Chapitre 2

Les jours passent et une certaine routine s'installe. J'alterne chaque jour entre deux classes de fille et j'ai encore du mal à retenir les prénoms. Ils ne sont en même temps pas très communs. Le reste du temps, je me balade seule ou accompagné de mes deux amies. Nos blancs sont comblés le plus souvent par la langue pendue de Louisa, qui a toujours quelque chose de fou à nous raconter.

La journée, je prépare mes cours à mon bureau ou allongé dans l'herbe sous le soleil brûlant. Le soir, quand je suis seule, j'écris le récit de ma journée sur mes calepins même si elles sont, pour la plupart, peu passionnantes. Au bout d'une semaine, je rallume mon portable, découvrant une cinquantaine de SMS de Liam ou de mes parents et une vingtaine d'appels manqués de mon mari. Le soir même je décide de l'appeler pour qu'il arrête de me harceler. Bientôt je n'aurais même plus de mémoire dans mon portable. Il décroche à la première sonnerie. Je me prépare psychologiquement à sa colère, allongé sur mon lit.

- C'est maintenant que tu décroches ?!

- Excuse-moi, je l'avais éteins pour économiser la batterie.

- Ça fait une semaine quand même.

- Je n'ai pas vu le temps passer.

C'est faux. Tous les après-midi, je passais mon temps à rêvasser dans l'herbe. J'avais tout le temps de lui parler. Mais je n'en avais pas envie. Si j'étais partie c'était pour m'éloigner, reprendre ma vie en main et réfléchir à la situation, parler à Liam ravivait toujours mes sentiments et m'empêchait d'être rationnelle.

- Ça n'excuse rien. Je ne paye pas ton forfait une fortune pour que tu ne décroche pas quand je t'appelle. Tu sais que je peux toujours t'en priver, comme beaucoup d'autre de tes avantages.

Je le laisse déverser sa haine sans m'y opposer et en écoutant que d'une oreille. Un des points positifs de la distance, il ne passera pas ses nerfs sur moi.

- Je suis désolée.

- T'es excuse ne valles rien, comme toi. J'espère que tu te rendras compte que ce boulot n'est pas pour toi et que tu rentreras.

Je n'ai pas le temps d'en placer une qu'il raccroche déjà. Quatre minutes de conversation, tout ça pour me dire que je ne vaux rien sans lui. Très classe.

Je laisse retomber mon bras sur le lit et éteins mon portable d'une pression du pouce. Je regarde mon plafond, perdue dans mes pensées avant de ranger l'objet dans mon sac et d'éteindre les bougies pour plonger dans les bras de Morphée, plus accueillant que mon mari, même dans ses bons jours.



Je me réveille comme à chaque fois avec les rayons réconfortant du levé du soleil. Je rabats la couverture de mes bras en dévisageant une énième fois le plafond des yeux. J'ai fait un rêve étrange cette nuit. Rien que dit repenser, j'en rougis de honte. Alors que je m'étais disputée avec mon mari, mon esprit m'a joué un très vilain tour.

Je revois encore le jeune homme que j'ai rencontré une semaine plutôt, et dont je ne connais pas le nom, entrer dans cette petite pièce mal éclairée par de simples bougies, venir caresser ma joue et remettre l'une de mes mèches rebelles derrière mon oreille. Je me sens rougir rien que d'y repenser tandis qu'une vague de chaleur parcourt mon corps quand je me rappelle la douceur de ses lèvres sur les miennes. Je me demande même pourquoi je les trouve aussi douces, étant donné que je n'y ai jamais goûté. Et voilà que je me prends à fantasmer sur les lèvres d'un parfait étranger.

Je me reprends très vite et sort de mon lit pour m'habiller d'une blouse blanche et d'un short kaki. Autant profiter de la chaleur et du soleil pour peaufiner mon bronzage.

Au déjeuné, je rejoins les filles et nous mangeons ensemble. Louisa fait la discussion à elle toute seule mais je ne l'écoute pas, trop perdue dans mes pensées, cherchant une explication à mon rêve bizarre. Quand nous terminons, notre moulin à parole nous emporte toutes les deux à sa suite pour faire une promenade. Je ne fais pas très attention où je mets les pieds et dans quel direction je vais si bien que je rentre de plein fouet dans une surface dure.

Je reprends mes esprits et rencontre le regard timide du garçon de mon rêve. Rien que d'y penser, je m'empourpre, au point de perdre l'assurance que j'avais à notre première rencontre. Il me remet délicatement sur mes pieds sans détacher son regard du mien.

La magie est rompue par une main venant agripper mon poignet et m'éloignant de cet étranger. Je me retourne, curieuse de savoir s'il me regarde toujours et je rencontre l'espace d'une seconde ses prunelles noires avant de me forcer à regarder où je vais. Quand nous sommes assez loin de la paisible agitation du village, Louisa ne perd pas de temps pour reprendre son flot de parole.

