Chapitre I (5) - En chantant ce joli mois de mai qui toujours nous réveille
TW : Mentions des menstruations et de viol, présence d'alcool et de violence graphique
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Mes règles sont arrivées avec un certain temps de retard. Ou d'avance. J'avoue que j'ai perdu la notion du temps. Je suppose que nous sommes donc en mai... Je n'ai pas envie de sortir de chez moi, mais maman Shonar m'a tirée hors du lit par la peau du cou et a jeté dans le bac à lessive mes draps. Je suis posée, je prends tranquillement le soleil parce que Arsinoé m'a mise dehors donc je suppose que j'essaie de faire de la photosynthèse. Je suis une plante. Je suis une plante dont l'utérus se déchire de l'intérieur et qui tend ses bras vers le ciel en espérant qu'une buse la prenant pour un rongeur la soulève et l'emporte loin d'ici.
Je deviens un tantinet dramatique. Je suis peut-être un brin sur les nerfs. N'empêche, plusieurs êtres humains m'ont rejointe, par solidarité ou parce que personne n'a rien de mieux à faire. Ou parce que le fait de s'asseoir dans l'herbe a un côté amusant que je ne comprends pas. D'abord est arrivé.e Mendel, les larmes aux yeux, qui s'est roulé.e en boule sans rien expliquer. Puis Akissi s'est installée près de moi, par amitié, et partage avec moi un silence agréable. Akimune se couche sur mes genoux, et commente chaque nuage. LaToya s'affale non loin de nous pour regarder le ciel, épuisée sans doute par un grand nombre de nuit sans sommeil. Hayat et Hotaru sont venus lire avec nous. Stefan, avec Eugénie sur ses genoux, joue aux dames contre Lutz et gagne sans surprise. Tahel se touche beaucoup trop les cheveux en parlant à Ernesto pour que cela soit innocent. Tout serait absolument parfait si Jiraïr et Arsinoé n'étaient pas en train de se hurler dessus et de s'agonir d'insultes dans le jardin.
— Bordel.
Qu'Akissi jure, d'accord, c'est surprenant. Que tout le groupe tourne la tête pour observer la gifle monumentale que vient de se prendre notre jardinier par notre maman de substitution, cela témoigne bien de notre curiosité malsaine. Hayat, LaToya et Ernesto se lèvent d'un bond, et filent comme des flèches pour s'interposer, éviter que cela ne dégénère. Jiraïr est grand, très grand, et il est furieux. Arsinoé, d'accord elle est impressionnante par sa prestance, mais elle ne mesure qu'un pauvre mètre soixante-deux, et même si elle doit avoir une certaine force physique elle ne fait pas le poids.
— ...Qu'est-ce que j'ai raté ? lance une voix à ma gauche.
Je tourne la tête pour tomber sur Seung-Il, accroupi, filmant la scène au caméscope.
— D'où tu sors, toi ? m'exclamé-je, surprise. Et comment tu fais pour t'accroupir comme ça ?
— Je cherchais l'appareil et les cartes mémoires qu'on m'a volé, explique-t-il en éludant ma seconde question. Comment est-ce que le Bon Gros Géant et Sarah Connor en sont venus aux mains ?
Je hausse les épaules, pour lui signifier mon incompréhension.
— Ouhlà, Mendel, ça va ? demande-t-il en se penchant sur le.a chimiste.
— Tu trouves que je respire la joie de vivre ? réplique-t-iel en tentant de faire un sourire
Je me reconcentre sur le début de bagarre qui se joue au jardin. Un sursaut d'Akissi me fait comprendre que quelqu'un a pris un coup, et ce quelqu'un c'est visiblement LaToya. La situation semble cependant s'être essoufflée, puisque Jiraïr a l'air de se confondre en excuse devant la jeune fille tandis qu'Hayat tient son râteau et Ernesto retient Arsinoé.
— Si tu veux en parler, on est là pour ça...
