Chapitre II (21) : For even perfect crimes have perfect flaws

Le silence tombe au milieu du cercle formé par nos pupitres. C'est le début de la fin.

Trois coupables possibles. Ema, Tritri, et Sora. Sora qui vient d'avouer.

J'ai oublié comment on en est arrivés là. Lan Yue doit se retourner dans sa tombe temporaire.

Si la situation n'était pas aussi sérieuse, ça me ferait presque marrer de voir tous ceux qui accusaient Sora depuis le début ne plus savoir quoi dire. Sauf que là, même si on a trois suspects… Iel a avoué être coupable. Tout ça pour un bête accident. Donc… on avait tort, pour l'assassinat ?

– Bon… J'imagine qu'on n'a plus qu'à passer au vote, alors, souffle Mao.

Le vote ? Non. Non, pas tout de suite. J'ai encore tellement de questions à poser et si peu de réponses. Judicaël, à ma droite, a l'air du même avis puisqu'il lance un regard alarmé à Mao.

– Hé ho, minute !! C'est bien joli les aveux, la réduction des suspects, mais là je t'avoue que je suis pas sûr de qui votera pour qui ! Et si on se retrouve avec un vote hétérogène, on risque de se tromper… Nan nan nan, il faut des preuves et réduire le tout à un seul suspect. Notamment rapport à Ema, chuis pas convaincu.

Il se tourne vers Noelle en levant les mains en l'air.

– Je dis pas que ton analyse est fausse ou quoi, mais il va nous falloir plus que ça pour vraiment l'inculper. Vous êtes ok, les autres ?

Des murmures d'assentiment se propagent dans la salle malgré une hésitation latente. Ok. Ok, ça gagne du temps au moins.

– Dans ce cas, si je puis me permettre…

La voix d'Eiji est calme, posée sans être trop assurée. Les regards sur elle ne portent plus les accusations du premier procès. Si méfiance il y a, elle a bien fondu entre-temps.

– … À mon avis, nous faisons fausse route depuis le début concernant Ema.

La concernée relève la tête d'un coup, une surprise évidente sur son visage. Je crois pas qu'elle ait jamais vraiment parlé à Eiji, et pourtant cette dernière prend spontanément sa défense ? Elle doit vraiment avoir confiance en son argument.

– Les arguments émotionnels sont limités, j'en suis consciente, mais Ema est différente de nous tous. Parce qu'il y a son frère avec elle dans cette tuerie.

Des regards confus passent d'Eiji aux jumeaux, l'air de chercher le rapport. Moi, je crois savoir où elle veut en venir.

– On peut voir dans les propos qu'elle a tenu plus tôt une colère évidente, mais j'y vois surtout une véritable affection pour Mao. Et surtout, un désir de le protéger. Est-ce que je me trompe ?

Ema reste immobile quelques secondes, puis secoue la tête à contrecœur. Quant à Mao, c'est sa sœur qu'il regarde, l'air mal à l'aise, mais en même temps… il y a une pointe d'espoir dans ses yeux, minuscule.

– Les actions d'Ema en ces lieux n'engagent pas qu'elle, et ces deux-là ont visiblement traversé de nombreuses épreuves ensemble. Alors pourquoi Ema prendrait-elle le risque de s'impliquer dans un meurtre, quitte à ce que la tête pensante de l'affaire lui fasse porter le chapeau ? Elle ne peut pas prendre le risque d'être exécutée parce qu'elle ne peut, sous aucun prétexte, laisser Mao seul ici. Je pense qu'il en va de même pour lui.

Sans être une preuve matérielle, l'argument d'Eiji n'a rien de stupide. Ema a dit lors de l'interrogatoire qu'elle ne tuerait pas car elle ne pouvait pas laisser Mao, qui lui n'en avait rien à foutre que ses parents meurent ou non et donc refusait de tuer. Donc c'est tout à fait pertinent. Enfin quelque chose qui tient la route, bordel.

– Cet argument est-il recevable ? demande Eiji à la cantonade.

Tout le monde n'a pas l'air convaincu. Theodosia, notamment, joue distraitement avec une de ses tresses en faisant la moue.

– Je suis d'accord concernant le fait qu'Ema ne tuerait pas, mais… le coupable n'aurait-il pas pu lui faire du chantage ? Concernant Mao, justement ?

