Chapitre I (4) : Ta main glacée jusqu'à l'ongle
– Wow. C'était pas cool, Mika.
Merci, Lan Yue, pour la culpabilité supplémentaire. Tout juste ce dont j'avais besoin. Il a raison après, mais il était pas obligé de le dire, quoi. Heureusement que ni Hibari ni Theodosia n'étaient présents pour voir ça, je me serais pris un sermon jusqu'à minuit.
– Je sais, je grogne. Je m'auto-flagellerai quand on aura fini de ravouiller cet étage. Content.e ?
Iel soupire, mais a la présence d'esprit de ne pas insister. Ou bien iel sent bien que ça sert à rien de me parler alors que je suis dans cet état. Et iel a raison.
Benedikt et Hibiki nous attendent devant une porte un peu à l'écart de la piscine, semblable à celle trouvée dans la cuisine. Elle est agrémentée d'un dessin d'Hibiki et d'une inscription en arabe : مختبر فنان الوشم النهائي هيبيكي هيبيكازي. Laboratoire d'Hibiki Hibikaze, ultime tatoueuse.
– C'est le mien ! exulte la concernée, les yeux brillants, avant de sortir en toute hâte son portable et de le placer devant le scanner.
Un petit déclic retentit, et lorsque Hibiki abaisse la poignée, la porte s'ouvre sur une pièce plutôt petite, mais assez haute de plafond, et surtout remplie à craquer. Des tas de dessins tapissent les murs, et les tables et étagères sont recouvertes de divers instruments, pigments ou produits nécessaires à la conception d'un tatouage. Au milieu trône un siège semblable à celui d'un dentiste, ainsi qu'une table du style bloc opératoire. Des posters de différents artistes sont placardés partout. Je m'avance un peu dans la pièce, avec l'impression d'entrer dans un sanctuaire. Hibiki a un sourire que je ne lui avais jamais vu jusque là, tiens. Je ne pensais même pas qu'elle pouvait faire autre chose qu'un rictus.
– Wow, y a même une enceinte !
Elle s'empresse de mettre de la musique, un truc de Queen dont j'ai oublié le titre, avant de manipuler les instruments avec une délicatesse surprenante.
– Eh, y a pas quelqu'un qui veut un tatouage, genre là maintenant tout de suite ? J'ai les doigts qui fourmillent !
– Si je peux te commander un design, ça sera avec plaisir ! s'exclame Lan Yue sans une seconde d'hésitation.
– Non merci.
Le refus est unanime de mon côté et celui de Benedikt. Les deux autres en revanche semblent déjà très absorbés et commencent à parler à toute vitesse de concept, couleurs et autres designs. Je n'ai même pas besoin d'échanger un regard avec Benedikt, un accord tacite se passe entre nous et deux secondes plus tard, nous voilà de retour dans l'immense salle au plafond de verre. Tant pis pour la règle de groupe. Au moins, avec lui, on pourra marcher en silence.
Il y a une autre porte de l'autre côté de la salle, cela dit. J'entends des voix à l'intérieur lorsque je m'approche. Alors que Benedikt me suit, je lis l'inscription sur la porte. C'est le même schéma. Un dessin de Theodosia sur la porte, et une inscription en grec. Εργαστήριο της απόλυτης φυσικοθεραπεύτριας, Θεοδοσία Χόιλ. Laboratoire de l'Ultime Kinésithérapeute, Theodosia Hoyle. Je frappe quelques coups, et le visage d'Hibari apparaît dans l'encadrement. Voilà où ils étaient passés ! Il me sourit, plus chaleureusement qu'hier, et je sens mon cœur faire un bond. Mais Benedikt semble se tendre derrière moi.
– Rebonjour. J'imagine que Hibiki est en pleine exploration de son laboratoire ? Entrez alors, venez voir.
Il ouvre la porte en grand, et nous voilà dans le laboratoire de Theodosia. Wow. L'ambiance n'a rien à voir avec celui d'Hibiki. Ici, tout est dans les tons bleu pastel, il y a une table d'examen rembourrée et à l'air confortable à droite de la pièce, et le reste n'est que plantes vertes, posters représentant le corps humain et tableaux de paysages paisibles. Je me sens presque comme un étranger dans ce décor tranquille, surtout avec la musique douce en arrière-plan.
Assise sur la table, Ema balance ses petites jambes dans le vide. Theodosia, juste derrière elle, la surveille du coin de l'œil tout en inspectant les livres sur les étagères.
