1. LA DÉCISION


Un mois plus tôt


" J'ai la naïveté de croire que quand on fait les choses sincèrement on touche les gens "
Simon Astier









- Wayne m'a demandé de l'épouser, sans surprise, et j'ai dit oui !

Je cale mon épaule contre la porte fermée de la maison de ma grand-mère, les yeux écarquillés fixant Black, ma meilleure amie. Ce n'est pas vraiment la réaction qu'on attend dans ce genre de situation, mais je suis trop surprise pour sauter de joie.

La veille, on a reçu nos diplômes et, durant la cérémonie, elle m'a avoué avoir trouvé la bague achetée par Wayne par inadvertance et qu'elle comptait dire non, parce qu'elle a besoin de profiter d'une année de liberté avant d'être enfermée durant les 50 prochaines années dans une routine qui va inévitablement la rendre dingue.

- Ne fait pas cette tête Cercei.

- Quelle tête ? Celle de la fille qui se demande si tout va bien chez Black ?

- Je sais, je sais... J'avais prévu de dire non, mais je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête. J'ai accepté.

- Tu le regrettes ?

- Honnêtement, non. J'aime Wayne de tout mon cœur et je sais que je ne regretterai jamais de l'avoir choisi.

Cercei ; je vais me marier. Imagine-toi dans ta magnifique tenue de demoiselle d'honneur tenant ma robe à la taille gigantesque, j'avais toujours pas à le realiser.

Je jette un coup d'œil à Wayne qui, adossé à une voiture à quelques mètres de nous, est en pleine conversation téléphonique. Comme s'il avait senti mon attention portée sur lui, il tourne la tête et lève sa canette de bière. Je lui souris. Wayne, Black et moi sommes amis depuis toujours. On a étudié dans les mêmes écoles, on a les mêmes loisirs, on a souvent été dans la merde ensemble ; pour ainsi dire, on est inséparables. Ils ont commencé à sortir ensemble il y a 3 ans. Au début, je n'avais pas parié sur la réussite de ce duo explosif. À la mort de la mère de Black, Wayne s'est montré d'un soutien remarquable, et je crois que c'est à cette période qu'il a réussi à conquérir son cœur récalcitrant. Ils sont parfaits l'un pour l'autre.

- Tu es sûre de toi ?

- Oui, oui, je ne suis pas comme toi ! Je n'accepte pas de me lier à quelqu'un juste parce qu'il me fait de la peine.
Je grimace suite à l'attaque, et nous éclatons de rire. Ma seule et unique relation date du lycée. C'était avec un gamer nommé Roberto. J'ai accepté de sortir avec lui parce qu'il m'avait fait de la peine en disant, je cite : les filles comme toi ne s'intéressent pas à des losers comme moi.

On est restés ensemble deux ans, jusqu'à ce que ses parents déménagent pour la Suisse. Non, mon idylle n'a pas survécu face à la distance.

- Laisse Roberto tranquille. Il était gentil et très romantique. Parlons sérieusement, tu es sûre de toi ?

- Je n'ai jamais été aussi sûre ! La conviction dans son regard me tire un soupir de soulagement.

- C'est moi qui choisirai la couleur de ma robe. Je refuse de négocier ça ! Black éclate de rire alors que je la prends dans mes bras.

- J'arrive pas à y croire, tu vas te marier et moi ? Je vais tout organiser ! Putain, montre la bague ! Elle me présente sa main tout en se pavanant. J'admire le diamant marquis qui est pour moi comme une révélation : ma sœur de cœur va se passer la corde au cou.

- Félicitations... Mes yeux se remplissent de larmes.

- Seigneur, Cercei, tu es tellement sensible. Arrête, tu vas me faire chialer.

- Je vais garder mes larmes pour le jour de la cérémonie. Black leve les yeux au ciel, elle regarde sa montre avant de questionner.

- Tu te demandes sûrement pourquoi je suis passée à l'improviste.

Je secoue la tête, lui signifiant que je ne me suis absolument pas posé la question parce que Black vient toujours chez moi quand ça lui chante, et vice-versa.

Mais ce soir, je n'aurai pas beaucoup de temps à lui accorder parce que ma grand-mère a décidé d'organiser un dîner pour fêter la fin de mes études universitaires, invitant ainsi certains membres de la famille.