– Ça n'aurait pas marché. Le mobile, bien qu'inégal, fait déjà un chantage au meurtre très efficace. Le reste paraît bien petit en comparaison. Mais demandons-le directement à Ema, plutôt.

Le regard ambré d'Eiji se fixe dans le noir de celui d'Ema, sans aucune sévérité. J'ai l'impression qu'Eiji est la seule ici à être consciente qu'elle parle à une gamine de quatorze ans et pas à une criminelle récidiviste.

– Est-ce que quelqu'un vous a fait du chantage ou vous a forcée à participer à cette affaire, Ema ?

Enfin, si on retire le vouvoiement. Mais ça n'a pas l'air de déranger la Mime, qui se tient un peu plus droite. Revigorée par les paroles d'Eiji, j'imagine.

– Non, répond-elle fermement. J'ai pas participé à ce plan, j'ai juste surveillé les entrées et sorties de tout le monde. Pas juste Sora.

Elle termine avec une certaine défiance, attendant sûrement le fatidique "pourquoi" consécutif à sa déclaration, mais Eiji se contente de hocher la tête.

– D'accord. Je te crois. Tu n'aurais aucun intérêt à ne pas être de bonne foi.

Elle… lui sourit. C'est très fin, à peine un étirement de lèvres.

– J'ai beau être fille unique, je sais que tu aimes ton frère. Malgré toute la rancœur que tu peux avoir.

Ema cligne des yeux. C'est bien la première personne à la croire sans concession. Elle tourne un peu la tête, rencontre le regard de Mao. Il lui offre une main, l'air contrit. Et, après une hésitation et un soupir, elle la prend. Aucun des deux ne lâche le moindre mot, mais je crois que ça suffit. Pour eux, et pour tout le monde. Difficile de croire Ema coupable après une telle scène, même sans preuve fixe.

– Donc, on retire Ema des suspects pour l'instant ? demande Kiseki, l'air un peu paumée.

– Hmhm. Mais ça nous laisse encore Tritri et Sora.

Tiens. Là, j'ai quelque chose à y redire.

– J'ai une objection concernant Tritri.

Soupir bien audible du côté de Shun. Eh oh, ça va, moi au moins je change pas d'avis comme de chemise.

– Je disais donc, c'est établi que la bombe vient de chez Tritri. Par contre, je pense pas qu'elle l'ait donnée à qui que ce soit, même involontairement.

Et ce pour une raison toute conne à laquelle j'aurais dû penser plus tôt.

– Tritri ne parle qu'arabe. J'ai commencé à lui montrer un peu d'anglais, mais vraiment les bases. Allez essayer de prendre pour complice dans un plan aussi risqué quelqu'un qui ne comprend pas un traître mot de ce que vous dites ! Et si jamais quelqu'un avait essayé de lui prendre la bombe de force… je ne crois pas qu'il s'en serait sorti indemne. Or les seuls blessés ici sont Sora et moi, et parce qu'on a failli crever dans l'incendie. Donc la bombe a été volée pendant une absence d'Eiji et Tritri. Ça me semble pas aberrant.

– Hum…

Allons bon. Theodosia a encore quelque chose à y redire, apparemment.

– Tritri n'aurait pas pu te donner de bombe à toi, Mika ? Elle te fait confiance, et puis tu sais parler arabe…

Je lève autant que possible mon bras dans le plâtre.

– Tritri c'est pas quelqu'un qui donnerait une arme à n'importe qui et surtout pas à une personne déjà blessée. Tu vas m'interrompre encore combien de fois ?

Ma question était peut-être de trop, mais ça a l'effet escompté : la Kinésithérapeute rougit de gêne et ne pipe plus mot.

Sauf que maintenant que la plupart des suspicions sur Tritri et Ema ont été écartées… On revient encore à Sora.

Et là… là, je n'ai plus rien. Tout ce que j'ai fait jusqu'à présent, c'est l'enfoncer davantage. Paye ta défense. Je lui ai promis que je prouverai son innocence, et au final… je ne suis même pas sûr.e de si elle a déjà été prouvable.

De toute façon, iel se met à parler avant que je puisse en placer une.

– P-Pourquoi vous discutez encore ? Je vous l'ai dit, c'est sûr que c'est moi ! Ça ne peut être que moi !!

Sa voix est encore entrecoupée de sanglots. Bordel de merde.

