"Si tu pouvais lire mon esprit, tu serais en larmes..."

Routine. Chaque lundi et vendredi, dès que je finissais devoirs et études, je m'empressais de poursuivre la lecture des chapitres, bien que c'était la partie écrite à la main par Evelyn qui m'intriguait le plus.

Le garçon que j'ai vu dans le bus s'appelle Mathias, c'est Daisy qui me l'a dit. Daisy l'aime bien, même qu'elle le trouve drôle et aimable. Ça m'étonne, dans le bus, il était tout sauf sympathique. Sûrement qu'il était de mauvaise humeur. On s'est revu, samedi. Ce jour-là, j'étais allée voir Mr.Davis pour voir s'il y avait un donneur de poumon. Il n'y en avait pas, ça ne m'étonnait pas. Ça faisait longtemps que j'avais cessé d'espérer, d'insister. Après tout, quelle personne sensée s'enlèverait volontiers un poumon?! En sortant du bureau, j'ai vu Mathias, mais lui n'a pas semblé me reconnaître. Comment l'aurait-il pu? J'étais blonde dans le bus, et rousse à l'hôpital. Véritablement, je suis rousse, mais je met une perruque blonde en allant ou sortant de l'hôpital, pour ne pas que quelqu'un sache que j'y vais chaque fin de semaine. Il ne faut pas que qui que ce soit se doute que ma soeur est malade, je n'ai besoin de la pitié de personne. Mais il ne fallait pas que Daisy s'en rende compte, alors j'enlevais ma perruque le temps de la voir.

En effet, j'avais visé juste, si Evelyn connaissait mon nom, c'était parce que Daisy le lui avait dit. Un problème de réglé. Maintenant, restait plus qu'à comprendre pourquoi il fallait un donneur de poumon. Daisy ne m'avait jamais semblé être dans une phase assez critique pour avoir besoin d'une greffe, mais comme la maladie était incurable, sûrement qu'Evelyn voulait s'assurer qu'il y avait un plan B. J'allais devoir me renseigner sur ça.

Papa s'est mis en colère contre moi. Il m'a dit de ne plus aller à l'hôpital dimanche, pour ne pas aggraver ma santé, mais je ne pouvais décevoir Daisy alors j'y suis allée malgré tout, sans permission. Quand je suis revenue, il m'a fortement réprimandé, mais je n'écoutais que d'une oreille distraite. Des cheveux blancs apparaissaient ici et là sur sa tête, et je me surpris à penser que c'était de ma faute, qu'ils seraient bien plus heureux sans moi, sans Daisy. Depuis que maman est morte, il évite de rendre visite à Daisy, qui ne s'en préoccupe pas, je remplie le vide laissé par papa. Elle est innocente, ne sait pas que maman s'est sacrifiée pour elle. La grossesse c'est mal passé, et peut importe le choix, une de vous deux auraient eu à mourir. Papa a du mal â s'en remettre, mais moi je ne t'en veux pas. C'était le choix de maman, pas le tien.

Ainsi donc, sa mère aurait pu avorter et rester en vie, mais elle avait décidé de donner naissance malgré les risques qui découlaient de cette décision. Je n'étais pas facilement chamboulé, mais je dus essuyer quelques larmes en lisant ce texte. Pauvre Daisy, elle était, en quelque sorte, la responsable de la mort de sa propre mère sans même être au courant. Pour elle, sa mère était une princesse qui vivait dans un château au ciel et qui viendrait la chercher quand elle aurait les cheveux aussi blancs que les princesses des cieux. C'est ça qu'elle m'avait dit, et je n'avais pas cherché à la corriger, ne voulant briser son innocence, ni ne comprenant doute lui était venue cette idée farfelue. Maintenant, je savais qu'elle venait sûrement d'Evelyn...

Daisy est fâchée. Elle n'a pas dû apprécier que je supprime nos rencontres du samedi. Je lui ai dit que je ne pouvais plus y aller parce que j'avais une activité parascolaire avec l'école, mais ce n'était qu'une façade pour cacher le véritable problème. J'ai de moins en moins de force, et me déplacer chaque fin de semaine jusqu'à l'hôpital m'épuise de plus en plus. Et même si je me sens coupable en repensant à sa petite mine triste, je sais qu'au moins, samedi, elle sera avec Mathias. Il s'occupera d'elle. J'ai aussi rencontré Steph, le meilleur ami de Mathias d'après ce que Daisy m'a dit. Apparement, il parle beaucoup de lui. Il est pas mal, Steph. On a un peu parlé, enfin, lui parlait et moi j'écoutais. Je n'en ai pas trop dévoilé parce que j'avais peur de m'attacher à lui, à son entrain et son sourire contagieux. Mais je crois bien que c'est déjà trop tard...