- Tu as vu comment il t'a regardé ?

Je feins l'indifférence.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler.

- Arrête ! Tu étais comme en transe devant son regard d'ébène.

- N'importe quoi ! Tu te fais des films. Je suis mariée, je te rappelle.

- Ça n'empêche rien.

Je fusille méchamment du regard Jasmine qui lève les bras en l'air avant de s'assoir sur un gros rocher.

- Avoue qu'il t'a tapé dans l'œil !

Jasmine feint son désintérêt mais au fond, je vois qu'elle attend ma réponse. Elle doit se dire qu'elle pourrait me pousser dans ses bras pour que j'oublie une bonne fois pour toute Liam et son impulsivité.

Je me laisse tomber sur un rocher à mon tour et fixe Louisa dans les yeux.

- Il est mignon mais sans plus.

- Arrête ! Il est super canon. En plus tu as rougis en le voyant.

- Parce que j'avais honte ! Je ne sais même pas comment il s'appelle, qu'est ce que j'irais foutre à m'enticher d'un homme que je ne connais même pas.

Louisa me dévisage avant de regarder Jasmine. Elle se rend surement compte que j'ai raison. Son cerveau doit surchauffer pour trouver une façon de me contrer.

- A moins que se ne soit un coup de foudre.

- Arrête de palabrer. Nous ne sommes pas dans une mauvaise comédie à l'eau de rose. Ce genre de chose n'existe pas dans la vraie vie.

Je fais volte-face pour retourner au village. Je n'ai pas envie de rester parler dans une discussion stérile qui ne mène à rien. L'amour ça ne tombe pas tout cuit à nos pieds. J'aime toujours mon mari, ce n'est pas un homme rencontrer par hasard qui me fera changer d'avis. Je ne le connais même pas. Si ça se trouve, il est pire que Liam. Les princes charmants n'existent pas.

Je retourne en marchant tranquillement vers mon chez moi actuelle. Je ne sais pas trop quoi faire du reste de ma journée et la discussion avec Louisa m'a énervé. Elle ne peut pas s'occuper de ses affaires celle là. Je ne sais pas ce qu'elle ne comprend pas dans le faite que je suis mariée et que je n'ai pas le moins du monde envie d'aller voir ailleurs.

- Aurore ! Je suis désolée mais avoue que Liam n'est pas l'homme le plus respectueux au monde.

Je me retourne, furieuse. Elle ose me suivre pour me faire la morale sur mon mariage.

- De quel droit oses-tu remettre en cause mon mariage en tentant de me jeter dans les bras d'un autre. Je n'ai pas besoin de ton avis sur quelque chose sur lequel tu n'as pas ton mot à dire.

Elle recule. Il faut qu'elle se réveille, qu'elle sorte de sa petite bulle magique où tout est rose et facile à vivre.

- Liam te maltraite alors que dans notre société, l'homme est légal de la femme. Un jour il faudra que tu te réveilles et j'espère que se sera avant qu'il ne t'envoie à l'hôpital.

- Laisse-moi tranquille.

Elle s'approche légèrement en prononçant mon nom. Je ne lui laisse pas la possibilité de m'attendrir.

- LAISSE-MOI !

Elle baisse la tête avant de s'en aller. Je m'affale sur mon lit, agacée et désemparée. Je n'aurais pas dû lui parler ainsi mais elle m'a jugée. Elle n'avait pas le droit de remettre en cause mon comportement, ma vision des choses. Jasmine n'était pas la seule à avoir compris ce qui se passait. Je me laisse tomber en arrière avec la main sur le visage. Je suis fatiguée que ma vie tourne toujours autour de lui. Je ne suis pas partie pour que je passe mes journées à ne penser qu'à lui.

- Vous allez bien ?

Je me relève, reconnaissant parfaitement la voix que j'ai entendue. Le jeune homme est adossé au chambranle de la porte en me regardant, les bras croisés sur son torse.

- Qu'est ce qui vous fait croire que je ne vais pas bien ?

- Il vous arrive d'être aimable ?

Ça commence bien. Maintenant il est arrogant. Je ne réponds pas et le regarde avec nonchalance. Il ne semble pas intimider mais n'esquisse pourtant pas le moindre geste.

- Vous ne dites plus rien ?

- Je n'ai rien à dire.

Il me tend une main sans faire le moindre pas à l'intérieur de la bâtisse comme si ça lui était défendu, comme s'il avait peur de quelque chose. A moins que se ne soit que du respect envers mon espace privé.

- Je voudrais vous montrer quelque chose.

J'hésite. Je ne connais pas cet homme, je ne sais pas si je peux lui faire confiance. Je ne connais absolument rien ici. Il continu de me regarder intensément. J'ai peur qu'il ne parte pas tant que je ne lui donne pas de réponse positive. Je me lève alors et fais les quelques pas qui me sépare de l'entrée pour glisser finalement ma main dans la sienne.

