3. Qui a peur du grand méchant loup?
Toute méchanceté a sa source dans la faiblesse
— [...] alors j'ai tiré sa barbe et...
Daisy était en train de me raconter comment elle avait découvert que le Père Noël n'existait pas, bien triste révélation j'en conviens mais dont elle semblait si fière, quand j'eus l'impression d'être observé. Je regardais vers la porte, et à moins que je n'eus des illusions, je vis une ombre disparaître rapidement. Sûrement juste une infirmière qui passait par là et qui s'était arrêtée devant la porte en entendant des voix dans une chambre d'habitude silencieuse, pas de quoi s'inquiéter.
— Je veux jouer à cache-cache encore, plaida soudainement dit la petite.
— D'accord, vas te cacher, et je vais compter jusqu'à quarante.
— Nooon! C'est beaucoup trop, moi je suis très très bonne, je me cache vite, pas comme toi!
Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants? Mon visage resta impassible, mais je me sentais un tout petit peu offusqué, juste un peu.
— Comme tu veux. Allez, file te cacher si tu ne veux pas te faire manger par le grand méchant loup.
Je grognais en prenant un air menaçant, et elle courut se cacher en criant.
— C'est quoi tout ce boucan? C'est un hôpital ici, pas un zoo!
Une voix tonitruante mît fin à notre jeu et un monsieur dans la quarantaine entra dans la pièce avec un regard qui aurait paralysé un oiseau en plein vol s'il avait pu lancer des éclairs. Son complet noir et ses lunettes ne faisaient qu'accentuer l'atmosphère sombre qui l'entourait. Moi qui m'étais attendu à un père noël, j'étais complètement à côté de la plaque. Il avait plus l'air du père fouettard qu'autre chose. Évidemment, il fallait que je tombe sur le docteur le moins sympathique en ville pour mon stage. Avec la chance que j'avais dans la vie, ça ne m'étonnait même pas.
— O-on jouait à la cachette, monsieur, répondit la petite en bégayant, effrayée par l'imposante apparition que pourtant, elle voyait tous les jours mais qui continuait de lui donner des cauchemars chaque fois.
— À la cachette?! Mais vous êtes sensée rester dans votre lit! Combien de fois dois-je vous le répéter?
Son visage était déformé par la fureur, fureur pour laquelle je ne saisissais pas complètement la raison. Ce n'était qu'une petite fille de cinq ans qui voulait s'amuser, n'avait-elle pas le droit de se défaire de sa vie à l'hôpital de temps à autres?
Daisy semblait terrorisée, tellement qu'elle tremblait et osait à peine respirer. Le monsieur la vouvoyait comme si elle était majeure et non pas qu'une petite fille de cinq ans, et ça rajouta au sentiment de dégoût que je ressentais envers cet homme. La première rencontre était la plus importante, et disons qu'il ne faisait pas une très bonne impression.
— Ne criez pas sur elle voyons! C'est de ma faute, dis-je en prenant Daisy dans mes bras.
L'homme me fixa comme s'il venait de remarquer ma présence et leva son menton carré d'un air hautain. Il avait la carrure d'un soldat à la retraite qui se cachait sous la couverture d'un médecin. Sûrement que d'un moment à un autre, il allait déchirer ses vêtements comme Superman, et ça ne me surprendrait même pas.
— Et vous êtes?
— Mathias Edmonton, répondais-je d'une voix ferme pour ne surtout pas lui laisser croire qu'il me faisait peur, même si c'était un peu le cas.
Il fronça les sourcils.
— Votre stagiaire. Monsieur Davis m'a dit de...
— Oui, je sais déjà tout ça, grommela-t-il avec un geste de la main pour me dire de me taire.
S'il le savait déjà, pourquoi me demander qui j'étais? Je sentais qu'on n'allait pas s'entendre du tout lui et moi.
— Il y a quelques règles à respecter dans un hôpital, vous savez? Ce n'est pas un cirque, ici!
Il faut dire qu'il n'avait pas l'air d'un clown non plus! En tout cas, il était loin d'être drôle. Je gardais mes pensées pour moi question de ne pas être expulsé avant même d'avoir commencé mon stage.
— Daisy, retourne dans ton lit, et tâche de ne plus en sortir.
La pauvre petite tremblant toujours dans mes bras me regarda comme si elle attendait ma permission. Je la déposais dans son lit et remarquais qu'elle était légère comme une plume, sûrement à cause de cette maladie qui m'était, pour l'instant du moins, inconnue.
— Rappelez- moi votre âge?
— 16 ans, répondis-je aussi sèchement qu'il me l'avait demandé.
— 16 ans?
C'est ce que j'ai dit, monsieur le sourd!
— Oui, monsieur, lançai-je en contenant mon envie de lui crier dessus.
— Vous n'êtes pas un peu jeune, pour... Enfin, peu importe. Vous ne faites qu'observer, alors essayez de ne pas être une plaie.
Sur ce, il sortit de la chambre aussi silencieusement qu'il y était entré, comme un ninja.
— Mais c'est qui ce monsieur? Murmurais-je pour moi-même.
— Le loup.
Je ne m'attendais pas à avoir de réponse, mais Daisy semblait avoir retrouvé la parole au moment où l'homme était sorti de la pièce.
— Il est très méchant, et en plus, il fait peur à tous tous tous les enfants. Moi je l'aime pas du tout, rajouta-t-elle en secouant vivement la tête pour appuyer ses propos.
J'éclatais de rire, et me voyant faire, elle rit à son tour, mais s'arrêta brusquement, une quinte de toux l'interrompant.
— Ça va? M'inquiétais-je en croyant qu'elle s'était étouffée avec sa salive.
— Oui, ça m'arrive souvent, répondit-elle avant de changer de sujet. Toi tu vas être gentil avec moi?
D'un regard implorant, elle attendait ma réponse.
— Oui, assurais-je en souriant.
— Promis?
Elle me tendit son petit doigt, que j'enroulai dans le mien.
— Promis.
Elle rigola et s'arrêta net comme si elle venait d'avoir une illumination.
— Viens, il faut rencontrer mes amis!!
Et après, comme si elle venait de se rendre compte de quelque chose, sa mine s'assombrit.
— Mais le loup m'a dit de rester au lit.
Elle avait l'air tellement triste que...
— Ça va être un secret entre nous, d'accord?
Son visage s'illumina de nouveau et elle hocha la tête avant de mettre sa toute petite main dans la mienne.
— Vite! On va commencer par Luc, et après Cendy, puis José...
Comme elle me tenait par la main, je fus obligé de me baisser légèrement, mais sûrement que ça en vaudrait la peine. Et puis elle avait l'air si heureuse que je me laissais emporter par son enthousiasme.
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