4. LE BAYOU
Vous savez Cercei, vous êtes la meilleure élève que j'ai eue. Votre faculté à comprendre la part sombre du cerveau humain force l'admiration. Mais comprenez une chose : vous allez rejoindre le département des sciences du comportement du FBI. C'est un monde d'hommes, un monde dur. Ça m'attriste de vous le dire, mais si vous ne vous endurcissez pas, jamais vous ne réussirez. Vous serez juste assez bonne pour aller chercher le café de vos collègues et leur courrier.
Le discours de monsieur Clinton, directeur de thèse, me revient. Cet homme aimait plaisanter en disant que moi, dans la police, je serais la fille facilement manipulable qui tomberait amoureuse d'un criminel parce qu'il m'accorderait des miettes de son attention.
Ça me faisait extrêmement mal, d'autant plus qu'il avait raison.
Je passe la langue sur ma lèvre inférieure, accélérant ma conduite. Pour l'instant, j'en mène large : la voiture du Sibérien n'est pas en vue. Mais combien de temps cette chance va-t-elle être de mon côté ?
La dépendance affective.
C'est assez ironique pour une future psychologue de souffrir d'un trouble. Le plus bénin dans ce labyrinthe de troubles dont le cerveau humain peut être atteint, diront certains. Selon l'opinion populaire, les dépendants affectifs ne sont que des gens chiants qui cassent la tête avec leur besoin excessif d'être écoutés, compris et épaulés.
Ce n'est peut-être pas faux. J'ai constamment besoin d'affection, d'attention et de validation de la part des autres, ce qui m'a toujours poussée à mettre mes propres intérêts au second plan pour plaire à ceux qui partagent ma vie.
Certains, comme Black, en ont toujours profité pour me dépouiller de tout ce que je possède, d'une misérable paire de chaussures à l'appartement de mes rêves.
Monsieur Clinton disait que quelqu'un comme moi, qui a constamment besoin d'être aimé à l'excès, ne pourrait jamais travailler comme psychologue pour les criminels. Et il avait raison. Pourtant, je me suis acharnée parce que c'est la seule chose que je voulais faire.
Je suis faible, facilement influençable. Et qu'y a-t-il de plus dangereux pour mon cerveau malade qu'un psychopathe ? Une catégorie de personnes qui a la manipulation dans le sang. Pourtant, c'est avec ce genre de personnes que je comptais travailler.
Comptais. Je me rends compte avec tristesse que je viens de mettre cette phrase au passé, parce que je vais mourir. L'ombre de la mort plane dangereusement au-dessus de ma tête.
Encore une fois, j'ai fait passer les intérêts des autres en premier. En l'occurrence, ceux d'Adams. Je suis venue à la Nouvelle-Orléans et maintenant, je suis la proie d'un criminel déterminé à rayer mon existence de la carte.
Tout ça parce que je voulais obtenir la validation de mes parents. Je voulais qu'ils me trouvent gentille, je voulais qu'ils m'aiment !
Je sacrifie constamment mon bonheur en faveur de celui des autres parce que j'ai peur d'être abandonnée, comme Amanda l'a fait.
Et finalement, ça ne m'a rien rapporté de bon. Ça ne me rapporte jamais rien de bon.
Merde, c'est trop demander quelqu'un qui se soucie de moi et qui me protège envers et contre tout ?
Une voiture percute la mienne, me sortant de mes pensées, et un bruit assourdissant de tôle se mêle à celui, tout aussi fort, de la pluie qui s'acharne sur le toit de la Nissan.
Je prends plusieurs inspirations, remplis mes poumons d'air, et accélère pour m'éloigner de cet ange de la mort qu'est le Sibérien. Il est déterminé à me rattraper, à me tuer.
Et je suis déterminée à survivre, à rentrer chez moi. Je n'ai rien fait, je n'ai jamais trempé dans quoi que ce soit de mauvais. Mon parcours est un sans-faute du début jusqu'à la fin. Donc il n'est pas question que je me retrouve six pieds sous terre parce que j'ai eu le malheur d'avoir un taré comme géniteur.
