8. Traitements
Homme seul est viande à loups
— En quoi consiste son traitement?
Me lançant un regard dédaigneux, le loup soupira en secouant la tête, comme déçu par manque de connaissance ô combien honteux pour un jeune de bientôt dix-sept ans.
— Tu sais de quoi souffre Daisy? Hé bien, continua-t-il quand j'eus hoché la tête, j'imagine que tu es aussi au courant que c'est une maladie incurable?
— Oui, mais... On devrait discuter quelque part d'autre, non? Dis-je en lançant un regard vers la petite qui, heureusement, semblait accorder bien peu d'importance à notre conversation, trop occupée qu'elle était à brosser les cheveux bleus sa poupée.
— Tu m'as posé une question, j'y répond, répondit le loup sèchement, comme si mon raisonnement n'avait pas raison d'être.
Franchement, son surnom lui allait comme un gant. Il faudrait que le chasseur, pardon, monsieur Davis vienne lui régler son compte avant qu'il n'engouffre la petite Daisy rouge.
— Daisy, viens, on va commencer ta kinésithérapie respiratoire. Lâche cette poupée, tu veux?
Docilement, la petite déposa sa poupée sur le sol et alla s'assoir sur la chaise que lui indiquait le loup, qui lui parlait comme à un chien. Chien, loup... Bref.
Le loup commença par de l'inalothérapie, pour fluidifier, rendre liquide le mucus accumulé dans les poumons, afin qu'il soit plus facilement expulsé par la suite. En effet, la mucoviscidose est une maladie où le mucus sécrété par les intestins, bronches et pancréas s'épaissit et s'accumule donc dans ces organes, ce qui bloque surtout les voix respiratoires.
Et quand les voies respiratoires sont bloquées et qu'il est impossible de respirer, mort s'ensuit.
Quand l'accumulation est trop grande, on peut faire une greffe de poumons, ce qui n'arrêtera pas la maladie pour autant. Il faudrait alors faire une greffe à plusieurs reprises et j'avais rarement vu des poumons courir en liberté tout nu dans la rue. Ou peut-être que je cherchais au mauvais endroit. Pas que je cherchais des poumons qui courent tous nus, hein, n'allez pas vous faire de fausses idées.
Alors, en ce moment, ce que le loup faisait avec Daisy, c'était des "exercices" qui aideraient à ralentir l'accumulation de mucus en en expulsant le plus possible de son organisme en la faisant tousser et autre. Malgré que la maladie était incurable, il était possible de rallonger l'espérance de vie d'une personne ayant cette maladie, du moment qu'elle n'était pas atteinte trop gravement.
— Bien, Daisy, ce sera tout pour aujourd'hui.
Bien. C'était sûrement le truc le plus gentil qui soit sorti de sa bouche depuis ce matin. Toute contente parce qu'elle pouvait retourner à ses loisirs, la petite fila à toute vitesse sans attendre son reste. Je me retrouvai ainsi seul dans la pièce avec le loup. C'est ce que j'appellerai se jeter dans la gueule du loup, sans mauvais jeu de mot.
Je me raclai la gorge question de lui rappeler ma royale présence, présence qu'il avait manifestement oubliée à en juger par son petit sursaut.
— Vous êtes encore là, vous?
Il avait vraiment des problèmes de vision lui, enfin, avec l'âge... Si je n'étais pas là, il ne me parlerait ni ne me verrait. Mais bon, ce n'était pas pour rien s'il a des lunettes. Des très épaisses et très moches de lunettes d'ailleurs.
— Daisy m'a dit qu'elle avait une soeur.
— Ah, répondit-il d'un ton qui ne laissait transparaître aucune émotion.
Je ne pourrais vous dire s'il était déjà au courant où si je venais de le lui apprendre. Il était complètement insondable, aussi neutre qu'un mur. Réprimant mon envie grandissante de lui flanquer une raclée pour le féliciter de son écoute hors paire, je repris d'un ton aussi calme que possible :
— Est-ce que vous savez si elle aussi est atteinte de mucoviscidose?
Évaluons que je ne méritais même plus qu'il ne m'adresse la parole, le loup soupira et haussa des épaules. Il était temps de passer au plan B.
