Chapitre II (1) : Where The Lonely Ones Roam

TW : Mention de cadavres

_______

– Je maintiens que c'est une idée de merde.

– Peut-être mais on en a besoin pour tourner la page.

– Quelle page ?

– Arrête de râler, tu veux ? Contente-toi de nous dire si Monokuma ou Monoaku arrivent… s'ils nous chopent, on est cuits !

– Vous auriez pu demander à Tritri, ça aurait été facile avec ses drones...

– Elle fait déjà le guet à l'extérieur, on te demande pas quoi non plus !

– Ah parce que ça l'aurait tuée d'envoyer un drone de plus à l'intérieur ?

– Lan Yue, Mika, taisez-vous, s'il vous plaît. Vous risquez de nous faire repérer.

Je pince les lèvres, et me masse l'arête du nez avant de me regarder autour de moi. Le couloir s'étire devant mes yeux, vide de toute présence. Sauf que s'ils arrivent, on sera dans une impasse, aucun moyen de s'enfuir, à moins de s'enfermer dans la pièce où sont Eiji et Lan Yue actuellement.

La morgue.

Et hors de question que je m'enferme là-dedans. Pas alors que cette fois, tous les casiers ne sont pas vides.

Je n'arrive pas à croire que je me suis laissé embarquer là-dedans. C'est une idée qui pourrait tous nous faire tuer. Après, Lan Yue et Eiji ont raison sur une chose au moins, les laisser pourrir là-dedans, à la merci des mains gantées de Monokuma, c'est pas envisageable. Et puis c'est pas de la profanation si c'est pas une tombe, hein ?

Du moins c'est ce que je me répète pour essayer de me convaincre de l'éthicité de ce plan en grattant le plâtre qui entoure mon bras. À peine quelques jours ont passé depuis le procès, pourtant ça me paraît déjà loin. Je crois que j'ai besoin de cette impression de distance temporelle, pour me dire que c'est terminé.

Alors forcément, quand Eiji et Lan Yue ressortent de la morgue avec chacun un sac mortuaire noir sur l'épaule, je ne peux pas empêcher mon corps de se crisper désagréablement. Je ne veux pas imaginer l'apparence de ce qui se trouve à l'intérieur, ni la sensation de ce poids sur les épaules des deux autres. Bordel de merde, le sac qu'Eiji porte est plus grand qu'elle et pourtant elle le soulève sans difficulté, avec une délicatesse qui me donne presque envie de gerber. Tant de considération pour quelque chose qui ne vit plus, j'en serais incapable.

– Pas trop tôt, je finis par marmonner en détournant le regard. Allez, on fout le camp.

Je referme derrière eux la lourde porte de la morgue alors qu'ils repartent le plus rapidement et le plus silencieusement possible. Lorsque je me retourne, ils ont déjà disparu à l'angle du couloir. Merci de m'avoir attendu.e, les gars, ça fait toujours plaisir.

C'est donc seul.e que je rejoins la sortie avant de m'aventurer sur le sentier balisé. Mes chaussures commencent à s'user et je sens le bout de mes chaussettes se gorger d'eau, m'arrachant une grimace. Le chemin n'a pas été déblayé hier, malgré la chute de neige, et j'ai de la poudreuse jusqu'aux chevilles. Quel plaisir.

Au fur et à mesure que je m'enfonce dans la forêt, j'entends des voix se rapprocher, et je finis par distinguer malgré l'absence de lunettes la tache bleue des cheveux d'Eiji entre les troncs des conifères. Tout le monde s'est rassemblé au bord du sentier, et chacun est vêtu de couleurs sombres. Même Sora, dont le pull et la jupe noirs jurent affreusement avec ses mèches rose pastel. Iel ne me voit pas arriver, trop concentré.e sur mes deux partners in crime temporaires et leur précieuse cargaison. Seule Tritri me fait un petit signe de la main, auquel je réponds par un vague hochement de tête. Ça serait foutrement malvenu de me plaindre du manque d'attention au vu du contexte.

Les sacs sont posés dans la neige maintenant, et tout le monde regarde Shun s'escrimer sur la terre givrée avec une pelle rouillée. Les trous qu'il a creusés sont inégaux et peu profonds, mais c'est assez, surtout en sachant qu'il s'acharne depuis des heures. Un dernier bout de terre tombe sur la pile à ses côtés avant qu'il ne jette sa pelle et se laisse tomber le cul dans la neige.

– … Tu crois que ça suffira ? l'interroge Kiseki d'une petite voix.

