Chapitre 20
Une légère caresse sur ma joue me fait ouvrir les yeux. La lumière d'une vivacité insoutenable me force à les refermer un instant pour m'y habituer. Quand je papillonne une dernière fois des paupières, Hissan apparait dans mon champ de vision avec un très grand sourire collé au visage laissant apparaitre ses insoupçonnées dents blanches. Je n'arrive pas à décider si, entre sa joie ou le soleil, qu'elle est la chose qui me donne plus mal aux yeux.
- Dans trois petits jours tu seras ma femme.
- J'espère que ton sourire sera aussi grand dans trois jours.
Il pose furtivement ses lèvres sur les miennes me donnant un vrai gout de trop peu, avant d'attraper ma main dans la sienne et de me sortir du lit sans faire le moindre effort. Il me prend dans ses bras. Je sens l'odeur de lessive qui s'échappe de ses vêtements et la chaleur qui émane de son corps pendant qu'il me soulève dans les airs. Je ne retiens pas mon rire, tellement heureuse de profiter de lui.
- Habille-toi pour la répétition du mariage ce midi. Je t'ais préparer ton petit déjeuner et ta mère devrait bientôt arriver pour te conduire. Je vais rejoindre ma famille.
- D'accord.
Il me repose sur le sol comme si je ne pesais qu'une plume.
- Aurore ?
Je me retourne prête à aller me débarbouiller dans la salle de bain, pour voir ses magnifiques prunelles d'une incroyable noirceur me dévorer du regard.
- Je t'aime.
- Je t'aime aussi.
Son sourire reparait et il disparait dans l'autre partie de la chambre. Je suis sur un petit nuage. Mais quand je me retrouve de nouveau seule avec mes pensées, mon sourire disparait de mon visage. J'ai peur, extrêmement peur que Liam s'en mêle, sachant que mon mariage est polémique, étant donné que je fais partie de l'une des plus grosses familles de Londres.
Aujourd'hui, ce n'est que la répétition. On a dû la faire aujourd'hui car une partie de nos plus proches parents ne sont pas disponible ce week-end alors que notre mariage se déroule lundi. En même temps, quelle idée de faire un mariage le lendemain de Noël. Ma mère en est capable apparemment.
Après avoir avisé mon visage de déterrée, je me lave, je me maquille, sèche mes cheveux et enfile ma robe d'une blancheur immaculée qui me fait presque rire. Pour la pureté, on repassera. J'ajoute des collants pour combattre le froid hivernal et de grandes bottes blanches.
Ma mère débarque quand je finis de me coiffer avec plus d'entrain que je n'en aurais jamais, même pas à mon premier mariage. Elle bouge tellement qu'elle me donne le tournis. Je l'arrête dans son sillage avant qu'elle ne tombe dans les pommes.
- Calme-toi, ce n'est pas ton mariage quand même.
- Ce n'est pas une raison pour le prendre à la légère.
Je prends ça comme un reproche, ma bonne humeur se fane et je me laisse choir dans le canapé comme une masse de gelé informe. Ma mère s'assoie en face de moi et me regarde bizarrement.
- Je ne prends pas ça à la légère, maman. Mais j'ai peur de Liam.
- Je pense toujours qu'il serait mieux qu'Hissan soit au courant avant qu'il ne le découvre par lui-même.
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
- Tu fais ce que tu veux ma chérie. En attendant, on va être en retard.
Je la suis en attrapant mon manteau au passage et rentre après elle dans le taxi qui nous conduit jusqu'à l'église. Nous restons toutes les deux très silencieuse, perdues dans les méandres de nos subconscients.
Quand je mets les pieds dans la maison de dieu, je trouve un Hissan plus nerveux que jamais, transpirant à grosse goutte et je commence à angoisser. Il vient me voir et me prend les mains, tremblotant.
- Ça va ?
- Mon père est là.
- Ton... ton père ?
Hissan relève les yeux vers quelqu'un derrière moi et lui sourit, crispé. Il me fait les gros yeux avant de me lâcher et de me laisser en plan au milieu de l'entrée.
- Hissan !
Je me fais tout de suite accaparé par des personnes de ma famille qui souhaite savoir comment je me sens. Temps qu'il ne me demande pas si je fais le bon choix, je reste souriante et leurs réponds le plus naturellement possible tout en cherchant mon fiancé des yeux à travers toute la salle.
Je le retrouve en grande discussion avec sa mère, cette femme qui me déteste et un homme ronchon, plutôt bien habillé pour un homme de son rang. Voilà que je parle comme mon père, je me donne envie de vomir.