Mon Dieu, s'il vous plaît, aidez-moi. Si je réussis à m'en sortir, je vous promets de ne plus laisser mon besoin d'affection me mettre au-devant du danger.
Mais j'ai beau mettre autant de distance que possible entre moi et le Sibérien, cette pluie est contre moi. L'eau s'accumule sur le pare-brise. Il y en a tellement que les essuie-glaces ne servent pas à grand-chose.
Je manœuvre avec dextérité, prenant une route à ma gauche tout en gardant les yeux sur la voiture de mes poursuivants par le rétroviseur.
On dirait un passage de ces films d'action que m'obligeait à regarder oncle John. J'ai toujours trouvé toutes ces cascades surjouées et ridicules. J'aurais peut-être dû prendre des notes plutôt que de me moquer des acteurs !
Je me rends compte trop tard que je viens d'emprunter un sens interdit.
Une voiture blanche fonce droit sur moi. Le chauffeur, quand il me remarque, a la même expression que la mienne. Une pure terreur déforme tous ses traits, voilant son regard. Je m'agrippe au volant enveloppé de cuir pour dévier de sa trajectoire dans l'espoir d'éviter que le pire ne se produise, mais je ne suis pas assez rapide. Et la pluie rend les routes extrêmement glissantes. Ma voiture percute la sienne. On s'est juste effleurés, mais on roulait tellement vite que chacun de nous est éjecté plus loin.
Merde, je ne pensais pas que ça pouvait être pire !
Je n'avais pas eu le temps de mettre ma ceinture. Alors je suis projetée en avant quand ma voiture finit sa course contre ce que j'identifie comme plusieurs arbres. Ma tête percute le tableau de bord dans un bruit sec.
Une douleur indescriptible me vrille le crâne. J'inspire profondément dans l'espoir de calmer la douleur. Je suis peut-être grièvement blessée, mais je m'en inquiéterai plus tard. J'ouvre la portière de la voiture d'une main tremblante et, aussitôt dehors, la pluie m'enveloppe comme un manteau glacé, collant mes vêtements à mon corps.
- Oh non, pas ça !
La voiture de l'homme sur qui je suis rentré est avachie sur le toit. Il roulait trop vite et la bagnole s'est retournée. Tout ça est de ma faute !
Je me mets à courir dans sa direction en espérant qu'il soit toujours vivant. Au même instant, la SUV noire du Sibérien pénètre sur la nationale. Je suis tellement mortifiée d'avoir causé un accident que je ne fais pas attention à lui.
Le conducteur accidenté est en très mauvais état. Un masque écarlate recouvre son visage, la tête renversée en arrière. Il est tellement compressé que je me doute qu'il a du mal à respirer. Je m'accroupis en face de la portière et tente de l'ouvrir. Par chance, elle cède.
- Je vous en prie, aidez-moi...
Sa respiration est sifflante. Il grimace en pivotant son visage vers le mien.
- Ne bougez pas, je suis vraiment désolée, je vais appeler les secours.
Il cligne des paupières, sûrement pour chasser le sang qui s'y est accumulé. J'essaye de le délivrer de sa ceinture de sécurité, mais l'un de mes poursuivants arrive à ma hauteur. J'ai le temps de reconnaître Damon avant qu'il ne me saisisse par le bras pour me mettre rageusement debout.
- Il faut appeler les secours, il est très mal en point !
- Ça ne serait pas arrivé si tu ne t'étais pas enfuie. Tu veux t'assurer d'emporter un maximum de personnes avec toi avant de mourir ?
