THE WHITE SWAN
JESSE - Non, j'ai pas de mouchoir
- Donc, on récapitule : je me gare à l'arrière de l'hôtel. Si je vois quelque chose de suspect, je klaxonne une fois. Les flics, deux fois. Et si je vous vois débarquer en courant, je démarre immédiatement et je viens vous chercher. Par contre, si vous passez devant la voiture en marchant comme si de rien n'était, je sors de l'allée, je roule jusqu'au parking et je vous récupère là-bas. J'ai tout bon ?
- Presque : les policiers, c'est un coup de klaxon, l'activité suspecte, c'est deux.
La tête appuyée contre la vitre arrière de la voiture, j'écoute Kim et Clark résumer une nouvelle fois le plan, la brune penchée vers l'avant pour discuter avec la blonde. Son parfum, changé pour l'occasion, une odeur de musc et de coton, embaume la voiture, et me fait déjà presque tourner la tête. Mes yeux alternent entre le paysage de Washington qui défile à ma droite, et son profil à ma gauche. Ses traits sont toujours aussi bien dessinés, son regard toujours aussi lumineux, semblant être le seul élément dans cette voiture capable de capter et d'emprisonner les lueurs des lampadaires environnant. Sur sa bouche a la couleur du vin rouge, semblant un raisin dont le jus aurait été pressé sur ses lèvres, et ses cheveux bruns, ramenés sur son épaule gauche, tombent en lourdes boucles sur celle-ci, dénudée par la simple robe de soie noire à bretelle qui la vêt.
Un instant, son regard se pose sur moi, et elle m'adresse un large sourire. Je sais qu'elle adore cette situation : l'adrénaline monte en elle comme la sève des arbres aux printemps et l'excitation comme les vents qui agitent cette saison. Je ne suis pas comme elle. Imaginer ce genre de plan foireux ne me séduit pas, ne m'excite pas. Mais c'est quand j'y suis, quand je me joue de tous les autres à ces côtés, que nous courrons main dans la main et que nous oublions toutes les règles qu'on a si longtemps essayé de suivre que le coup délirant me frappe et que la fièvre émotive m'enivre.
Je n'ai pas l'impression que ces aventures soient des décharges d'adrénaline : ce sont tout simplement des piqûres qui révèlent nos véritables visages, nous réveillent, comme si nous étions tous deux maintenus sous morphine à chaque seconde que nous passons l'un sans l'autre.
Elles continuent de parler depuis quelques minutes mais, dans la lune, je n'écoutaient déjà plus. Ce n'est que quand Kim prononce mon nom d'un ton interrogateur que je relève la tête et reviens à leur réalité.
- Jesse ?
- Kim ?
Dans le rétroviseur, je la vois lever les yeux au ciel, ou plutôt au plafond de la voiture dans cette situation, et je retiens un sourire.
- Je disais que tout votre truc me paraît vachement risqué, et que j'ai pas l'impression qu'il s'agisse de vos habituels petits larcins...
Clark me jette un regard, et je hausse les épaules, comme si de rien n'était. Quand Kim a su que nous partions tous les deux pour Washington afin de fêter l'élection du sénateur Jones, elle a tout de suite su que quelque chose clochait : ça ne ressemble tellement pas à nos « conneries habituelles ». Et, après de longues minutes de caprices, nous avons fini par craquer.
- Si au moins vous me disiez pourquoi vous avez voler ces documents au père de Clark...
Je me redresse brusquement, alors qu'il me semble voir le teint de la brune qui se trouve à ms côtés pâlir.
- Comment tu sais, pour les documents ?
- Je les ai trouvé dans votre chambre d'hôtel.
Sentant mes sourcils se froncer et ma mâchoire se serrer malgré moi, je prends une inspiration et me laisse retomber sur le dossier de la banquette, passant une main sur mon visage.
- Depuis quand tu fouilles ?
- Je te rappelle que j'étais avec vous la première fois que vous avez volé ce connard, si vous êtes inculpés, je peux plonger en même temps, alors j'apprécierais un peu de considération.
Ok, elle a raison. L'idée ne m'avait en réalité pas même effleuré l'esprit, car je sais que ni moi, ni Clark ne la dénoncerons. Mais comment être sûr que la police ne risque pas d'en savoir plus que ce que l'on lui dit... ?
- Jesse, elle a raison, elle mérite de savoir.
Je soupire ; évidemment, qu'elle mérite de savoir.
- Bon... Tu sais que l'Alabama est un des états avec la plus forte consommation de carburants, n'est-ce pas ?
- ... Non ? Comment veux-tu que je sache ce genre de choses ?!
- J'avoue qu'en y repensant, c'est une question stupide... Mais maintenant tu le sais ! En fait, il y a énormément de compagnies de transport qui font leur plus gros chiffre d'affaire dans le coin, et même si la pollution qu'ils engendrent se fait dans tous les Etats-Unis, au final les chiffres se retrouvent dans les statistiques de l'état.