– J'en sais rien. J'espère. Mais j'en peux plus donc ça a intérêt à tenir.

Kiseki s'agenouille dans la neige à ses côtés et retire doucement les gants du technicien de surface. J'ai juste le temps de voir qu'elles sont couvertes d'ampoules avant de détourner les yeux. Theodosia regarde les formes noires au sol, puis les deux porteurs.

– Eiji, Lan Yue, si vous voulez bien…

Les dénommés hochent la tête, et toujours avec cette même lenteur, soulèvent doucement les deux sacs comme s'ils contenaient un enfant endormi. Lan Yue dépose son fardeau dans la fosse la plus à gauche, Eiji étend le sien dans celle de droite. Puis ils s'éloignent, le visage grave et marqué d'une expression qu'aucun adolescent ne devrait avoir à arborer. Et pourtant.

– … Benedikt était catholique, il me semble, souffle Theodosia après un instant de flottement. Je suis chrétienne orthodoxe, mais je peux quand même adresser quelques prières. Ça vous convient ?

Un hochement de tête généralisé lui donne l'autorisation qu'elle attendait. Elle joint doucement ses mains et souffle dessus pour les réchauffer, tout en récitant à voix basse des mots que je distingue à peine. Sa litanie dure plusieurs minutes, durant lesquelles nous l'écoutons en silence. Enfin, elle prend une légère inspiration et prononce la dernière prière.

– … Accorde, Seigneur, le sommeil bienheureux, le repos éternel, à tes serviteurs défunts et fais qu'ils jouissent de mémoire éternelle. Amen.

Ses doigts se délient, et elle demande à voix basse une minute de silence, que chacun respecte plus ou moins de bon cœur. Même ceux qui ne sont pas particulièrement enthousiastes à cette idée gardent leurs lèvres scellées et fixent le sol, écrasés par l'atmosphère ambiante. Oui, les jumeaux, c'est vous que je regarde. Même si à moi aussi, cette minute me paraît s'étirer désagréablement, et lorsqu'elle se termine j'ai l'impression d'avoir été en apnée tout du long.

Shun s'est relevé, mais vu l'état de ses mains, refermer les trous semble compromis. C'est Hibari qui se saisit de la pelle et, de plusieurs gestes lourds, recouvre les sacs de terre. Personne n'a demandé à les ouvrir et c'est tant mieux. Même nettoyés et soignés, je ne suis pas sûr.e de vouloir revoir leurs visages inertes. Et pourtant les voir se faire enterrer ainsi me fout des frissons. Note à moi-même : si un jour c'est moi à leur place, je veux être incinéré.e et gardé.e dans une boîte pour qu'on m'enterre chez moi. Pas question de pourrir pour toujours sous cette terre maudite.

Le temps que j'en finisse avec ces sombres réflexions, Hibari est déjà en train de lisser la terre de chaque tombe improvisée du plat de la pelle. Il les recouvre ensuite de neige, avant de reposer l'outil au sol, entre les deux monticules blancs. Tritri s'approche à son tour, et plante dans chaque une croix en bois faite main, et même si son visage nous est toujours dissimulé je vois bien qu'elle s'attarde particulièrement sur la tombe d'Hibiki.

De nouveau, le silence. Michiru se décide à le briser. Je la remercie intérieurement, j'avais peur qu'on arrive un peu trop vite à la séquence larmes.

– Vous pensez qu'on devrait écrire une épitaphe ?

– Je veux bien, mais quoi ? Et puis comment ? Benedikt aurait été le plus apte à en faire vu son talent, soupire Theodosia.

– Oh, Hibiki ne ferait pas de chichi, je suis même presque sûr qu'elle m'autoriserait à écrire "rest in pepperoni" dans la neige.

Cette remarque d'Altaïr a au moins le mérite de produire quelques soufflements de nez et ricanements nerveux. L'ambiance est à peine plus détendue maintenant. Lan Yue avait sans doute raison, c'est une page qui se tourne aujourd'hui. Même si personnellement j'aurais préféré qu'on arrive directement à la fin du livre.