— Tu es gentil, Seung-Il, mais t'inquiète pas pour moi...
Le faible sourire du cinéaste trahit son tracas. « Tu es gentil, Seung-Il, mais t'inquiète pas pour moi », gnagnagna. Je ne sais pas si Mendel s'en rend compte, mais c'est peut-être la chose la plus inquiétante qu'iel puisse dire. J'imagine qu'iel a le mal du pays, ou que sa famille lui manque. C'est la même pour tout le monde, mon gens, sauf que j'ai pour ma part assez de pudeur pour me cacher quand je chiale sur moi-même.
Tu es méchante, Nhan. Imagine, quand les gens que tu apprécies s'en rendront compte. Le sourire d'Akimune qui meurt parce qu'il s'est trompé sur ton compte, ou la tendresse qu'à Akissi à ton égard, ou l'amitié d'Ernesto, ou le petit rire de Tahel, ou la mine ravie d'Hotaru quand il te voit... Tout ça, tout ça tu vas le détruire parce que tu es trop détestable pour ne pas finir toute seule. T'es insupportable, Nhan. T'étonnes pas que les gens te haïssent.
Je croise le regard intrigué de l'Artificier, qui s'est réinstallé sur mes genoux, et qui n'a pas l'air de comprendre grand-chose à sa vie actuellement. Par jeu, je lui frotte les joues, et il me fait une grimace. Mendel nous quitte, prétextant du travail à faire.
— Désolé, Nhaninan, mais que j'y aille aussi, sourit le Japonais en quittant mes jambes. Ce feu d'artifice se fera pas tout seul.
— « Nhaninan » ? Mais qu'est-ce que c'est ce surnom de merde ?
— Je trouve qu'il te va bien !
Seung-Il approuve silencieusement alors qu'Akimune me laisse rouge comme une tomate. Arsinoé, tirant LaToya par la main, retourne dans le réfectoire, Ernesto et Jiraïr restent au jardin et sont rejoints par Tahel, Hayat ramasse Hotaru et Akissi au passage avant de s'engouffrer dans le bâtiment Alpha. L'attroupement s'est dispersé, il ne reste plus que les joueurs de dames et Eugénie un peu plus loin, et bien sûr Seung-Il et moi-même. Le vent souffle. Mary aurait eu envie que ma mère lui apprenne à faire des couronnes de fleurs... Un souvenir me transperce : il est 16 heures 12, nous sommes à Central Park le samedi 15 mai 2010, j'ai cinq ans et mon père m'a acheté une glace à la vanille. Nous étions avec mes grands-parents paternels, mon grand-père qui est vétéran de la guerre du Vietnam m'appelle « Poussière » comme il fait toujours, je sais que ce n'est pas méchant de sa part mais à l'époque je ne sais pas du tout pourquoi il m'appelle ainsi, et il raconte des bêtises que je n'ai comprises que bien plus tard. Ma mère était à Hong Gai pour une affaire de famille. Je pourrais les dessiner de mémoire tels qu'ils étaient à ce moment-là.
Je reviens au présent, et jette un œil distrait au Coréen. Après un instant de silence, il me souffle :
— Akissi m'a montré ce que tu lui as fait, et ton Ultime a vraiment l'air fascinant. J'aimerais bien te filmer en train de travailler, si tu es d'accord...
— Pas de problème, réponds-je en laissant traîner mes mots.
— On... va dans ton chalet ?
— Arsinoé m'a interdit de rentrer à l'intérieur tant qu'on a pas passé 18 heures, soupiré-je. Il est 13 heures. Il faut que je fasse de la photosynthèse, je suppose.
La remarque le fait rire. Il se recule un peu, cherche le bon angle, et pointe son caméscope vers moi.
— Donc restons dehors, alors, fait-il d'un ton jovial. J'ai perdu vraiment, vraiment beaucoup d'images, donc... Est-ce que tu peux te présenter et expliquer un peu ton Ultime ?