– J-J'ai peut-être pas mis la bombe, mais c'est moi qui ai… c'est moi qui ai tué Lan Yue… Tout est ma faute…

– Mais alors qui c'est qui l'a mise là, cette foutue bombe, si c'est pas toi ?! s'écrie Shun, visiblement ulcéré.

Bonne question. Excellente foutue question, même. C'est peut-être là que je pourrais trouver ce qui me manque dans le bordel monstre qu'est cette affaire.

… Mais qu'est-ce que ça change ? Si Lan Yue a été tué par un effondrement, alors oui, il aurait suffi que Sora déclenche la bombe.

J'entends Kiseki crier sur quelqu'un. Probablement à prêcher encore et encore que Sora aurait jamais fait ça. Sauf qu'elle ne comprend rien. C'est pas parce que Sora avait pas l'intention de tuer qu'iel n'a pas tué.

– Mika, aide-moi, un peu !!

Mais pourquoi faire, Kiseki ? C'est foutu. Tout est foutu. C'est Sora.

Et c'est pas juste. C'est pas juste, putain. Parce que iel a jamais rien planifié. Iel s'est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, et a juste essayé de sauver Lan Yue qui était coincé à l'intérieur du gymnase. Que des bonnes intentions, jusqu'au bout. On voit où ça l'a mené.e, tout ça pour au final, buter celui qu'iel essayait de sauver en…

En… forçant la porte.

Pourquoi est-ce qu'il aurait eu besoin de forcer la porte ?

Parce qu'elle était fermée à la base. C'est la seule possibilité.

Lan Yue a été enfermé.e à l'intérieur à son insu, on a établi ça pendant l'enquête. La porte avait été verrouillée de l'extérieur et ne s'ouvrait d'aucun côté. Et Sora a forcé la porte après l'explosion, lorsqu'il a voulu porter secours à Lan Yue.

La bombe a explosé avant l'arrivée de Sora, à l'intérieur.

Ce qui signifie qu'iel n'a pas pu la déclencher.

Ça y est. Ça y est. Ça y est, enfin, je tiens quelque chose !!

– Sora !

Je frappe mon pied par terre pour qu'il sente les vibrations et me donne son attention. Je me mets à parler à toute vitesse, en couplant avec de la langue des signes.

– Tu n'as pas provoqué l'explosion !!

Iel me regarde avec des yeux de merlan frit. Comme tous les autres, d'ailleurs.

Mais trop tard. Je tiens un filon et je compte pas le lâcher.

– Le principe était d'enfermer Lan Yue dans le gymnase avec la bombe. Sachant qu'il y allait très tôt, iel aurait pu se faire enfermer avant l'atelier cuisine !

Mao lève une main devant lui, l'air confus comme il faut.

– Attends, attends. Donc la bombe aurait aussi été placée à ce moment-là ?

– Bien sûr que non !! je réplique. Lan Yue aurait remarqué l'intrusion, et peut-être entendu le bip du compte à rebours. C'était trop risqué, le coupable a dû placer la bombe par un autre moyen…

Lequel ? Lequel ?? J'y suis presque. Il faut juste que je trouve comment la bombe est arrivée jusqu'au gymnase malgré les portes closes…

Je regarde les visages de tout le monde en espérant me rappeler de quelque chose, n'importe quoi. Et puis mes yeux rencontrent ceux de Michiru.

Ça y est. Ça y est. J'ai trouvé un dernier détail. Quelque chose qu'on a pas encore expliqué, qu'on a presque ignoré lors de l'enquête.

– … Michiru, je souffle. Michiru !! Tu te souviens du mur soufflé dans la cuisine, celui que tu nous as montré ?

La Toxicologue semble presque flippée que je m'adresse à elle. Je vois bien qu'elle essaie de faire profil bas depuis tout à l'heure, mais là c'est plus le moment. J'ai besoin qu'elle confirme ce que je pense.

– … Ouais, je me souviens. Pourquoi ?

– Il y avait une partie plus noircie que les autres, on est d'accord ??

Elle acquiesce lentement, l'air de plus en plus perplexe.

– Je… Ouais, mais je comprends pas en quoi c'est important.

– T'occupe, merci.

J'inspire et me retourne vers Sora en essayant de ralentir mon débit de parole. J'y suis presque.

– Sora, je vais te demander quelque chose de vraiment super important.