Très vite, Louisa me saute dessus en me félicitant mille fois pendant que James, son mari, lui rappelle que je ne suis pas encore mariée. Jasmine me fait un grand sourire sans dire un mot avant de prendre le bras de la petite blonde surexcité qui ne veut plus me lâcher pour aller s'assoir avec les autres invités. James me prend dans ses bras, comme un grand frère le ferait et c'est comme ça que je l'ai toujours vu.
- Je suis très content pour toi.
- Dit moi ça dans trois jours, quand je serais sûr qu'il ne s'enfuira pas.
- Il est fou de toi, je suis confiant.
Je grimace mais le remercie de m'envoyer son assurance.
Le prêtre nous appel au calme et demande à ce qu'on débute la mise en scène. J'ai presque l'impression de jouer sur une scène de théâtre où l'on répète les pas avant la première. Dans un sens, c'est à peu près ça. Nous parlons de ce qu'il va se passer, l'ordre de l'arrivée et l'agencement de la salle. Ma mère émet des idées quant au remplissage des sièges que tout le monde écoute attentivement. Mais moi, tout ce qu'il m'intéresse c'est de comprendre pourquoi Hissan m'évite comme la peste. Pendant que le prêtre parle avec ma mère de je ne sais quoi, je me glisse à côté d'Hissan qui reste de marbre, le regard vissé sur le mur du fond.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?
- Ne fais pas ça, Aurore.
- Je ne comprends pas.
Hissan jette un coup d'œil vers ses parents à quelques pas qui attendent patiemment que tout cela se termine. A voir la tête de son père, je suppose que lui non plus n'approuve pas vraiment tout ça.
- Ma mère ne t'aime pas mais elle accepte mes choix, ce qui n'est pas le cas de mon père. Il est très à cheval sur les traditions et n'accepte pas du tout de me voir épouser une blanche dans une église.
- Bravo les préjugés.
Il grimace. Je jette un coup d'œil dans son dos pour me confronter au visage, ridé et attaqué par la vieillesse, de son père. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale et je décide de me concentrer de nouveau sur mon fiancé.
- Mais je croyais que ton père vous avait abandonné ?
- Moi non plus, je ne comprends pas ce qu'il fait là. Pour lui, ma mère n'a jamais été plus qu'une erreur, mais je suppose qu'il peut faire une exception pour ne pas que je fasse honte à son nom.
C'est horrible, j'ai l'impression de me retrouver en face de mon père. Je ne pensais pas qu'Hissan pouvait avoir les mêmes parents que moi, enfin le même père que moi. Sa gentillesse, sa compassion, son audace et sa force de vivre, je ne sais pas d'où elles lui viennent mais certainement pas de ses géniteurs.
- Je suis désolée.
- Ne le soit pas. On ne choisit pas ses parents, mais on choisit sa famille. Je veux que ma famille, ce soit toi, toi et tous les enfants qu'on aura, tes amis et ta maman. Je ne veux rien de plus.
Je lui fais un grand sourire avant de rejoindre ma mère qui me fait signe. Elle m'explique ce qu'elle vient de raconter à l'homme qui va nous marier et elle me demande de lui faire le rapport de comment allait se dérouler la cérémonie.
- Nous pouvons répéter maintenant.
Il acquiesce et Hissan me rejoint enfin. Tous nos invités d'aujourd'hui s'assoit sur les bancs et se taisent les uns après les autres. A ce moment, je n'ai d'yeux que pour lui. Je l'imagine dans un magnifique costard, que ma mère l'aura forcé à porter alors qu'il lui avait demandé de ne plus rien ne lui acheter, plus beau qu'un dieu.
J'écoute à peine ce que dit le prêtre, il explique la procédure, ce qu'il dira et dans quel sens, quand est-ce qu'il nous demandera les plus importantes questions et quand il apostrophera le public. Et c'est là que mon monde tombe complètement en ruine.
Avançant tranquillement dans les rangs sans que personne n'est encore posé les yeux sur lui, habillé de vêtement totalement décontracté, ce qui n'est pas son genre, et son exécrable sourire sur le visage. Je le vois, dans le coin de mon regard, même Hissan ne l'a pas remarqué mais je redoute le moment où Liam ouvrira la bouche pour sortir toutes ses conneries.
- Je poserais alors la question : est-ce que quelqu'un dans la salle s'oppose à cette union ? Qu'il parle ou se taise à jamais.
Je me décompose et Hissan fronce les sourcils. Tout d'un coup, le temps se met à ralentir. Alors que Liam ouvre la bouche pour parler, Hissan tourne lentement la tête vers lui. J'aimerais pouvoir le retenir mais c'est peine perdue, il l'a déjà perçu.
- Moi. Moi je refuse que ma femme se marie avec ce miséreux.