J'ai envie de rétorquer que je ne me serais pas enfuie s'il n'avait pas ordonné à son homme de main de me tuer, mais les mots se bloquent dans ma gorge quand j'avise l'arme qu'il tient dans sa main gantée. Il va me tuer, il va tous nous tuer. Je ne peux pas laisser faire ça. Cet homme n'a rien demandé. C'est une personne innocente qui rentrait sûrement chez elle et qui a eu le malheur de tomber sur moi.
- Je suis désolée, mais lui n'a rien fait, il faut lui venir en aide.
Je me risque à le regarder même si ça m'en demande beaucoup. À cause de mes yeux vairons, j'ai du mal à soutenir le regard des autres. Ils me trouvent bizarre, monstrueuse, ils se moquent de moi... Certains disent que je les mets mal à l'aise.
- Je ferai ce que vous voulez, mais ne le laissez pas mourir.
On est rejoints par Duncan. Il m'a l'air plus conciliant que Damon, mais à quoi me sert sa gentillesse si, de toute façon, il obéit au psychopathe aux cheveux blancs ?
- Si je contacte le 911, tu feras ce que je veux ?
Sa voix est égale. Je n'arrive pas à saisir s'il est sérieux ou s'il se moque de moi. Néanmoins, au point où je suis, j'acquiesce doucement. Je suis prête à signer un pacte avec le diable pour ne pas voir un innocent mourir. Le Sibérien se rapproche de moi. J'aurais voulu reculer, mais je suis tétanisée par la peur. On dirait que sa simple présence suffit à me jeter un sort d'immobilité.
- Tu es prête à faire n'importe quoi pour quelqu'un que tu ne connais pas ?
- Oui, il perd beaucoup de sang. On devrait appeler les secours puis continuer cette conversation...
Ma voix est haut perchée pour couvrir le bruit de la pluie qui me martèle le crâne. Le Sibérien reste de marbre, comme si les éléments qui se déchaînent n'ont pas d'ascendant sur lui.
- D'accord, je vais l'aider.
Alors que je crois qu'il va saisir son téléphone et contacter les secours, il dégaine son arme et tire en direction de la voiture. Le bruit des rafales réussit à déchirer l'air, dominant celui de la pluie et même celui, pourtant strident, de mon hurlement.
- Ferme-la !
Le Sibérien retourne son arme contre moi. Je ne suis pas sûre qu'il lui reste des munitions tant il s'est déchaîné sur le visage de cet innocent, mais je me fige. La face inondée de larmes que la pluie s'empresse de nettoyer. Je ne sais pas pourquoi on surnomme cet homme le Sibérien, mais de ma petite déduction, son apparence et sa froideur n'y sont pas étrangères. De la couleur de ses cheveux à celle de ses yeux, à son visage taillé dans la serpe et lardé de cicatrices, tout est absolument froid chez lui. Froid comme un monstre, froid comme la Sibérie.
- Vous l'avez tué...
Je marmonne, mais dès que cette phrase s'échappe de mes lèvres, je me rends compte de l'horreur de la situation. Il a abattu un homme avec le même sang-froid dont il s'est servi pour mutiler Adams, le condamnant à une mort certaine. Sauf que contrairement à Adams, l'automobiliste ne s'est rendu coupable d'aucun crime. Il a perdu la vie par ma faute...
- Met toi à genoux ! M'intime Damon, sans jamais hausser le ton. Je n'arrive pas à réfléchir ni à calmer les tremblements de mon corps, qui ne sont pas seulement dus à l'averse.
- Vous l'avez tué...
Je répète encore comme un disque rayé. Je regarde son arme puis lui avant de reculer, mais je me heurte au torse dur de Duncan.
- Du calme, Princesse !
Ses mains se posent sur ma taille pour me stabiliser, alors que je suis plus concentrée sur le fou qui m'observe avec un calme angoissant.
- D, tu n'es pas obligé d'en arriver là !
- Toi, ne commence pas. Elle va mourir, je l'ai décidé ainsi, et si tu la ramènes encore une fois, tu meurs avec elle. Mets-toi à genoux, Elvira.
