Le Conseiller Personnel du Prince Héritier de Solaris. Hans Rodge.
Merde, merde, MERDE!
Des Solaires! Pourquoi je n'y ai-je pas pensé plus tôt? Mes "parents" m'ont dit qu'ils contrôlent soit le feu, soit la terre... Autrement dit, je ferais mieux de filer si je ne veux pas finir carbonisée ou enterrée vivante. Le Conseiller Rodge est au service de l'Héritier, sur lequel je ne sais pratiquement rien. S'il me recherche depuis plusieurs années, il ne va sûrement pas me laisser m'en aller facilement, non? Il a sûrement reçu l'ordre de m'enlever, en fait. Et peu importe ses intentions, je dois rentrer chez moi de toute façon. Je fais un pas de côté pour échapper aux trois hommes mais le Conseiller s'interpose immédiatement. Il ne sourit plus et ses traits ont perdu leur jovialité.
— Princesse, me dit-il en m'attrapant par le bras, nous sommes chargés de vous amener à Solaris. Venez.
Je me dégage et recule d'un pas.
— Non.
Rodge soupire.
— Écoutez, chérie... Je crois que vous n'avez pas bien compris la situation. Alors je vais être clair. Deux choix s'offrent à vous. Soit vous nous suivez bien gentiment, soit les gardes qui m'accompagnent vous attrapent par la peau du cou et vous traînent jusqu'au palais. Dans les deux cas, vous finissez à Solaris. De gré, ou de force.
Je fixe le petit homme. Il a du mal à soutenir mon regard pénétrant. Fini le moment de faiblesse: mon visage a repris son implacabilité et sa froideur. Ma décision est prise et mon expression, ferme et glaciale, en témoigne. Le Conseiller le comprend et frappe le sol d'un coup de talon. Je me fige. Je sens le danger venir avant même qu'un fort tremblement ne parcourt le sol, me faisant perdre l'équilibre. Je relève les yeux. Le Conseiller me regarde, la mâchoire crispée, d'un air indécis. Je fronce les sourcils avant de diriger mon regard vers les deux Colosses. J'ai le souffle coupé. Des flammes tournoient autour d'eux.
- Mais que...?, commencé-je avant de m'interrompre, pliée en deux de douleur.
- Votre Altesse! crie le Conseiller, étrangement stupéfait. Que vous arrive-t-il?!
- Aucune... idée..., marmonné-je faiblement.
J'entends des pas précipités, signe que Rodge approche.
NON!
Un voile noir recouvre ma vision. Je hurle de rage, d'incompréhension, mais aussi, étrangement, de puissance. J'ai l'impression d'être plus forte. Je ressens tout. Le sang qui pulse dans mes veines. Les flammes qui s'élèvent au dessus des colosses imperturbables. Les battements irréguliers du coeur du Conseiller apeuré. Je n'ai plus besoin de ma vue. Je ne réfléchis aucunement. Ma raison n'existe plus: c'est mon instinct qui commande, maintenant. Une Voix enfouie en moi depuis trop longtemps. Je lève une main dans les airs, la paume tournée vers le ciel. Une odeur de pin et de sel marin m'emplit les narines. J'entends la mer qui s'affole, ses vagues frappant la côte avec force. Le vent s'agite et tournoie autour de moi.
— Venez! hurlé-je d'une voix méconnaissable aux éléments, à l'air et à l'eau. Rejoignez-moi!
Ils redoublent de force comme pour me répondre. L'air siffle à mes oreilles avant de tourner autour de ma main, attendant mes instructions. Une pluie saline s'abat sur nous. Elle fouette mon visage, se mélange avec le vent rugissant. Le chant d'une baleine se fait entendre au loin.
— Débarrassez-moi de mes ennemis!
L'ouragan bouillonnant autour de moi ne se fait pas prier. Il s'élance comme une flèche, meurtrier, vers le Conseiller et les colosses. Ils sont stupéfaits, je le sens. Je ne devrais pas savoir faire ça. Je ne devrais pas contrôler mon pouvoir. Il ne devrait pas être aussi puissant. Je souris, euphorique. Grisée. Je plante mon regard dans celui de Rodge. Je sais ce qu'il croit voir. Je le sens. Une démone aux yeux dorés, ses cheveux de jais battant son visage dans l'ouragan qu'elle a créé. Je me sens m'élever dans les airs. Je monte de plusieurs mètres au dessus du sol, sous les yeux ébahis de ceux qui ont essayé de m'enlever.
