Chapitre I (7) - Il est midi. Qui l'a dit ? C'est la souris.
TW : Viol incestueux
Jouons à un petit jeu.
Si vous avez lu la Tuerie de cette merveilleuse personne (aka La_Corneille_Noire ), vous voyez de quoi je parle.
Sinon...
Nous allons commencer les interrogatoires, avec une Nhan qui ne sait pas ce qu'elle fait *yay*. Les personnages vont parler les uns après les autres... Devinez qui dit quoi.
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LaToya est déjà au studio quand j'y arrive. Elle me sourit, puis me dit en se frottant le front :
— J'ai lancé un enregistrement pour ce qu'il se passe dans le studio, j'ai pensé que ça te serait utile !
Bon sang cette fille est un amour. J'ai envie de la prendre dans mes bras et de la remercier mille fois de vouloir m'aider.
Mais...
Reste neutre, Nhan. Ne sois pas biaisée. Tu vas être biaisée. Tu vas tout foutre en l'air. Tu vas échouer, et tout le monde en subira les conséquences. Et ce sera ta faute.
TA faute.
— J'vais filer avant que les autres arrivent ! Courage Nhan, lance-t-elle.
Et elle s'en va.
Inspire. Expire. Tu sais que tu es bête, mais c'est le moment d'utiliser ton cerveau.
Je lève la tête alors que la première personne entre dans la pièce. Sans un mot, je lui indique le fauteuil face à moi, croise les jambes et pose les mains sur le haut des cuisses. J'humecte mes lèvres, et nous pouvons commencer.
— Est-ce que tu te souviens de la soirée, hier soir ?
« J'étais la première par terre donc BON. »
« Si je te dis non, je perds toute crédibilité devant vous... Tu peux parler moins fort, aussi ? Tabarnak... »
« Je me souviens des trucs gênants... »
« ...Pas de tout. Juste qu'Eugénie était ivre et que j'aurais dû faire un peu plus gaffe. »
« Pas du tout, désolée Nhan... »
« ...えと...えと... Biburiothéku...えと... »
« Oui, car on était deux personnes sobres et je suis l'une d'entre elles. »
« J'étais sobre donc oui. »
« J'étais torchée ! »
« Je savais que c'était une mauvaise idée de boire, j'ai trop bu, donc... »
« J'étais à la bibliothèque toute la soirée, je crains vraiment le bruit puis de toute façon je ne bois pas. »
« Heu... Jusqu'au feu d'artifice c'est clair, mais je me souviens pas trop comment j'me suis retrouvé en PLS dans le jardin... Oh, me juge pas, Nhan. »
« Ben... Je me suis réveillé tout habillé avec un autre type tout habillé aussi, alors si je me souviens avoir roulé des pelles y'a quand même une grande portion de la soirée qui a disparu. »
— De quoi est-ce que tu te souviens, tout de même ?
« Heu... »
« J'ai roulé des pelles et j'ai perdu face à Stefan. »
« J'ai gagné un jeu à boire. »
« Pas de chose agréable. C'était une mauvaise soirée. »
« Hé bien... Jiraïr a dit des choses que je ne veux pas répéter, et... J'ai vu Eugénie pleurer dans les bras de Stefan, mais c'était vraiment tard... »
« ... Appuris... un pu... angurais. »
« Des trucs gênants. »
« Hmmm... qu'Arsinoé m'a envoyée changer les élastiques de mon appareil avant de boire quoi que ce soit, et que Seung-Il me retirait systématiquement les verres des mains avant d'être bleu comme une huître. »
« Je me souviens d'avoir fait le premier pas, encouragé par une blonde que je ne nommerai pas. »
« Que c'était le chaos. On a cherché Akimune partout car il s'était enfui. On a aussi cherché LaToya. Et je suis sûre que d'autres encore ont disparu pendant qu'on cherchait. »
« Que j'ai bu deux bières au début et qu'après j'étais par terre. »
« J'étais à la bibliothèque, on a lu avec Hotaru et je l'ai aidé avec l'anglais. »
« Le feu d'artifice ! Il était cool, hein ? Il t'a plu ? J'étais sûr qu'il te plairait ! »
— Comment tu te sentais par rapport à la victime ?
