5. Briller par son absence

Ne vis pas pour que ta présence se remarque, mais pour que ton absence se remarque.

~Lundi~

Mon dernier cours de l'avant-midi venait de finir et je ne pourrais absolument pas vous dire sur quoi il portait, pour la simple raison et bonne que je n'écoutais pas, j'étais ailleurs. Je n'avais pas vu Jessica de la journée et elle n'avait toujours pas répondu à mes textos, ce qui n'augurait rien de bon. J'étais en train de la cherchait et galérais sérieusement à la trouver ; Daisy serait contente de jouer à cache-cache avec elle, une adversaire de taille, à son niveau. Pas comme moi.

Assise dans la cafétéria, les écouteurs aux oreilles pour s'isoler du monde extérieur, la salle étant bondée d'étudiants bruyants, je repérais Gwen, une des amies que Jess et moi avions en commun. Elle était plutôt facile à trouver en fait, car avec ses cheveux roses, il fallait vraiment être aveugle pour la manquer. Autant vous dire que ses parents n'étaient pas particulièrement enchantés par sa teinture trop extravagante à leur goût, mais Gwen leur avait dit que c'était soit ça, soit elle se faisait tatouer. Sachant leur fille têtue, les parents savaient qu'un refus mènerait à la réalisation de deux de leurs cauchemars et ainsi cédèrent pour la teinture rose. Ça au moins, ce n'était pas permanent.

— Gwen! Tu saurais pas où est Jessie par hasard? Lui demandais-je en m'asseyant à ses côtés, avant de me rendre compte qu'elle ne m'entendait pas à cause de ses écouteurs.

Comme à son habitude, sa musique était beaucoup trop forte, et comme d'habitude, elle était en train d'étudier à la dernière minute. Le pire, c'est qu'elle arrivait quand même à avoir des notes superbes parce qu'elle avait une mémoire photographique. Je ne savais pas comment Jess faisait pour être amie avec quelqu'un qui étudiait moins mais avait des meilleurs résultats, je préférais m'entourer de gens moins intelligents pour avoir l'air d'un génie.

— Gwen!! Criais-je en lui enlevant un de ses écouteurs.

— Hmm, me répondit Gwen distraitement en replaçant ses écouteurs, elle est allée à l'infirmerie.

Donc elle avait entendu ma question, elle avait juste choisi de m'ignorer. Toujours aussi sympathique.

— À l'infirmerie?

Peut-être qu'elle était tombée malade, mais ça m'étonnerait vu qu'elle avait l'air en pleine forme hier.

J'attendais que Gwen développe, mais elle avait déjà oublié ma présence, trop concentrée qu'elle était sur ses fiches.

— Pourquoi elle est à l'infirmerie? Réessayais-je en lui enlevant à nouveau un écouteur des oreilles.

— Bordel, je connais même pas la matière de l'exam que j'ai dans deux minutes, comment tu veux que je sache pourquoi elle est à l'infirmerie?!? s'emporta-t-elle.

— Mais vous étiez ensemble en classe de géo, non?

Elle haussa des épaules.

— Il y a être en classe physiquement, et y être psychologiquement.

Je ris malgré moi, la remerciais pour son aide plus ou moins utile et me dirigeai vers l'infirmerie. J'avais des doutes que Jess y soit, elle m'aurait envoyer une texto si c'était le cas, mais bon, pourquoi Gwen m'aurait-elle menti? À part pour se débarrasser de moi et étudier tranquillement, bien sûr.

L'infirmerie était pleine, ce qui fut loin de m'étonner, tout le monde préférant être ici qu'en cours. Il y avait de l'air climatisé, des lits, du wifi et de la nourriture et surtout, pas de professeur! Le paradis des étudiants quoi! Plusieurs faisaient exprès de se blesser juste pour passer une vingtaine de minutes ici.

Rapidement, je trouvais une des infirmières grâce à sa veste rose fushia qui passait presque inaperçue dans la foule de hauts d'uniformes blancs, presque.

— Excusez-moi, est-ce que Jessica Valence est encore ici? Demandais-je la faisant se retourner pour voir qui l'interpellait.

Elle était assez petite, dans la trentaine je dirais, brunette et avec un immense sourire aux lèvres très accueillant. J'étais bien tombé, elle avait l'air gentille. Elle était sûrement une nouvelle recrue parce que c'était la première fois que je la voyais.

— Non, désolée, répondit-elle après avoir vérifié dans ses documents, elle est rentrée chez elle, elle ne se sentait vraiment pas bien.

— Ah, soupirais-je, merci quand même, bonne journée.

L'infirmière me sourit.

— Ne t'inquiète pas, elle n'est pas malade, juste très chamboulée et elle ne pouvait pas se concentrer sur quoi que ce soit, alors on lui a dit de rentrer chez elle plutôt que de pleurer au beau milieu d'une classe.

L'infirmière croyait sûrement que ses explications me rassuraient, mais ce n'était pas vraiment le cas. Je la remerciai malgré tout et sortis rapidement pour ne pas arriver en retard à mon cours de science.