- Il faut que je te dise quelque chose. Elle a perdu son sourire. Je dirais presque qu'elle est angoissée. Je me détache de la porte pour lui faire face.

- Je t'écoute.

- Voilà, Wayne va venir vivre en Californie.

- Je croyais qu'il irait étudier à Londres. Elle me lance un regard prudent avant de se concentrer sur un fils qui depasse de sa veste. Je me force à ne pas analyser tous ses mouvements comme une psy.

- C'était le but, mais il a eu une opportunité à San Diego. Tu sais, comme nous. Et comme on va se marier, je me demandais si ça ne te dérange pas de nous laisser l'appartement.

Je reste interdite un moment. Black et moi sommes nées et avons grandi à Reno, une petite ville dans le Nevada. Nos moyens financiers ne nous ont jamais permis d'aller ailleurs, même pour les vacances. Notre rêve a toujours été de terminer nos études et d'aller vivre et travailler en Californie. Ce rêve est sur la bonne voie puisque j'ai trouvé un emploi dans un cabinet à San Diego, et mon contrat commence en octobre.

- Tu ne m'en veux pas. Je suis sûre que tu comprends, et tu trouveras autre chose. Il reste deux mois avant que tu ne commences ton travail, et je vais t'aider à trouver un logement.

Il m'a fallu 8 mois pour trouver un appartement digne de ce nom à quelques minutes de mon lieu de travail. Je doute pouvoir trouver mieux dans un délai aussi court.
Mais Black a l'air tellement heureuse que je ne me sens pas la force de lui gâcher sa journée.

- Bien sûr que ça ne me dérange pas. Un énorme sourire étire ses lèvres et elle me serre contre elle à m'étouffer elle me souleve presque du sol.

- Je savais que je pouvais compter sur toi. Change pas, tu es la meilleure. Bon, je dois y aller. On va dîner chez les parents de Wayne.

- D'accord, amuse-toi bien.

Elle descend les quelques marches du porche et se dirige vers son fiancé. Ce dernier m'interpelle et me remercie pour l'appartement. Je lui fais un signe de la main avant de retourner dans la maison. J'ai un sursaut en trouvant ma grand-mère à l'entrée.

- Nany, écouter aux portes, c'est très impoli ! Pour toute réponse, je reçois une tape sur le bras. Elle manœuvre les roues de son fauteuil roulant pour se diriger vers la cuisine.

- Toute ta vie, tu resteras une bonne poire, n'est-ce pas ?

- Mais qu'est-ce que tu racontes ? J'ouvre la casserole fumante et y plonge le doigt pour goûter la sauce sous son regard agacé.

- Que les choses soient claires, j'adore Black, je l'ai presque élevée, mais elle t'utilise.

Et c'est reparti pour un tour.

- Pas du tout.

- Ah oui ? Comme par hasard, elle va se marier et Wayne, qui soi-disant devait étudier à Londres, a eu une opportunité en Californie ? Tu te moques de moi ? Tu sais combien de temps il faut pour trouver un travail dans ce pays ? Ce n'est pas un hasard, ma chérie, ils préparent ça depuis longtemps, et toi, encore une fois, tu leur as cédé l'appartement de tes rêves. Non mais comment tu vas faire maintenant ? Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi Cercei...

Je me dépêche de retirer la photo de l'appartement que j'avais placardée au frigo pour limiter les dégâts avec Nany.

- Ce n'est pas grave, je trouverai autre chose.

- Quand ? Tu pars dans deux mois et je te rappelle qu'il t'a fallu neuf mois pour trouver l'appartement que tu lui as cédé.

- Ce n'est pas grave !

- Change de ton... Je m'éloigne pour éviter sa cuillère en bois.

- Cercei, ma chérie, il y a une énorme différence entre être gentille et être naïve. Et toi, si tu continues comme ça, tu seras une bonne poire toute ta vie.
Je soupire, je sais qu'elle a raison. Black et moi comptions vivre ensemble dans cet appartement , raison pour laquelle elle m'a pressée de le trouver, mais la donne a changé : elle va se marier.

