Je me relève aussitôt, rouge de honte et attrape mon tee-shirt pour le remettre. J'ai l'impression d'être une gamine.
- Je suis désolée.
- Ce n'est pas grave.
Je m'arrête dans mes mouvements alors qu'il a les yeux dirigés vers le lac.
- Je devrais peut être rentrer.
Il acquiesce et reprend les rames pour nous ramener sur la terre ferme. Je ne sais pas ce qu'il a. Il semble perdu dans ses pensées, ne plus faire attention à moi. J'ai peur de l'offusquer si je parle ou lui demande ce qui ne va pas. J'ai l'impression d'avoir fait une bêtise et mon cœur se serre à l'idée qu'il m'en veuille pour quelque chose. J'ai peur de l'avoir blessé.
Pourquoi je me sens aussi mal. J'ai l'impression de détruire mon cœur à chaque fois que je le regarde. Plus on s'approche du rivage et plus une boule vient prendre place dans ma gorge et dans ma poitrine.
Il m'abandonne à l'entrée du village tandis qu'une vague électrique se répand dans mon corps. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je me sens morose et déboussolée alors que je le regarde partir les mains dans les poches.
Je mets un pied dans ma case qui me semble bien triste et silencieuse d'un coup. Je récupère mon pyjama sous mon oreiller et l'enfile sans tarder avant de m'afférer dans l'écriture de mon livre en attendant que Liam ne m'appelle. Quand mon téléphone se met à vibrer, je pose mon crayon et retire mes lunettes pour prendre mon portable. Je le regarde un instant en me demandant si je devrais vraiment répondre alors qu'Hissan occupe toutes mes pensées.
Je décroche.
- Allo ?
- T'en a mit du temps !
- Je n'étais pas à côté de mon portable.
Je n'ai pas la force d'entendre sa rancœur ce soir. Mais bon je n'ai pas le choix.
- Comment se passe ton voyage ?
Comme d'habitude, il me fait comprendre qu'il n'est pas d'accord avec mes choix.
- Tu sais pourquoi j'ai accepté que tu deviennes écrivain, parce que tu voulais absolument travailler ?
- Pour que je puisse bosser à la maison.
- Ne l'oublie pas. Parce que je pourrais très bien te retirer de ce projet qui te tient temps à cœur.
Je souffle à l'autre bout du fil avant de m'arrêter de respirer. Ça va l'énerver alors autant que je crache mon venin maintenant.
- Je le sais Liam, tu n'es pas obligé d'être condescendant.
- Tu viens de dire quoi ?! Je te promets Aurore, ne me manque pas de respect, tu risque de le regretter.
Je pince les lèvres pour m'empêcher de pleurer. Je ne veux pas partir d'ici et encore moins qu'il vienne pour me tomber dessus.
- Excuse-moi.
- Y a intérêt.
Et il raccroche. Je décolle le combiné de mon oreille et regarde l'écran noir sans émotion. C'est alors qu'une goutte d'eau vient éclater à sa surface. Je monte aussitôt ma main libre à ma joue, humidifiée par mes larmes. Les gens ont raison, comment est ce que je fais pour survivre avec une vie pareil. C'est bien le mot. Survivre. Je ne fais que ça depuis que je suis née.
- Aurore ?
Je sors de ma rêverie en essuyant mes larmes et pose mon portable après l'avoir éteint. Je me lève pour me diriger jusqu'à mon lit, ne voulant pas trop m'approcher pour qu'il ne voit pas mon trouble dans l'obscurité.
- Qu'est ce que tu veux ?
- M'excuser d'avoir été aussi froid tout à l'heure. Je n'aurais pas dû te juger.
Je renifle bruyamment en levant les yeux au ciel. Je perds mon regard dans la pièce avant de revenir sur lui.
- Ce n'est pas grave, j'ai l'habitude.
Ma voix n'est plus aussi assurée que je le voudrais, ce qui alerte Hissan qui rentre précipitamment dans la petite maison sans se préoccuper de ses croyances. J'ai l'impression d'avoir une mauvaise influence sur lui. Seulement éclairée à la lueur d'une bougie lointaine, il inspecte mon visage avec inquiétude. Je retire ses mains de mon visage et m'échappe sur ma droite, à l'opposée de la porte.
- Qu'est ce qu'il y a ?
- Rien.
- Pourquoi pleurs-tu alors ?
Dos à lui, je sais qu'il n'a pas bougé alors je me mords les lèvres sans qu'il ne le voit. Si je continue, je vais vraiment me les ouvrir.
- Je n'ai pas envie dans parler. Pourquoi es-tu revenu ?
- Je m'en veux d'être partie comme ça après... que tu sois tombée... sur moi...
Il bafouille, le rendant tellement mignon. Je l'imagine rougir comme quand je me suis déshabillée devant lui. Je réprime un rire qui se transforme en sourire. Il a le don de me remonter le morale, de me faire oublier mes problèmes liés à Liam.