— Si tu veux...
Je passe une main dans mes cheveux, puis commence, en me prenant au jeu :
— Je suis Nhan Glessner-Tran, dix-sept ans, j'ai la double-nationalité américaine et vietnamienne car ma mère est citoyenne vietnamienne et mon père citoyen américain, j'ai une petite sœur du nom de Mary Glessner-Tran, et je suis l'Ultime Miniaturiste.
— En quoi cela consiste-t-il ?
— Je fais des miniatures, des modèles réduits quoi.
— ...Mais encore ?
— Je reproduis des véhicules, des meubles, des environnements, des animaux, des humains... Le tout à taille réduite, développé-je. Et pour ce faire, j'utilise du bois, de la résine, du plastique, du tissu, de la peinture, de la pâte à modeler, et tout le tralala.
— Pourquoi la miniature ?
— Quand on a du temps à perdre...
Il éclate de rire derrière sa caméra.
— Plus sérieusement, reprends-je, mon père c'est M. Glessner, tu vois ? Une grande dame de la miniature s'appelle Frances Glessner Lee. Alors, absolument aucun rapport avec ma famille, mais son nom m'a poussée à m'intéresser à son travail.
— Qui est ?
— Les Nutshell Studies of Unexplained Death, une série de dix-neuf dioramas, vingt ont été construits, qui représentent des scènes de crime, m'enthousiasmé-je. Glessner Lee a prêté une très, très grande attention aux détails, et son niveau de précision est absolument incroyable ! J'ai pu les voir le 10 janvier 2018, c'est vraiment un de mes plus beaux souvenirs. Chaque miniature a mis six mois a être réalisée, et a coûté jusqu'à six mille dollars !
— Wow, lâche-t-il sans retenir un sifflement d'admiration. Tu mets combien de temps, toi, pour une miniature ?
— Je ne sais pas... Je travaille très vite et surtout je ne fais rien à côté, je saute des repas et je fais nuit blanche pour avancer, ris-je. J'ai pu faire plusieurs miniatures, déjà tout cet endroit, puis le réfectoire, un chalet, et une bonne partie du bâtiment Alpha.
— C'est peut-être pas une raison de faire n'importe quoi de ta santé...
— Je ne prendrais pas de conseil de quelqu'un qui a l'accent californien, le raillé-je gentiment.Tu me filmes ce soir, je suppose ?
— Vas-y, râle, la New Yorkaise ! Mais... ce soir, on fait la fête, Nhan, dit-il en coupant la caméra. Ça va être compliqué si on est tous les deux torchés.
— Je ne pense pas vraiment y aller, admets-je. J'aime pas les fêtes.
— Pourquoi ?
— C'est une longue histoire que j'ai pas spécialement envie de raconter.
Il se remet sur ses pieds, et autour de nous ça s'active pour installer une table, et Tahel s'embête à faire les branchement d'une sono, et, en prenant de drôles d'airs de fourmi, chacun met la main à la pâte.
— J'vais aller filer un coup de main, me dit-il en m'aidant à me relever. Ce soir je poserai mon caméscope chez toi, j'espère que ça ne te dérange pas trop que je m'absente...
— Pas de problème, vraiment, aucun.
Je me décide aussi d'aider un peu. Enfin. Je me mets à faire l'inspectrice des travaux finis, regardant les gens travailler plutôt que de réellement apporter un quelconque soutien. Quoi, vous m'avez vue ? Je suis petite, frêle, et surtout faible. Moins faible que je ne veux bien le faire croire, évidemment, mais suffisamment pour que personne ne me reproche de ne rien faire. J'échoue au jardin, m'appuyant sur la barrière où Ernesto s'est assis. Lui, par contre, grand gaillard, à observer les autres les mains dans les poches de son hoodie gris, c'est moins excusable.
— Pas trop fatigué par ta lourde besogne ? lancé-je ironique.