Plus assez de force pour aller voir sa soeur samedi et dimanche? Se pourrait-il que... Non, impossible, je l'aurai détecté dès la première fois si c'était le cas. Je secouai la tête, comme pour chasser ses pensées de mon esprit, et souris en relisant les dernières phrases. Alors comme ça, quelqu'un avait eu le coup de foudre pour mon meilleur ami. Si seulement Evelyn savait à quel point il était insupportable, elle changerait peut-être d'avis. Elle disait ne pas vouloir s'approcher de lui... Surement qu'elle avait eu une mauvaise expérience avec un garçon auparavant. Un peu comme Gwen avec Zack. Tout à coup, j'eus l'idée de jouer aux cupidons...

— Hey, Steph! Ça fait longtemps que tu m'as parlé d'Evelyn, m'exclamais-je en m'assoyant à ses côtés.
Son sandwich s'arrêta net devant sa bouche, et il froncai des sourcils avant de leur déposer sur son assiette.

— Pourquoi je te parlerais d'elle?

— Je sais pas. Vous êtes tous les deux roux, répondis-je en haussant les épaules.

— Wow, quel sens de l'observation! Je suis choqué, ironisa-t-il en reprenant son sandwich dans ses mains.

— Enfin, tout le monde sait que qui se ressemble s'assemble.

Il ne dit rien, la bouche pleine, prenant bien son temps pour mâcher pour ne pas avoir à me répondre. Il essayait de gagner du temps.

— Tu sais, si tu attends trop longtemps, elle risque de te glisser entre les doigts, le taquinais-je.

— De toute façon, répondit-il en adoptent un ton nonchalant, je ne l'intéresse sûrement pas.

— Qui ne t'intéresse pas? S'enquérit une voix que je ne connaissais que trop bien.

— Personne, grogna Steph en espérant qu'elle n'insisterait pas.

Dommage, ce n'était pas le genre de Gwen.

— Ouh le menteureuuh, il est amoureux-euuh, chantonna-t-elle avec Jess.

Steph roula les yeux aux ciels et reprit la dégustation de son sandwich en tentant de les ignorer. Difficile quand elles chantaient aussi faux. Il n'avait peut-être rien avoué, mais il n'avait rien nié non plus. Mon sourire s'élargit. Il y avait définitivement quelque chose entre lui et Evelyn, et je m'arrangerai pour qu'ils finissent ensemble.

Daisy avait l'air de très bonne humeur quand je suis allée la voir. Apparement, Mathias avait décidé de l'emmener à l'extérieur toute une journée. Elle avait tellement hate qu'elle finit par me convaincre de les rejoindre au parc, elle ne savait plus lequel mais je le déduis assez facilement. J'irai, pas toute la journée, ce serait mauvais pour ma santé, il faut que je fasse attention.

Je froncai les sourcils, confus, Evelyn avait beau avoir dit que toutes les réponses se trouvaient dans ce livre et pourtant certaines choses étaient encore floues. Il manquait des pièces au casse-tête.

Hier, c'était la fameuse dont Daisy m'a rabattu sans cesse les oreilles. Je les ai trouvé assez facilement. Elle m'avait dit qu'ils iraient voir un film, "avec du popcorn" avait-elle insisté, et il n'y avait qu'un parc près du cinéma. Daisy s'amusait avec d'autres enfants de son âge. À l'extérieur, qui plus est. C'était tout ce dont elle avait toujours rêvé, ayant passé sa vie à l'hôpital. Puis, elle est arrivée. Jessica. Avec un gâteau et des cadeaux, un sourire rayonnant et une joie de vivre immanquable. Elle était belle gentille, me parlant malgré mon mauvais caractère, mais surtout semblait en santé. En rentrant chez moi, j'ai compris que je l'enviais au point d'avoir une attitude désagréable à son égard. Elle avait un petit ami super, s'entendait avec Daisy et avait avenir devant elle, pas comme moi.

Maintenant au moins, je savais pourquoi elle s'était comportée aussi froidement avec Jess, mais le reste restait obscur.

Il se faisait tard, et mes yeux se fermaient d'eux même tellement j'étais fatigué. J'éteignis la lumière de la lampe bleue posée sur ma table de chevet, fermai le livre en y insérant un signet pour ne pas perdre ma page. Il était presque fini, le livre, et la fin approchait...