Je ne sais pas pourquoi je fais ça, pourquoi je le suis comme ça à travers les arbres. L'endroit est magnifique. La lumière qui traverse les feuilles en suivant notre chemin nous donne des centaines de nuances de verts. Je crois que c'est la première fois que je prends vraiment le temps de regarder les arbres de cette façon. Quand je rentrerais, je me promets de sortir plus souvent. Je le suis encore et encore jusqu'à déboucher sur une rivière peu profonde mais avec un large lit.

Il s'assoie sur l'un des rocher et m'invite à faire de même d'un signe de la main. Je m'assoie en face de lui et retire mes chaussures pour plonger les pieds dans l'eau froide. Je regarde le ruissellement paisible de la rivière. L'eau est tellement limpide qu'on voit les poissons remonter le court d'eau.

- C'est très joli.

- Notre pays est joli.

Son accent m'attendri. C'est tellement amusant de voir qu'ils essaient tous de bien faire.

- Plus que le notre en tout cas.

- Non pas spécialement. Ils sont différents, c'est tout.

Un silence paisible s'installe entre nous. Je reste dans mes pensées bien qu'une question me trotte dans la tête.

- Pourquoi m'avoir amenée ici ?

- J'ai pensé que vous auriez besoin de vous détendre. Je m'excuse d'avoir écouté votre discussion avec l'autre professeure.

Il écoute aux portes, c'est génial. On ne peut pas avoir de secret dans ce village. En fait, je me demande pourquoi je suis encore énervée. Il chercher tous à m'aider et moi je suis qu'une ingrate impulsive. Le garçon respecte mon silence. Je me dois d'être aimable.

- Quel est votre nom ?

Il se retourne vers moi avec un léger sourire. Il s'empêche de paraitre trop enjoué ou de montrer son amusement.

- Et vous madame ?

Je me renfrogne comme une gamine. J'ai presque envie de lui dire « c'est moi qui est demandé en premier » mais il va me prendre pour une folle. Il comprend que je ne parlerais pas en premier et concentre de nouveau son regard sur le courant.

- Je m'appelle Hissan.

Je me tourne vers lui. Je m'attarde sur les détails de son visage. Comme d'habitude, il est couvert de terre, en dessous je remarque une barbe naissante. J'ai l'impression que ses cheveux sont plus courts. Du reste, il est musclé sans trop l'être. Je m'attarde un peu trop sur lui ce qui attire son regard alors je tourne les yeux.

- Moi, c'est Aurore.

Je ne sais pas pendant combien de temps nous restons ici à contempler l'eau. Nous restons assez longtemps pour que je ne sentes plus mes pieds et que le soleil commence à se coucher.

- Je devrais rentrer.

Il acquiesce silencieusement avant de se lever. Je remets mes chaussures et le suis comme à l'allé sous la chaleur du soleil couchant qui jette ses ombres sur notre chemin.

Je suis troublée par le comportement d'Hissan. Maintenant que je connais son prénom, c'est plus facile de parler de lui. Je ne comprends pas pourquoi il est très entreprenant un temps et juste après il est très réservé. Je ne sais pas comment réagir au point de n'avoir rien à lui dire.

Il m'escorte jusqu'à ma case. Il me fait un léger signe de tête avant de disparaitre. Je me mets en pyjama très rapidement, les pensées toujours dirigées vers cet homme. Je suis tellement intriguée que j'en reste focalisée sur lui et rien d'autre. Je ne remarque pas que j'écris sans réfléchir sur mes carnets. Je me relis et remarque que je deviens sérieusement folle.

« Je suivais ce garçon dans la forêt alentour. Sa beauté masquée par les traces de son dur labeur m'ensorcelait presque littéralement. Jamais encore je ne m'étais sentis autant en sécurité au près de quelqu'un que je ne connaissais pas. La beauté des lieux me toucha jusqu'au plus profond de mon cœur. Pourtant, aucun de nous ne décide de briser le silence paisible qui nous entour, sauf pour nous demander nos prénoms. J'en restais de glace de l'extérieur alors qu'au fond de moi je me demandais ce qui nous avait mit sur le même chemin. Ce garçon faisait une entrée fracassante dans mon esprit pour ne plus en sortir, m'intriguant au plus au point... »

Je referme le carnet et éteins la flamme qui brûle à côté de moi. Je me dirige à ma fenêtre de l'autre côté de la pièce et m'y assoie pour observer la nuit étoilée. Je suis en Inde, le pays d'Aladdin et Jasmine. Comme quoi, Jasmine est bien tombée, il ne lui manque plus que son prince.

Une brise fait voler mes cheveux brun de chaque côtéde mon visage. La douceur de la nuit est surprenante. Notre pays n'a pas denuit aussi chaude. Je reste ainsi à ma fenêtre une bonne partie de la nuit,observant la nature, songeant à Hissan sans discontinuer.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top