J'obéis, c'est comme si mes jambes avaient décidé de céder d'elles-mêmes face à l'ordre. Le Sibérien pose l'arme sur mon front, je ferme les yeux, c'est vraiment la fin ?
Je ne suis pas Elvira.
Mais je vais mourir parce que pour ces gens-là, j'ai son identité.
Il appuie sur la gâchette et alors que je m'attends à une détonation, l'arme émet un ridicule clic. Il n'a plus de munitions, la surprise passe sur son visage, sûrement égale à la mienne, mais je ne perds pas de temps pour saisir la chance qui m'est donnée. Je me relève, repousse Duncan qui est derrière moi et j'envoie un coup de pied au genou du Sibérien. Aussi costaud qu'il soit, si quelqu'un vise bien, sa jambe se dérobe sous lui.
Je profite de l'effet de surprise pour prendre mes propres jambes à mon cou. Mon premier réflexe était de courir jusqu'à la voiture d'Adams, mais avec ces deux prédateurs, je n'aurais même pas le temps d'ouvrir la portière. Je m'enfonce alors dans le bayou, priant pour ne pas tomber sur des animaux sauvages ou, pire, atterrir dans un lac regorgeant d'alligators.
Qu'est-ce que je raconte ? Il n'y a pas pire prédateur que le Sibérien. Les animaux, au moins, ne tuent pas pour rien.
Il à appuyer sur la gâchette, il a appuyé sur la gâchette ce malade mental !
Je me mets à zigzaguer entre les arbres, prenant des chemins de manière aléatoire pour brouiller les pistes. Cette pluie est un avantage parce qu'au moins il ne risque pas d'entendre le bruit que je produis. Mais d'un autre côté, elle rend le sol boueux et ma progression difficile par la même occasion.
Ma course est effrénée. Je ne ralentis que pour regarder derrière moi et m'assurer que ni Damon ni Duncan n'en ont après moi. C'est à cause de ce dernier que j'ai décidé de m'enfuir. Non mais il est complètement atteint. Princesse ? Dans une situation pareille, il me trouve un surnom affectueux ?
Ça n'a sûrement rien à voir avec moi. Il a l'habitude d'appeler les femmes comme ça, mais tout de même !
Je m'arrête brusquement devant un cours d'eau. Merde, j'allais y plonger par inadvertance. De l'autre côté, je distingue la rive, longée de plusieurs maisons en bois construites dans un style propre à la Louisiane. Sans perdre de temps, je remonte le cours d'eau. Il faut que je trouve un endroit où me cacher et, après une bonne nuit de sommeil, j'irai voir la police. Il n'est pas question qu'ils s'en sortent après le meurtre de cet automobiliste.
Les gouttes d'eau, épaisses et lourdes, s'écrasent sur les larges feuilles des arbres, créant une mélodie naturelle entrecoupée par le bruit de ma respiration. Je dois soulever les pieds le plus haut possible pour éviter qu'ils ne s'enlisent dans la boue. Pire : par endroits, le sol est extrêmement glissant, et je n'arrête pas de m'avachir sur le sol, ce qui me ralentit considérablement.
J'ai réussi à leur échapper deux fois. Il doit être fou de rage et je ne doute pas que s'il me met la main dessus, je vais écoper de plusieurs balles dans la tête. Enfin, s'il n'opte pas pour le couteau comme avec Adams.
De ce dernier, je ne me suis jamais attendu à rien. Mais comment Amanda a-t-elle pu me tendre un tel piège ? Je n'ai jamais compté pour elle.
Je m'insulte mentalement d'avoir ce genre d'interrogation. Si j'avais été importante pour elle, ne serait-ce qu'un peu, elle ne m'aurait jamais abandonnée. Elle a choisi son nouveau mari et ses beaux-enfants. Cette fois, elle a choisi Adams et Elvira ; moi, je n'ai jamais été prise en compte.
