Chapitre 23

Je ne sais pas pourquoi je suis là, en pleine nuit dans un couloir sans vie, comme mon regard à cet instant dirigé vers cette porte blanche qui ne me parait pas du tout stable. Ou c'est peut-être moi qui ne suis pas du tout stable sur mes jambes.

Après qu'on m'ait écarté de la scène de crime, le lieutenant m'a forcé à m'assoir sur le siège arrière de sa voiture en attendant les urgences. J'ai attendue, une bonne heure, toute seule avec mes larmes et les horribles images qui tournent en boucle dans ma tête. Je ne l'ai pas vu, simplement le sac noir sur un brancard que la première ambulance a emmené avant qu'un médecin ne vienne me voir.

Il m'a fallu répéter trois fois à la femme qui m'auscultait que j'allais très bien, que je n'avais rien reçu, seulement un poignard en plein cœur. Après l'avoir repoussée une dernière fois, je me suis levée et j'ai fait quelques pas en direction de chez moi.

- Mademoiselle Hastings, vous devez venir avec nous pour qu'on prenne votre déposition.

Je me suis arrêtées nettes avant de rebrousser chemin vers la même voiture dans laquelle j'ai poireauté pendant un long moment. Ils m'ont emmené jusqu'au commissariat du district et m'ont laissé seule pendant plus d'une heure dans une salle d'interrogatoire encore plus lugubre que mes pensées.

Je détestais Liam du plus profond de mon cœur, mais je me rends compte que je ne voulais pourtant pas sa mort. J'étais prête à le tuer mais je ne sais pas si je serais allé jusqu'au bout. Je n'aurais pas eu le cran.

On peut détester profondément son ex et quand même pouvoir vivre dans le même monde que lui. Il a quand même fait partie de ma vie pendant plus de cinq ans et je l'ai aimé profondément au point d'être anéantie par sa mort. Je sais que je m'en remettrais vite mais ses dernières paroles tournent en boucle dans ma tête : « Je t'aime ». Jamais il n'a été aussi gentille avec moi en trois ans de mariage et pourquoi faut-il qu'il s'y mette juste avant de se mettre une balle dans la tête.

- Mademoiselle Hastings, comment vous sentez-vous ?

Je lui ai jeter un regard noir qui l'a fait tout de suite baisser les yeux sur ses papiers.

- Vous voudriez vous débarbouiller ?

- J'aimerais rentrer chez moi.

Il m'a souris.

- Commençons par le commencement : où avez-vous trouvé l'arme ?

- Dans le bureau de mon père et je ne sais pas pourquoi il en a une.

Il s'est mis à griffonner sur son carnet dans un silence de plomb qui commence à m'agacer.

- Pourquoi avez-vous menacer Liam O'Neal ?

- Pouvez-vous aller chercher le Lieutenant, lui au moment il ne me poserait pas des questions aussi stupide.

Il m'a souri une nouvelle fois avant de se lever et de sortir de la pièce. Je ne voyais pas grand-chose à cause de mes yeux bouffis alors je me suis approchée de la vitre sans teint pour voir dans quel état je suis.

Je suis recouverte de fines gouttes de sang que je n'avais même pas senti lors du coup de feu. Je me suis essuyée les joues avec mes doigts jusqu'à me racler la peau à m'en faire mal.

La porte s'est ouverte et refermer, me forçant à m'arrêter et retourner m'assoir.

- Il parait que vous avez renvoyé mon collègue.

- Il est ignare.

Il a levé les yeux au ciel et s'est installé en face de moi comme l'autre avant lui. Il m'a reposé la même première question avant de me demander pourquoi je n'ai pas appelé les flics pour me plaindre de lui.

- Je devais protéger Hissan.

- Jusqu'à venir tuer votre ex-mari ?

- Je n'ai pas pu. Il m'a embobiné et je ne pourrais jamais savoir si ce qu'il m'a dit était vrai et si c'était vraiment ce qu'il pensait.

Son sourire s'est effacé et un soupire est sorti de sa bouche alors qu'il joignait les doigts devant moi.

- Ne vous en voulez pas, Liam était un sociopathe qui n'a passé sa vie qu'à vous faire du mal. Que ce qu'il ait dit soit vrai ou faux n'a pas d'importance. Vous devez maintenant passé à autre chose, vivre votre vie.