Nous sommes interrompus dans nos pensées par le gargouillis de mon ventre. Dans le silence j'entends son rire timide, ce rire qui me rend toute chose. Je me retourne un peu honteuse.
- Je n'ai rien mangé ce soir.
- Je vais te chercher quelque chose.
- Ce n'est pas... la peine.
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'il est déjà partie en courant alors je m'assois sur mon lit en l'attendant.
Il revient dix minutes plus tard, avec un morceau de pain, du fromage de chèvre et un fruit à l'écorce rose que je ne connais pas. Je mange déjà ce que je connais pendant que le garçon découpe le fruit en quatre pour que se soit plus facile de le manger, alors qu'il est assit à côté de moi. Je suis ébahit pas la couleur de la chaire. Elle est grise avec de petits grains noirs. Il m'en tend un morceau quand j'ai finit la première partie de mon repas.
- La peau n'est pas comestible.
- Qu'est ce que c'est ?
- Vous appelez ça, le fruit du dragon.
Je souris. Un nom très spirituel. Je croc dans la chaire tendre qui me rappelle la texture du kiwi. Le gout est sucré et doux en bouche mélangeant ananas et fraise. J'aime beaucoup. Je ne pourrais manger que ça. Je prends un deuxième morceau, puis le troisième mais avant même que je ne l'ai finit, il a déjà mangé le quatrième. Je le réprimande du regard alors qu'il comprend que j'ai adoré.
- Tu vas m'expliquer pourquoi tu pleurais ?
Je me renfrogne mais capitule devant son air instant. J'ai l'impression de ne rien pouvoir lui cacher. C'est horripilant.
- J'ai eu Liam au téléphone.
- Il t'a menacé ?
- En quelque sorte...
Il se relève d'un bond, la colère déformant ses traits.
- Arrête de minimiser ce qu'il te fait subir !
Je me lève à mon tour, agacée.
- Je n'ai pas le choix !
- Et si tu avais le choix ?
- Ce n'est pas possible.
Il s'approche de moi, un peu trop près, tellement que mon cœur s'emballe quand mon corps réagit à notre proximité. Mes récepteurs aux phéromones sont grands ouverts.
- Si tu me dis en détaille ce qu'il t'a dit, je te donnerais un deuxième choix.
Sa proposition est alléchante mais je ne sais pas si ça vaut le coup. Je baisse les yeux, incapable d'affronter son regard. Je ressemble à un petit chiot battu. C'est peut être ce que je suis au fond. Je me frotte les bras en relevant la tête, toujours en évitant son regard, les larmes aux yeux.
- Il m'a promit que si je lui manquais de respect encore une fois, il me retirait du projet ici, ou bien il se déplacerait lui-même pour me faire comprendre que ce n'est pas moi qui décide.
- Tu as envie de partir ?
Je le regarde dans les yeux. Son ton est neutre ce qui fait que je ne sais pas s'il est en colère ou triste ou alors totalement l'inverse. C'est tellement frustrant de ne pas pouvoir lire en lui ce qu'il ressent.
- Non, bien sûr que non...
- Pourquoi ?
Je ne sais pas ce qu'il essaye de me faire dire et ça me terrifie. Je ne sais pas s'il s'attend à ce que je reste pour lui ou parce que j'aime enseigner à ces petites filles qui n'ont pas la vie facile dans ce pays. Dans mon monde, on a déjà dépassé tout ça, dans le sien, les femmes n'étudient pas.
- Parce que je me sens bien ici. J'oublie Liam, j'aime ce que je fais, j'aime ma liberté... j'aime passer du temps avec toi.
- Alors explique-moi pourquoi tu restes avec lui ? Outre le fait que tu l'aimes.
Il plonge ses iris noirs dans les miens. J'ai la sensation d'être hypnotisée. Je cherche mes mots mais rien ne me vient, mon esprit étant trop obnubilé par ses magnifiques yeux d'ébène. Je baisse finalement la tête pour reprendre une contenance et trouver la réponse à sa question.
- Parce que je suis dépendante financièrement de lui et je n'ai aucune bouée à laquelle me raccrocher. Si je le perds lui, je n'aurais plus personne. Je risque de m'effondrer.
- Et tes amies ?
Je raccroche mon regard au sien.
- Je ne parle pas d'amitié.
Il se mord la lèvre avant de s'écarter de moi. Je ne sais pas si j'ai dit les bons mots. Je suis tellement pathétique. Je crois que c'est ce qui me caractérise le mieux et Liam me l'a assez rappelé dans mes moments de faiblesse. Oui parce que pour vivre, il me faut une source d'affection bien plus puissante que de l'amitié. Je me dis que ça aurait été différent si j'avais eu des frères et sœurs.
Je regarde l'anneau à mon doigt. J'ai peut être fait une erreur en l'épousant mes avant ça, je pensais que nous serions inséparable et indestructible. Au final, c'est moi qui prends les coups.
Je me retourne avant que mes larmes ne dévalent de nouveau mes joues. Pourquoi je me rends aussi malade d'amour ? J'ai toujours eu besoin de l'approbation des gens qui m'entouraient. Je ne pourrais jamais changer ça en moi.