J'emprunte avec soulagement un pont en bois construit au-dessus du cours d'eau avant d'atterrir sur une pelouse. Je prends le temps de souffler en regardant derrière moi, en direction de la touffe d'arbres martyrisée par l'averse qui ne se décide pas à diminuer. Bizarre, j'ai l'impression qu'ils ne sont plus à mes trousses. Je hausse une épaule. Je ne vais pas m'en plaindre, peut-être qu'ils en ont marre, ou... Ils ont quelque chose d'autre en tête.
Je me dépêche de longer les maisons en bois dont la plupart n'ont pas de clôture. Et si j'allais me cacher dans l'une des propriétés ? Mes pas me mènent déjà vers la première maison à ma portée, mais je suis forcée de rebrousser chemin quand un chien se met à aboyer.
- Bordel, quelle nuit de merde ! Si ce n'est pas le sibérien, ce sont des chiens.
Par chance, je trouve une propriété sans chien, avec en prime un abri de jardin.
Je jubile presque en me rendant compte que la porte n'est pas fermée à clé. Je me précipite dans la pièce légèrement éclairée, encombrée de tuyaux, d'arrosage, d'une brouette, de plusieurs pelles et pots de fleurs.
- Oh merde. Ce n'est qu'une fois installée que je me rends compte qu'il n'y a pas de serrure et que la porte ne s'ouvre que de l'extérieur, et ça m'angoisse. Et si c'était un piège ?
À bout de souffle, je me laisse tomber dans un coin de la pièce, l'abri derrière les pots de fleurs. Au point où j'en suis !
Je suis réveillée le lendemain par un hurlement strident. Une femme d'âge mûr, vêtue d'une combinaison en jean et de bottes de jardinage, se tient à l'entrée de l'abri, brandissant une pelle. Je lève prudemment les bras, prête à me défendre si elle décide de me frapper.
- Qu'est-ce que vous fichez chez moi ?
- Je suis vraiment désolée, je voulais juste m'abriter de l'orage.
- Ici ? Comment êtes-vous entrée ? Parce qu'elle ignore que mon abri de jardin n'était pas fermé à clé.
- Oui, je... je ne connais personne dans cette ville et mon sac a été volé, je ne savais pas où dormir. Je vais m'en aller.
Elle plisse les yeux, suspicieuse, mais consent à baisser sa pelle. Je me lève et me dirige vers la sortie.
- Vos vêtements sont mouillés, vous allez être malade.
- Non, ça va... Je vais y aller.
Je m'éloigne déjà, maintenant que je suis assez reposée, il faut que j'aille voir la police pour dénoncer Adams et Amanda, sans oublier Elvira qui se balade avec mon identité. J'en ai marre d'être considérée comme l'idiote de service qu'on peut utiliser et jeter dans la poubelle la plus proche.
- Hé, attendez !
Je m'arrête au son de la voix de la femme à la pelle. Je me retourne pour la regarder.
- J'insiste pour les vêtements.
Elle est bizarre, est-ce un piège ? Peut-être que Damon sait que je suis ici et qu'il a payé cette femme pour qu'elle me retienne. Même pas deux jours sur le sol de la Nouvelle-Orléans et je commence déjà à voir le mal partout.
Elle s'éloigne en courant vers l'arrière de la maison pour revenir quelques secondes plus tard avec un tissu roulé en boule qu'elle lance dans ma direction.
- Changez-vous avec vos vêtements humides, vous allez attraper la mort. Et la prochaine fois, évitez de vous abriter chez les gens comme ça, tout le monde n'est pas bien intentionné.
Si elle savait !
Je me débarrasse de mon pull sous son regard prudent, je prends la décision de garder mon soutien-gorge, et passe la robe par-dessus avant de retirer mon jean.
- Les chaussures, ça ira ?
Je hoche la tête.
- Oui, merci beaucoup.
Elle me sourit, son regard méfiant me fait néanmoins comprendre qu'il est grand temps de partir, et je ne me fais pas prier. Je ne veux pas ramener les tueurs fous au seuil de sa porte.