Pitié, faites qu'il sache. C'est la seule piste qu'il me reste.

– Qu'est-ce qu'il y avait, sur le mur au fond à droite de ton labo ?

Il incline la tête, s'arrête momentanément de pleurer pour se concentrer. Puis il me fixe, hésitant.

– … Les monte-plats ?

Une partie du mur, carbonisée, soufflée à la verticale. L'épicentre de l'explosion juste à côté du mur du gymnase, loin du corps de Lan Yue. La porte fermée, fragilisée par une explosion intérieure.

Le monte-plat.

– Ha…

Le compte à rebours a été enclenché, la bombe placée dans le monte-plat. Puis élevée jusqu'au gymnase.

– Ha ha ha…

Et explosé au nez et à la barbe de tous-tes, y compris Lan Yue.

– … Ha ha ha !

Je ris, je ris, j'arrive plus à m'arrêter de rire. Est-ce que c'est de joie, est-ce que c'est de soulagement, de désespoir, je sais plus.

Parce que cette histoire de monte-plat veut dire deux choses.

– … Sora est plus le principal suspect, j'articule devant l'air éberlué de tous les autres.

Pour une raison très simple.

– Parce que ça, les gars, ça nique tous nos alibis.

Silence.

Quelques secondes où je vois dans leurs yeux toutes leurs jolies déductions partir en vrille.

Et puis la salle de procès explose dans une cacophonie d'exclamations horrifiées et de cris accusateurs.

– Comment ça ?!

– Depuis quand y a des monte-plats ?! Personne les avait remarqués avant ??

– I-Il faut croire que non.

– Mais alors fallait être dans la cuisine pour l'amener, cette bombe !

– Dans ce cas, est-ce que ça pourrait pas être-

– Ah non hein ! On a vu où ça nous menait, tes accusations à la con-

Le bruit enfle, enfle, enfle. Je suis trop occupé.e à réfléchir pour m'en soucier et les quelques efforts déployés pour calmer le jeu se font gentiment rembarrer.

– Les gens, tente Judicaël, calmez-vous-

– Ta gueule, Judi ! explose Michiru. T'es aussi suspect que nous tous alors la ramène pas !

Ah ça pour la fermer, il la ferme. En voilà un qui a bien compris que c'était dans son intérêt de la boucler, maintenant.

S'il vous plaît.

La voix d'Altaïr ne contient pas la moindre trace de colère ou d'agacement, mais son timbre soudain glacial calme une bonne partie du groupe. Il sourit à la cantonade. Ça me dit rien de bon.

– Pour être honnête, peu importe qui a posé la bombe.

C'est parti, qu'est-ce qu'il va me sortir encore ?

– L'attitude et les déplacements de Sora restent suspects. Ce n'est pas impossible qu'elle ait tué Lan Yue après l'explosion de la bombe, avec l'aide d'un complice dans la cuisine.

– Donc la bombe n'aurait été qu'une distraction ? l'interroge Hibari, l'air dubitatif.

– Pour être honnête, j'en doute, admet l'Onirologue. Mais je veux être sûr qu'aucune possibilité n'ait été négligée avant de voter. N'oubliez pas que nous jouons notre vie.

Sa remarque jette un bon gros froid. Ah bah oui, c'est qu'on oublierait presque les enjeux du procès, hm. Au moins cette fois Altaïr est moins catégorique dans son accusation.

– Je ne suis pas d'accord avec toi, Altaïr.

Alors ça c'est une surprise. Theodosia qui est autre chose qu'une carpette ? Il va pleuvoir des castors. Oui je l'ai mauvaise, oui. Ce procès me rend tellement salé, dans une heure je vais commencer à chier des cristaux.

– Peut-être que comme tu le dis, c'est un complice de Sora qui a posé la bombe. Mais dans ce cas, c'est important qu'on lae démasque. Et si on y arrive…

Sa mâchoire, ses poings, ses épaules, tout en elle est crispé. Pourtant, il n'y a que du regret dans son regard.

– Non seulement iel va passer un sale quart d'heure, mais je ne lui pardonnerai jamais.

Des murmures d'assentiment lui répondent. Bien. Au moins, on est d'accord là-dessus. Mais je suis persuadé.e que s'il y a un coupable, c'est la personne qui a posé la bombe dans le monte-plat. Et qui, j'imagine, s'est arrangée pour faire porter le chapeau à Sora. Je pose les mains sur le rebord de mon pupitre, ancre mes pieds.

