Chapitre III (2) - Une poule sur un mur qui picotait du pain dur

TW : Mention de sexe et de troubles du comportement alimentaire.

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J'ai réalisé quand Arsinoé a timidement poussé la porte de mon chalet qu'il n'était pas 4 heures 48.

— Les filles, ça fait plusieurs jours là, ça va ?
— T'inquiète, assure Tahel avant de jouer avec sa boîte d'élastiques pour son appareil dentaire. On a papoté et ça a fait du bien à tout le monde, je crois.
— Ouais, on en avait besoin, dis-je avec un léger sourire.

La lumière brûle nos yeux rendus sensibles par notre réclusion. Le visage de Tahel se crispe alors qu'un rayon lui gicle sur le visage. Mes joues me brûlent vite, mais je me cache dans l'ombre de maman Shonar pour limiter les dégâts.

— J'ai fait de la poutine. La table est mise et j'voulais vous choper par la peau du cou avant de servir. Vous devez être mortes de faim.

Le rire sonore et disgracieux de la blonde met de la chaleur dans mon cœur.

— Tu gères, Arsinoé, s'écrie-t-elle d'un ton joyeux.

Je prends le temps d'enfiler mes jambes, et tant pis, allons manger en pyjama, plus rien n'a de sens, c'est devenu ma normalité. Sur le coup, Arsinoé n'a pas l'air très sûre de ma démarche volontaire et quelque peu exagérée, mais entendre Tahel continuer à s'esclaffer vaut bien le ridicule et le risque de me casser la figure.

Le soleil se lève réellement lorsque Akimune vient m'attraper par la taille et me serre entre ses bras. Je râle, pour la forme, avant de lever le visage pour quémander un baiser. Douceur. Tendresse. Plus rien n'a réellement de sens et puisque plus rien n'a réellement de sens, vivons.

Tu aurais dû mourir.
Tais-toi.

Je veux dire oui, oui, oui, oui. Oui à la vie. Oui, un oui qui tombe comme l'amour devrait.

Tu te berces d'illusions.
Arrête.
Tic-tac-tic-tac-tic-tac.

C'était la voix calme, grave, doucereuse. Précise. Concise.
C'était la voix de Lutz.

Je me fige entre les bras de mon copain, et lui doit s'en rendre compte. Il ne prend que ma main, et m'entraîne à table, avant de m'aider à me servir. Ce n'est pas lui. Tous les hommes ne sont pas lui. Tahel s'installe de l'autre côté, pour roucouler avec Seung-Il je suppose, avant de se faire repousser avec une sécheresse assez surprenante.

— Le sevrage se fait mal, soupire Ernesto pour expliquer à sa copine mais quand même assez fort pour que ça atteigne mes oreilles. Du jour au lendemain, en même temps...
— Je t'aime mais ta gueule, réplique Seung-Il. Et puis vous savez quoi ? Je n'ai plus faim. Allez, j'retourne taffer.
— Seung-Il, attends, s'exclame Tahel en l'attrapant par le bras.
— TOI C'EST PAS LE MOMENT !

La fourchette en tombe des mains de LaToya et de la bouche d'Hotaru dans un tintement de métal. C'est... La première fois que Seung-Il hurle. Mais hurle vraiment. De colère. Sur Tahel. La Technicienne se fige. Tremble. Une larme coule sur sa joue. Il blêmit.

— D-désolé. Je suis désolé Tahel. D-d-d-désolé... Désolé...

Il se défait de sa prise, avant de s'enfuir. Akissi soupire, et abandonne sa place pour le suivre. Arsinoé lève les yeux au ciel, et ramasse les couverts superflus. Ernesto prend avec la plus grande des douceurs les épaules de Tahel, et l'aide à se rasseoir.

— J'ai vu l'aut' con suivi d'Akissi filer dans la salle info, dit Eugénie avec nonchalance alors qu'elle descend les escaliers en essuyant une trace au coin de sa bouche. Qu'est-ce qu'il s'est encore passé ?
— ...Rien, Eugénie, soupire la Femme au Foyer. Installe-toi, d'accord ?
— Ouais ouais...

Elle tient à peine debout, elle. Le hoodie crasseux de Stefan lui donne un air encore plus pâlot, d'autant plus que du roux pointe en repoussant les mèches brunes emmêlées sur ses épaules et son visage cadavérique. Elle se laisse tomber à l'écart, et s'avachit complètement sur la table. Akissi redescend, l'air dépité, avant de se rasseoir.