Je sais pourquoi je me sens mal. Theodosia n'a pas assisté à l'altercation avec Noelle. Elle n'a pas vu ce que j'ai fait. Même si Ema lui a sans doute tout rapporté, la petite fouine. Elle se retourne vers moi, et je sens tout mon corps se crisper. Je vais me faire engueuler, c'est sûr.
– … Mika ? Ça va ?
…
Hein ?
Je redresse un peu la tête. L'expression de son visage est douce, il n'y a pas la moindre trace de colère.
Je lance un regard incrédule à Ema, qui me lance un regard de sale gosse. "Tu me revaudras ça", voilà ce qu'il veut dire. Mais quelle petite-
– Tu ne te sens pas bien ? Tu es un peu pâle.
Oups. Voilà Hibari qui s'y met. Je tente de me composer une expression qui me fera moins ressembler à un lapin pris dans les phares d'une voiture.
– Si si… Un peu fatigué.e, c'est tout. Et puis, c'est ce labo, ça donne envie de roupiller.
Ça, c'est pas un mensonge. L'ambiance est vraiment apaisante. Et puis c'est drôle de voir Benedikt fixer l'aloe vera pour dissimuler son malaise. Enfin, quelqu'un du même QI que lui. C'est si beau, j'en pleurerais presque…
Nan. Pas moyen.
– Ça tombe bien, parce que tu vas devoir y venir souvent dans quelques temps.
Euh. Pardon ? C'est quoi encore ce bail ?
– Ton bras, il va bien falloir que tu t'habitues à l'utiliser de nouveau. Ça me connaît, les exercices de rééducation.
Aaaah. Bon, si c'est que ça. C'est même plutôt bien.
– Bah écoute, heureusement que c'est agréable alors…
Mais mis à part ça, on a vite fait le tour de la pièce. Et l'ambiance commence à peser entre Hibari et Benedikt, donc il est peut-être temps d'y aller.
Le temps d'inventer une excuse foireuse et nous voilà dehors, mais une fois sortis de la verrière, Benedikt s'arrête et soupire.
– Bien. Sur ce, c'est ici que nos chemins se séparent.
Il me fait quoi, là ? Theodosia a bien dit qu'on devait rester en groupe, même si bon, le nôtre est déjà coupé en deux.
– Tes manières m'insupportent. Alors si le but est d'éviter un meurtre, c'est mieux que l'on fasse cavaliers seuls.
Ah bah ça fait plaisir. Il a pas arrêté de critiquer les autres, mais visiblement, moi aussi je ne suis qu'une mauvaise herbe à ses yeux. Il veut qu'on parte chacun de notre côté ? Bah avec plaisir, connard. Mieux vaut être seul.e que mal accompagné.e.
– Ok, je lâche sèchement. À un de ces quatre.
Je n'essaie même pas de capter sa réaction, et part à toute vitesse. Me revoilà tout.e seule. Pas que je m'en plaigne, au fond, c'est juste peu agréable de se faire jarter comme ça. Le silence est presque désagréable, maintenant. L'anneau de Noelle pèse lourd au fond de ma poche.
Cela dit, le silence s'évapore bien vite au profit de cris de joie et de peur mêlées. J'ai à peine le temps de me plaquer contre le mur qu'un bolide non identifié me dépasse à toute allure avant d'aller s'écraser contre le premier mur venu.
…. Qu'est-ce qui vient de se passer ?
Je fais quelques pas en direction du désastre, seulement pour découvrir Sora, Kiseki et Shun étalés les uns sur les autres dans ce qui semble être… des paniers à linge sur roulettes ? Et il y a un truc attaché à-
…. Des bouteilles de coca. Ouvertes. Et vides. D'immenses traînées gazeuses retracent leur trajectoire. Y en a qui s'amusent plus que moi.
Kiseki et Sora se bidonnent allègrement, même si lae dernier.e semble vaguement verdâtre. Shun, lui, est livide.
– PUTAIN ! VOUS EN AVEZ FOUTU PARTOUT !
Je réprime un ricanement mal avisé, mais j'en pense pas moins. Incapable de se décoincer le cul, vraiment.
– Relaaaax, petit scarabée, j'ai tout ce qu'il faut.
Michiru s'approche tranquillement, tout en passant la serpillière sur le sol martyrisé.
– Je vous aurai bien rejoint, mais bon on va éviter de trop secouer le précieux petit paquet de cellules qui squatte mon utérus. C'était marrant au moins ?
– Ouiiii ! s'écrient Kiseki et Sora à l'unisson.