Respire. Un, deux, trois.

On est reparti.

– S'il y a la plus petite chance que ce ne soit pas Sora, alors je vais la saisir.

Je balaie la salle du regard. Personne ne parle. Tant mieux. Je sais un stylo dans une main, mon carnet dans l'autre, et je me met à annoter à toute vitesse en décrivant mon cheminement de pensée à voix haute parce qu'il faut bien les pousser au cul.

– Les suspects principaux sont ceux qui ont passé le plus de temps dans la cuisine sans sortir. Donc juste comme ça, je peux isoler quatre personnes, moi inclus.e.

Mouvements et murmures dans le cercle. Mon stylo rature furieusement plusieurs noms. Bien sûr, ce n'est pas tout. Je dois évaluer chaque alibi, chaque mobile, chaque relation pour établir une liste solide.

– Sauf qu'il faut bien pouvoir la transporter, cette bombe, j'ajoute.

– Comment, exactement ? Il y a quasiment toujours quelqu'un autour des chalets ou à l'intérieur, lance quelqu'un non loin de moi. La transporter jusqu'aux cuisines serait-

– À vrai dire, pas vraiment. Je suis souvent absente et Tritri préfère l'extérieur.

C'est la voix d'Eiji. Je réprime un sourire.

– Et nous avons déjà confirmé que déjouer une serrure n'est guère compliqué. D'autres questions ?

Le silence qui suit peut être vu comme un non. Je souffle longuement.

– Merci. Je disais donc, il faut la transporter et qui dit transporter dit dissimuler. Ce que ni moi, ni Mao ne pouvions faire.

Le dénommé hausse un sourcil, visiblement pas ravi d'apprendre qu'il était dans la liste des suspects. Écoute mon gars, même sans mobile tu n'as pas bougé une seule fois de la cuisine. Sauf qu'il n'avait aucun moyen de cacher la bombe. Ça, et son genou blessé ne doit pas lui permettre de transporter quoi que ce soit de lourd. Mon bras non plus.

– En revanche, quelqu'un qui peut le transporter…

Je lève enfin la tête de mon carnet pour regarder mon voisin de gauche.

– Shun, y a pas une fois où je t'ai croisé sans un sac poubelle. Et mise à part une fois où tu es parti dans le cellier, tu étais tout le temps à la cuisine, à nettoyer après tout le monde ou à surveiller Mao.

Sauf que Mao ne le surveillait pas en retour.

Le front du concerné se couvre instantanément de sueur alors qu'il me jette un regard affolé.

– D-Démonstration ! s'écrie-t-il.

Devant mon regard perplexe, il baisse un peu la voix.

– Je peux faire une démonstration, non ? Pour prouver que la bombe tiendrait pas dans un sac poubelle.

Un regard vers Monokuma suffit pour qu'elle envoie Monoaku chercher le nécessaire d'un geste de la main. Il est un peu trop complaisant pour être honnête, mais bon. On va pas cracher dans la soupe.

Quelques minutes après, voilà Shun avec un sac poubelle dans la main gauche et une bombe désarmée dans la droite. Preuve que c'est pas si difficile de s'en procurer. Elle est tellement lourde et lui tellement maigre que je crains qu'il ne se pète le poignet pendant une seconde.

Il pose le sac par terre, place la bombe dedans avec précaution, referme le sac.

À peine l'a-t-il soulevé qu'un énorme craquement se fait entendre, et la bombe se fracasse par terre malgré le peu de hauteur. Il me regarde, l'air encore un peu angoissé.

– Voilà, tu vois bien que c'est pas possible…

Ouais. J'ai vu.

Le nom de Shun disparaît sous l'encre noire.

Il ne m'en reste qu'un.

Il cumule tous les points. Le mobile, le temps passé dans la cuisine, la capacité à la transporter.

Mais si j'ai raison, alors personne n'en sortira indemne.

Je referme brutalement mon carnet. Le son résonne sur tous les murs de la salle alors que je pivote lentement vers mon suspect.

Un regard illisible rencontre la fureur à peine contenue du mien.

Je pourrais l'étrangler juste en tendant le bras.

– T'as intérêt à avoir une excellente foutue explication, Judicaël.

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