— Imbéciles! Je suis la descendante de la Nuit, son incarnation, sa force! Reculez devant l'Impératrice des Ténèbres! Je vais vous punir pour cet affront, misérables Astraux! Vous allez regretter de vous en être pris à une Valeur!
Ce n'est que lorsque je prononce cette dernière phrase que le visage de Rodge passe de la peur à une terreur pure et absolue, un effroi total. Idem total pour ses compagnons. De vrais statues effarées. J'esquisse un sourire. Leur peur est délectable. Je m'apprête à ouvrir la bouche pour l'aspirer lorsqu'une énorme bourrasque m'atteint dans le dos, me faisant perdre l'équilibre. Je chute de plusieurs mètres avant de m'évanouir lorsque j'entre en contact avec le sol.
*
J'ai l'impression d'être sous l'eau. D'avoir du mal à respirer. À entendre. Je distingue des voix, mais difficilement. Je ne comprends pas tout. Seulement des bribes de phrases.
— Comment... possible? Elle... jamais... savoir faire ça! Ça... années d'entrainement, de la... et... discipline...
La voix soupire. J'essaie de me concentrer. Comprendre... C'est la seule chose que je peux faire. Du moins essayer.
— ... anormale.
Bruissements de tissus.
— Je... Mais Akeira n'est... Même... Élémentaires. Ne... qu'à cause de... naissance. 8 jours... dort.
Je gémis en tentant d'ouvrir les yeux. Au diable la discrétion. La douleur dans ma tête est trop forte. J'entrevois mes «parents» avant de m'évanouir de nouveau. La noirceur m'enveloppe, douce et accueillante...
*
Je rouvre les yeux avec difficulté. Je suis toujours dans ma chambre. Une luminosité aveuglante et plus qu'anormale entre maintenant par l'immense baie vitrée du mur Est de ma chambre. Je plisse les paupières, peu habituée à ce genre de lumière. Je préfère de loin les épais nuages qui cachent le soleil habituellement. Mes «parents», alertés par le boucan que je fais en tentant — vainement — de me relever, accourent dans la pièce.
— Akeira! Tu es réveillée! s'écrie ma «mère» en se précipitant vers moi.
Je la fixe sans répondre. "Akeira"? Bah, peu importe. Ma vie est un mensonge. Pourquoi pas mon prénom? Ma bouche est une fine ligne stricte. Je me crispe lorsqu'elle me prend dans ses bras. Mon «père» n'a pas l'air ravi de mon rejet évident.
— Alors, demandais-je d'une voix dure. Comment dois-je vous appelez, maintenant?
Ma «mère» se fige. Elle se redresse et me regarde d'un air triste.
— Eh bien... J'imagine que nous appeler par nos vrais noms serait plus approprié, en effet.
— Qui sont...?
Mon «père» s'avance.
— Loïc et Ana de Crépuscule.
Je fronce légèrement les sourcils.
— Crépuscule?
— C'est une ville de Luna.
Voyant que je ne réponds rien — ce qui signifie que je comprends pas — , Loïc soupire.
— Jusqu'à quand remontent tes derniers souvenirs? me demande-t-il.
Je réfléchis un instant.
— Eh bien, les passages depuis que je suis rentrée à la maison sont flous et, je ne suis pas sûre, mais je crois avoir vu des flammes plusieurs heures plus tard, sauf que mes souvenirs de ce qui a suivit sont noirs. Du moins jusqu'à cette bourrasque qui m'a fait chuter...
Bourrasque... Je porte la main à mon front, d'où je ressens soudainement un fin mal de tête. Un morceau de souvenir remonte à la surface de mon esprit. Une magie ancienne... Un peuple contrôle deux éléments... Le vent! Ma tutrice a dit contrôler l'air ambiant!
Je m'interromps et fixe Ana.
— C'était toi, n'est-ce pas? Ce vent n'avait rien de naturel.