– NON ! braille Shun en essayant vainement de s'extirper de sous Kiseki qui ne semble pas très encline à se bouger. Tiens donc, est-ce qu'elle en profite ?
Dès qu'elle m'aperçoit par contre, son visage se décompose et s'empresse de se relever. Son changement d'attitude attire l'attention des trois autres, et le visage de Sora s'illumine brièvement. Ça fait du bien, un peu.
– Mika ! T'es tout.e seul.e ?
– Mes partenaires m'ont un peu abandonné.e, comme tu peux le voir.
Il me semble entendre un petit "tu m'étonnes" marmonné par Shun, mais on va dire que c'était juste un acouphène.
– Vous faites quoi ?
– On a trouvé la buanderie ! Il y a plein de machines à laver, une pour chacun de nous, des cordes à linge, des sèche-linge… et le labo de Shun est juste à côté ! C'est un peu le rayon nettoyage de Carrefour avec un salon et une machine à café au milieu.
Carrefour ? C'est quoi ça ? Peut-être une sorte de Walmart français, au vu du contexte…
– Et du coup on a trouvé ces paniers à roulettes, Kiseki a ramené du coca et des mentos de la cuisine, et nous voilà ! conclut Sora.
Iel se redresse sur ses pieds, mais tangue légèrement, et avant même qu'iel n'ait le temps de dire ouf, je l'attrape par le bras pour lae soutenir. Iel me fixe en clignant des yeux. Merde.
Je lae lâche en sentant mes joues chauffer.
– Fais gaffe…
– D-Désolé ! C'est mon oreille interne, elle est un peu messed up, j'ai pas un équilibre très très stable, mais j'ai l'habitude, faut pas t'inquiéter, vraiment !
Sora parle à toute vitesse, ce qui ne fait qu'empirer mon embarras, d'autant plus que Michiru nous fixe avec un regard lourd de sous-entendus. Sérieux…
– Perso je suis passé.e par la piscine, soufflé-je en jouant nerveusement avec ma tresse. Et on a trouvé ton laboratoire en explorant la cuisine. Je crois que c'est tout ce qu'il y a à voir sur le rez-de-chaussée ?
– Bah… E-En fait…
Kiseki se gratte le poignet, et se recroqueville à peine ses yeux croisent-ils les miens. Mais c'est bon, je vais pas la mordre, pas besoin d'être aussi timorée… Elle est passée où, la fille qui m'a entraînée sans hésitation dans la forêt avec Hibiki, quelques jours auparavant ?
– Vas-y, Ayase, je vais pas te bouffer.
Ça sonne plus sec que ce que j'aurais voulu. Kiseki se crispe.
– … I-Il y a une autre pièce, plus loin, mais…
– Mais c'est hors de question d'y entrer, continue Shun, toujours un peu pâle. On sait ce que c'est, pas besoin d'en voir plus.
– Judicaël a tenu à l'explorer, par contre, souffle Sora. Il est toujours là bas avec le groupe de Noelle.
Évidemment. Il faut que je tombe sur elle, tout le temps. Cela dit, je me sens vaguement intrigué.e par cet endroit qui a l'air de terrifier les autres à ce point.
– Je vais aller jeter un œil quand même, déclaré-je.
– Bonne merde, ironise Shun en me laissant un regard clairement hostile. Restes-y pas trop longtemps, hein.
Qu'est-ce qu'il veut dire par là, je me demande. Le connaissant, ça n'est pas par inquiétude. Malgré tout, je pars après un bref salut à la compagnie, pas forcément désireuxe de m'attarder auprès de Kiseki et de son regard de bête traquée, ni de Shun qui visiblement veut ma tête, ni de Michiru ou Sora, surtout après les conversations de ce matin.
Je passe devant la buanderie, et quelques mètres plus tard, j'atteins le bout du couloir. C'est une impasse, il n'y a qu'une porte en fer à doubles battants. Devant, Mao et Tritri sont assis, le premier est en train de montrer une vidéo sur son portable à la seconde, son visage blasé inchangé, sinon un peu plus détendu. Je m'approche.
– … Hey.
Tritri sursaute au son de ma voix. Mao redresse la tête, et me fixe de nouveau avec cette lueur de vague mépris dans ses yeux noirs.
– Ah. C'est toi. Si ça t'inquiète, Vincent et Levavi sont déjà repartis. On attend juste Maekawa. Pas que j'en ai envie, c'est juste que si elle ne ressort pas, on va être emmerdés et ça va me retomber dessus.
