Chapitre II (3) - Dans mon jardin il y a une fleur qui s'appelle...

TW : Mention de sexe, drogue, maltraitance infantile. Rien de graphique, cependant.

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Je me réveille avec les joues rouges, le cœur battant et beaucoup de questions en tête. J'ai fait un rêve, cette nuit. Un rêve qui me fait encore frissonner alors que je suis revenue à la réalité. La sensation de ma robe de nuit m'est insupportable... Mon corps hurle, et j'ai le désir impérieux de répondre à ses suppliques.

Et dans ce rêve je n'étais pas seule.
Ahahaha non je n'étais pas seule. Et je me rappelle très bien de la personne que j'imaginais.

Mon visage me brûle alors que je referme les yeux pour me remémorer mon songe. Ça me met d'humeur grivoise, tiens.

Nhan, t'es sérieuse de penser à ce genre de chose dans ce contexte ? C'est juste atroce.
Ta gueule, la voix. Ta gueule, laisse-moi juste être une adolescente libidineuse de base, et évite d'interférer comme tu le fais à chaque fois. J'aimerais pour une fois dans ma vie être en chien sans que ça ne dégénère à cause de mon estime de moi inexistante, d'accord ?
Tu sais que tu as fait des choses que tu regrettes.
Ta. Gueule.

Des souvenirs atrocement détaillés me reviennent en tête. Ouhlà le cringe. Ouhlà que je me dégoûte. Ouhlà que j'ai fait des bêtises à cause des hormones. Je m'en veux si fort... À quinze ans j'étais vraiment insupportable. Nique-toi, l'hypermnésie, pour venir me torturer avec des images aussi précises et des sensations aussi saisissantes.

Nhan, c'est derrière toi.
Tu as évolué depuis.

Mon ventre se tord alors que je répète à voix basse ces deux affirmations. J'ai évolué. Je peux le constater alors que je commence à fixer mon plafond. Ma main se pose sur ma cuisse, et un frisson remonte le long de mon ventre. Je retourne quelques instants dans mes délires oniriques. Mon cœur s'accélère dans ma poitrine alors que je formule cette vérité : je désire le héros de mon rêve.

Donc je fantasme sur Akimune.
Très bien.
Très très bien.

Puis l'image d'Akissi me vient en tête, et m'affole tout autant.

Donc je fantasme aussi sur Akissi ? Mon corps me crie « oui ».

Je suis perdue.

Peut-être que je suis bi. Ou pan. Ou autre chose. Ou je n'en sais rien. Aaaah je déteste cette indécision. Puis... Est-ce que je désire, est-ce que j'aime seulement ? Est-ce que j'aime d'autres personnes ? J'en ai d'autres en tête, oui... Mais est-ce que c'est purement physique, parce que je les trouve esthétiquement plaisants ? Est-ce que l'affection, la tendresse que j'accepte avoir pour eux n'est pas que de l'amitié ? De l'amour ? Autre chose ? Pourquoi est-ce que je me pose autant de questions ?

Raaaah, je me désespère.

Bon. Inspire, expire. Ne laissons pas mes hormones me dicter ma conduite, ma mère ne s'est pas embêtée à m'apprendre la pudeur pour que mon adolescence fiche tout en l'air.

— Allez, Nhan. Aujourd'hui sera une bonne journée, ne sois pas bizarre, me dis-je en glissant mes manchon sur les moignons avant d'enfiler mes prothèses.

Je prends garde à ne pas renverser les miniatures de la famille d'Arsinoé que je suis en train de faire. Je choisis une robe légère, la douceur des jours fait raccourcir mes jupes. Bientôt, je ressortirai mon short bleu marine avec les boutons blancs. Tout le monde va lorgner sur mes prothèses tibiales, mais... J'y penserai plus tard. Je n'ai pas envie de me laisser me morigéner. Je ne vais pas me laisser l'occasion. Répète après toi, Nhan : tu es jolie, tu es précise, tu es...

Je me trouve tellement laide. Je n'aime pas mes tâches de rousseur. Je n'aime pas la forme de mes yeux. Je n'aime pas la forme de mon visage. Je n'aime pas mon nez. Je n'aime pas mes cheveux. J'ai pris en graisse, notamment du ventre et des cuisses. En même temps, vu comment Arsinoé nous gave... Je pince la peau, en soupirant. Je suis pâle comme un cachet d'aspirine, en plus. Ça m'agace.

