Chapitre II (6) - Ô U, ô Ursule, pour toi mon amour mon cœur brûle

La pluie a cessé, mes moignons ont arrêté de me faire mal, j'ai eu mes règles, Tahel commence à s'inquiéter de manquer d'élastiques pour son appareil dentaire, et la chaleur écrasante du mois de juin commence à faire s'arracher les cheveux à Jiraïr qui se bat constamment en suant à grosses gouttes pour que son jardin ne meure pas. Ses daturas sont magnifiques. Arsinoé s'est mise aux confitures. Abricot, framboise, fraise... Tous les fruits du verger y passent.

Étrangement, je me sens presque... plus légère. J'ai moins envie de cracher mon sel et je me sentirais presque mieux dans ma peau. Comme si je pouvais oublier l'horreur de la situation. Tahel s'installe dans mon chalet, met de la musique sur la chaîne hi-fi qu'elle a pu retaper, et nous profitons de nos chaudes après-midis pour discuter et boire la citronnade de maman Shonar. Akissi m'entraîne parfois regarder les étoiles dans le ciel, et ma tête contre son épaule, ça fait du bien. Mon coeur bat plus doucement, et tout se tait dans ma tête. Nos jours de juin me paraissent si beaux... En m'endormant, j'en ai les larmes aux yeux. Je ne mérite pas ce calme. Cette quiétude. Je ne mérite pas de me sentir si bien dans cette situation si horrible. Et au réveil, une nouvelle personne vient me voir. Seung-Il qui m'aide à coudre pour mes miniatures, je ne le savais pas aussi calé sur l'histoire de la mode et du costume. LaToya chasse le silence de sa voix magnifique. Hotaru toque timidement à ma porte, et j'aime voir ses yeux briller devant mon travail. Ernesto me tapote la tête, et j'ai l'impression d'avoir un grand frère.

Puis Akimune...

Ah, Akimune.

Il m'apporte des fleurs, il rit, il est là et c'est tout ce qui compte vraiment. Un soir, j'appuie ma tête contre son torse, je sens sa poitrine se soulever au gré de sa respiration, il caresse mes cheveux, son autre main se pose sur mon épaule. Je ferme les yeux. Les battements de son cœur me berce. Je me sens bien. Je me sens en sécurité. Je m'endors, je n'ai jamais aussi bien dormi. Le matin suivant, il est toujours là, je trouve presque mignon le maquillage qui a coulé sous ses yeux.

— Bien dormi ? murmure-t-il d'une voix rauque.
— Plutôt...

Je souris. Il a des airs de panda, c'est mignon. D'habitude, je n'aime pas vraiment l'odeur de la sueur, et en raison de notre adolescence et de la canicule nous transpirons énormément, mais... Avec lui, ça ne me dérange pas. Et je me trouve toute bizarre d'avoir ce genre de pensées. Pourquoi est-ce que j'ai envie de rire lorsque je suis contre lui ? Je le démaquille tranquillement. LaToya nous lance des petits regards lorsque nous la croisons.

Il faut dire que je fais beaucoup de choses avec Akimune en ce mois de juin. Et... C'est un petit rêve. Il fait naître un sourire sur mes lèvres. J'en oublie tout, je fais de ma vie des cocottes en papier et des roses en tissu. Celle que j'ai offerte à Tahel a fini dans les cheveux de Seung-Il.

Un soir, à la fraîche, Jiraïr a lancé les hostilités en jetant un verre d'eau au visage d'Arsinoé. Qui lui a renversé la carafe sur la tête. Résultat : bataille d'eau et de nourriture. Monokuma a rejoint la partie, j'ai fini dans l'évier, couverte de sauce tomate, à rire à gorge déployée. J'ai moins ri quand il s'est avéré que c'était mon tour de ménage le lendemain. J'ai encore moins ri quand j'ai vu Hayat sortir la serpillière. Tout ne peut pas être parfait. Je sais que... Ce n'est pas raisonnable. Mais j'ai peur d'elle depuis notre dernière interaction. Ce n'est pas rationnel. C'est stupide. Ça me paralyse et...

— Hayat ! Viens voir !