Son petit ton suffisant me tape sur les nerfs, mais on va essayer de paraître un minimum sympa. Au moins, je suis sûr.e de ne pas recroiser Noelle à l'intérieur.
– Ok. Merci.
Ouais, là j'ai dû avoir l'air bieeen aimable. Au moins autant que cette porte.
Mao ne prend même pas la peine de me répondre, et relance sa vidéo avec le son au maximum. Dis-le tout de suite si je dérange, hein.
Je pousse la porte en fer, extrêmement lourde pour mon bras dépourvu de muscle, et j'ai à peine le temps de me glisser dans le minuscule entrebâillement que j'ai créé avant qu'elle ne se referme dans un bruit qui me fait grincer des dents.
Instinctivement, je me recroqueville. Il fait froid, presque autant qu'à l'extérieur de la tour, je dois mobiliser toutes les forces de mon corps pour ne pas claquer des dents. Le froid forme presque une brume glaciale dans la pièce, d'ailleurs très peu éclairée. Quelques ampoules irradient une faible lumière bleue, sur… des casiers. Une rangée de casiers en métal. Je sens un frisson me secouer alors que je m'approche prudemment de l'un d'entre eux, et je sais très bien que c'est pas à cause du froid.
Il y a des plaques nominales sur les casiers. Je m'approche un peu plus près encore, pour lire la première.
001 - Calliope, Altaïr Ionnanis.
…. Quoi ?
J'entrouvre le casier, qui s'ouvre comme un tiroir. Vide.
Évidemment qu'il est vide, Mika. Évidemment, qu'est-ce que tu crois…
Mais il est là quand même. Prêt à être rempli à n'importe quel moment.
Les numéros s'égrènent le long du mur.
002 - Manninger-Semmelweis, Benedikt Oliver Emilio.
003 - Aozora, Ema Haruka.
004 - Hagane, Hibari.
005 - Hibikaze, Hibiki Malika Zineb.
006 - Levavi, Judicaël Matthieu.
… Et la liste s'étale. Vertigineuse. Des casiers vides, mais prêts à l'emploi. Au cas où on aurait oublié qu'on est dans une tuerie. Il y a même un casier à mon nom. Je comprends mieux pourquoi les autres ne voulaient pas y rentrer...
Quelque chose bouge à ma gauche.
Je manque trébucher sous le coup de la peur, et tourne la tête pour découvrir Eiji, qui fixe le casier en face d'elle. Bon sang, on a pas idée d'être aussi furtive dans un endroit pareil ! J'ai cru voir un fantôme, surtout dans cette lumière. Elle me remarque, et ses yeux que je n'arrive pas à lire glissent sur moi avant de revenir sur le casier en face d'elle. Je lis la plaque, en même temps qu'elle.
012 - Vincent, Noelle Jemima.
Un frisson. Heureusement que Noelle sait nager, sinon…
– …. Bientôt, une partie de ces casiers ne sera plus vide.
Elle était vraiment obligée de le dire ? Elle a raison, je le sais, mais ça veut pas dire que j'avais envie d'entendre ça. Du coup, je me contente de hocher la tête, et un silence extrêmement malaisant s'installe entre nous. Je n'arrive pas à détourner mon regard des casiers. Ils renferment la mort, et en ça, ils me fascinent autant qu'ils me rebutent.
Eiji me jette un coup d'œil, comme si elle attendait quelque chose.
Je le lui retourne.
Elle remet son gant en place, même s'il était déjà parfaitement enfilé.
Je tousse.
Elle recoiffe sa frange.
Je claque des dents.
Et elle ne tremble même pas. Comment elle fait ?? Moi, je me pèle le cul, ce qui m'oblige à gigoter sur place pour ne pas me transformer en sorbet.
– … T'as pas froid ? je finis par lâcher.
Elle tourne la tête vers moi, un peu trop vite, mais son regard fuit aussi sec.
– … Non.
Elle a juste un veston et une chemise sur le dos, donc soit sa peau est en fait une carapace, soit…
– T'as l'habitude des endroits froids ?
Elle replace une mèche de cheveux derrière son oreille, dans un geste presque… nerveux ?
– Oui. En quelque sorte.
Tiens, j'ai réussi à tirer quelque chose d'elle. Par contre, si elle ne me répond que par monosyllabes, on va pas aller bien loin dans la conversation. Et elle a l'air aussi douée pour taper la discute que moi. Faut dire que l'ambiance aide pas à se sentir à l'aise.