Hayat toussote.

— Avant que nous ne mangions et comme les principaux intéressés sont présents, je suggère qu'on commence à réfléchir au sujet de la médication, lance-t-elle. Vu l'état de Seung-Il, je pense qu'il faut en parler avant que d'autres personnes ne se mettent ainsi et que la situation ne devienne ingérable.
— Car si on en a deux comme ça, j'abandonne, soupire la Primatologue. Je suis d'accord avec Hayat.
— Et t'façon c'est soit on en parle maintenant, soit pas de poutine, lance Arsinoé en se plaçant derrière ces deux-là.

Nous avons donc face à nous le Cerbère. Cette idée me donne un sourire amusé, c'est terrible ce à quoi on songe parfois dans les situations graves. Il faut dire qu'elles ont toutes les trois des airs patibulaires et graves, avec leurs larges cernes, la voix de fumeuse d'Arsinoé, l'air toujours grave et sérieux d'Hayat, le visage consterné d'Akissi. Qu'elles gardent les Enfers ne me surprendraient pas.

— Qui a un traitement pour une... affection psychique, voire psychopathologie ? dit la Polyglotte qui pour une fois cherche ses mots. J'inclus aussi les neurodivergences.

Quelques mains se lèvent. Tahel. Hotaru. Akissi. Eugénie.

— D'accord, soupire Arsinoé en notant sur un petit carnet. On réglera ça après le repas, okay ? Entre quatre yeux quatre murs, et tout et...

Elle est soudain pâle. Hayat se lève, lui donne sa place sur le banc, et l'incline doucement sur l'épaule d'Akissi.

— Je m'occupe de servir, d'accord ?
— V... vas-y, Hayat, souffle-t-elle en clignant des yeux. Ouh là, j'me paie pas la traite là... Criss...
— Depuis combien de temps tu n'as pas fait de nuit complète, hm ? demande Akissi en lui caressant les cheveux.

Un rire amer de sa part.

— Imagine être femme au foyer et dormir, réplique-t-elle immédiatement. Ce soir les flots, j'm'en calisse je suis à bout, va falloir aider...
— Je m'occupe de tout, sourit Hayat en portant sans mal les deux plats de poutine.
— Comme si t'allais pas être complètement défoncée... M'enfin.

Hayat rougit légèrement, alors qu'elle commence à servir.

— Ma consommation de cannabis est très raisonnable, Arsinoé.
— Jiraïr disait ça, aussi.

Ses mots s'abattent comme une chape de plomb sur l'assemblée. LaToya se risque à toussoter, et relaie Hayat à la corvée.

— S'il-vous-plaît, s'exprime-t-elle avec une voix grêlée que je ne lui connaissais pas. S'il-vous-plaît, c-c'est douloureux pour tout le monde. Est-ce que... Vous pouvez au moins ne pas vous engueuler ?
— Stefan me manque, lâche Eugénie. Et Jiraïr. Et Mendel. Ils me manquent.

Akimune n'a pas entendu, il n'a pas réagi. Je suis à peu près sûre qu'il ne sait même pas ce qu'il se passe.

Loués soient les ignorants.

Je me blottis contre lui.

— Faut qu'on en parle de ça, dit-elle. Ensemble. Pas comme les médocs qui peuvent se régler entre quatre murs. Ensemble. Je fais un gros geste vers vous, là, alors gâchez pas ma confiance une fois de plus.
— C'est fort de café venant de ta part, réplique Ernesto sur un ton amer.
— Toi, la ferme, rétorque-t-elle en se redressant brusquement. LA FERME !
— STOP ! crie Tahel. A-Arrêtez !

Elle s'est mise à sangloter comme une petite fille. Hotaru abandonne sa place, en même temps qu'Akimune, et LaToya délaisse le service, pour essayer de la rassurer. L'impuissance me serre la gorge alors qu'Ernesto l'enlace doucement en l'embrassant sur le crâne, jusqu'à ce qu'elle se calme.

— Bon.

La voix éraillée de la Française me surprend, car elle vient de derrière moi.

— Tahel.

La petite blonde lève à peine la tête vers la Française, qui monte pieds nus sur la table comme une Pasonaria un peu ridicule, sous les yeux effarés d'Akimune qui la voit vaciller. Les jambes d'Eugénie sous sa jupe grise sont deux cures-dents à peines soutenus par des muscles presque morts et des os bien visibles, couverts de coupures, de blessures diverses. Plus de l'inattention que les larges coupures sur mon bras.