Bon, maintenant que le miroir a bien détruit ma confiance en moi, je suis prête à commencer la journée en cachant ma morosité derrière mon masque de la gentille Nhan. La robe bleue que j'enfile dissimule mes complexes et serre assez ma taille pour que je n'ai pas à y penser. Je pousse la porte, le soleil m'éblouit.

Après s'être accoutumés à la luminosité agressive de l'astre diurne, mes yeux sont tout de suite attirés par une haute silhouette, au déplacement massif, lourd, presque pénible, que je ne reconnais qu'après un instant de réflexion. C'est notre Bon Gros Géant. Jiraïr. Pas vu de dix jours, au bas mot, depuis qu'ils ont retrouvé Mendel en bad trip en fait. Il me voit, me sourit, me salue de la main. Des cernes marquent sa peau olivâtre et hâlée par le soleil. Je m'approche de lui. Tiens, pour une fois, il ne pue pas la weed. Il a les sourcils subtilement froncés, j'imagine qu'il a mal à la tête, je suis peut-être la seule à remarquer ce genre de détail.

— Comment ça va, Nhan ?
— Ça va, je me disais juste « Ah, un revenant ».

Il éclate d'un rire chaud, communicatif. Je ne sais pas pourquoi, je ne le connais pas beaucoup, mais je me sens calme près de lui. Presque en sécurité. En même temps, si on ne peut qu'être frappé par la musculature bien développée du jeune homme, tout dans son attitude transpire la douceur : il est toujours très délicat avec ses plantes, il parle d'une manière très calme... Il n'y a vraiment qu'avec Arsinoé qu'il peut se montrer agressif.

— Et toi ? demandé-je.
— Ça va, je suis vachement rassuré surtout, sourit-il alors qu'il part vers le jardin. Mendel va mieux, iel sait pas trop ce qu'il s'est passé... Bah, je sais pas non plus et j'veux pas savoir. C'est vraiment... Enfin bref.
— Tu sais ce qu'iel a pris ?
— Aucune idée. Hé, je suis le camé du groupe, mais ça veut pas dire que je suis un dictionnaire des drogues, lance-t-il en haussant les épaules.

Je remarque qu'il cherche ses mots, que son accent est plus prononcé que d'habitude. Je le suis, je m'arrête lorsqu'il se stoppe pour contempler sa parcelle.

— Ils sont gentils de s'en être occupé, souffle Jiraïr en sortant une boîte en fer blanc ayant bien vécu de sa poche.
— Comment tu as fait pour que tout pousse aussi vite ?
— J'ai juste la main incroyablement verte, dit-il en se mettant à rouler un joint. T'sais, je suis né à Erevan, et j'ai grandi dans un immeuble construit pendant l'époque soviétique. Pour faire pousser quoi que ce soit dans les pots sur le bord des fenêtres, fallait vraiment que les plantes t'aiment bien. J'ai fini par faire mon jardin sur les toits, y'avait de la place et c'était un peu le seul endroit où j'étais bien tranquille.

Il allume son pétard, tire dessus quelques instants, avant de me le tendre.

— T'en veux ?
— Je touche pas à ça.
— Comme Mendel, dit-il avant de le reporter à sa bouche. C'est vraiment chelou, Mendel est pas du genre à... C'est pas logique. Iel aurait jamais rien pris. M'enfin... Faut croire qu'on est capable de n'importe quoi dans des situations de crise.

Je m'assois contre la clôture, et je lève la tête vers l'Ultime Jardinier. Une barbe noire de trois jours lui mange une partie du visage, ses longs cheveux bouclés s'emmêlent dans sa couette, sa taille de titan m'impressionne.

— Tu as quel âge, en fait ?
— Hm ? J'ai seize ans, pourquoi ?
— ...D'où t'es plus jeune que moi, t'as l'air d'avoir trois gosses et un crédit à payer pour une maison, répliqué-je sèchement.

Le masque de la gentille fille, Nhan, le masque. L'hypocrisie. Tu es aussi salée que la Mer morte mais garde ton chlorure de sodium à l'intérieur, hm ?