- Et où tu veux en venir ?
- Devine qui est le plus plus gros fournisseur de carburant sur la région ?
Je vois son reflet hausser un sourcil dans le rétroviseur, et lui laisse le temps de trouver la réponse. Ce qu'elle finit par faire :
- Oh. La compagnie du père de Clark ?
- Bingo, s'exclame celle-ci. On avait besoin d'avoir les chiffres exacts pour ne rien négliger dans nos calculs. Enfin bref, tu vois le type qui vient d'être élu sénateurs ? Une de ses principales promesses de campagnes concernaient l'écologie. Mais vues ses relations au niveau des affaires, y a de grandes chances pour qu'il ne la respecte pas, c'était juste de la promo... On va, en quelque sorte, l'obliger à la tenir.
- Qu'est-ce que vous avez prévu comme connerie encore... ?
- Aha, tu verras, si tu ne sais rien tu as possibilité de démenti devant la justice !
La blonde lui fait un instant les gros yeux, avant de vite fixer ceux-ci sur la route. Ouais, il vaut mieux qu'elle ne sache rien..
Une demi-heure plus tard...
Les applaudissements retentissent, ce qui signe la fin du discours du nouveau sénateur. J'ai vraiment cru m'endormir, et à la vue de Clark à côté de moi, je me doute que je n'étais pas le seul dans cette situation. Mais à présent, la vraie soirée peut enfin commencer. Tous ces gens autour de nous ne sont pas venus pour écouter un discours à la con, non. Ils sont tous là pour des raisons relativement semblables, qui n'ont rien à voir avec un quelconque soutien de cette classe politique. Argent, le plus souvent. Réputation. Alcoolisme, besoin de se montrer, luxure et autres conneries auxquelles les gens riches s'intéressent et qu'ils utilisent pour faire passer le temps. Au moins, leurs faces font des masques assez convaincants : composées à 80 % de botox, elles ne risquent pas de dévoiler quelque secret que ce soit.
Seuls leurs regards laissent transparaître un tant soit peu de ce qu'ils ressentent. Il suffisait de voir la façon dont ils nous ont observés, Clark et moi, comme nous sommes rentrés dans la salle de réception. Admiration, crainte, envie, souvent les trois en même temps.
Une robe blanche passe devant moi. Je fronce les sourcils, alors que la senteur légère de CHANEL N°17 vient me chatouiller le nez. Je connais celle qui vient de passer. Je ne l'ai vue que dans un éclair, un flash, mais ça a suffi pour réveiller en moi des souvenirs beaucoup plus durables. Fugaces, oniriques, mais durables.
Me penchant, j'embrasse les cheveux de Clark.
- Je vais nous chercher des verres, je reviens.
Je m'apprête à partir, mais, ne lâchant pas ma main, elle me retient et m'attire à elle, pour m'offrir un vrai baiser cette fois. Presque surpris, je reste une seconde sans réagir, avant que mes mains ne viennent trouver sa taille, et qu'un sourire ne vienne trouver mes lèvres, tout contre les siennes. Sourire qui s'élargit lorsque, rompant le baiser, je jette un coup d'œil autour de nous : encore une fois, tout le monde nous regarde. Allez-y, regardez, vous l'aurez jamais alors autant vous faire plaisir aux yeux.
- Ok, maintenant, vas-y.
- Tu me l'autorises ?
- Je te l'autorise.
Elle rit un peu, alors que je lève les yeux au ciel, avant que sa main ne quitte finalement la mienne et que je ne parte vers le nugget. J'ai peut-être omis un détail : je n'y vais pas que pour les verres. C'est dans cette direction que Micah est partie.
Et elle est là, un verre à la main, un éclair au chocolat dans l'autre, à regarder la foule. A faire semblant qu'elle ne m'a pas vu arriver. Dans sa robe de soie blanche, aux manches et à la jupe longue, elle ressemble à une vestale, prêtresse vierge de tout contact, toute souillure, dont le regard naïf et innocent se pose sur un monde dont elle est coupée, protégée. Mais je sais qu'elle n'est pas ce qu'elle paraît. Pas tout à fait. Naïve, innocente, coupée du monde, elle l'était, quand je l'ai rencontrée. Protégée, non. Pas de moi.
Je ne sais pas quoi dire. Je ne sais pas comment l'aborder. Ça fait tellement longtemps... Derrière moi, j'entends l'orchestre jouer The Dance of the Little Swans, le Lac des Signes de Tchaïkovski, et ne peux retenir un sourire. Approprié.
- Tu sais, si tu veux m'admirer, tu ferais mieux de te mettre sur ma gauche, c'est mon meilleur profil, et je crois que la lumière est meilleure de ce côté.
Sa voix est toujours aussi douce, haute qu'à son habitude, son mélodieux sortant de ses lèvres rondes. Et à son ton, on pourrait presque croire qu'il ne s'agissait pas là d'ironie, mais bien d'un véritable conseil sur la meilleure façon de l'observer.