Je ne sais pas comment elle tient debout.

— J'ai réfléchi. Beaucoup. T'façon je dors pas faut que je m'occupe. Et...

Elle essuie une larme qui coule sur ses joues maigres.

— J'ai agi pour toi. Les violeurs, je supporte pas ça. Je viens sans doute d'un viol donc bon, quand tu m'as tout confié, fallait que j'agisse, explique-t-elle. Fallait bien que je fasse au moins un truc bien dans ma vie et je m'en battais les couilles des conséquences.
— Ginny...
— Akimune, chut, c'est moi qui parle.

Elle reprend son souffle.

— Mais Stefan, il savait ce que je risquais. Donc il a fini le travail. Il a fait ça pour moi. Pour moi, répète-t-elle alors que sa voix se brise. Et il est mort. Pour moi. Car il m'aimait. Et moi, je t'en ai voulu, car je croyais que c'était ta faute. Car je l'aimais aussi. Je suis pathétique, hein ? À rejeter la faute. Car c'est ma faute. Tout est de ma faute. Depuis le début. Tu ne mérites pas ma haine.

Elle essaie d'étouffer le sanglot qui la saisit, et se tait quelques instants. Comme pour nous prendre à témoins. L'Arnaqueuse se confesse et se repent.

Et nous sommes ses juges.

— C'était ma faute. Et j'ai persévéré car j'étais incapable d'accepter que la mort de l'homme que j'aime et qui m'aimait était uniquement de ma faute.

Ses yeux pâles s'ancrent dans ceux de Tahel.

— Je te demande pardon. Pour tout ce que je t'ai fait. Pour toutes les accusations. Pour tous les cris. Pour tout.
— Tu crois vraiment que...
— Ta GUEULE Ernesto, vocifère-t-elle soudain. C'est à TAHEL que JE parle.

Tahel sèche lentement ses larmes, s'écarte de son copain, monte sur le banc, et tend la main vers Eugénie. D'une voix pâteuse, avec un sourire pataud, et un air pathétique, elle dit :

— Je te pardonne.

Eugénie l'attrape, et descend avec précaution de la table. Et heureusement, car ses jambes la lâchent immédiatement après. Tahel écarte les bras, la fille maigre s'y jette sans aucune hésitation. Elles se parlent à voix basse, je ne peux pas entendre, mon cœur bat trop fort et couvre tous les bruits.

— J'en ai rien à taper que vous me détestiez, vous autres, s'exclame-t-elle soudain. J'ai réglé mes comptes.

Tic-tac-tic-tac-tic-tac.

Pourquoi est-ce que j'entends ce cliquetis de montre, maintenant ?

Jéhovah allie mousser.

Pourquoi ?

Qu'est-ce que...

— Sur ce, bon appétit, moi j'me casse, l'odeur me dégoûte déjà.
— Reste, Ginny, lance Akimune en l'attrapant par la taille alors qu'elle essaie de filer. Héhé, je te tiens !
— Abruti, pouffe-t-elle pendant qu'il la charge sur ses épaules comme un sac de pommes de terre.
— Tu restes, tu essaies de manger un peu, d'accord ?
—S'il-te-plaît, Eugénie, lance Tahel. Reste avec nous...
— Rah, je suis faible pour une jolie blonde, continue-t-elle de rire en même temps qu'Akimune l'assoit sur une chaise qu'il pousse dans un bruit de tous les diables. Bon sang, t'es sourd comme un pot et tu es toujours le plus bruyant.

Elle lui tapote la tête en continuant de rire.

— Brave, brave Akimune, le gratifie Eugénie avant de croiser les jambes comme une grande dame.
— Mon copain c'est pas ton chien, réponds-je sur un ton sec, agacée par ce qu'elle se permet.
— On rigole, Nhan, s'explique Akimune. C'est un jeu, t'inquiète !

Une fois la demoiselle installée, il vient se mettre à côté de moi, son menton se loge au creux de mon épaule alors que son sourire, que je ne vois que du coin de l'œil, illumine mon cœur et balaie en un instant toute ma verve.

Hayat achève le service, et le tintement du verre sur lequel elle tapote avec sa fourchette me vrille les tympans. Tahel sursaute comme un chat, et Eugénie ne retient pas un ricanement. La Technicienne lui tire la langue, l'Arnaqueuse lui répond par une grimace. Comme si nous étions des enfants qui n'avaient jamais été marqués par la vie. Comme si notre situation ne nous touchait pas.