Je me place derriere son fauteuil enroulant les bras autour de ses epaules. Je claque plusieurs baisers sur sa joue et automatiquement sa colère s'envole.

- Je trouverai autre chose ne t'inquiete pas.

- Tu as intérêt, mais il faut que tu arrête d'être aussi concilliante c'est agaçant...

J'écoute ma grand-mère d'une oreille distraite alors que les minutes s'évaporent mon stress augmente et l'appartement devient le cadet de mes soucis.

En plus de mon oncle et de sa femme, que j'ai hâte de voir au cours de ce dîner, il y aura Elvira, ma sœur jumelle. Quand mes parents ont divorcé, ils ont trouvé un accord : chacun garderait l'une de nous. Mon père est parti avec Elvira et moi, je suis restée avec ma mère, mais elle s'est mariée un an après son divorce, et son nouveau mari, ayant déjà trois enfants, ne voulait pas du vestige de son passé chez lui. C'est comme ça que je me suis retrouvée à vivre avec mes grands-parents maternels et, même si je suis parfois très amère, je suis très reconnaissante d'avoir eu Nany dans ma vie. Elle est parfois dure, mais je sais que son amour pour moi est inconditionnel.
La dernière fois que j'ai vu Elvira, nous devions avoir dix ans. On se ressemblait tellement que nos propres parents n'arrivaient pas à faire la distinction.

On s'est perdues de vue après le divorce et, même si j'ai essayé de garder contact avec elle via les réseaux sociaux, elle ne m'a jamais répondu, trop occupée à mener sa vie de gosse de riche. Alors, j'ai arrêté d'insister.
Raison pour laquelle je ne comprends pas ce qu'elle vient faire à Reno, accompagnée de mes parents en prime, alors qu'ils ne se supportent pas.

- Et maintenant, pourquoi tu fais cette tête ? Je hausse les sourcils. Nany manœuvre son fauteuil jusqu'au réfrigérateur qu'elle ouvre d'un mouvement sec. Je vois bien dans son attitude qu'elle aussi est nerveuse à cause de la confrontation de ce soir. Elle n'a pas vu sa fille depuis l'accident.

- J'appréhende le dîner.
- Ne t'inquiète pas, ça se passera bien.
- Avec tonton dans le tableau, ça m'étonnerait.
- Ton oncle va se tenir tranquille ou il aura affaire à moi. Maintenant, va te préparer, je vais dresser la table.

***

Quand je descends une heure plus tard, les invités sont déjà installés. J'avoue que je n'ai pris que quelques minutes pour me préparer avant de me lancer à corps perdu dans la recherche d'un appartement, et Nany a vu juste : ce n'est pas une mince affaire.

- Tonton ! Je hurle en voyant mon oncle. Il sursaute, surpris, avant de hurler à son tour. Il vient vers moi, me soulève et me fait tournoyer dans les airs sous les rires de sa fille, qui hurle : "À moi, à moi, papa !" Je lui tire la langue.

- C'est mon tonton, déjà !

- Non, c'est mon papa. Pas vrai, grand-mère ?

- Mais oui, ma chérie. Mon oncle me repose et claque un baiser sonore sur ma joue.

- Je suis tellement fier de toi. J'ai passé la soirée d'hier à pleurer, surtout quand ils ont appelé ton nom, majeure de ta promotion. Je grimace. Il m'a collé la honte devant toute la promotion et tous les profs, mais je lui pardonne.

Des petites mains entourent mes jambes. Je me courbe pour embrasser ma cousine sur la bouche dans un claquement sonore qui est devenu notre rituel.

- Ta maman, c'est ta photocopie mais ma maman à moi c'est la plus belle. Elle marmonne sur le ton de la conspiration. Mon cœur rate un battement. J'ai réussi à faire comme si le petit groupe stationné près de la cheminée n'existait pas, parce que je ne pense pas être prête à les affronter après toutes ces années.

Mais il m'est impossible de faire semblant de ne pas avoir vu le couple. La première chose que j'ai remarqué c'est qu'ils ont investi les lieux comme s'ils étaient chez eux et Elvira, n'est nulle part.

- Bonsoir...

Mon regard croise celui de ma mère. Elle s'avance légèrement et j'ai l'impression d'être incapable de respirer.