- Ça a l'air plus facile à dire qu'à faire.

- Vous êtes forte, vous pouvez le faire. Vous êtes libre, rentrez chez vous.

- Merci.

Je ne me suis pas fait prier pour déguerpir et rentrer chez moi. Mais à mi-chemin, j'ai fait demi-tour pour rejoindre l'hôtel des parents d'Hissan en pleine nuit pour me retrouver dans ce couloir morbide dans lequel je poireaute depuis trente bonnes minutes.

Je prends mon courage à deux mains et frappe quelques coups sur cette porte qui me parait toujours branlante. J'attends, un certain temps avant que la porte ne s'ouvre sur la seule personne que je voulais voir aujourd'hui.

Demain, on est censé se marier, vivre le plus beau jour de notre vie et pourtant on se regard en chien de faïence sans savoir quoi dire. Quand il pose vraiment son regard sur moi, ses yeux s'ouvrent comme des soucoupes.

- Qu'est-ce qu'il t'ait arrivé ?!

Je plisse les yeux sans comprendre avant de me rappeler que je suis couverte du sang de Liam.

- Ce n'est pas mon sang.

Hissan semble complètement dérouté avant de respirer un bon coup.

- On peut parler ?

Il me fixe un moment avant de me laisser entrer dans la chambre d'hôtel très silencieuse et plongée dans le noir.

- Je t'ai réveillé ?

- Non, je n'arrive pas à dormir.

Mon cœur se sert dans ma poitrine en pensant que tout ça est de ma faute, qu'il ne se sent pas bien à cause de moi. Il disparait dans la salle de bain. J'enlève mon manteau rouge de sang et le pose sur une chaise avant de m'assoir sur le bord du lit en attendant qu'il revienne.

Quand il reparait, il tient une serviette dans la main. Il s'assoit sur le matelas et commence à la passer sur mon visage pour essuyer les éclaboussures qui le m'accule entièrement. Sur le coup, je ne comprends pas pourquoi il est aussi gentil avec moi après tout ce qui s'est passé depuis quelques jours. Je le laisse faire, appréciant ce moment de calme entre nous avant que tout n'explose en mille morceaux d'ici quelques minutes.

- Liam est mort.

Il se fige sur mon visage, puis sur la serviette avant de revenir vers moi.

- Il s'est suicidé devant moi il y a quelques heures.

- Je suis désolé.

- Je ne le suis pas, moi. Je suis triste qu'il soit mort et je sais que tu ne peux pas le comprendre mais je suis contente que tout ça soit derrière moi.

Hissan se relève et se débarrasse de la serviette dans la salle de bain avant de mettre les deux mains sur la table en face du lit en me tournant le dos. Je baisse la tête vers mes mains sans savoir quoi rajouter.

- Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?

- Il m'avait menacé. Si je te parlais ou parlais à la police, il te tuerait. J'avais très peur pour toi.

Il se retourne très rapidement, le visage déformer par la colère.

- Mais j'aurais pu faire quelque chose, je sais me défendre tout seul !

- Je pensais m'en sortir toute seule, ce n'était que quelques bleus au poignet et l'épaule.

Il sert les dents pour ne pas exploser et j'ai presque envie qu'il le fasse plutôt que laisser ce silence pesant qui nous enveloppe.

- Je n'arrive pas à croire que tu ne prennes encore les bleus à la légère.

- Ce n'était rien, je t'assure.

- Aurore ! Tu te rends compte qu'il aurait pu te tuer, plusieurs fois !

- Tout ce qu'il voulait c'était de l'argent !

Il s'arrête de faire des gestes dans tous les sens avant d'éclater de rire. J'ouvre la bouche, déconcerté par ce qu'il se passe devant moi.

- Et te récupérer apparemment.

- Je ne suis plus amoureuse de lui. Je t'aime plus que tout et je pleure comme une madeleine depuis deux jours. Je voulais te laisser de l'espace pour que tu puisses réfléchir mais...

Il se détend d'un coup avant de laisser retomber ses bras et de venir s'assoir sur le bord du lit à côté de moi comme tout à l'heure. Je plonge dans son magnifique regard transcendant qui me fait complètement craquer. Je ne sais même plus de quoi on parlait tellement je suis obnubilé par ses yeux marron intense.

- J'aurais vraiment préféré que tu me dises toute la vérité dès le début. On aurait trouvé une solution ensemble.