Les rituels déprimants finis, Sora invite tout le monde à se remplir l'estomac au réfectoire, et elle est rapidement suivie par Michiru, Shun et Kiseki. Certains s'attardent un peu plus longtemps : Judicaël murmure un "bon voyage, mon vieux" devant la tombe de Benedikt avant de s'éloigner avec Theodosia, tandis que les jumeaux déposent chacun une sorte de barrette sur celle d'Hibiki. Altaïr prend lui aussi le temps de réciter quelques prières avec Tritri. Eiji est partie devant tout le monde, du même pas égal malgré son air préoccupé. Hibari reste encore un moment, et murmure quelque chose à l'intention de la terre sous laquelle repose Benedikt. Quelque chose qui ressemble un peu trop à des excuses pour que ça ne me fasse pas un pincement au cœur. Mais lui aussi finit par partir, à regret.

Je ne sais pas moi-même pourquoi je reste, mais je le fais. J'ai l'esprit complètement vide, aussi blanc que la neige autour. Au point que je ne me rends pas compte tout de suite que je ne suis pas seul.e.

Lan Yue se tient debout à mes côtés, les mains dans les poches de son manteau, et me sourit en captant mon regard sur luel, sans un mot.

– Désolé.e pour tout à l'heure. Je t'ai pas très bien parlé.

– Moi non plus, alors j'imagine qu'on est quittes, je soupire.

Iel rit doucement avant de fixer les tombes à nouveau.

– … Ça va aller, Mika.

Euh quoi ? Permets-moi d'en douter même si j'apprécie l'intention. À le regarder, j'ai plutôt l'impression qu'il se parle à lui-même.

– Non mais tu sais après la mort est une fin en soi, c'est pas si terrifiant.

Huhuh. Continue t'inquiète pas, t'as l'air tout à fait saint d'esprit à parler tout.e seul.e comme ça.

– Et pis tu sais ce qu'on dit, un de perdu dix de retrouvés !

Ouais nan là par contre on frôle le mauvais goût. Je m'approche un peu pour essayer de distinguer ses yeux derrière ses lunettes, et tout ce que je vois c'est qu'ils sont complètement perdus dans le vide.

– Euh, Lan Yue ?

– Yep, c'est moi-même.

– T'es sûr.e que ça va ?

Je regrette ma question à peine un instant après l'avoir posée. Lan Yue me regarde, cette fois, mais je sens bien qu'il y a une couille.

– Ouais ouais, je…

Sa lèvre se met à trembler comme celle d'un enfant. Une larme roule sur sa joue, puis une autre, et encore une autre, et ça ne s'arrête plus. L'ultime pole dancer est en train de sangloter sans aucune grâce, planté devant moi alors que je fais le piquet.

Et merde. Je fais quoi moi maintenant ? J'ai jamais été doué.e avec les pleurs. Lui montrer que je suis là ? Même si ce que je veux vraiment c'est m'enfuir en courant, ça pourrait être un bon début.

Je fais quelques pas vers luel et effleure le tissu de sa veste, et d'un coup je suis écrasé.e contre son torse alors qu'ael me serre contre luel. Je deviens immédiatement aussi raide qu'un bout de bois, mais ça n'a pas l'air de le déranger vu qu'il trempe allègrement mon manteau de larmes et de morve. Bon sang, s'il continue à pleurer comme ça il va faire tomber toute la neige sur les branches.

– Lan Yue…

J'articule péniblement en priant pour la survie de mes côtes et pour qu'il m'entende.

– Lan Yue, j'crois que tu devrais t'asseoir.

Iel me serre contre luel pendant encore cinq bonnes minutes avant de me lâcher et de s'affaler par terre, les genoux repliés et la tête dans les bras. Pas la moindre trace de son habituelle assurance. Tout ce que je vois là, c'est une loque que même une petite cuillère ne pourrait pas ramasser. Il me faudrait plutôt une louche.

– … Ça va ?

Et évidemment, le seul truc que j'arrive à sortir c'est la question la moins pertinente dans une situation pareille. Bravo Mika, tu gères, continue comme ça.

Lan Yue renifle, et ses yeux quittent le refuge de ses bras pour se perdre sur les deux tombes improvisées.

– Ça va. Ça va comme un type qui a perdu son crush et son amie en moins de vingt-quatre heures.

J'ai pas envie de répondre par une connerie encore plus grosse que moi, alors je me contente de m'asseoir à côté de luel – bordel de merde la neige passe à travers mon pantalon mon cul va être trempé. Fantastique.

J'ai pas de mouchoirs, j'ai pas envie de le toucher et encore moins qu'il me reprenne dans ses bras. Tout ce que je peux faire, c'est attendre qu'iel se calme un peu.

– … Je sais plus si je peux faire confiance à qui que ce soit, finit-il par lâcher.