« La seule façon de gagner, c'est de ne pas jouer », ce sont les mots de Stefan.
Est-ce que rire est la meilleure façon de se retirer du jeu ?
Rire, plaisanter, voir en l'autre un ami... est-ce se retirer du jeu ?

Akimune s'amuse à me donner la becquée avec la poutine. Je m'y prends, accepte de bonne grâce, et il faut dire que la nourriture est délicieuse, elle a le goût du réconfort, et peut-être est-elle encore meilleure puisque l'on prend soin de moi. Tout le monde se prend dans l'insouciance du moment. Un sourire naît sur le visage d'Ernesto quand Tahel vient l'étreindre. Hotaru converse, avec un peu de peine, mais se fait comprendre, et LaToya l'épaule à sa manière. Arsinoé s'endort sur l'épaule d'Akissi, qui nourrit un Momo déjà bien grand, assis sur ses genoux. Depuis quand le bébé chimpanzé est-il si grand ? Je n'ai pas vu le temps passer.

— Tu es bien dans la lune, Nhan, fait remarquer Eugénie en ancrant ses yeux pâles dans les miens. Où es-tu, petit être de lumière ?
— Je rêve.
— À quoi ?
— Ça te regarde ? réponds-je sans animosité.
— Nooon, mais je m'intéresse à ta vie, moi, rit-elle. Ou pas, ou pas, en fait je m'en fiche !

Elle mange une frite, presque sans y penser, et les commensaux se gardent bien de lui faire remarquer. Elle est si maigre, et la crainte de la faire culpabiliser de se nourrir doit tarauder les autres comme elle pique mon estomac.

Par miracle peut-être, après une bonne heure à festoyer, à rire, à boire du jus de fruit et manger des frites pleines de sauce, Eugénie n'a plus rien dans son assiette, et essuie sa bouche avec une serviette en papier. Elle regarde à l'extérieur, pensive, sans un mot. J'appuie ma tête contre le bras de mon copain.

— Tu es fatiguée ? demande-t-il.

J'agite la main pour lui faire comprendre que je le suis un peu.

— Les gars, Nhan est crevée, nous on se taille. De toute façon, c'est le tour d'Ernesto et Hotaru de lever la table et de faire la vaisselle !
— くそったれ !

Hotaru prend un air de sale gosse qui ne lui ressemble pas vraiment, alors qu'Akimune le fixe avec des yeux interloqués et ronds comme des soucoupes.

— Depuis quand tu parles comme ça, toi ! s'exclame-t-il. QU'AVEZ-VOUS FAIT DE MON PETIT HOTARU-KUN ?

Hotaru commence à rire, et Akimune se lève pour aller l'ébouriffer, et lui s'esclaffe de plus belle. Je me surprends à m'attendrir devant la scène, alors que je vais chercher le bras de mon petit-ami.

— Akimune, viens...
— Hm, hm, Nhan, mais j'vais investiguer ce qui se trame et qui a enlevé le petit poussin-
— Eh, je suis pas un pussin !
— Tu restes mon kōhai, si je veux t'appeler mon poussin tu es mon poussin, non mais oh, poursuit-il en ne pouvant garder son sérieux.

Passant son bras autour de mes épaules, il conclut :

— Sur ce, braves gens, nous nous heu... Merde, comment on dit ?
— On se casse, complèté-je avant de le prendre par la taille.
— Tout comme elle dit.

Eugénie nous fixe avec un sourire taquin, nous l'avons tirée de sa rêverie. Elle nous adresse un clin d'oeil, et nous partons vers mon chalet, et je l'embrasse contre ma porte. À l'intérieur, je l'embrasse encore, et encore, et encore, avant d'aller m'asseoir sur le lit. Et de l'admirer.

Romance sans parole. Je le laisse enlever ses piercings, ses bijoux, avec un léger sourire. Il reste juste maquillé, du noir qui souligne ses yeux, et il me jette un regard joueur. Pas besoin de se parler pour se comprendre alors qu'il se jette dans mes bras. Je ris, je sens ses lèvres dans mon cou. Mon ventre, mon corps me brûlent, et je tremble.

— Akimune, tu chatouilles !

Il s'écarte en me sentant gigoter. Il ne m'entend pas bien de toute façon, et maintenant sa manière de me contempler fait battre mon cœur. Sa main glisse sur ma joue, et je ne résiste pas à l'attirer vers moi pour l'embrasser. Je serre mes cuisses sur ses hanches, cédant pour le coller contre moi et...