La petite voix enthousiaste d'Hotaru me libère de cette ambiance poisseuse. Hayat lève la tête pour le voir lui, sa petite silhouette toute fine et son petit visage tout pâle malgré le soleil cuisant, avec un air attendri. Hotaru entre dans le réfectoire, et m'adresse un sourire doux qui me fait chaud au coeur. Ça me fait du bien de me dire qu'il doit m'apprécier, même si ce n'est pas forcément la vérité et que ses escapades dans mon antre doivent plus relever d'une certaine curiosité que d'un réel attachement je veux me convaincre qu'on m'aime.

— Bonjour, Nhan-san. Cette robe te va bion.

Son air gentil est tout simplement désarmant. Mon visage me brûle. Ahah. Je le regarde prendre la main de la polyglotte, et l'entraîner au dehors. Hotaru est bien loin de sa timidité maladive avec Hayat dans les parages... Je ne serai pas surprise s'il s'avère que ces deux-là soient en couple. J'ai comme un pincement au cœur. Comme si je savais que personne ne tiendrait à moi de la sorte.

Mais ce petit nuage sur mon humeur est chassé par un rayon de soleil qu'amène une certaine primatologue, une panière de linge entre les mains et un chimpanzé accroché à son dos. Akissi pose les vêtements secs sur une table propre, et s'assoit sur un banc. Je remets la serpillière dans le seau, et avance vers elle.

— Vous avez fait un sacré travail, avec Hayat.
— On y est depuis ce matin 8 heures, tu sais, soufflé-je en m'installant face à elle. Mes genoux ne me portent plus.

Les yeux de mon amie se perdent sur mes prothèses, bien visibles.

— Et toi, avec la lessive ?
— Il fait tellement chaud que ça sèche en deux heures, sourit-elle. Ça me rappelle presque Abidjan, tu sais.

Les trois premiers boutons de sa chemise sont défaits, mon attention se prend malgré moi sur cette parcelle de peau découverte, un décolleté très léger. Elle est... Juste à couper le souffle. C'est la réflexion que je me fais alors qu'elle passe sa main dans ses cheveux crépus qui semblent avoir bien poussé. Mon cœur se liquéfie devant son léger sourire lorsque Momo monte sur ses genoux. Non je ne panique pas. C'est faux.

— Monokuma a étendu une bâche par terre, il nous a dit que c'était pour dormir à la belle étoile à partir de ce soir, reprend-t-elle en détournant légèrement le regard. Le... contexte ne s'y prête pas forcément mais... Ça doit faire un mois qu'il n'y a eu ni meurtre ni escarmouche entre nous en dehors de l'anniversaire d'Hayat...

Je sens une boule dans ma gorge naître à l'évocation de cet événement. Je me sens presque plus coupable d'avoir fait un scandale pour les dix-huit ans de la polyglotte que pour l'exécution du joueur. Comme par hasard, les deux sont liés à Eugénie. Je crois que j'ai besoin de me dire, pour me rassurer, que cette fille est un aimant à emmerde.

Alors que c'est moi, l'emmerdeuse.

— Mais dis, Nhan... Ça te dirait de venir dormir avec moi, ce soir, à la belle étoile ?
— Toutes... toutes les deux ?
— Oui ! dit Akissi un peu vite. Enfin... Il y aura tous les autres qui voudront dormir dehors, et à mon avis ça veut dire la majorité des gens ici... Il y aura un feu de camp, apparemment.

Mendel et Jiraïr entrent dans le réfectoire en riant et se tenant la main. Ils prêtent à peine attention à nous, et filent en cuisine.

— Pourquoi pas, réponds-je à voix basse avec un léger sourire sur le visage.
— Super ! Bon...

Elle regarde son linge, et soupire.

— Je vais devoir aller ranger ça avant qu'Arsinoé ne me tombe dessus. À toute à l'heure, Nhan, souffle-t-elle avant de me faire un bisou sur le front et de partir.

Attends. Akissi. Reviens. Reviens. Pourquoi un bisou sur le front ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi ? Reviens ! Reviens !