Bah en même temps c'est un peu ta faute, mon gars. Quelle idée de faire confiance aux gens à la base.

– Sans offense, tu pourrais tout à fait me tuer là maintenant tout de suite.

Bah tiens. Avec ma carrure de caniche ? Ça m'étonnerait mais bon, on sait jamais j'imagine.

– Et me faire accuser directement après ? Dis-le tout de suite que je suis débile.

– Mais nan mais tu m'as compris.e. C'est juste… j'aurais peut-être pas dû faire confiance à Hibiki tout de suite. On se connaissait pas avant d'arriver ici, j'aurais pas pu prédire qu'elle…

– T'aurais rien pu prédire même si ça avait été quelqu'un d'autre, Lan Yue.

Donc stop de t'apitoyer sur ton sort, à un moment. Que tu sois triste ok, mais arrête de te prendre la tête pour des trucs que t'aurais pas pu empêcher, bordel.

– Ouais… J'imagine que t'as raison. Les révélations sur le père de Benedikt, ça m'a fait un choc aussi. Déjà parce que le gars a essayé d'implanter le Désespoir dans ses propres gosses, et ensuite parce que ça fait au moins un an et demi que j'aime…

Son visage se tord à nouveau, et iel retire ses lunettes pour s'essuyer les yeux.

– … Que j'aimais Benedikt et que je savais rien de lui.

Oof. L'usage de l'imparfait fait mal. Détourner le sujet c'est peut-être pas la meilleure des idées par contre. S'il en parle, c'est peut-être qu'il en a besoin. Autant être franc du coup.

– Pourquoi lui d'ailleurs ?

Iel se retourne vers moi, l'air surpris.

– Hm ?

– Pourquoi Benedikt ? Je juge pas tes goûts hein…

Si.

– Mais qu'est-ce qui a provoqué, genre, l'étincelle ? Si ça te fait pas trop de mal d'en parler.

Au moins, la question lui arrache un sourire. Il rougit un peu et se passe une main sur le visage.

– Ha… C'est tout con, vraiment. Il y avait un talent show organisé par Hope's peak et j'y ai participé, évidemment.

"Évidemment". Imagine aimer être le centre de l'attention.

– Il était au premier rang, je le connaissais de vue parce qu'il était dans la promo après la mienne. Et… Il m'a regardé. Genre, vraiment. Il a regardé, j'ai croisé son regard, et dedans il y avait pas la moindre trace de jugement.

Ael doit avoir capté mon haussement de sourcils dubitatif parce qu'il se met à rire.

– Ouais, je sais, venant de lui c'est surprenant. C'est justement pour ça que j'ai commencé à m'intéresser à lui, à comment il voyait certaines choses. On va pas se mentir, sur beaucoup de points c'était un immense enfoiré. Mais c'était un putain d'artiste. Je sais pas si tu l'as déjà vu à l'œuvre ?

La machine à laver. Les initiales. Sa démonstration en remerciement pour l'avoir aidé avec sa lessive à la con. Quelques heures où j'ai eu l'impression de le comprendre un peu mieux, effacées pour toujours par des paroles irréfléchies et une main vengeresse à la gâchette facile.
Je déglutis, péniblement.

– Ouais. C'était beau.

– Exactement. Et il voyait tout comme ça. Tout valait le coup, tout était passible d'être de l'art. Il m'a posé quelques questions sur mon spectacle, dans cet optique, mais après ça il ne m'a jamais reparlé plus de quelques minutes.

Son sourire vire à l'amer.

– C'était ma performance qui était intéressante à ses yeux. Pas moi.

Coup dur, j'imagine. Je dis j'imagine parce que j'ai du mal à comprendre. J'ai jamais été amoureux.e de personne et personne n'a jamais été amoureux de moi. C'est pour le mieux, à mon avis. L'amour ça a toujours une fin, et en général elle est mauvaise.

– Je sais pas si tu devrais le prendre personnellement. Me semble que les humains en général n'avaient pas beaucoup de valeur à ses yeux.

– Oh, il y en avait bien un.

De nouveau, ce sourire crispé, cette douleur à peine exprimée dans une mâchoire contractée.

– Judicaël est arrivé en 2021. On s'est tout de suite bien entendus, et comme je traînais souvent vers Benedikt parce que le crush yada yada, j'ai fini par apprendre qu'ils se connaissaient d'avant.

Je me rappelle vaguement l'Activiste mentionner quelque chose du genre lors de l'interrogatoire. Un truc à propos d'un internat.

