16. Bad Blood
"Parle lorsque tu es en colère et tu feras le plus grand discours que tu regretteras toujours"
~Lundi~
Plus personne ne bougeait, et tout le monde semblait retenir sa respiration. La mère de Jessica voulut encore une fois s'interposer, mais ma mère l'arrêta, estimant que ça ne ferait qu'envenimer la situation. Ainsi donc, tout reposait sur la décision du père. Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités. Julien Dupré prit une énorme respiration et expira tout aussi longuement, regrettant sûrement de nous avoir laissé entrer chez lui.
— Qu'est-ce que tu veux savoir? Finit-il par lâcher au bout d'un moment.
Le regard de Jess s'illuminait brièvement avant de reprendre sa mine renfrognée. Elle obtiendrait finalement tout ce qu'elle cherchait à savoir. Elle alla s'assoir sur la table de la cuisine où Steph mangeait maintenant des toasts, et sortit une liste de sa poche. Elle avait préparé des questions. J'eus un sourire en pensant qu'elle pourrait en effet faire une bin ne avocate, puis m'en défit en me rappelant que l'heure n'était pas à la rigolade.
— Je veux savoir tout ce que vous savez, clama-t-elle en le fixant dans les yeux.
— Comme tu veux, répondit monsieur Dupré en haussant les épaules, ce qui surprit Jess.
Surement qu'elle ne s'était pas attendue à recevoir questions à ses réponses aussi facilement et rapidement. Julien Dupré ne semblait pas particulièrement enchanté d'avoir à faire ça, mais semblait comprendre l'insistance de Jess.
— J'ai rencontré ta mère à l'université. Nous sommes sortis ensemble plusieurs années, et puis elle est tombée enceinte. De toi. Quand elle me l'a annoncé, elle était déjà enceinte de huit mois et il devenait trop tard pour reculer, alors j'ai fait semblant d'être fou de joie alors qu'en vrai j'étais mort de trouille.
— Pourquoi ne pas l'avoir dit?
— Parce qu'elle avait l'air tellement heureuse que je ne pouvais pas lui dire d'avorter, je ne sais pas trop. Le fait est que quelques jours après l'accouchement, il fallait te faire une carte de naissance. Nous n'étions pas mariés, mais il fallait bien que tu es une identité, et c'est pour ça que sur ta carte de naissance, tu as mon nom de famille.
— Je te l'avais dit, lui chuchotai-je, mais elle ne fit pas attention à ma remarque.
— Et qu'est-ce qui s'est passé ensuite?
— Il s'est passé que j'ai paniqué devant la réalité. Devenir père à vingt-trois ans, je n'étais pas assez mature pour ça. Alors j'ai mis un terme à ma relation avec elle, mais sans jamais couper les liens de contact.
— Et pourquoi je ne t'ai jamais connu?
Il haussa les épaules.
— J'aimerais bien le savoir aussi. Ta mère, après s'être mariée, m'a écrit un jour pour me dire que tu étais sa fille, et que jamais je ne devais rentrer dans ta vie après y être sorti aussi brusquement. Je lui ai écris plusieurs fois pour essayer de la faire changer d'avis mais...
Décidant qu'elle avait obtenu ce qu'elle voulait de Julien, Jess se tourna vers sa mère.
— Tu t'es jamais dit que peut-être je voudrais savoir tout ça?
Sa mère avait une mine désolée, mais aucun pardon ne semblait pouvoir satisfaire Jess en ce moment. Elle avait besoin d'explications et d'explications seulement.
— Si mais... Il m'avait fait tellement mal quand il est parti, je n'ai pas voulu qu'il te fasse mal à toi aussi. J'avais l'impression qu'en te cachant la vérité, tu serais plus heureuse qu'en sachant que ton propre père n'avait pas voulu de toi, débita-t-elle avec une voix qui laissait trahir les sanglots qu'elle retenait tant bien que mal.
Décidément, c'était le jour des confidences.
— Et qu'est-ce que mon vrai père à avoir avec ce divorce?
— Mais rien du tout, c'est toi qui as inventé tout ça! S'exclama sa mère en tiquant légèrement à l'entente du "vrai". Ton faux père, comme tu dis, ne savait pas que l'enfant était le mien. Il est très...droit, disons, et ne m'aurait jamais épousée s'il avait su dans quelles circonstances je t'avais eue, alors je lui ai dit que tu étais l'enfant d'une amie qui est morte, et que j'avais décidé de prendre soin de toi, de t'adopter. Sur le coup, il m'a crue, après tout, il n'avait aucune raison de douter de moi et n'avait jamais vu ton certificat de naissance. J'avais fait une demande de changement de nom au directeur de l'état civile en cachette, mais évidement, je ne pouvais changer celui de ton acte de naissance. Ainsi, sur toutes tes autres cartes, tu étais Jessica Valence, et non plus Dupré. Tout comme toi, ton père a découvert la supercherie, et c'est là qu'il a demandé le divorce.