Aucun mot ne sort de ma bouche. Mon cœur bat vite, trop vite. Mes yeux suivent ses pas alors que je me trouve immobile, médusée, sur ma place, sans savoir quoi faire. Je ne comprends plus. Je ne sais plus. Je me sens incroyablement bien et importante et heureuse dans les bras d'Akimune, et je veux être avec lui, et je veux qu'il me regarde et qu'il me tienne dans ses bras et j'y pense beaucoup trop pour que ça ne soit pas inquiétant. Et Akissi. Pourquoi est-ce que je me retrouve dans des affres similaires ? Je ne comprends pas. Je ne comprends plus.

Des mains qui s'abattent sur mes épaules et me font hurler de surprise me tirent de ma réflexion.

— Hé ben alors, la cul-de-jatte, tu tires au flanc ? lance la voix moqueuse d'Eugénie.

Sa tête maigre apparaît dans mon champ de vision, avec un sourire en coin qui m'inquiète plus qu'autre chose. Ses yeux scintillants et cernés de violet me détaillent, avant qu'elle ne reporte son attention sur son poignet qu'elle serre entre ses doigts squelettiques. Son sweatshirt bleu me donne toujours autant la nausée. Il commence à être franchement sale, ça me dégoûte. Et elle... elle dégage une odeur douceâtre, âcre. Ses pupilles dilatées et son air un peu ailleurs ne me disent rien qui vaille.

— C'est propre, Eugénie, lâche-moi, répliqué-je avec un ton sec.
— J'ai donc parlé trop vite.

Elle éclate de rire, un rire aigu, discordant, qui me rappelle par trop celui de Monokuma.

— J'ai un message pour toi !
— Eugénie, t'as fumé quelque chose ?
— Alors...

Elle lève les yeux vers le plafond, et réfléchit quelques instants.

— Jéhovah allie mousser. Jéhovah allie mousser ! Jéhovah allie mousser !

Et elle se met à rire et crier, comme si elle me racontait la blague du siècle. Et elle continue de s'esclaffer. Un spasme m'agite. Une seule idée : fuir. Fuir, alors qu'elle répète sa litanie étrange. « Jéhovah allie mousser ». La dernière once de santé mentale d'Eugénie vient de s'envoler. Ahah. Donc tout le monde va péter un câble. Mon rythme cardiaque s'accélère. Fuir. Je me dresse sur mes prothèses, et cours jusqu'à la cuisine.

La voix d'Eugénie résonne toujours.

Elle résonne dans ma tête.

Inspire. Expire. Inspire. Expire.

Je tourne la tête pour découvrir Mendel et Jiraïr, très occupés à s'enlacer, s'embrasser, dans un débordement d'amour à m'en donner la nausée. Mendel assis.e sur le plan de travail, un saladier en équilibre précaire sur les genoux, et Jiraïr qui lui roule des pelles comme si sa vie en dépendait. Je les fixe, sans rien dire, peut-être émerveillée devant les prodiges de l'amour, dans tous les cas extrêmement jalouse.

— Hé bien, ça fait vachement la cuisine, ricane Seung-Il dont la tête passe dans l'encadrement de la porte. Ils vont pas se faire tout seuls, les space cakes, les gens.
— S-Sip ! s'exclame Mendel, le visage rouge brique, en repoussant Jiraïr. E-e-et Nhan... Ça... Ça fait combien de temps q-q-que...
— Ah moi je viens juste d'arriver, sourit le Sud-coréen. Nhan, je sais pas, un moment ?

Je soupire, agacée, et sors. Plus d'Eugénie à l'horizon, elle a dû partir. Je me laisse tomber sur un banc, croise mes bras sur la table, et y enfouis ma tête. Sans savoir pourquoi, j'ai envie de pleurer. Ça m'énerve d'être aussi fragile. Ça m'énerve d'être aussi faible.

Je prends une grande inspiration. Nhan, tu as réussi à te sentir bien, ces derniers temps. Du nerf. Tu serais vraiment une sale merde si tu ne tenais pas jusqu'à ce soir. Je me redresse, pour voir l'Ultime Cinéaste prendre place face à moi, une tablette de chocolat au lait entre les mains.

— Tu en veux ?

J'opine du chef. Il me coupe une barre, me la tend.

— Merci, soufflé-je avant de mordre dans la friandise.