Je ne l'ai pas revue depuis qu'elle m'a déposée dans la ville de Reno après son mariage. J'avais 11 ans, et maintenant, j'en ai 25. Elle m'a toujours appelée pour mon anniversaire et pour Noël, et si, au début, je lui parlais parce que j'avais l'espoir qu'elle vienne me chercher, quand j'ai compris qu'elle n'en avait plus rien à faire de moi, j'ai arrêté de prendre ses appels. Ses cartes pour Noël atterrissaient directement dans la poubelle.

Elle n'a pas changé depuis la dernière fois. Ça fait tellement longtemps que je m'étais imaginé qu'elle aurait des cheveux blancs et des rides sur tout le visage. Mais non, c'est une femme belle et élégante qui me regarde avec une telle attention que j'en deviens mal à l'aise.

Je me souviens nettement de la dernière fois que je l'ai vue. Un taxi nous avait conduites jusqu'à chez Nany. Elle m'avait fait croire que c'était pour passer le week-end et qu'après, on rentrerait. Elle m'a fait descendre de la voiture avec mes valises, m'a embrassée sur la joue en pleurant avant de retourner vers le taxi, alors que Nany me pressait contre sa jambe. Quand j'ai compris qu'elle m'abandonnait sans explication, j'ai commencé à courir vers le taxi en pleurant.

Grand-mère m'a poursuivie pour tenter de me rattraper, c'était sur une route très animée et, du haut de mes 11 ans, je n'avais pas pensé qu'une catastrophe plus grande que se faire abandonner par sa mère pouvait survenir.

- Je vais me laver les mains, dis-je précipitamment en courant presque jusqu'à la cuisine.

J'ouvre le robinet, réglant l'eau à la température la plus élevée possible. Je me frotte les mains avec tant de force qu'elles deviennent rouges.
Bon sang, qu'est-ce qu'ils font ici ? J'ai cru que, durant une soirée, je pouvais faire semblant, mais la présence d'Amanda déterre les souvenirs de la pire période de mon existence.

- Ça suffit.

Nany manœuvre son fauteuil jusqu'à l'évier et elle ferme le robinet. Le regard sévère, elle reprend :

- Ne me dis pas que tu as recommencé à te...

- Non, je me lavais juste les mains parce qu'elles sont glacées.

Elle me tend une serviette que je serre trop fort. Tout mon corps tremble sous l'effort que je fournis pour ne pas pleurer.

- Passons à table. Nous allons écouter ce qu'ils ont à dire, et ils s'en iront.
- D'accord.

- Que comptes-tu faire maintenant que tu as terminé tes études, Cercei ?

Je regarde brièvement Adams, dont la question a interrompu le silence gênant ponctué par les cliquetis des couverts. Leur présence est tellement malaisante que j'en ai perdu l'appétit ; je me force juste à manger pour faire honneur aux efforts de grand-mère. Ma tante par alliance me lance un regard lamentable avant de mettre une quantité astronomique de salade de concombre sur mon plat, une façon bien à elle de me montrer qu'elle me soutient, je présume.

- La chose pour laquelle, elle a étudié si dur, répond mon oncle. Vous saviez que Cercei est la première de sa promotion ? Déjà au lycée, elle avait obtenu une bourse d'excellence qui l'a permis d'aller à l'université.
Sous la table, je serre la main de tonton, mes ongles s'enfoncent sûrement dans sa paume, mais il ne me repousse pas. J'aurai besoin de son contact rassurant pour ne pas faire n'importe quoi. J'ai l'impression que je vais m'évanouir sous le regard de ces deux inconnus qui m'ont conçue.

- J'ai posé la question à ma fille.

- Ta fille ? Ta fille ? Mon oncle se lève si vite que son siège tombe.

- Non, Cercei est ma fille, elle est la fille de ceux qui ont voulu d'elle. Qu'est-ce que vous faites là ? Pourquoi ce soir, vous avez tout gâché par votre seule présence ? C'est ta faute, maman, je ne sais pas pourquoi tu autorises ces gens à venir ici !

- Mon oncle, je t'en prie. Je pose la main sur son bras, lui intimant de reprendre place. Mais il fulmine et continue sur sa lancée. J'ai peur qu'il en vienne aux mains avec Adams, tant la tension entre eux est palpable.