« Je le hais. Pas au point de le tuer mais j'ai pas spécialement peur de dire que la personne qui a fait le coup a bien fait. »
« J'ai peur de devenir vachement insultant. »
« ...Il était un peu limite parfois, mais plutôt gentil. »
« Je ne lui ai jamais parlé. »
« Ouarf, je le connais à peine. »
« On a fait un foot une fois, avec Stefan et Akimune. C'est un gars sympa. »
« Je... Coupe l'enregistrement. S'il-te-plaît. »
J'appuie sur un bouton, et plonge dans les yeux de la personne que j'interroge. Elle détourne le regard. C'est plutôt quelqu'un de jovial, d'énergique, jamais je n'aurais cru l'apercevoir dans un tel état de vulnérabilité. Mon coeur se serre, mon ventre se tord. Il me semble que c'est mal de pousser cet aveu. Il me paraît pourtant qu'il lui brûle les lèvres depuis trop longtemps, que ce silence n'a été que destructeur.
— Lutz, c'est pas son vrai nom. Il s'appelle David. C'est mon frère. C'est mon grand frère. C'est...
L'émotion lui serre la gorge.
— Tu n'es pas...
— J'ai rien dit pendant trop longtemps.
Je prends sa main pour l'aider.
— J'avais douze ans. Quand ça a commencé, je veux dire. C'était mon grand frère donc c'était ma star... Il m'apprenait à bricoler, à... Il me disait que c'était normal. Que c'était normal qu'il me regarde sous la douche. Que c'était normal que... Que je m'occupe de mon grand frère... Que comme j'étais une fille, fallait que...
Ses épaules tremblent. Non. Tout son être est saisi d'une secousse violente. Ses yeux, pleins de larmes, ne pleurent pas, sont vitreux, perdus dans le lointain.
— Il m'a... Il m'a touchée... Pas qu'une fois... Et... Et il m'a... Il m'a violée... Pas qu'une fois non plus, et... Quand j'en ai parlé à mes parents...
Elle se passe une main sur le visage.
— Ils m'ont pas crue... Parce que c'était David... Et David c'est leur seul fils, donc évidemment qu'il fait jamais rien de mal... et... personne m'a crue car...
Les mots se figent dans sa gorge. Ses ongles se plantent dans ma main, et je n'ai qu'une envie c'est la prendre dans mes. Elle me lâche, et se laisse tomber sur sa chaise, visiblement vidée.
— Tu... m'autorises à en parler au demain ?
— De toute façon, ça me désigne comme meurtrière. Je le sais, Nhan... Tu me vois déjà comme une coupable. Même si je te jure que c'est pas moi...
La porte du studio s'entr'ouvre. Je vais voir, je lève les yeux vers la prochaine personne à interroger.
— Prends-la avec toi, on n'a pas fini mais ce n'est pas grave, ramène-la après, lui dis-je. Je pense que tu devrais d'abord la réconforter.
« Je le hais. Tu le sais. Puis je sais pas, même sans le connaître, rien ne te choque chez lui ? Rien, vraiment ? »
« Il était un peu bizarre avec moi... »
« Ben... Il m'a vraiment fait un drôle d'effet. Je veux dire... Je veux bien croire que n'importe qui peut être fan de n'importe quelle équipe de foot, mais... celle-là ? Vraiment ? »
« ...Connais... pas... »
« On avait à peu près le même âge, donc il me désespérait un peu avec son immaturité. »
« On était potes ! C'est triste qu'il soit mort... »
— Comment est-ce que tu l'aurais tué ? D'une manière purement hypothétique.
« À coup de pied de biche. C'est tout ce qu'il mérite. Quoi, je le détestais vraiment ce mec. »
« À coups de couteau. Sous la douche. Plus rapide à nettoyer puis la mort est iconique. »
« Classique, au couteau. »
« Hm... Je ne suis pas une meurtrière... »
« Je ne sais pas, je pense que je l'aurais étranglé. »
« Ben, en tant que chimiste... Comment dire, le poison quoi. »
« Hmmm... J'aurais empoisonné son plat. »
« Je sais pas. »
« Hmm... Je l'aurais étranglé avec les fils d'un micro. »
« Pour avoir vu la mort de trop près, Nhan, je ne peux pas tuer quelqu'un. »
« ...pas... compuris... queshition. »
« Dans un feu d'artifice ! »
« À coup de râteau. Et je l'aurais enterré dans le jardin. »
Je prends la pause du dîner. Bon sang, je n'arrive à rien. Je suis une idiote. Et tout le monde va en subir les conséquences. Je suis nulle. Je ne vais pas y arriver.