– Ils se sont rencontrés où exactement ?

– … Eh. Vaut mieux que tu demandes à Judi. Ils étaient en quelque sorte proches, sauf qu'en 2021 ils s'entendaient plus du tout. Même si j'ai vite capté que si Benedikt était aussi agressif envers Judi, c'est parce qu'il assumait pas ses sentiments, haha. Donc je l'ai bouclée.

Son seum est palpable. J'y connais rien en amour mais je me doute que ça doit pas être plaisant quand ton crush est lui-même en crush sur ton meilleur ami.

– T'es jaloux de Judicaël ?

La question qui fâche. Après, ça m'inquiète surtout. On a déjà eu un meurtre par vengeance, alors ce serait bien qu'on n'en ait pas un par jalousie.

– Un peu, admet Lan Yue. Mais honnêtement, c'est pas si grave. D'un côté, il est plus important pour moi que Benedikt. Je veux dire, je tiens plus à mes amis qu'à des gens qui ne m'aiment pas en retour.

– … Je comprends toujours pas, n'empêche. Benedikt te calculait pas, avait des opinions contraires aux tiennes et crushait sur ton meilleur pote, mais tu l'as toujours aimé malgré tout ? Pourquoi ?

Ça me semble juste incroyablement stupide, voire destructeur. Une pure perte de temps et d'énergie. Et pourtant Lan Yue me sourit, tristement. Ses yeux sont toujours empreints de cette foutue sincérité qui le caractérise depuis le début.

– J'en sais rien, Mika. Benedikt était lui-même. Et moi je l'aimais. C'est aussi simple et aussi compliqué que ça.

Son regard se reporte sur la croix en bois, et ses épaules s'affaissent sous un poids invisible.

– Mais ça sert plus à rien de me prendre la tête là-dessus maintenant. Il est mort. Si ça se trouve, c'est moi lae prochain.e, qui sait. C'est peut-être pour ça que je te cause de tout ça… Pour que je sois plus le seul à savoir.

L'idée me fout des frissons. C'est comme lorsque Hibiki m'a demandé d'apprendre l'anglais à Tritri, ça. Je veux pas prendre sur mes épaules le poids de trucs que je serais le seul à savoir.

– … Pardon, c'est super déprimant. Ça me fout un peu le cafard de vous imaginer en train de m'enterrer. Je crois que je préférerais qu'on me crame et qu'on me disperse dans le lac.

– Ouais, moi aussi… Pas envie de servir de repas aux trucs qui grouillent là-dessous.

– On doit pas avoir très bon goût en plus. Même si je pense pas que les lombrics aient un régime très gastronomique.

Il lâche un rire, et je souffle un peu par le nez. C'est complètement absurde. Ça m'angoisse moins de parler de notre enterrement éventuel que du futur qui nous attend.
Cela dit, je commence à atteindre ma limite. J'ai tellement fixé les tombes que j'en ai la nausée.

– Je vais rejoindre les autres. J'ai la dalle.

– Ça marche ! J'arrive bientôt, tu pars devant ?

De nouveau debout, j'observe la personne assise à mes pieds. Ses yeux, rougis par les larmes, de nouveau perdus dans le vague.

– … Ouais. À plus, Lan Yue.

Je ne lui dis pas "à tout de suite". Parce que je suis quasiment sûr.e qu'iel ne nous rejoindra pas de sitôt. Le chagrin lui colle à la peau, masse noire et poisseuse prête à tout engloutir. Iel ne me répond même pas, d'ailleurs.

Et au lieu d'insister, je m'enfuis d'un pas rapide. Parce que sa solitude est répugnante. Cette attitude léthargique devant ce qui reste des morts est répugnante.

Alors je m'enfuis, parce que je suis presque sûr.e que si je reste, je serais infecté.e aussi.

______

Je vous ai manqué ? :D

Eh oui, après quasiment trois mois de syndrome de la page blanche, je suis enfin de retour ! Au rythme d'un chapitre par semaine pour l'instant.

Moi-même et mes fidèles assistants seront là pour taper régulièrement la discute dans les notes d'auteur-

Benedikt : ... Assistants ??

Hibiki : Ah bah vlà autre chose.

Écoutez, vous êtes morts, faut bien que vous serviez à quelque chose ! De quoi vous vous plaignez, vous avez une sépulture décente maintenant en plus.

En tout cas j'espère que vous ne vous êtes pas trop lassés de m'attendre et que vous apprécierez les chapitres à venir :D

Bobye-

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top