— Pourquoi, t'as quel âge ?
— Dix-sept, je suis de 2006, réponds-je en tentant de ne pas complexer sur mon apparence juvénile alors que j'aimerais ressembler à une adulte.
— Moi aussi j'suis de 2006, mais de décembre. En soi, on a juste quelques mois de différence, dit-il avec un éclat de rire. Y'a un anniv, ce mois-ci, d'ailleurs et c'est Hayat. Elle a dix-huit ans à la fin mai.
— Comment tu sais ?
— On a pas mal discuté ces dernières nuits. Je dormais pas pour veiller sur Mendel, et elle, ben... Les insomnies. On a fumé un peu ensemble, on a causé, ça faisait une éternité que j'avais pas parlé en arménien, explique-t-il. Grave sympa. Je lui ai fait écouter System of a Down. Elle m'a battu au bras de fer. Trois fois. J'pensais lui offrir un petit arbre, j'ai des semis dans mon chalet. J'ai planté un prunier de Damas, j'pense que ça lui ferait plaisir.

Mon cœur se serre. Jalousie mal placée. Hé, il y a du progrès, je sais que c'est mal placé !
Mais berce-toi d'illusions, Nhan. Tu sais que personne ne s'embêtera à faire pousser un prunier pour ton anniversaire. Parce que tout le monde s'en fiche. Tout le monde s'en fiche de toi. Tout le monde.
Ta. Gueule. Ta gueule, la voix, ta gueule.

— C'est un chouette cadeau.
— J'sais pas. J'espère que ça lui fera plaisir. T'sais, autant Arsinoé j'ai du mal avec elle même si au fond j'l'aime bien, autant Hayat fait vachement plus maman et rassurante, tu vois, souffle Jiraïr alors que de la fumée à l'odeur doucereuse s'échappe de sa bouche. J'ai pas connu mon père, il s'est cassé avant ma naissance. J'aime bien Monokuma comme ça, c'est le truc le plus proche d'un père que j'ai quoi... Bref, j'vivais avec ma mère et mon arrière-grand-mère. Quand tatik est morte, ben on s'est retrouvés tous les deux, ma mère avait pas beaucoup d'argent.

Avec un rire amer, il poursuit :

— Elle avait pas beaucoup d'amour non plus. Enfin, sauf pour Jésus. Une intégriste. J'ai pas envie de cracher sur les chrétiens ni sur les croyants en général, j'suis moi-même chrétien orthodoxe, mais on va pas se mentir : sans la religion, elle aurait pas été autant une grosse connasse.
— Une « grosse connasse ».
— J'sais pas, elle me foutait la tête sous l'eau et m'a convaincu que Jésus était mort par ma faute car j'ai des troubles du comportement un peu lourd. Puis... Ben... Je suis un peu gay comme un pinson. Elle m'a foutu à la porte quand elle a su, dit-il d'un ton qui me glace le sang tant c'est détaché. Heureusement mon copain de l'époque a pu m'héberger deux-trois semaines, mais ça a pas duré et dormir dans un squat à quinze ans c'est pas ouf.
— Oui, « grosse connasse ».
— Énorme connasse.
— Énorme connasse, approuvé-je.
— J'espère qu'elle crame dans les flammes de l'Enfer, soupire-t-il avant de se signer et de reprendre une taf. Quand Arsinoé fait sa cheffe, ça me fait penser à elle, donc forcément ça m'énerve, mais... Ça veut pas dire que j'la déteste, au contraire. J'aimerais juste qu'elle arrête de se mêler de mes affaires. Surtout avec Mendel.

Honnêtement, je suis à peu près sûre qu'il me déballe sa vie car il est fatigué et défoncé. La décence voudrait que j'arrête de poser des questions. Mais suis-je réellement un humain décent ? Non.

— Qu'est-ce qu'il se passe avec Mendel ?
— On est en couple, tu vois. Mais parfois on s'engueule et... Voilà. J'aime pas qu'elle foute son nez dans mes affaires.
— Je comprends...

Enfin, je comprendrais si quelqu'un voulait de moi...
On avait dit quoi ? Qu'on allait arrêter de se déprécier pour une journée. Ce qui se passe autour de moi n'est pas de ma faute. La mort de Stefan n'est pas de ma faute. La mort de Lutz n'est pas de ma faute, même si on peut tous s'en réjouir, un violeur de moins sur Terre c'est toujours ça de pris. Enfin, bref, Nhan... Notre situation n'est pas de ma faute. Notre situation. N'est pas. De ma faute.