- John, prends place, maintenant ! Il serre les dents mais obéit à sa femme. On continue de manger, dans un silence de mort. J'aurais dû partir avec Black, je doute que sa soirée à elle soit aussi étrange. J'ai l'impression d'assister à un dîner donné juste après un enterrement. Je meurs d'envie de poser des questions à mes géniteurs. La logique voudrait que je leur demande ce qu'ils font là, mais si j'ouvre la bouche, je leur demanderais plutôt pourquoi ils n'ont jamais voulu de moi.

- Pourquoi Elvira n'est pas venue ? questionne ma cousine, le visage barbouillé de sauce tomate. Sa mère, qui a remarqué son état, s'indigne gentiment et lui donne une serviette en papier. Amanda lui sourit, ce qui creuse de petites ridules autour de ses yeux.

- Elvira n'a pas pu faire le voyage.

- Que nous vaut l'honneur de votre visite ? questionne à nouveau mon oncle avec une politesse que lui impose l'œil courroucé de Nany.

- Cercei est diplômée, on est venu la féliciter.

Il se moque de moi ? Il ne s'est jamais intéressé à ma vie et, évidemment, mon diplôme universitaire, c'est quelque chose qui lui tient à cœur au point qu'il a fait le déplacement. Il m'arrive d'être naïve, mais pas complètement stupide.
- Comme c'est gentil, raille mon oncle.

Je lève la tête pour attraper le bol contenant le tzatziki quand mes yeux croisent ceux de Adams. Il a une sorte de sursaut.

- Tu as les yeux vairons... Suite à cette constatation, j'ai l'impression qu'il y a une sorte de soulagement dans sa voix. Il échange un regard étrange avec son ex-femme avant de se concentrer sur son assiette, les lèvres pincées.

Je me sens mal. Mes yeux différents sont mon plus grand complexe, et je déteste qu'on me le fasse remarquer.

- Tu as un problème avec ça ? attaque mon oncle en usant de sa grosse voix de lieutenant dans l'armée de terre.

- Non, j'avais oublié ce détail.Félicitations, Cercei, pour ton diplôme.

- Merci.
- Non, putain, il n'y a pas de merci qui tienne.

Mon oncle frappe sur la table, nous faisant sursauter.

- John, où sont tes manières ?

- Dans mon cul, Je refuse de rester là à mâcher comme un con avec ces gens-là. C'est à cause de cette garce d'Amanda que tu es en fauteuil roulant maman. Elle a abandonné Cercei sans un regard en arrière, et si on peut appeler ce truc un père... Vous allez me faire croire que vous êtes revenus main dans la main après toutes ces années juste pour la féliciter ? Non, mais vous me prenez pour un con ?

- John, je comprends ta colère ; et Cercei, je suis désolé pour ce que tu as subi, mais c'est le passé maintenant...

Je me contente de hocher la tête à l'intention de Adams. Tout le monde l'observe, sauf ma cousine, qui mange avec appétit. Pour être honnête, je ne lui en veux pas, mais son détachement face à la situation m'agace un peu, et comme mon oncle, je veux savoir ce qu'ils veulent, mais surtout, je veux qu'ils partent.

- Il y a quelques mois, nous avons appris qu'Elvira souffre de lupus.

- Oui, et...

- John, je t'en prie, laisse-le finir... implore Nany en se massant la tempe. J'ai l'impression que cette soirée lui a donné dix ans de plus.

- Sa maladie s'est tellement développée qu'il est désormais impératif qu'elle ait une greffe de rein. Sinon, elle va mourir. Mais ni moi ni Amanda ne sommes compatibles, et nous n'avons pas assez d'argent pour lui payer un organe.

- Sur Inenet, quelqu'un a demandé à Cristiano Ronaldo de lui payer l'hôpital. On peut faire ça, pas vrai, papa ?

- C'est Internet, ma chérie.

Adams regarde ma cousine avec un certain agacement suite à son intervention avant de se concentrer sur moi.
Je me mordille la lèvre en comprenant où il veut en venir. Il a fait le déplacement de la Nouvelle-Orléans à Reno, non pas pour me féliciter pour mon diplôme, mais pour me demander de donner un organe à ma sœur.

