20. Quel chez soi?
"Ne laisse pas la peur prendre les décisions à ta place"
— Les papiers sont signés et... Mes parents divorcent officiellement.
J'hochai la tête, attendant qu'elle poursuive, mais elle ne disait rien et je ne savais que répondre.
— C'est...
Bien? Mal? Je n'en avais aucune idée, mais heureusement pour moi, elle avait déjà fait son choix et n'avait pas besoin du mien.
— Super! Compléta-t-elle. Plus de dispute et ils ont recommencé à mieux s'entendre!
— Où est le problème alors?
Parce que me faire sortir de mon lit sans explication de béton, c'était signer son acte de mort.
— Bah, le problème c'est que ma mère déménage à une heure et demi d'ici.
— À pieds?
— Non, à vol d'éléphant, ironisa-t-elle. En auto! T'imagines, une heure et demi en auto, c'est presque deux heures si je prends le bus.
— Ça veut dire que ton père garde la maison?
— Oui mais...
Elle grimaça et prit une bouchée de mini crêpe. S'il y avait six crêpes, que Mathias en avait mangées deux fois moins que Jessica et qu'elle en avait mangées quatre, combien de crêpes avait eues Mathias? Tous à vos calculatrices.
— Tu te sentirais coupable d'aller avec ta mère et de laisser ton père, et le contraire aussi, c'est ça?
La bouche trop pleine pour parler, elle secoua vivement la tête. J'avais visé en plein dans le mille. C'est sûr qu'avoir à choisir entre deux parents devait un véritable calvaire, mais comme je ne vivais pas toutes les subtilités de la situation (?), je ne voyais que l'aspect pratique de la chose.
Assez rapidement vu la vitesse avec laquelle Jess engloutissait les croissants et crêpes, nous finîmes nos assiettes et continuâmes notre discussion tout en marchant.
— Si tu vas avec ta mère, tu devras changer d'école, changer complètement de vide, t'auras aucun repère et...
— Eh bah, si c'est ton moyen de dire que je vais être trop loin de toi, c'est un peu long, faudrait abréger, rigola-t-elle.
— Oh tiens, ça m'a même pas traversé l'esprit, dis-je en prenant une mine choquée. En fait, j'ai jamais vraiment cru aux relations à distance mais je peux bien essayer pour toi.
— Moi pareil, mais...
Elle sourit, mais changea aussitôt de sujet, comme si elle ne voulait même pas que ce soit une option.
— Sinon, je peux aussi aller chez mon père biologique. Mais la meilleure option c'est que je reste chez toi, rajouta-t-elle, un sourire en coin.
— Hmm, on va commencer par évaluer les autres options.
J'avais beau l'aimer assez pour partager mes croissants, mais passer tout mon temps à l'école puis chez moi avec la même personne finirait par me faire exploser, qui qu'elle soit.
— Je savais que t'allais dire ça! Rigola-t-elle.
— J'espère bien! Quand ça fait presque un an qu'on sort ensemble, je m'attend à ce que, comme toute petite amie qui se respecte, tu sois capable de lire mes pensées.
Elle me tira la langue avant de continuer la principale conversation.
— Chez ma mère. Point négatif, je ne pourrais te voir que les week-ends, et encore, ça c'est être positif. Point positif, je pourrais commencer une nouvelle vie. Chez mon père. Point négatif, il est rarement à la maison. Point positif, presque rien ne va changer, même école et tout et tout. Chez mon père biologique. Point positif, c'est à cinq-dix minutes en bus de chez toi et de l'école. Point négatif, je ne le connais pas vraiment, lui et sa famille. Point neutre, ce sera une occasion d'apprendre à les connaître.
— Au pire, on aménage ensemble en appartement. On mangera des pizzas pour l'éternité et vivrons heureux jusqu'à l'obésité.
Elle me regarda comme si j'avais dit que je voulais me faire manger par un requin avant d'éclater de rire. Son visage froncé par la réflexion se détendit enfin, ses lèvres pincées laissant place à un sourire rayonnant. Je la préférait comme ça et de loin. Sans la prévenir, j'arrêtais brusquement de marcher et comme je lui tenais la main, elle fut forcée de s'immobiliser à son tour.
— Il y a un problème? Me demanda-t-elle perplexe en me faisant face. Oh, je reconnais ce sourire, s'exclama-t-elle en souriant elle aussi.
J'approchai mon visage du sien jusqu'à ce que nos nez se frôlent et déposais mes lèvres sur les siennes, refroidies par le vent et légèrement sucrées par les crêpes et croissants, pour l'embrasser.
— Ça va prendre plus pour me convaincre à 100% de rester ici avec mon père, rigola-t-elle.
— Je crois que t'oublies que j'ai une mère avocate, répondis-je sur le même temps de défi. Et puis, avec Steph et Gwen de mon bord, je suis sûr de gagner ma clause.
Et c'est comme ça que nous retournâmes chez moi où Gwen et Steph, que j'avais antérieurement appelés pour aider Jess à prendre sa décision, m'attendaient.
— C'est pas trop tôt, rechigna Gwen en nous voyant, ça fait dix minutes qu'on vous attend dehors.
— T'imagines? Je suis resté dix minutes avec une Gwen de mauvaise humeur, autant dire que je mérite le prix Nobel du courage, s'exclama Steph, ce qui lui valut une frappe sur l'épaule, mais je ne dirais pas de qui. Petit indice, ce n'était absolument pas de Gwen.