Je pose mon bras sur la clôture, et je sens une douleur vive dans mon membre. Je le retire, pour voir mon sang dégouliner sur mon poignet, s'échappant d'une blessure causée par un clou mal enfoncé. Un cri s'arrache de ma gorge, attirant l'attention de Jiraïr qui écarquille les yeux à la vue de l'hémoglobine.

— Oh bordel, Nhan !

Et c'est une voix d'homme.
Par homme, je veux dire adulte.
Par adulte, je veux dire Monokuma.

Sa haute stature me surplombe, alors qu'il attrape ma main sans douceur. Je me mets à hurler, hurler à la mort, car je la vois en face. On ne l'a pas vu depuis le procès de classe, et il est là, les vêtements maculés de terre et de boue, ses yeux hétérochromes nous fixant d'un air étrange et indescriptibles... Mon cœur s'affole, mes genoux se cognent, mon ventre se tord.

— Tu t'es blessée sur un clou, non ? T'es vaccinée, et à jour sur tous tes vaccins ? lance-t-il sur un ton presque inquiet.

Je fais oui de la tête, trop effrayée pour parler. Qu'est-ce qu'il va me faire ? Jiraïr n'a pas l'air de se méfier de lui, mais il est dangereux. Il veut notre mort. Ce n'est pas son air de moniteur un peu bizarre qui me rassurera... Je me rappelle de la satisfaction, de la délectation sur son visage lorsque Stefan s'est effondré sur le sol. Je me rappelle... Je me rappelle... Ma mémoire projette des centaines de scènes qui me donnent la nausée.

— Bon, au moins, on n'aura pas à se soucier du tétanos, soupire-t-il comme soulagé. Va quand même falloir désinfecter tout ça, et...
— Lâche-la.

La voix derrière moi est salvatrice. Et c'est la voix d'Akissi.

Akissi fait une tête de moins que Monokuma. Elle est moins musclée, moins large d'épaules, moins imposante, et avec Momo accroché à son dos elle ne prendrait pas de risque. Mais elle est là, le visage fermé, droite sur ses appuis. Elle le fixe, droit dans les yeux, et on peut y voir toute la haine qu'elle ressent pour lui.

— Lâche-la, répète-t-elle furieuse, en attrapant mon autre bras.

Comme il ne me laisse pas, elle me tire vers elle et m'entraîne dans son chalet. Les grands yeux de Momo m'observent, alors que je comprends à peine ce qu'il se passe autour de moi. Elle ouvre la porte, me fait asseoir sur le sol alors qu'elle cherche dans son armoire. Je détaille mon environnement. Le poêle, le lit, la table basse, le linge de lit même, nos chambres sont faites sur le même modèle. Mais là où des miniatures, des matériaux et des outils de toutes sortes s'étalent chez moi, chez elle ce sont des livres, des revues scientifiques, des brouillons... Je remarque que la miniature de la guenon a une place toute particulière dans ses affaires, et je sens un sentiment de joie m'envahir.

Est-ce ça veut dire que... j'ai de l'importance pour quelqu'un ?
Nhan. Arrête de rêver. Tu ne comptes pas. Tu ne comptes pour personne. Tu pourrais crever dans un coin que personne ne...

— J'ai toujours de quoi faire les premiers secours dans mon armoire, explique-t-elle avec une mallette rouge dans la main, coupant mon monologue intérieur.
— Pourquoi ?
— Quand Momo s'énerve, ou quand il joue trop fort, il me blesse souvent. Les primates en général ne sont pas spécialement tendres, je me suis faite mordre et griffée jusqu'au sang assez souvent.

Elle s'assoit près de moi.

— Donne-moi ton bras.

Je lui montre ma blessure. Avec un coton imbibé de désinfectant, elle appuie sur la plaie. Ça pique, mais c'est supportable. Elle y applique un large pansement ensuite. Je détourne le regard, un peu gênée. Mes joues chauffent, je dois rougir. Avec mon rêve, j'ai vraiment les hormones en feu. Je m'attarde sur les traits de son visage, le contour de ses lèvres... Comment serait-ce, de les embrasser ?

— Et voilà, souffle-t-elle en écartant ses mains.
— Merci...

Elle s'éloigne de moi alors que je m'abandonne à ma rêverie pour prendre des livres entre ses bras.

— De base j'allais chercher les livres que j'avais pris à la bibliothèque, mais quand j'ai vu Monokuma et toi... Bref, soupire-t-elle. Tu sais, on serait vraiment ravis de te voir avec nous, avec Hayat et Hotaru.