Soudainement, deux bras entour ma taille et un corps chaud vient se coller à mon dos. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine avant de commencer une course effrénée. La chaleur que dégage Hissan me réchauffe instantanément bien que cette proximité me fasse monter le rouge aux joues. Il pose sa tête au creux de mon cou, si bien que je sens son souffle chaud sur mon visage.
Il me laisse le temps, ou peut être pour lui-même, de m'habituer à sa présence avant de resserrer ses bras autour de mes côtes, sous ma poitrine en évitant quand même tout contacte. Je comprends son respect envers moi et ça me touche au plus profond de mon être. Mon cœur me montre la voie et je le comprends maintenant. Depuis le début, c'était ce que je devais trouver.
Mes larmes coulent de plus belle mais cette fois, elles transpirent la joie. Pour faire comprendre à Hissan que je ne le rejette pas, je pose mes mains sur les siennes pour resserrer l'étau autour de mon corps. Ses bras me donnent une sensation de protection que je ne veux pas perdre.
- Je ne devrais pas faire ça...
- Je sais ce que tu penses, moi ça ne me dérange pas.
Il enfonce son visage dans mes cheveux et vient poser ses lèvres dans mon cou. Une vague de chaleur se répand dans tous mon corps au point que mes jambes en deviennent lourdes. Il me fait un tel effet avec tellement peu. Même Liam ne me fait pas ressentir autant de chose.
- Pourtant ce n'est pas bien. Je n'imagine même pas la tête que ferait ton mari s'il savait.
- Il ne s'en prendrait pas à toi, seulement à moi.
Hissan relève la tête pour que je l'entende distinctement.
- Il est là le problème. Je préférerais qu'il me frappe moi plutôt que toi. j'ai vu les cicatrices dans ton dos et sur tes bras. J'ai peur pour toi.
Mon cœur se serre. C'est la première fois qu'un homme me dit ça et ça me remplit de bonheur. Je me retourne légèrement pour ne pas quitter l'étreinte réconfortante qu'il m'offre tout en le regardant droit dans les yeux. Des cicatrices, j'en ais sur tout le corps. Le dos, les bras, les cuisses et le ventre. Mais je n'ai pas peur.
- Je... je ne te laisserais pas prendre des coups pour moi, pour les décisions que je prendrais. Tu n'y es pour rien.
Je vois dans son regard qu'il n'aime pas du tout ce que j'insinue. Ce son mes erreurs pas les siennes. Je ne dis pas que tomber amoureuse de lui est une erreur. L'erreur était peut être de me marier. De ne pas avoir trouvé la bonne personne du premier coup.
- Tu me plais, Aurore. C'est peut être soudain, mais c'est ce que je ressens.
Ses mots me vont droit au cœur et je ne peux empêcher mon sourire d'illuminer mon visage. Cet homme est peut être ce qui pouvait m'arriver de mieux et à cet instant, ma tête est d'accord avec mon cœur.
- Toi aussi, tu me plais.
Son regard dévie vers mes lèvres. Sans me lâcher une seule seconde, comme s'il avait peur que je m'enfuis à la première opportunité de liberté, il avance son visage vers le mien. Il s'arrête comme s'il voulait mon approbation, comme si je risquais de le jeter comme une vielle chaussette. Alors impatiente, trop peut être, je cèle notre baiser d'une petit impulsion. La douceur et la chaleur de ses lèvres font exploser mon cœur dans ma poitrine, lui redonnant encore plus de force. J'ai même peur qu'il lâche par ce trop plein d'émotion en moi.
Quand il met fin à cet étape cruciale, je suis déjà en manque. J'en aurais aimé tellement plus, mais je dois respecter ce en quoi il croit. Je n'ai pas le droit de le juger, comme il n'a pas le droit de le faire sur mon mariage. Malgré tout, je suis haletante, comme si j'avais couru un marathon interminable. Mon trop plein d'adrénaline va très vite redescendre et je crois que je ne pourrais même plus tenir debout.
J'ai quand même quelque chose à lui avouer.
- Mes cicatrices. Je n'en ai pas seulement sur le dos et les bras. Mais les seules qui viennent de moi sont celle là.
Je me libère légèrement de ses bras pour lui montrer les lignes parfaites qui suivent la longueur de mes avant bras. Je ne les caches pas, parce que j'estime que je n'ai pas à avoir honte d'avoir tenté de me suicider après une violente altercation avec Liam, qui m'a value toutes les marques dans mon dos. Je crois qu'il m'en a plus voulu que d'appeler les urgences.
- Je me fous que tu ne sois pas parfaite ou un peu dingue dans ta tête. Tout ce que je veux, c'est que tu sois en sécurité.
- Je le suis ici et avec toi.
Il me sourit avant d'embrasser mon front et de me souhaiter une bonne nuit, pour repartir chez lui. Ça va être très dur pour moi de passer peu de temps avec lui. J'espère sincèrement que Liam ne mettra pas sa menace à exécution.
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