— Mathias, vous dormez pendant mon cours?

Le professeur, un homme dans la vingtaine que j'appréciais particulièrement pour l'humour dont il faisait preuve, me ramena à la réalité.

— Il est prouvé scientifiquement qu'une sieste nous permet de mieux retenir ce qu'on a appris, répliquais-je avec l'assurance de quelqu'un qui savait ce qu'il faisait.

— C'est plus efficace si tu apprend quelque chose à retenir avant de dormir, rétorqua le prof en reprenant son cours, réprimant un rire que seul son sourire amusé laissait deviner.

Quelques «ooooh» résonnèrent ici et là et moi-même trouvait le tout amusant. Si ç'avait été un autre prof, je l'aurai sûrement mal pris, mais Mr.Drouin n'était pas n'importe qui, c'était LE meilleur des profs. Il était drôle et compatissait avec nous parce que que ça ne faisait pas si longtemps qu'il avait quitté les bancs d'école et il comprenait donc le calvaire qu'on devait subir jour après jour.

Et puis, je ne dormais pas vraiment, j'avais juste utilisé mes cahiers comme oreillers et faisait de la visualisation pour voir s'il y a un quelconque détail auquel je n'avais pas fait attention quand j'étais chez Jess dimanche. Sa mère avait l'air un peu plus tendue qu'à l'ordinaire, mais mise à part ça, je n'avais rien noté d'inhabituel.

La journée termina enfin et heureusement, car je n'aurais pas survécu à une équation scientifique de plus. Je voulais passer directement chez Jessie, mais comme il pleuvait des cordes, je décidais de commencer par aller chercher le parapluie que ma mère m'avait dit de prendre milles fois mais que j'avais quand même oublié sur mon lit, et j'irai voir Jess directement après.

— 'Maaan, je suis arrivé!

Pas de réponse, sûrement qu'elle était sortie avec mon père. Je crois qu'ils m'en avaient glissé un mot ce matin, mais je n'étais pas assez réveillé pour m'en souvenir, je n'avais écouté que le début. J'allais en profiter pour manger des biscuits sans me faire gronder sur le fait que je ne mangeais que des cochonneries. C'était vraiment une plaie d'avoir un père nutritionniste des fois.

Je me dirigeai vers la cuisine quand j'entendis du bruit dans ma chambre. Un grincement. Ça ne pouvait vouloir dire qu'une chose, Quelqu'un était assis sur mon lit! Un cambrioleur!

Je pris le téléphone au cas où j'ai à appeler la police et une chaise de l'autre main. J'étais peut-être mieux de prendre un couteau? On n'est jamais trop prudent, mieux vaut prévenir que mourir!

Je montais les escaliers à pas de souris, m'approchai doucement de la porte, retins mon souffle puis...

— BONZAIII!! Haut les mains sinon j'appelle la police!!!

J'hurlai en entrant dans ma chambre, avant de m'apercevoir que ce cambrioleure est en fait une fille.

Une fille brunette aux yeux bleus-verts qui se foutait présentement de ma gueule, plus précisément. Croyant avoir des illusions, je fronçai les sourcils.

...

— Jess? Mais tu fous quoi ici?

Elle ne me répondit pas sur le champ, trop occupée qu'elle était à rire.

— Tu... Tu as l'air ridi-ridicule! Tu pensais vraiment que j'étais un voleur? Et une chaise? Sérieusement?

— Pfff, je comptais redécorer ma chambre, franchement!

Elle rit deux fois plus fort, et finit par presque s'auto étouffer. Elle toussait et quand elle toussait tellement qu'elle pleurait de rire. Le hic, c'était que j'avais remarqué qu'ils étaient déjà mouillés avant qu'elle n'éclate de rire.

— Tu es rentrée par la fenêtre ou la cheminée?

— Par les égouts, rigola-t-elle en essuyant ses larmes. Je comprend mieux l'expression pleurer de rire, maintenant.

Même s'il y avait un sourire sur mon visage, je n'étais pas vraiment d'humeur à rire. En même temps, je ne voulais pas non plus la forcer à parler si elle ne se sentait pas prête à le faire.

— Je voulais te parler mais t'étais pas encore là, alors ta mère m'a dit d'attendre ici parce qu'elle avait des courses à faire avec ton père.

Elle me fixait tellement intensément que je dus détourner mon regard quelques secondes.

— Me parler de quoi? Me risquais-je à demander.

— Mes parents vont divorcer, lança-t-elle en un souffle, d'une voix légèrement tremblotante.

Quoi?! J'eus l'impression d'avoir mal entendu, mais quand je vis les larmes qui commençaient à couler sur ses joues, je compris que mes oreilles étaient encore jeunes. Par réflexe, je la pris dans mes bras, la phrase toujours au centre de mes pensées qui rejouait encore et encore. Plus j'y pensais, moins elle avait de sens.

Mes parents vont divorcer.

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