Alors que Steph était d'humeur olympienne, Gwen semblait prête à étriper quelqu'un à même les mains. Pour ma sécurité, je les fis entrer le plus vite possible et leur fis même un bon chocolat chaud pour me faire pardonner. Enfin, bon, je dis ça comme ça, je ne l'avais pas goûté, mais personne n'avait eu une soudaine envie d'aller vomir alors il devait être potable.
— Bon, pourquoi tu nous as appelés d'urgence?
— Mouais, comme si voir ta face à l'école ne suffisait plus.
Ouh la, je ne savais pas si Steph avait quelque chose à y avoir, mais Gwen était vraiment d'humeur massacrante. Je voulus leur exposer la situation mais Jess me devança dans mon initiative.
— Mes parents ont officiellement divorcé et je ne sais pas chez qui aller habiter.
— Simple, chez celui qui signe tes mauvaises notes sans broncher, proposa Gwen. Où qui va te laisser vivre en paix.
Jess soupirai et se tourna vers Steph.
— T'aurais pas une meilleure idée?
C'était lui le pro en pareilles situations après tout, même si ça n'en avait pas l'air.
— En fait, commença-t-il lentement, je pense qu'il faut éliminer ta mère parce qu'elle habite trop loin. Chut, ne m'interromps pas jeune fille, prévint-il en voyant Jess s'apprêter à répliquer.
Il avait horreur de se faire interrompre dans des moments comme ça, où chacun buvait ses paroles. Ça brisait son moment de gloire, qu'il disait.
— Tu pourrais aller chez ton père biologique du dimanche au mardi, irais chez ton père de mercredi soir au jeudi...
Jess fronça les sourcils mais devant le regard sévère lancé par Steph, elle crut bon de s'abstenir. Il pouvait être aussi menaçant et intimidant que Gwen quand il voulait.
— ...puis chez ta mère du vendredi au samedi. Comme ça, pas de jaloux, acheva-t-il, fier de lui.
— Ou plus simple, tu te casses pas la tête et choisis celui qui te fous la paix, reprit Gwen en roulant des yeux.
— Je crois que la simplicité de Gwen est plus raisonnable, lançais-je bien que Jess était trop perdue dans ses pensées pour m'entendre.
— Moi je crois au contraire que Steph a raison. Enfin, on pourrait faire ça pour le moment et après on s'ajustera.Ouiiii, c'est un bon plan, t'es génial, s'exclama-t-elle en lui donnant un câlin. Je vais en parler à mes parents ce soir.
— Ta décision, grogna Gwen, frustrée que Steph l'ait emporté sur elle.
— Tu dois te décider pour quand?
— Pour ce soir, grimaça Jess. Tout se passe tellement vite, c'est incroyable.
Elle ramena son coussin contre sa poitrine, comme pour qu'il absorbe tous ses problèmes, alors je la serrai dans mes bras pour aspirer tous ses problèmes à elle.
— On s'arrangera, promis, lui chuchotai-je dans l'oreille en l'étreignait un peu plus contre moi.
— Vu qu'on est tous là, ça vous dit un film?
Tout le monde approuva l'idée, au grand plaisir de Gwen, et nous nous répartîmes les tâches.
— Je m'occupe du popcorn et des chips, m'écriais-je.
— Et moi je vais chercher les films et des couvertures.
— C'est moi qui commande la pizza! S'écrièrent Gwen et Steph en même temps, avant de se défier du regard.
Ces deux là semblaient se chercher en permanence. Toutes deux partirent comme des flèches pour prendre le téléphone en premier.
— Je parie sur Gwen, chuchota Jess, amusée.
J'aurai voulu parier pour Steph, mais contre Gwen, il n'avait aucune chance.
La mine dégoûtée de Steph, revenant au salon une vingtaine de secondes plus tard, confirma la victoire non surprenante de Gwen.
— C'est toujours elle qui appelle, geignit-il.
Il avait l'air d'un enfant qui n'avait pas eu le dernier biscuit de la boîte. Il s'affala sur le sofa en soupirant, les mains croisées contre son torse.
— Pleure pas, mon chou, avec un peu de chance, Gwen te laissera manger les croûtes, lui dit Jess comme si elle parlait à un petit enfant tout en essayant de se retenir de rire.
— Moi? Rigola cette dernière une fois sa commande passée. Tu rigoles j'espère, les croûtes c'est ma partie préférééée!!!!
Steph la prit par surprise en la serrant dans ses bras assez fort pour qu'elle ne puisse se libérer de son empreinte. Je ne saurais pas comment vous décrire à quel point Gwen criait fort, mais disons juste que j'avais cru entendre quelques verres et peut-être une fenêtre éclater en morceaux.
— Et toi t'es ma personne préférée sur terre parce que t'es très gentille et tu aimes partager et...
— Lâche moi bordel!!!!!
Tandis qu'ils se débattaient, le livreur de pizza, porteur de joie et d'amour, sonna à la porte. Dès que la première boîte fut ouverte, c'était comme si le paradis venait nous tenir compagnie. Plus aucune dispute, tout le monde s'entendait à merveille. Enfin, jusqu'à ce que vienne le temps de choisir un film...
Nous finirent par opter pour le dernier Hunger Games, question de satisfaire tout le monde, et vers le milieu du film, Je repensai au livre donné par Evelyn... Devrais-je en glisser un mot à Jess, Steph et Gwen?
Quelque chose, peut-être l'égoïsme, me poussa à garder le silence. Je voulais être seul messager des lettres d'Evelyn intégrées au livre...
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