Jessica plissa les yeux, essayant d'absorber toutes ces informations, et vérifiant qu'il ne manquait aucun détail. Comme ça touchait beaucoup au domaine juridique, elle n'avait pas tout compris, moi non plus d'ailleurs, mais juste assez pour saisir l'important.
— Comment tu savais où habitait Julien?
— Comme il te l'a dit, nous avons gardé contact même après qu'il soit parti.
— Donc j'avais raison, murmura-t-elle plus pour elle même que pour nous, c'est vraiment de ma faute si vous avez divorcés...
Cette phrase me rappelait quelque chose, je l'avais déjà entendue, dite exactement par la même personne.
— Et...et je crois que c'est ma faute, ajouta-t-elle avant de s'effondrer en larmes dans mes bras, comme si juste m'apprendre que ses parents voulaient divorcer l'avait puisée de toute énergie.
Sauf que cette fois-ci, ce n'était pas la même Jessica. Elle semblait plus forte, plus sûre d'elle. Elle essuya vivement les quelques larmes qui avaient coulé.
— Je trouve que ce que tu as fait est horrible, dit-elle à sa mère, et cette-dernière baissa la tête, comme un enfant réprimandé, mais, reprit Jess, je te pardonne parce que tu pensais bien faire et que pendant six ans, tu m'as élevée malgré que tu devais faire tes études. Et... Elle hésita avant de continuer, je suis désolée pour toutes les méchancetés que je t'ai dites.
Sa mère pleurait également à présent, et toutes deux s'étreignirent silencieusement. La colère n'avait pas disparue, mais s'était simplement estompée, laissant place à l'amour indestructible entre une mère et ses enfants. Je sentais que Jess avait encore beaucoup de questions, mais elle voulait d'abord cogiter tout ce qu'elle avait appris pour mieux le comprendre.
— Et ils vécurent heureux pour la nuit des temps, s'exclama Steph qui n'avait pas dit un mot jusque là.
Tout le monde éclata de rire, pour relâcher toute la pression qui s'était accumulée.
— Mais vous faites beaucoup de bruit!!
Damien surgit de nulle part, tenant d'une main son ourson et frottant ses yeux de l'autre. On avait réveillée un monstre qui dormait on dirait. Son apparition finit de faire disparaître le malaise de tantôt, et tout le monde se mît à déjeuner, même Steph qui, malgré les céréales et toasts qu'il avait engloutis, avait encore faim. Les émotions fortes ça creuse l'estomac, avait-il dit pour sa défense.
— Je veux regarder un film!! S'il te plait, papa!!
De bonne humeur maintenant, Julien Dupré lui accorda cette faveur, et nous en profitâmes tous pour nous changer les idées. Les adultes disparurent quelques minutes et revinrent avec boissons, chips et maïs soufflé. On croirait qu'après avoir déjeuné, plus personne n'aurait faim, mais voyons, il restait toujours de la place pour des chips.
J'allai m'assoir à côté de Jess qui avait perdu son visage rouge de colère.
— Toujours en mode evil ou ma Sissi est revenue? La narguais-je.
— Appelle moi Sissi encore une fois et tu vas faire connaissance avec le démon en moi.
Je rigolai et lui pinçai les joues comme le font les grands-mère dans les livres.
— Mais c'est qu'elle a beaucoup changé ma petite Sissi.
- Attend que je te défigure et on va voir qui va beaucoup changer, me menaca-t-elle avec un sourire amusé.
Je dû à contrecœur la laisser tranquille, car le film débutait et malgré que ce soit Damien qui tenait à le voir, tout le monde y était intéressé et nous intimait le silence.
Quand la mère de Damien se réveilla, elle fut étonnée de voir que nous étions tous regroupés au salon en train de suivre un film, mais elle ne posa pas de question et vint nous rejoindre. Elle avait l'air du genre de personne avec qui je m'entendrais bien, mais je ne la connaissais pas assez pour faire des suppositions. Même Jess semblait l'apprécier alors qu'elle venait à peine de la rencontrer, il y avait de l'espoir.
Enfin, s'il y a bien une personne qui risquait de ne plus trop nous apprécier c'était Gwen. Après tout, en plus de manquer tout ça, elle allait devoir survivre à une journée d'école sans nous. Quand elle allait apprendre que pendant qu'elle souffrait en math, nous on regardait un film, il risquerait d'avoir trois tombes de plus au cimetière...
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