Oh.

Il se redresse instinctivement, sans doute percevant ce qu'il y a maintenant entre mes jambes. Et les siennes.

— Oh.

Tu l'as dit. Un petit rictus malicieux naît sur son visage, et un petit rire dans sa gorge. Je me redresse, prends appui sur le mur pour m'y adosser. La dernière fois m'a... Marquée. En mal. Car j'ai eu mal et je me sens toujours honteuse de n'avoir pas réussi à... à le faire, enfin. De l'avoir poussé à tout arrêter. Et je m'en sens coupable. Son expression s'efface derrière une profonde inquiétude.

— Hey... On est pas obligés de faire quoi que ce soit, d'accord ? souffle-t-il. Je m'en fous et je te le reprocherai pas si tu veux rien faire, ok ? Je sors avec toi car je t'aime, pas pour coucher avec toi.
— Je... je sais, dis-je avant de soupirer. C'est juste que... Moi aussi, j'en ai envie. Mais j'ai peur d'avoir mal. Et la dernière fois...

Il vient s'asseoir face à moi, en tailleur.

— La dernière fois, t'as eu mal et ça te bloque. Je comprends, moi aussi ça m'est arrivé, avoue-t-il. Ma première fois, avec mon ex, on était deux ados en chaleur et on s'est sautés dessus. Et j'ai perdu au shifumi, et il m'a fait mal, et ça m'a sacrément bloqué pour être « en dessous » pendant un moment.

Il a un petit rire un peu gêné.

— Ce que je veux dire, Nhan, c'est que j'comprends ce que tu ressens. Et j'veux que tu saches que je te forcerai à rien, et que je te reproche rien, ok ? T'as pas à te sentir coupable. On peut faire d'autres choses. Le sexe ça se limite pas à la pénétration. Et heureusement, ajoute-t-il avec un sourire, car sinon on se ferait sacrément chier. J'ai... Pas vraiment d'expérience avec les filles, donc j'ai demandé des tips à Eugénie, mais j'ai surtout besoin que tu me guides pour que ça se passe bien, si toi aussi t'en as envie.
— Tu crois que j'ai de l'expérience tout court ?
— T'es la personne qui connaît le mieux ton corps, donc... Ouais. Ouais ouais ouais.

J'enlève mécaniquement mes manchons, puis mes prothèses. Il les range sans poser de question. Je le laisse faire, quelques instants, avant de défaire les boutons et les lacets de ma robe de poupée. J'en ai envie quand même. Je l'ai dit. Et je le pense.

Il revient vers moi, et quel n'est pas mon plaisir alors que je le vois rougir jusqu'aux oreilles. Un sourire naît sur mon visage, alors que je le regarde droit dans les yeux. Je ne suis pas la plus belle, je le sais. Je sais que j'ai du poids en trop, des poils que je trouve disgracieux, des petits seins, des vergetures, des petites cicatrices, et les marques du bronzage. Je ne me trouve pas belle. Mais... Lui, lui il me trouve belle. C'est tout ce qui compte pour moi à cet instant.

Je suis belle dans ses yeux.

Je suis désirable dans ses yeux.

Je suis belle et désirable dans les yeux du garçon que j'aime le plus au monde.

Je tends les bras vers lui, jusqu'à poser mes mains sur ses joues, mes lèvres sur les siennes. Sa bouche dans mon cou, sur ma poitrine, il est attentif à mes mouvements, aux frémissements de mon corps.

— Si ça va pas, tapote-moi deux fois sur la tête, souffle-t-il à mon oreille.

J'approuve en hochant la tête, comme il ne m'entend pas.

Tic-tac-tic-tac-tic-tac.
Il est 4 heures 48.
Il est pour toujours 4 heures 48.

Et lorsque je lève les yeux, le visage de David se superpose sur celui de mon amoureux qui me caresse avec douceur.
En un battement de paupière, la vie disparaît, et la pâleur du cadavre, ses yeux révulsés, le sang qui coule, coule, coule, s'imposent.

Je le repousse.

— Nhan ?

Akimune est là, inquiet, à genoux au pied du lit.

— J-je suis désolée, murmuré-je les larmes aux yeux. Je suis désolée. Je suis désolée. Je suis désolée.

Il s'approche un peu, écarte les bras, et je m'y jette sans plus y réfléchir.

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