Le goût du chocolat envahit mon palais. Le sucré, la douceur du lait, et cette très légère pointe âcre, me donnent les larmes aux yeux. Depuis combien de temps n'ai-je pas mangé de chocolat... ? Je le sais exactement, hypermnésie oblige, cela remontre au 30 mars, et j'étais avec Mary. C'était du chocolat d'une marque suisse que j'avais payé une fortune, et ma mère m'a reproché une telle dépense. Ah, bon vieux temps. Ma mère me manque. Mary me manque. Papa me manque aussi, peut-être un peu moins, pourtant j'aime beaucoup mon père. J'essaie de chasser mes souvenirs en essuyant l'eau de mon visage, puis dévore les quatre carreaux. C'est délicieux. C'est un vrai plaisir.

— Ouhlà, prends ton temps, sourit Seung-Il en m'en redonnant. On n'en a pas une quantité illimitée non plus.

Je me jette sur la deuxième barre comme la misère sur le pauvre monde. Il me regarde avec un air presque attendri, ça me fait bizarre.

— ...Quoi ?
— Rien, rien, je me faisais la réflexion que c'était cool, que tu baisses tes défenses, que tu voies que t'es pas qu'en danger. Moi, je voudrais que tout le monde s'entende bien, parce qu'on ne peut s'en sortir que si on fait front ensemble et... Si on est tous renfermés sur nous-mêmes, voilà. C'est pas possible.
— Parce que tu trouves que le contexte prête à faire copain-copain ? répliqué-je sans doute avec un ton trop sec.
— Je me suis bien trouvé un mec. Et pas mal de gens se sont mis en couple ou couchent ensemble, quoique ça doit être le stress comme disait Akissi au tout tout début, rit-il avec douceur. Et toi aussi, vu comment ça se passe avec Akimune.

Je lui jette un regard noir, alors que mon cœur s'emballe.

— Puis... Il faut instaurer un climat de confiance, poursuit-il plus sérieux. Je sais pas, mais ça me rend super triste que personne ne vienne voir les projections de film en dehors d'Arsi, Hayat et Ernesto. Sans parler de ça, on pourrait refaire des soirées...
— On a vu comment ça finissait. Puis y'a une malédiction sur les soirées.
— ...Ouais, soupire-t-il. Je sais.

Une ombre passe sur son visage jovial.

— Je vais te laisser, finit-il par dire après un silence. J'ai promis du chocolat à Tahel, pas envie de trop la faire attendre. J'espère te voir au feu de camp ce soir, Nhan.

Sur ces mots, il disparaît, et je passe l'après-midi seule, affalée sur la table. Pas que je sois réellement fatiguée. Juste la flemme. Une vraie grosse flemme de bouger. Je fixe le mur, sa peinture qui s'écaille, les petits dessins anonymes au marker d'artistes improvisés. Je ferme les yeux.

Et quand je les rouvre, le ciel est rouge. Déjà... Je me tire à l'extérieur, la tête embrumée. Ça sent le brûlé. En cercle, près du jardin, les autres se massent près du feu. Un air de guitare parvient à mes oreilles, et je remarque la présence de Monokuma. Un frisson me parcourt l'échine.

— Oh, Nhan !

Le sourire d'Akimune me réchauffe le cœur, et je me réfugie dans ses bras. Monokuma fait chanter un air de colonie à ceux qui l'écoutent, puis s'arrête.

— La cul-de-jatte est parmi nous ce soir. Wow, manque plus que le parano et on est au complet ! Ricane-t-il.

Je remarque qu'Eugénie dort en boule contre Jiraïr, et qu'Hayat retire des mains d'Hotaru un gâteau. Akissi me sourit à moitié. Tahel et Arsinoé mangent des marsmallows grillés.

— La nuit est vraiment super belle, commente Mendel, les yeux tournés vers le ciel, allongé.e à moitié contre LaToya qui essaie d'attraper un biscuit. Oh, une étoile filante !
— Chouette cadeau d'anniversaire, non ? sourit Jiraïr en déposant un baiser sur ses lèvres.

Ils me font mal à roucouler comme ça. J'appuie ma tête contre l'épaule d'Akimune. Seung-Il arrive, et derrière lui suit, bon gré mal gré, Ernesto. Si j'ai pu sentir Monokuma se tendre légèrement à l'arrivée du Colombien, ce n'est visiblement pas le cas de tout le monde.