Je suppose ne pas être la seule à être arrivée à cette hypothèse, parce que mon oncle se met à rire. Sa voix de stentor remplit toute la maison. Parfois, je me demande si cet homme n'est pas un peu bipolaire, mais pour avoir étudié les troubles psychologiques, je sais que mon oncle est juste trop sarcastique pour ce monde.

- Excusez-moi, mais c'est tellement drôle. Ne me collez pas au cul l'étiquette du mauvais type, je suis vraiment désolé pour Elvira, mais ce pays va brûler avant que vous n'ouvriez ma nièce pour prendre son rein.

- Papa a dit un gros mot, il doit aller au coin.

- Tu as raison s'il continue sur cette lancée papa va dormir dans le jardin !Menace ma tante le regard mauvais pour son mari.

Amanda se dépêche d'intervenir, mais contrairement à Adams, qui est concentré sur mon oncle comme s'il le surveillait, de crainte qu'il n'utilise ses compétences acquises durant ses années de service dans l'armée, elle m'observe, le visage défait par la tristesse. La même expression que le jour où elle m'a abandonnée à Reno sans la moindre hésitation.

- Cercei, je sais que tu as toutes les raisons du monde de nous détester, mais Elvira est innocente et elle va mourir si tu ne l'aides pas. Peut-être que tu n'es même pas compatible. Juste accepte de faire le test, je t'en prie.

- Je te paierai s'il le faut ! s'écrie Adams quand mon silence commence à devenir long.

Je serre les dents, n'appréciant pas le ton plein d'orgueil qu'il utilise.

- Je n'ai pas besoin d'argent. Comment va Elvira ?

- En très mauvais état. Nous avons peur que...

Une crise de larmes empêche Amanda de terminer sa phrase. Je me lève et lui passe un mouchoir.

- Pourquoi vous ne nous avez rien dit ? questionne grand-mère.

- Parce qu'au début, on croyait que ce n'était pas grave... Mais son état a empiré du jour au lendemain. Si on ne fait rien, elle va mourir. Elle réussit à saisir mes mains avant que je n'aie eu le temps de m'asseoir. Son contact soudain me fait sursauter.

Bon sang, Cercei, reprends-toi !

- Je t'en prie, Cercei, je sais que tu as toutes les raisons du monde de me détester, mais Elvira n'a rien fait, elle est comme toi, une innocente. Je t'en supplie, accepte de l'aider, sinon elle va mourir. C'est ta sœur jumelle, ne la laisse pas tomber, je t'en prie.
Mon regard se pose sur grand-mère et sur mon oncle, qui, sans surprise, secoue la tête avec véhémence.

- Ne me regarde pas comme ça. Si tu me demandes mon avis, ce sera toujours un énorme non. Adams a fait fortune dans l'immobilier, si je me rappelle, ton entreprise était cotée en bourse, et tu veux me faire croire que tu n'as pas de quoi payer un rein à ta fille ?

- Suite à beaucoup d'erreurs, mon entreprise est en faillite.

- Décidément, toute ta vie est une suite d'erreurs.

Adams serre les dents, n'appréciant pas l'insulte. Mais il ne bouge pas.

- John, pitié, la situation est sérieuse. Elvira est aussi ta nièce.

Mon oncle dédie une grimace pleine de dégoût à sa sœur.
Je déglutis. Leur bavardage incessant m'empêche de réfléchir. Elvira est ma sœur, même si nous n'avons aucun contact. Si je refuse, elle va sûrement mourir et jamais je ne pourrai vivre avec ça sur la conscience. Mais j'ai peur. J'aimerais y réfléchir, même si j'ai peur de le dire, parce que j'ai l'impression que ça serait très égoïste de ma part de demander un temps de réflexion, bien qu'Elvira n'ait plus de temps. Pour elle, chaque minute compte.

- Cercei, je t'en prie.

Ses larmes dévalent sans aucune retenue. Adams pose sa grande main sur son épaule pour la soutenir. Ses yeux aussi sont devenus écarlates, comme s'il se retenait de montrer ses émotions.

- Tu es notre dernière espoir...

- Je le ferai.

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