais pas bien prononcer les mots et parce qu'ils voulaient pas croire que j'étais blond naturellement… Et même quand on a déménagé en France ils se moquaient encore parce que j'avais les yeux bridés et parce que je comprenais pas les règles des jeux et que je préférais dessiner dans mon coin…

Elle hoquette, renifle, cherche son souffle et le reperd. Je viens plus près. Je sais pas quoi faire d'autre. Et elle pose sa main sur mon bras et s'accroche, se recroqueville.

– J-Je pensais que ça serait différent ici, tout le monde m'a dit qu'à Hope's Peak ça serait mieux et que les gens comme moi c'était la norme mais c'était pas vrai, c'était que des mensonges !!

Il crie maintenant, de plus en plus fort.

– Parce que si c'était vrai, alors pourquoi ils m'ont tous regardé comme ça au procès alors que je fais tout tout le temps pour que tout le monde aille bien ?! Pourquoi ils arrêtaient pas de poser des questions et pourquoi ils avaient l'air en colère peu importe la réponse et pourquoi Judicaël m'a fait ça à moi et pas quelqu'un d'autre !!

Il tousse, renifle, s'étrangle dans ses larmes, et il me tient trop fort pour que je puisse lui prendre un mouchoir. Et de toute manière, je suis trop tétanisé pour bouger. Ses sanglots l'empêchent de parler pendant une, deux, trois minutes. Il se plie en deux, toujours accroché à mes manches, le haut de son crâne se pose sur mon ventre. Puis il reprend. Il reprend et je ne peux pas l'arrêter.

– Les adultes ils me l'ont jamais dit, mais moi je le sais, que c'est ma faute si je suis jamais à ma place. Tout ça c'est parce que je suis trop bruyant, trop bizarre, que j'ai l'air bête, parce que je suis sourd et que je sais pas me taire, parce que je m'habille pas comme il faut et parce que je pose trop de questions et que je mets tout le monde mal à l'aise, mais j'ai déjà essayé de corriger tout ça et tout le monde me déteste quand même !!

Les sanglots reprennent, et c'est un dernier gémissement qui me sort enfin de mon choc.

– C'est ma faute si tout le monde me déteste. C'est pas celle des autres. C'est moi qui rend les gens mauvais.

Ma voix sort avant que j'aie pu réfléchir à comment former ma pensée.

– C'est pas vrai.

Je me suis penché vers l'avant, mes bras le serrent fort, le plus fort possible, et mes lèvres sont à quelques centimètres à peine de son oreille.

– C'est pas vrai, Sora. Tu rends pas les gens mauvais. T'as juste… pas eu de chance.

Iel renifle.

– Bah dans ce cas j'ai jamais de chance…

– C'est pas vrai, encore une fois.

Il est en train de spiraler. Comme moi après le coup du labo d'Hibari. J'ai aucune idée de si mes mots peuvent l'atteindre ou non.

– Il y a des gens qui se soucient vraiment de toi et c'est pas juste parce qu'ils ont pitié. Ayase te considère comme son ami. Hibari t'apprécie beaucoup aussi et… Vincent pareil.

J'aurais jamais cru que la mention de Noelle m'aiderait autant.

– Et moi aussi. Moi aussi, je…

Je n'arrive pas à faire sortir les mots. C'est trop tôt. Je sais que c'est trop tôt alors que je ne suis même pas certain de ce que je veux dire.

– Sora, c'est pas vrai que tu rends les gens mauvais.

Ma voix tremble.

– C'est toi qui fait de moi quelqu'un de meilleur.

Et c'est vrai. C'est dit. Peut-être un peu exagéré, mais c'est en partie la vérité. Sora ne m'a pas changé fondamentalement. Mais iel me donne envie de faire mieux.

Quand il me dit que je ne suis pas horrible, j'arrive presque à le croire.

– Si les gens sont mauvais avec toi, c'est parce qu'ils ont choisi d'être mauvais. C'est tout.

Il se tait, encore secoué de hoquets. Je pense qu'il m'a entendu, même s'il ne me répond pas.

Puis il murmure, tout bas, "je veux rentrer à la maison", avant de fondre en larmes pour de bon.

Et je le serre contre moi. Je ne dis plus rien, je ne fais que me recroqueviller autour de lui, en espérant que je peux le protéger du reste du monde. Du sang, de la mort, de cette foutue tuerie.

Je veux le protéger.

Parce qu'il m'a protégé aussi.

Parce qu'il est mon ami.

Parce que je l'aime.

________

*Inspire*

EN-FIN.

J'ai bien cru que je réussirais jamais à finir ce fichu chapitre, entre ce procès hyper complexe et le bordel que ça a été dans ma vie perso, mais j'ai quand même réussi à le finir au bout de (presque) un an.

Donc bon j'ose espérer qu'il vous a plu parce que c'était pas une mince affaire.

Et parce que le chapitre 3 va être méga long aussi.

Et en parlant de chapitre 3, qui dit fin de chapitre dit votes des FTE, youpidou ! Et y aura un autre sondage après donc restez jusqu'au bout. :D

Comme d'hab, vous avez droit à cinq votes que vous pouvez répartir comme bon vous semble ! À vos claviers-

Sora Seon, Ultime Chef cuisinier : 2/5

Michiru Uemura, Ultime Toxicologue : 0/5

Ema Aozora, Ultime Mime : 1/5

Mao Aozora, Ultime Imitateur : 0/5

Noelle J. Vincent, Ultime Neuroscientifique : 3/5

Tritri, Ultime Pilote de Drone : 1/5

Theodosia Hoyle, Ultime Kinésithérapeute : 0/5

Kiseki Ayase, Ultime Biathlète : 1/5

Hibari Hagane, Ultime Croupier : 2/5

Eiji Maekawa, Ultime ??? : 4/5

Altaïr Calliope, Ultime Onirologue : 1/5

Shun Furusawa, Ultime Technicien de surface : 0/5

Maintenant que cela est établi, passons à l'autre sondage. Et là j'en appelle aux artistes. Qui dit chapitre 3... Dit bonne grosse fête et donc des fringues méga stylax. Sauf que j'ai besoin de gens pour les dessiner et si vous êtes chauds, je prends :D

Je dessinerai moi-même les tenues de Mika, Sora, Eiji et Tritri, mais ça m'en fait encore un sacré paquet ! Du coup si vous êtes un artiste et que vous avez envie, vous pouvez me mettre vos intérêts pour les gens suivants en laissant un commentaire :

Michiru

Ema

Mao

Noelle

Theodosia

Kiseki

Hibari

Altaïr

Shun

Monokuma

Monoaku

Et on en parlera en mp discord ! Si vous êtes deux à vouloir un perso on en discutera aussi :3

Sur ce, à très vite pour la partie des funfacts du chapitre 2, et merci pour votre lecture <3

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