— Je trouve que cette fête, c'est pas l'idée du siècle. Alcool, musique, feu d'artifice, tensions, et Arsinoé...
Il la désigne d'un mouvement de tête.
— Elle a perdu quelque chose, vu comment elle cherche. Je ne suis pas sûr de vouloir savoir quoi. J'ai un mauvais pressentiment.
— Tu paniques depuis qu'on est arrivés ici, dis-je en secouant la tête. Arrête ta parano.
— Nhan, je sais un truc ou deux car j'ai vu un truc ou deux, rétorque-t-il un peu sec. En général, quand les choses vont mal tourner, je le sens. Ça va mal tourner.
— Donc tu n'y vas pas, ce soir.
— Tu parles... J'y serai parce que y'en a deux qui vont m'y traîner dans tous les cas, et je vais sans doute me retrouver à trop boire pour arrêter de stresser, comme à chaque fois qu'on laisse une bouteille ouverte près de moi. À la rigueur, c'est pas pour ma vie que j'ai peur, ajoute-t-il après un temps. Plutôt pour celles des autres.
— Il n'y aura pas de mort, arrête, soupiré-je en roulant des yeux.
Soudain, un éclat de voix retentit. Plein de douceur, mais énergique. Enjoué. Dans cette voix, encore teintée par l'enfance, est chaude, caressante, profonde, on sent l'innocence de l'âge tendre qui voile une maturité et, presque, une sensualité d'adulte. Une voix qui me donne la chair de poule. La voix la plus reconnaissable, la plus agréable que le monde n'est jamais entendu, qui pourrait rendre passionnante même l'événement le plus ennuyeux.
— Le son est super, merci Tahel ! lance LaToya au micro.
La technicienne répond par un pouce vers le haut. Je tourne mon attention vers l'Ultime Animatrice radio, perchée sur un rondin et plissant les yeux pour lire un morceau de papier.
— Avis à la populace ! déclame-t-elle avec assurance. Arsinoé sort la viande pour faire des grillades ce soir, il n'y aura pas de porc mais je ne garantis pas que ça soit halal ou casher. Pour les végétariens, on a des légumes à couper en cuisine pour les passer au barbecue donc ça serait sympa que Maman ne se tape pas tout le travail ! Il y aura aussi de l'alcool, fait avec heu... Visiblement, on a trouvé des conserves de fruits et des bières, donc avec la bière il y aura des liqueurs et on remercie Jiraïr et Mendel pour les efforts ! Ensuite, j'ai demandé à Monokuma pour la météo et apparemment ce soir ça devrait le faire, mais s'il pleut ou s'il fait trop froid on pourra rentrer dans le bâtiment Bêta, tout est prêt ! Un grand merci à tout le monde pour rendre cette petite fête possible !
À ces mots, la demoiselle saute de son perchoir et tend son micro à la jeune fille blonde. Elle nous repère aussitôt, sans doute grâce à une capacité de vision d'aigle qui doit être en package avec la voix envoûtante, et fonce vers nous. Sans préavis, elle saute sur Ernesto pour lui faire un gros câlin.
— Pourquoi ? s'exclame-t-il pris au dépourvu.
— Car j'ai envie de faire des câlins à tout le monde ! répond-t-elle dans un rire.
Elle le lâche, pour entourer mes épaules de ses bras. Puis elle se défait de moi, me fait un grand sourire, et court se jeter sur Stefan qui passe par là à ce moment-là. Je peux m'empêcher de rire devant la tête du joueur, visiblement pas habitué à des manifestations d'affection aussi spontanée, et mon camarade de barrière s'esclaffe de même.
Dès 18 heures, je me carapate dans mon chalet, et Seung-Il se ramène en tirant une valise. Je la fixe, médusée, ne m'attendant pas du tout à ce qu'il apporte plus que son caméscope numérique qu'il traîne partout.
— Je vais installer deux-trois caméras, pour bien tout prendre, ça ne te gêne pas ?