– Ah. Tu viens du nord, ou un truc du genre ?
– … Non. Je suis japonaise.
– Et y a pas d'endroits froids au Japon ?
– Si, bien sûr, Hokkaido, mais ce n'est pas de là que…
Elle s'interrompt, comme si elle était déjà en train d'en dire trop. Meuf, je commence à peine, là.
– Là où tu vivais au Japon, il faisait froid ?
– Pas particulièrement…
Bon. Alors comment expliquer cette accoutumance au froid ? Parce que je refuse de croire que c'est purement biologique.
Un déclic me vient, soudain.
– Ton école ?
Elle me lance de nouveau un regard nerveux, et cette fois, se contente de secouer la tête. Oulaaa, déjà qu'elle parlait pas beaucoup…
– … Alors, ton travail ?
Elle hésite, semble débattre quelque chose avec elle-même, puis finit par hocher la tête, un peu à contrecoeur. A-ha ! C'est une victoire pour le joueur portoricain. Cela dit… c'est bizarre, qu'elle se soit mis.e à travailler si jeune. Je sais bien que les ultimes sont pas tout à fait normaux, moi-même j'ai commencé tôt. Mais Eiji… il y a quelque chose d'autre.
- Maekawa, t'as quel âge au juste ?
– … J'aurai dix-sept ans en août.
Wait. Ça veut dire qu'elle est plus jeune que moi ?? Je la pensais plus âgée. Genre, beaucoup plus âgée. C'est pas normal du tout, une telle aura émanant d'une gamine.
– Tu fais, hum… beaucoup plus mature.
– Vous… trouvez ? C'est juste… mon travail qui veut ça.
Elle a l'air carrément embarrassée maintenant, c'en est presque surprenant. Elle est toujours tellement posée, j'en crois à peine mes yeux.
– Donc, si t'as un travail… T'es sortie de l'école tôt ?
Pas de réponse. Ça doit être autre chose.
– Ou bien… t'y es pas allée ?
Elle hoche la tête à nouveau. Bingo. Elle tripote de nouveau son gant, les yeux baissés. Je réprime un sourire.
– T'as pas eu beaucoup d'amis dans ta vie, toi, si ?
Je suis peut-être un peu dur.e, mais si je suis pas assez directe, elle trouvera un moyen d'esquiver la question. Et maintenant que j'ai réussi à amorcer une conversation avec elle, je vais pas abandonner de sitôt.
Son visage pâle vire au rouge, et elle me regarde enfin. Elle a l'air incroyablement déstabilisée, et ça a quelque chose de très satisfaisant. En fait, c'est juste une énorme dork sans expérience sociale. Un peu comme moi, mais le level encore au-dessus.
– N-Non, c'est vrai. J'ai grandi plutôt isolée, avant Hope's peak… et même là-bas, je ne connaissais pas grand-monde. Enfin, à part…
Elle rougit encore davantage, et se tait. Ça doit être la phrase la plus longue qu'elle ait articulée depuis le début de la conversation… Voyons si on peut lui arracher la fin.
– À part ?
Elle se redresse, le visage toujours rouge, et se détourne légèrement des casiers.
– J-Je vais retourner auprès de Mao et Tritri. Ce n'est pas un endroit où je devrais m'attarder. Et vous non plus, Mika. Passez une bonne journée.
Et la voilà partie, presque en courant.
C'était… chelou, comme conversation. Si on peut appeler ça comme ça. Mais c'était un peu drôle, aussi. Elle est moins imposante, quand on sait que c'est juste une gamine qui essaie simplement de se montrer mature devant les autres. Cela dit… J'ai toujours l'impression d'être face à un puzzle que je ne peux pas compléter. Il me manque des pièces.
Elle a raison sur un point, je ferais mieux de sortir d'ici. J'ai l'impression que ces casiers vont s'ouvrir à n'importe quel moment pour m'aspirer.
Je balaie distraitement les plaques du regard, une dernière fois.
… Il y a quelque chose qui cloche.
Je les regarde à nouveau, sans pouvoir me défaire de l'impression que quelque chose manque.
Et puis
J'arrive à la dernière plaque. Numéro 016, celle de Tritri. Ça ne va pas plus loin.
La confusion m'envahit. Je ne comprends pas pourquoi Eiji a passé autant de temps à fixer ces casiers, puisque...
Aucun d'entre eux ne porte son nom.
____
Oulala que c'est mystérieux-
Voilà pour le premier FTE d'Eiji en tout cas :D
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top