— C'est ton anniversaire, Mendel ? lance LaToya d'un air candide.
— Hm, oui, souffle-t-iel. J'ai... Dix-huit ans, aujourd'hui.
— T'aurais dû nous dire, on aurait fait quelque chose ! s'écrie-t-elle.
— Pas la peine, je suis quelqu'un de discret, j'aime pas trop les fêtes...

Monokuma pince les cordes de sa guitare, et les notes s'assemblent en une petite mélodie simple de feu de camp, une chanson de colonie de vacances. Arsinoé la fredonne sans y penser. Je ne sais pas trop ce que je ressens, blottie contre Akimune qui me tend un gâteau.

— Attention, Nhan, c'est un space cake, prévient Mendel.
— On les a fait nous-mêmes, rit Jiraïr. Avec la weed du jardin, et tout, et tout !

Je repose le gâteau. Mouais, ça m'a pas l'air d'être l'idée du siècle. Je me concentre sur la chaleur corporelle d'Akimune... C'est agréable. Très agréable. Le feu qui crépite. Mon coeur bat légèrement plus fort. Ma tête se vide. C'est calme. Apaisé. La voix de basse de Monokuma participe à l'atmosphère si particulière de ce moment, apporte par ses accents de la campagne du Sud une chaleur humaine surprenante, incohérente, presque effrayante. Mais ce n'est pas le soir à me sentir malade. Ce n'est pas le soir à me lever envahir par la haine de moi, la peur des autres, ce n'est pas le soir. J'échange un regard avec Ernesto, lui n'est pas à l'aise. Le babillage de Seung-Il n'arrive pas à le détendre. Abrutie par la chaleur, je ne peux qu'arborer un sourire béat. Et la nuit avançant, le sommeil nous gagnant tous, je me fonds un peu plus dans la douceur confortable que m'offre Akimune, son sourire, ses mains dans mes cheveux, ses baisers sur mon front.

Un murmure à l'oreille alors que nous sommes seuls, à présent. Les autres sont allés se coucher. Le feu est devenu cendres, nos seuls témoins les étoiles. Je m'allonge dans l'herbe à côté de lui, sa main dans la mienne.

— Est-ce que tu m'aimes ?

Je lève la tête vers lui, les joues brûlantes, les yeux brillants. Une expression un peu gênée teinte son visage. Je ne sais pas quoi répondre, et mon coeur bat si fort que j'ai l'impression qu'il va exploser. C'est ça, l'amour ? C'est ça, aimer ? Je me perds sur ses lèvres, que je veux presser contre les miennes. Sur la courbe de son cou. Son épaule, son bras. J'entr'ouvre la bouche, sans trouver de quoi répondre.

— Désolé, Nhan. Je...
— Oui.

J'ai répondu sans réfléchir. Je ne devine que son visage, sans le voir clairement. Mais même sans le voir, je l'imagine, ça ne doit pas être différent du mien. Je veux... le sentir. Sentir ce que sa question sous-entend. Je ne suis pas stupide. « Est-ce que tu m'aimes », est-ce réciproque. Un frisson me parcourt. Sans grâce, je me traîne pour monter sur lui, à califourchon. J'essaie de paraître assurée en posant mes mains sur ses épaules.

— Et toi ?

Ma voix tremble. Il n'a pas dû m'entendre. Ses mains montent le long de mes bras, et au contact ma peau frémit. J'ai chaud. Ses doigts pressent ma nuque, et je me baisse. Mon premier baiser.

C'est étrange, cette sensation.

Quelqu'un de chaud, de vivant. De doux. Contre mes lèvres. Je ne sais pas embrasser, je bave. Mais quand je me redresse, c'est...

C'est ça. C'est l'amour. Mon coeur bat si fort. J'en veux plus. Plus. La sensation de ses lèvres sur les miennes, je veux qu'elle dure toujours...

Une chaussure passe entre nous.

— Trouvez-vous une chambre, tabarnak ! hurle la voix d'Arsinoé.

Un silence, puis un grand rire. De nous deux. De tous. C'est ridicule, mais ça fait du bien. Un soupçon d'insouciance... Je me laisse tomber à côté de lui, et le serre entre mes bras jusqu'à m'endormir.

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