— Ah ouais. Donc j'ai eu le nez long de vite me mettre en pyjama, remarqué-je. Mais vas-y, installe-toi.
— Super, merci !
Il ouvre sa valise sur le sol, et en extirpe plusieurs appareils, dont un micro-cravate qu'il m'accroche au col.
— D'habitude c'est Tahel qui règle tout ça, mais...
Il me regarde dans mes yeux en souriant.
— ...Pas de raison que j'y arrive pas tout seul.
— Si je meurs à cause d'un mauvais branchement, je ressuscite et je te tue.
Seung-Il éclate de rire, avant d'aller allumer ses appareils. Je ne m'en occupe même pas, et je m'installe à ma table basse pour reprendre le travail. Il allume des lampes marchant sur pile pour améliorer l'éclairage.
— Ça tourne, m'indique-t-il.
À l'extérieur, la musique est si forte que je l'entends de là où je suis. C'est le genre de musique qui passe à la radio, le genre de musique que j'écoute distraitement sans réellement apprécier.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Là, maintenant ? Je finis le laboratoire de chimie, pardi.
Seung-Il ne résiste pas à l'envie de venir me regarder faire de plus près, les yeux brillants comme un enfant qui découvre un tout nouveau. Mais il se lasse vite.
— Ça ne te gêne pas que je file ?
— Non, ne t'inquiète pas, réponds-je avec quelques secondes de décalage alors que je dispose les éléments de verrerie en résine sur les paillasses. Profite bien de la fête.
Je me laisse absorber par mon travail, oubliant jusqu'au vacarme dehors. Je couds, je peins, je colle, je cloue, je coupe. Mes doigts agencent les éléments pour la reproduction de notre vie à taille réduite. Et tout, tout sera parfait. Car tout doit être parfait. Car ma mémoire l'est, ma mémoire ne faillit pas, ma mémoire ne doit pas faillir. Pour moi, hypermnésique, une perte de mémoire c'est l'apocalypse, c'est la perte de tous mes repères.
Quelqu'un tape à mes carreaux. Fort. Longtemps. Je pousse un long soupire agacé, et délaisse mes affaires.
C'est Akimune. J'ouvre ma fenêtre.
— Regarde le feu d'artifice ! crie-t-il surexcité.
Je m'appuie au carreau. Oh, je les entends brailler et chanter faux, ils doivent tous être bleus comme des huîtres. Akimune semble à peu près clair, à mon avis il n'a rien bu pour pouvoir être au top de sa performance lors du spectacle pyrotechnique, et cela doit bien être le seul. Il me sourit, puis disparaît dans la nuit.
Et dans le ciel éclot la plus merveilleuse des fleurs bleues. Pendue à ma fenêtre, j'admire la magnificence de ce qui se dessine sur la voûte céleste. Akimune n'est pas le plus fin, mais il a le sens du beau.
Après le bouquet final, le silence. Je reste ébahie quelques instants, puis me remets au travail. Et je travaille, je travaille toute la nuit. Au petit matin, je m'effondre sur ma table, épuisée par cette nuit.
Le soleil me réveille quand il est à son zénith. Je suis stupéfaite qu'Arsinoé ne m'ait pas tirée dehors. Je m'étire, toute cassée par cette nuit à dormir dans une mauvaise position. J'attrape mes affaires de douche, une serviette hygiénique, je décroche mon micro-cravate et je le jette sur mon lit. Un dernier signe aux caméras, et je sors.
Ce à quoi j'assiste est digne d'un film de guerre. Quoi, c'était une fête tranquille en plein air ou une rave party dans un squat ? Du vomi dans l'herbe, des cadavres de bouteilles par terre, des gobelets éparpillé, Monokuma qui râle que tout est dégueulasse, bravo les jeunes...
— Ah, Nhan ! me salue l'homme en me remarquant. Ouh là, tu as raté quelque chose hier !
— Quoi, vous y étiez ?