— En effet. Et j'ai bien fait. Tu allais tuer le Conseiller Personnel du prince Héritier ainsi que ses gardes du corps. Une très mauvaise idée. Au moins, aucun civil n'a été en mesure de voir votre combat grâce à la chaleur qu'ont généré les gardes. Cette sorte de... bulle a flouté l'environnement tout autour, vous cachant ainsi, et des ondes provenant de la terre ont étouffé le vacarme. Mais tu ne t'en souviens sûrement pas.
Elle secoue la tête.
— Ça n'aurait jamais dû arriver. Tu n'es pas sensée contrôler tes pouvoirs. Et ils ne devraient pas être aussi fort! Pas maintenant!Tu n'as pas reçu la bonne éducation, ni fais de cours de détection, ni...
— Ana, l'interrompit doucement son mari. On va plutôt reprendre depuis le début, O.K.? (elle acquiesce) Bien. (il se tourne vers moi) Comme tu le sais déjà, nous ne sommes pas tes vrais parents. Nous avons reçu l'ordre de t'élever ici, parmi les Humains, de ta mère, qui était la Reine de Luna. Ce royaume partage avec Solaris une très grande île cachée dans l'Océan Indien. Avant, la paix régnait. Mais il y a environ vingt ans, quelque chose à changé. Le Roi de Solaris, Roacham, a décider de faire la guerre aux Lunaires. Il espère ainsi réveiller l'Écho. Les légendes sur ce... cette chose sont nombreuses. Personne ne sait la vérité. Le Roi croit qu'en le réveillant, les Astraux retrouveront les pouvoirs qu'ils ont perdus à cause des Hommes. Pollution, réchauffements climatiques, destruction de la couche d'ozone... Tout cela nous affaiblit. Mais la Reine Léïka, ta mère, était contre. Cette guerre allait tout détruire. Elle savait que son refus la mettait en danger... Roacham est un homme d'une cruauté sans pareil. Enfin bref, Léïka a décidé d'accoucher en cachette. Seuls elle, Ana, des guérisseurs royaux de confiance et moi savions qu'elle attendait des jumelles. Tu es née la première. Elle t'a cachée parce que tu es son Héritière. Elle savait que le Roi Roacham n'hésiterait pas: il te tuerait dès qu'il le pourrait. C'est ce qu'il s'est passé pour Léïka. Il l'a assassiné. Elle est morte de sa main.
La voix de Loïc déborde de rancune et de fureur. Il était apparemment proche de ma mère et déteste clairement le Roi de Solaris. Idem pour Ana. Je l'observe du coin de l'oeil. Elle a les poings serrés et les mâchoires crispées. Ma tutrice se retient visiblement d'ajouter quelque chose. Loïc continue:
— Nous nous sommes donc occupé de toi pendant toutes ces années. Ta jumelle, quand à elle, ne sait rien de toi. Elle ignore qu'elle n'est qu'une Héritière secondaire tout comme votre petite soeur, Ivanie. (mon tuteur pousse un soupir rageur) Elle n'avait que sept ans quand le Roi a tué votre mère. Toi et Farah avez cinq ans d'écart avec elle. Ta jumelle a donc pris le contrôle de Luna a l'âge de douze ans. Mais malgré les années, elle n'est pas... appréciée par tous, disons. La princesse Farah est autoritaire, stricte, froide, calculatrice et parfois cruelle. Ses Conseillers sont pareils. Mais il y a autre chose. (Loïc regarde Ana pour obtenir son approbation. Elle hoche silencieusement la tête. Son mari prend une grande inspiration et se tourne vers moi, l'air nerveux.) Farah est fiancée au prince Héritier de Solaris. L'accord étant basé sur le fait que ce soit l'Héritière de Luna qui épousera Jayden pour éviter la guerre, eh bien... C'est toi qui devra l'épouser.
- QUOI?!?!
Il n'en faut pas plus pour que je tourne de l'oeil une énième fois. Mais à quoi ils ont pensé, enfin? Moi, épouser un inconnu? Un prince? Jamais!
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Salut, comment ça vas? J'espère que vous avez eu les réponses à certaines de vos questions!
Alors, l'annonce du mariage arrangé? Akeira n'a pas l'air ravie...
On se retrouve mercredi pour un prochain chapitre :D (je vous préviens, ce sera un bébé chapitre, alors je publierais sûrement peu de temps après)
À plus tard!
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