J'ai toujours du mal à digérer l'attitude d'Hayat à mon égard. Ce n'est pas raisonnable, mais j'ai du mal.

— Peut-être que je viendrais, dis-je un peu sèchement en regardant ailleurs. Je ne te retiens pas, va faire ce que tu dois faire.

Je sens ses yeux sur moi alors que je me redresse et quitte son chalet. J'ai une boule dans la gorge et mal au ventre. C'est bon, je ne veux plus voir personne, je déteste le soleil qui brille, je déteste mon corps trop large et mes cheveux qui tombent dans ma nuque, je déteste mes membres amputés qui me font mal, mais mal, je déteste mon visage et mes éphélides, je déteste tout ce qui est et ce qui sera, plus rien n'a de sens, je déteste le vent et avoir mal à mes poumons à chaque respiration, je déteste ces fleurs éphémères qui vont mourir, je déteste l'idée de mourir, je déteste l'idée de vivre, je déteste ma vie, je déteste la vie, je déteste, je déteste, je déteste...

Mes yeux sont attirés par le jardin, où Jiraïr et Monokuma semblent s'activer. Je vois Mendel sortir de son chalet, pâle mais au visage éclairé par l'ombre d'un sourire. Iel me salue, avant de se diriger vers la clôture. L'Ultime Jardinier se stoppe immédiatement, une extrême allégresse irradiant de sa physionomie tranquille. Il abandonne ses outils sur le sol. Il retire ses gants, les jette presque derrière lui, et saute par-dessus la barrière pour prendre le.a chimiste dans ses bras.

Mon coeur s'étrangle dans ma poitrine. Je me sens si seule... Ah, c'est beau de rêver, mais il faut être réaliste : tu seras toujours seule, personne ne voudra de toi et de ton caractère de merde.
Personne. Tu vas crever toute seule.

Je remarque Akimune, qui discute dans l'herbe avec LaToya. Dès qu'il se rend compte de ma présence, il m'adresse un sourire qui me réchauffe de l'intérieur, avant de se lever et de déguerpir. C'est la douche froide. J'ai juste envie de me rouler en boule et pleurer, mais j'ai beaucoup trop de fierté pour le faire ici. Je me tourne vers mon chalet, chaque pas est plus lourd que le précédent.

Des bras enserrent ma taille.

— NHAAAAAAAAN ! hurle une voix si belle que même ce cri sonne comme une ode.

LaToya est à peine plus petite que moi. De si près, on sent l'odeur si particulière du maquillage. L'eyeliner bleu clair donne un air saisissant à ses grands yeux enfantins.

— Tu ne veux pas embêter quelqu'un d'autre ? répliqué-je avec amertume.
— Roh, mais je voulais juste te donner de l'amour, moi, se défend-t-elle en relâchant son étreinte. Puis Ernesto, SIP et Tahel se font des bisous et j'en ai marre de tenir la chandelle.
— Donc tu complotes avec Akimune et tu viens m'emmerder ?
— Ah nan, Akimune c'est pas pareil, mais j'ai pas le droit de t'en parler, dit-elle en ponctuant sa phrase d'un rire. Mais allez, viens ! En plus t'as pas l'air bien, j'ai pas envie que tu restes dans ton coin toute seule...

Je contracte la mâchoire. Je ne veux pas de sa fausse pitié. Pas de son faux sourire. Je ne veux pas de cette fausse amitié qu'elle cherche à créer. Je n'ai pas besoin de ça.

— Nhan...
— Dégage. J'veux pas te voir.
— Nhan, reste pas seule...

Je la repousse alors qu'elle s'approche.

— Je t'en prie, Nhan...
— Dégage, répété-je.

Sa main attrape la mienne, et le contact, loin de m'apaiser, m'énerve plus qu'autre chose. Mes yeux se plongent dans les siens, dans lesquels je me reflète. Mon poing libre se serre, se lève, et son absence de réaction m'affole. Il se pose avec toute la douceur dont je suis capable sur son épaule, je baisse la tête pour qu'elle ne puisse pas voir mes larmes couler.

T'es quand même une sacrée pleurnicharde, Nhan.
Tais-toi.
Mais vas-y, continue de pleurer. Continue de te flageller.

— Tu sais que tu es belle comme le soleil ? me souffle l'animatrice radio en me caressant le dos.

Elle se trompe. C'est elle, le soleil.

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