— Oh, assez longtemps pour me dire que les jeunes de nos jours sont complètement dingues.
Il ponctue sa phrase d'un sourire. Les jeunes. Toi t'as trente piges à tout casser, me parle pas des jeunes. Je rejoins le mess.
Oh la bande de zombies.
Oh que j'ai envie de hurler pour titiller leur gueule de bois.
Mendel et Akissi distribuent des aspirines, je suppose que ces deux-là n'ont pas bu hier soir... Arsinoé, par contre, elle que j'aurais vu comme étant la première à réprouver cette débauche, comate sur une table en gémissant. Hayat et Hotaru ont l'air tout à fait clairs, j'imagine qu'eux n'ont pas participé aux réjouissances. Akimune décède sur sa chaise, mais c'était à prévoir, et vu que Stefan tient la taille d'Eugénie comme il protégerait un trésor, j'ai vraiment dû rater quelque chose.
Tu regrettes. Au fond, tu regrettes d'avoir fait ton asociale une fois de plus. Tu as raté la soirée de ta vie parce que tu es une idiote.
Je regarde autour de moi, et constate que l'assistance n'est pas au complet. Bon, qu'importe. Certains doivent dormir dans leurs lits. Je monte à l'étage, pour me laver, me changer, passer aux toilettes, et je redescends illico. Comme je meurs de faim, je m'en vais chaparder de la nourriture dans le réfrigérateur, et comme flemme et puis rien ne m'intéresse je préfère rester le ventre vide. J'attendrai le dîner, rien de dramatique.
En sortant, Akissi m'interpelle.
— Nhan, tu peux nous aider à finir de distribuer les aspirines, s'il-te-plaît ?
Elle est tellement adorable. Sa petite voix me fait fondre. Attends, est-ce que je... Je... Vais répondre à cette question plus tard mais pas maintenant.
— B-bien sûr ! lancé-je en attrapant les doses qu'elle me tend.
— Super, me murmure-t-elle avec un sourire sincère. Est-ce que tu veux bien faire le tour des chalets ? Certains de nos camarades sont dans leurs chalets, comme LaToya, Lutz, et j'en passe. Est-ce que...
— Aucun problème.
Elle me remercie à voix basse, et je pars presque avec plaisir faire ma tournée. Jiraïr me lance son coussin au visage en grognant, très bien. Tahel a la gentillesse de m'ouvrir et de me remercier. LaToya dort à poings fermés. Je rentre dans le chalet d'Ernesto et j'avoue voir flou quand Seung-Il m'y accueille ; je laisse donc deux doses, sans poser les questions qui me brûlent les lèvres. Et le dernier, c'est Lutz. Je toque à la porte, il ne répond pas. Comme c'est étonnant, encore un qui n'a pas dû forcer sur la bouteille... J'entre alors.
Le verre m'échappe des mains et mes genoux me lâchent.
Je peux citer le moindre détail. Je ferme les yeux. La scène s'est déjà imprimée dans mon esprit.
Le rouge brun du sang séché tâche d'une manière si obscène les draps blancs. La peau... Déjà pâle, colorée par endroits de pourpre, de bleu... Enfin, quand... La peau... La gorge... La gorge... J'ai l'impression d'un fil de fer sur ma langue, d'un poids sur ma poitrine. Et les mouches qui volent, qui... Et l'odeur... cette odeur âcre, collante, pestilentielle... De décomposition... De putréfaction... de... de... Mes entrailles se tordent. Je plaque ma main contre ma bouche, contre mon nez, dans un effort désespéré de réprimer la nausée qui m'agite. Sur le mur face à moi, gravé, maladroitement ou dans la hâte, le mot « RAPIST » s'étale. Je me perds dans des yeux verts et vitreux. Le corps... Rigide...
Aucun son ne s'extirpe de ma gorge.
Aucun son ne le peut.
Ma tête tourne.
Je...
Je vois des étoiles...
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