Tout le monde se tourne vers lui alors que mon fiancé revient vers moi, le visage aussi noir qu'un orage. Je suis à deux doigts de chialer.
- Tu n'es même pas surprise de le voir.
- Hissan... je...
- Tu savais. Tu savais qu'il s'était échappé et tu ne me l'as pas dit ? Mais tu as quoi dans le crâne ?
Je regarde dans tous les sens comme si ça allait m'aider et atténuer la gravité de la situation. Je vois plusieurs personnes au téléphone et Liam a déjà déserté. Je n'en reviens pas qu'il est osé faire ça, il me pourrira la vie jusqu'à sa mort, c'est pas croyable.
- Je n'en reviens pas. Il a failli te tuer plusieurs fois et tu le couvre encore.
- Il t'a menacé.
- Ce n'est pas une excuse pour te laisser marcher sur les pieds en permanence. Tu sais quoi, je ne sais même pas pourquoi je reste à te faire la morale, lui-même il a compris qu'on ne finirait pas ensemble. Je m'en vais.
- Quoi ?! Non, Hissan reste ici, avec moi, je t'en supplie.
Il secoue la tête. J'attrape son bras mais il se dérobe et traverse l'église à grandes enjambées avant de disparaitre derrière les grosses portes en bois. Je sens mes larmes dévaler mes joues sans que je ne puisse un instant les retenir. Je bouillonne complètement, j'ai envie de tuer Liam et je suis persuadée que j'en serais capable.
La mère d'Hissan s'approche de moi avec l'homme qui l'a laissé tomber. Elle a toujours cet air dur sur le visage qu'elle arbore depuis qu'Hissan est amoureux de moi, cet air qui me fait peur et que je n'arrive véritablement pas à comprendre.
Les gens sont butés, arrêtés sur des idées reçues et des préjugés qui n'ont plus rien à voir dans le monde dans lequel on vit.
mais je ne m'attendais surement pas à me prendre une gifle monumentale et des paroles aussi méchantes en pleine face :
- Vous êtes une ingrate. Une pauvre fille en manque de figure d'autorité qui se moque de l'amour d'un garçon aussi parfait que mon fils. Vous ne le méritez pas.
je suis abasourdie de l'entendre parler anglais avec très peu d'accent alors qu'on m'avait certifié qu'elle n'y comprenait rien.
- C'est bon, on s'en va.
Contre toute attente, le père d'Hissan me fait une petite moue désolée et entraine son ex-femme derrière lui pour qu'elle arrête de déverser son venin sur moi.
Au moment où ils disparaissent de mon champ de vision, je m'effondre comme une loque sur les marches de l'église les mains sur le visage. J'entends les gens me parler, marcher, courir, le bourdonnement est assourdissant mais couvert par mes hurlements. Je n'entends pas ce que me disent mes amis ou ma mère. Je ne me rends même pas compte qu'on me porte jusqu'à ce que j'atterrisse sur le siège arrière d'une voiture grise dans les bras de mon meilleur ami pendant que Louisa prend le volant. James me berce alors que je mouille sa chemise sans pouvoir m'arrêter.
Je ne trouve même pas la force de dire à mes amis que je n'habite plus chez mon père et les laisse me trainer jusqu'à ma chambre où je me laisse tomber sur le lit comme quand on m'a annoncé que je ne pourrais peut-être jamais avoir d'enfant.
Les gens défilent dans ma chambre, me pose tout un tas de question sur Hissan, Liam et ce qu'il s'est passé depuis un mois. Je n'ouvre pas la bouche, je ne pleur plus et je ne ferme pas les yeux. Je ne fais que réfléchir.
- Aurore, il faut que tu manges.
Jasmine s'assoie à côté de moi pendant que Louisa attend patiemment que je me relève pour poser un plateau sur le lit. Je prends le bout de pain qui traine et le picore tout en tournant en boucle ce que je dois faire pour arranger les choses avec Hissan.
- Ça va ?
Jasmine fait les gros yeux à la petite blonde excentrique qui nous sert de meilleure amie mais je prends sa main pour la rassurer. James entre et s'assoie de l'autre côté pour faire un sandwich avec Jas.
- Qu'est-ce qu'on fait ?
Les filles se regardent sans savoir quoi répondre. Je me relève et attrape le yaourt sur le plateau avec la petite cuillère. Je ne veux pas me laisser abattre, il en est hors de question, plus jamais je ne me laisserais faire et je ne vais pas abandonner.
- Je vais reconquérir mon fiancé. Tout ça en trois jours chrono.
James ricane, les filles me sourient. Non, je ne laisserais plus jamais Liam détruire mon bonheur. Il en est hors de question.
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