Je ne vais pas y arriver.
Je ne vais pas y arriver.
Autant que je m'étouffe avec la bouffe, ça rendrait service à tout le monde.
Franchement je devrais laisser faire Ernesto, lui il est sensé savoir mener un interrogatoire, non ?
Nhan. C'est à toi qu'on a confié cette responsabilité. T'es vraiment qu'une sale lâche. Vas-y, fuis, de toute façon t'es bonne à rien.
Tu vas échouer et ça va retomber sur tout le monde. Bravo l'artiste.
Idiote...
Bon, il faut y retourner.
— La question va te paraître étrange, mais... à quel point tu irais pour quelqu'un que tu aimes ?
« Donc tu penses que l'assassin a agi à chaud, ou alors venge quelqu'un ? Je suis assez d'accord avec ça. Et pour te répondre... Je ne sais pas. »
« Je ne sais pas, je ne pense pas que faire du mal aux autres puissent vraiment réparer un tort... Mais bon, c'est vrai que la mort de Lutz, ça soulage. »
« Sans doute trop loin. »
« Encore faudrait-il que j'aime quelqu'un... Quoi, je plaisante ! Je t'aime bien, Nhan, mais nous ne nous connaissons pas assez pour quoi que ce soit... »
« Je ne sais pas, mais pas jusqu'au meurtre. C'est juste... Immoral. »
« Jusqu'à me détruire, je pense... »
« Je suis un modèle d'abnégation, ma grande. »
« Je les suivrai jusqu'au bout du monde... »
« Hmmm... Les personnes que j'aime le plus sont ma maman et mon oncle, je pense que je pourrais aller jusqu'à la prison pour eux. »
« Tout quitter. »
« ...Pas compuris... ? »
« Pour tes beaux yeux, hmmmm... je ne sais pas ! »
« Je ferai juuuuste le nécessaire, je pense... Mais hé, je suis plutôt du côté nounours de la force, donc je pense pas frapper qui que ce soit... »
— Et pour te venger ?
« Oui je veux me venger de lui, mais pas de cette manière. J'veux que nos parents me croient. J'veux que ça soit eux qui fassent leur taf de parents. »
« Je suis assez rancunière, il est vrai, mais jamais personne ne m'a encore poussé à la vengeance. »
« Sans doute trop loin, encore. »
« La vengeance, c'est immoral et ça ne sert à rien. Je ne veux pas blesser quelqu'un parce que je me sens mal, ça ne me fera pas de bien. »
« J'ai aucune raison de me venger de personne ! »
« J'ignore et je fuis les gens que j'aime pas et ça marche bien ! »
« On m'a jamais trop laissé l'occasion de me venger, vois-tu. »
« Ça ne servirait à rien... »
« J'suis pas rancunière ! »
« J'aime pas me venger. »
« Pas compuris non pulus. »
« J'ai pas le temps pour ces conneries. »
« Comme je te dis, je suis plus un nounours qu'autre chose. »
Je croise les bras et me recroqueville sur la chaise. J'ai un couteau, une vidéo, des témoignages, une autopsie faite à la va-vite et aucune idée de quoi faire. Je tremble. Ma respiration se hache, se coupe, s'accélère. Je sens de l'eau sur mes joues, et j'ai mal au ventre.
— Nhan, ça va ?
Je reconnais la voix inquiète de Tahel. Elle n'approche pas, je l'entends s'éloigner, je l'entends revenir. On s'avance vers moi, et on pose une main sur mon genou.
— Quelqu'un a eu une rude journée, on dirait, sourit Arsinoé avec une mine usée. Allez, allons effacer ces grosses larmes, ma grande.
D'habitude, je l'aurais griffée au visage et je lui aurais hurlé de me laisser tranquille. Je l'aurais repoussée. De quoi, de quel droit elle se mêle de ma vie ? Ce n'est pas ma mère. Ce n'est personne en dehors d'une inconnue à qui je n'aurais jamais parlé en temps normal. Elle sort un mouchoir de son tablier et, comme une maman, m'essuie la figure avec douceur et patience en chantonnant une comptine que je ne connais pas. Une comptine dans une autre langue. J'ai six ans. J'ai à nouveau six ans.
Après tout je ne suis qu'une enfant fragile. J'ai besoin de ma maman.
J'ai besoin d'être rassurée par ma maman.
Demain me terrifie.
Demain est un autre jour.
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