— Merci pour cette conversation agréable, je vais faire mon rapport à Mr.Davis, bonne soirée.
Je fis mine de m'en aller quand je sentis le regard perçant du loup derrière mon dos.
— Quel rapport?
Le dos toujours tourné, je souris. On dirait que j'avais réussi à capter son attention. Je remerciai mentalement ma mère de m'avoir appris deux trois choses sur la manipulation psychologique. Pratique d'avoir une mère avocate des fois.
— Oh, rien de très important, répondis-je nonchalamment en me retournant pour lui faire face. Mr.Davis veut que chaque jour je lui dise ce que j'ai appris, si j'ai des questions, dire comment je trouve mon mentor, si je ne...
— Mentor?
Le loup déposa ses papiers et, peut-être n'était ce qu'une illusion, mais je crus voir une lueur d'inquiétude briller dans ses yeux. Alors comme ça, le loup avait peur du chasseur...
— Oui, il m'a dit de vous noter, je ne sais pas trop pourquoi mais bon, continuais-je en adoptant un ton relâché, banalisant le vrai sens de mes dires.
— ... Écoute mon garçon, j'imagine que je n'ai pas dû faire très bonne impression, commença Mr.Grey en soupesant ses mots.
Il tenta de sourire mais on aurait dit qu'il en avait tellement peu l'habitude qu'il avait oublié comment faire, les extrémités de ses lèvres se levant un minimum, comme si ce simple geste lui demandait trop d'effort. Il me faisait un peu peur avec son rictus, je préférais encore quand il me regardait comme s'il voulait me tuer, beaucoup moins effrayant que cette grimace qu'il affichait presque douloureusement.
— Mais pour ma défense je suis très fatigué. Il s'est passé beaucoup de choses ces derniers temps. Disons que je réponde à une de tes questions, tu parlera de moi en bien à monsieur Davis, n'est-ce pas? Dit-il d'un ton qu'il aurait voulu aimable mais qui sonnait plutot comme une menace.
— Alors comme ça on a peur de monsieur Davis?
Réalisant que j'avais dis ça à voix haute, je me maudis intérieurement. Il fallait toujours que je gâche tout.
— Absolument pas! Grogna-t-il avant de se reprendre instantanément. Maintenant, pose moi ta question qu'on en finisse.
On dirait que le grand méchant loup était sur le point faire son entrée, j'avais intérêt à ne plus gaffer si je ne voulais pas finir comme la grand-mère du petit chaperon rouge.
— La soeur de Daisy, elle a aussi la mucoviscidose?
— Oui. Maintenant, sors d'ici.
Son ton sympathique de tout à l'heure avait disparu comme s'il n'avait jamais existé.
— Mais alors pourquoi elle...
— On avait dit une question! J'ai du travail à faire, moi.
À contrecœur, je sortis de la salle. J'espérais qu'il n'avait pas d'enfants, le loup, parce que ça ne devait pas être facile tous les jours de vivre avec lui. Mais j'aurai quand même voulu lui poser d'autres questions. Pourquoi la soeur de Daisy n'était pas à l'hôpital si elle avait la mucoviscidose?
Oh, mais c'est bien sûr! Ça pouvait aussi être traité à domicile. Mais alors pourquoi Daisy devait-elle rester à l'hôpital et pas sa soeur?
— Au revoir Mathias!
Une petite voix me sortit de mes rêveries et reprenant contact avec la réalité, je vis Daisy qui m'entourait la hanche. C'était vraiment bizarre les câlins d'enfants à cause de leur petite taille, mais tellement chous!
— À bientôt ma belle, répondit-je en ébouriffant ses cheveux roux.
Elle me sourie et retourna dans sa chambre.
Flûte, j'aurai dû lui demander des détails sur sa soeur. Ç'allait devoir attendre, il fallait que j'aille faire mon rapport à Mr.Davis. Maintenant que j'avais menti au loup en disant qu'il m'avait demandé d'en faire un, il allait falloir le faire pour de vrai. Pourquoi aimais-je tant me compliquer la vie?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top