- C'est ce que ma mère à dit, mais je ne l'ai pas écouté.

- Très mauvaise idée.

Je pouffe et son sourire vient illuminer son visage. Je le trouve incroyablement beau en cet instant et j'aimerais qu'on soit de nouveau tous les deux comme avant, heureux et prêt à lier nos vies l'une à l'autre.

- Je suis désolée.

- Je sais. J'ai compris que j'ai réagis un peu trop fort. Je suis amoureux de toi et ça me tue à petit feu d'être en colère et loin de toi.

J'ouvre légèrement la bouche devant tant de sincérité et mes larmes se remettent tout de suite à couler. Hissan panique et me demande si j'ai mal quelque part mais je me jette dans ses bras sans le lâcher, appréciant d'être dans ses bras.

- Tu veux toujours te marier avec moi ?

- Bien sûr. Il faut convaincre ma mère, maintenant.

- Je ne pensais déjà pas te convaincre aussi facilement, j'imagine que ta mère c'est presque impossible.

- Je serais convaincant.

Ça me fait rire et en même temps, ça me fait un bien fou de réentendre son accent chantant qui me rappelle à quel point nous sommes différents et que malgré ça, il m'aime pour ce que je suis.

Je regarde dans le vide depuis de longues minutes en me demandant s'il sera là. Habillé de ma robe satinée tellement confortable, assise dans un fauteuil tout aussi confortable alors que Jasmine finit ma coiffure, je me retourne le cerveau à force de réfléchir comme une acharnée.

- Il ne va pas s'enfuir.

- Mais imagine qu'il ait changé d'avis, qu'il ait compris que j'étais une horrible garce qui lui avait mentis pendant des semaines sans jamais lui dire la vérité et qu'il me déteste maintenant. Imagine qu'il dise non, je serais anéanti. Je ne vais pas y arriver...

- Aurore !

Je me tais et me tourne vers ma mère qui me fait les gros yeux. Elle a dans les mains, le magnifique peigne à chignon qu'elle m'avait déjà donné à mon premier mariage : un truc vieux. Je porte un saphir que mon meilleur ami m'avait offert il y a cinq ans pour Noël : un truc bleu ; assorti à des boucles d'oreille que Louisa m'a prêtée : un truc emprunté. Il ne me reste plus qu'à me marier.

- Tu vas lever ton cul et me suivre tout de suite.

Je regarde ma meilleure amie qui vient de lâcher mes cheveux et elle me sourit un peu forcé histoire de dire « ta mère me fait autant peur qu'à toi ». Je me lève donc et la suit jusqu'à la porte d'entrée de l'église qu'elle entrouvre juste assez pour qu'on voit, mais que personne nous aperçoit. L'effervescence bat son plein dans la salle, mais je ne vois qu'Hissan, debout au bout de l'allée centrale, parlant tranquillement avec James.

- Il est là, il sourit et il t'aime. Mais il attend depuis bien dix minutes que tu t'amènes dans cette foutu église pour lui donner ta main et j'ai bien peur que si tu prends encore plus de temps, il s'en aille pour de bon.

- Ok, d'accord. Je me dépêche.

Elle me met le peigne dans les mains en me souriant et je reviens auprès de Jas pour qu'elle le mette dans mes cheveux. Une fois ça de fait, elle m'embrasse la joue, prend son bouquet et rejoint Louisa pour commencer la cérémonie.

Alors que je les vois marché là où je vais bientôt mettre mes pieds, je relève le regard vers Hissan qui ne m'a pas encore remarqué et je le trouve incroyablement beau. Il est parfait dans son costard avec les cheveux parfaitement coiffés et le regard pétillant comme au premier jour.

Mon père n'est pas là, mais ça n'a pas d'importance. Ma mère est là, elle me soutient, au propre comme au figuré, et je crois que sans elle je ne pourrais pas avancer dans cette église tellement je suis nerveuse à l'idée de me casser la figure devant tous nos invités et me taper la honte de ma vie. Je suis amoureuse et je ne laisserais pas passer ma chance, ce garçon est à moi et je ne le laisse pas m'échapper.

- Tu es prête ?

Je tourne la tête vers ma mère qui me tend sa main pour que j'y mette la mienne. Je lui souris avant d'ajouter :

- Plus que jamais.

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