***
Il fait tellement chaud que mes sous-vêtements et mes cheveux ont séché. Il doit être midi et je marche sans but depuis des heures. J'ai faim, la fatigue commence à prendre ses droits et, pire, j'ai un début de fièvre à cause de la pluie qui s'est acharnée sur moi.
Je regarde autour de moi. Malgré l'horreur de la situation qui m'a conduite ici, je ne peux m'empêcher d'être émerveillée devant le cadre particulier du Vieux Carré.
Des bâtiments de style colonial espagnol, des balcons en fer forgé, des cours intérieures luxuriantes, des façades peintes de couleurs vives... J'ai l'impression que absolument tout dans ce quartier est extravagant, fabuleux.
Les rues sont animées, c'est un point positif. Je doute que Damon m'attaque parmi tout ces gens. Je m'arrête pour demander à un homme de m'indiquer où se trouve le poste de police le plus proche.
- Je peux te déposer, viens, ma caisse est garée de l'autre côté.
Je refuse catégoriquement sa proposition. Avec le fou à mes trousses, je ne peux pas me permettre d'accepter. Il me tuera après l'avoir tué, lui.
- Allez, fais pas ta meuf, on sera plus rapide avec ma voiture.
- Pouvez-vous juste m'indiquer où se trouve le poste, je vous prie ?
- Va chier, j'en sais rien !
Il s'adosse au mur et continue de tirer sur sa cigarette, ses locks bougeant au rythme de la musique provenant de la radio échouée à ses pieds.
J'insiste, mais il m'ignore royalement, ce qui fait rire ses deux compagnons.
Je crois que je commence à détester les hommes. La seule chose qui m'empêche de choisir l'ours, c'est mon oncle. En lui, j'ai une confiance aveugle et je sais qu'il ne tombera pas dans le panneau. Il va me chercher et me trouver, peu importe à quel point Elvira pourrait se montrer fourbe.
La prochaine personne à qui je demande mon chemin n'est pas mieux que la première.
- Vous n'avez pas Google Maps ? C'est moi ou les gens dans cette ville sont tous des sombres connards, chacun à leur façon ?
- Non, j'ai perdu mon téléphone.
Après ça, elle me dédie une moue pleine de jugement tout en m'indiquant le chemin.
Quand j'arrive devant le poste, je suis tellement soulagée que mes épaules sont secouées de sanglots. Enfin, ce calvaire prendra fin. Je pénètre à l'intérieur du bâtiment dont le drapeau américain orne fièrement la façade.
À l'intérieur, il y a une forte odeur de café et j'ai si faim que ça me retourne l'estomac. Mais au moins, je suis désormais en sécurité et cette pensée me donne le courage d'avancer d'un pas déterminé jusqu'au bureau d'accueil.
Un policier noir, qui semble usé par son métier, est derrière son bureau encombré de plusieurs dossiers. Il lève brièvement les yeux vers moi, avec un froncement de sourcils qui semble imprimé sur son visage.
- J'aimerais porter plainte pour meurtre, kidnapping, intimidation, viol, inceste, usurpation d'identité, non-assistance à personne en danger et trafic d'êtres humains.
Je lâche presque en hurlant, tant je suis soulagée d'être devant un membre des forces de l'ordre.
Le dit membre pousse un long soupir qui secoue toute sa carcasse et je l'entends marmonner : "Non, pas encore", avant de reprendre à haute voix, son regard épuisé sur mon visage.
- Bonjour, déjà. Installez-vous là-bas.
Il m'indique les sièges rouges fixés au mur de l'autre côté du poste, juste là où il y a les distributeurs automatiques et la machine à café.
- Je suis à vous dès que j'ai fini de prendre la plainte de ce monsieur !
Mince, je me sens bête, c'est maintenant que je remarque la personne installée sur le siège en face de son bureau.
Le siège en question pivote légèrement et... merde !
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