Évidemment, elle me connaît : elle a l'habitude que je ne parle pas. Alors elle continue, seule.
- Ça fait quoi... Deux ans ? Toi, première année de fac de droit, moi troisième... Je sais toujours pas pourquoi t'as arrêté, mais vu le niveau que t'avais, je peux le comprendre.
Franchise insouciante. Dire que j'ai fait des études de droit... Enfin, des « études »... Une année, juste une, jusqu'à ce que je rencontre Clark, et qu'elle me convainque de voler cet œuf, cet argent, et de réinjecter l'argent dans mon groupe, en faire quelque chose de vraiment sérieux... J'ai tout laissé tomber. Pour ça. Pour la musique. Pour elle.
Je me décide enfin à parler. Mais ma voix de chanteur est enrouée, comme bloquée dans ma gorge. Intimidée, peut-être. Devant mon premier amour. Un amour passant, flottant. Un amour drogué. Enfin, j'appelle ça de l'amour, mais c'en était pas. De la tendresse doucereuse, dans un océan chimérique de fumée. La fumée de la weed.
- Micah... Qu'est-ce que tu fais ici ?
Sa main aux doigts fins attrape un nouvel éclair, au café cette fois, après avoir fini le premier. Mais après une bouchée, elle grimace un peu, avant de se concentrer sur moi.
- Je travaille pour le cabinet d'avocats avec qui travaille le sénateur... C'est moi qui les représente, ce soir.
Reposant en toute discrétion la pâtisserie qu'elle a tout juste entamée, elle passe une main dans ses cheveux, dorés et lisses, plaquant ceux-ci en arrière. Elle est tout ce que Clark n'est pas. Et Clark est tout ce qu'elle n'est pas.
Clark est une tentatrice envoyée des enfers, succubes provocantes destinée à faire sombrer chaque homme dans ses filets, quel qu'il soit. Chaque aspect de sa personne est séduire, ensorceler. Elle est tout ce que l'humain ne sait pas désirer jusqu'au jour où il la rencontre.
Micah... Micah est une statue de marbre. Sculpté par l'homme, le plus petit détail est étudié pour être beau à observer. Elle est l'incarnation de l'idéal, de la douceur, imagination-même d'un artiste fou amoureux de son œuvre, Galatée au corps frêle et froid, prenant vie sous les yeux d'un Pygmalion émerveillé.
Mais je ne veux pas lui parler plus longtemps. Ses mots m'ont fait réalisé la menace qu'elle pouvait représenter pour Clark et moi, ce soir. Alors, je me penche légèrement en avant, pour récupérer deux coupes de champagnes. Je suis proche d'elle, peut-être un peu trop d'ailleurs, mais elle ne recule pas d'un pas. Elle se contente de se fixer de ses yeux noisette, de son air indifférent.
- Bon... J'étais ravi de te revoir, mais quelqu'un m'attend. A une prochaine fois, peut-être !
Elle hoche la tête, et je n'attends pas mon reste pour repartir d'où je viens. Pourquoi faut-il toujours que je sorte avec des femmes... Spéciales ?
Un grand brun se trouve devant ma Clark, lui adressant un sourire charmeur. Il peut charmer tout ce qu'il veut, ce soir, c'est moi qui rentrerai avec elle. Enfin, c'est ce que j'essaie de me dire. Parce qu'au fond de moi, une peur sourde gronde toujours : et si elle recommençait ? Et si, à nouveau, je ne lui suffisait plus ?
Je crois que cette fois, je ne le supporterais pas.
Je crois que cette fois, je la tuerais. Putain.
M'approchant, je surgis derrière elle, comme apparu de nulle part étant donné l'air surpris du type qui lui fait son numéro de charme. Avec ses cheveux gominés et son air de premier de la classe, il a exactement la tête des types avec qui Clark a l'habitude de coucher. Mais pas de ceux qu'elle a l'habitude d'aimer. Ceux-là, ils ont ma tête.
- Princesse, votre verre est arrivé.
Et, faisant mine d'embrasser sa joue, je lui chuchote :
- On a un gros problème.
Et ce problème s'appelle Micah. Mais ça, elle n'a pas besoin de le savoir. Comme si de rien n'était, la brune regarde autour d'elle, comme si elle cherchait quelque chose.
- Georges, savez-vous où se trouvent les toilettes ?
- Oh, je crois qu'elle sont au fond à d-
- Merci !
Et sur ces mots, elle me fait un signe et pars vers les dites toilettes. C'était le plan en cas de discussion d'urgence. Je la rejoindrai dans quelques minutes. C'est le seul endroit où il n'y ait pas de caméras, bien sûr. Et si on nous prend, on aura une bonne excuse pour y être tous les deux, en tant que jeune couple un peu trop fougueux !
En face de moi, je sens le jeune premier mal à l'aise. Je ne cherche pas à lui accorder la moindre attention, observant simplement les invités d'un air distrait.
- Euh... Vous auriez un mouchoir, par hasard ? S'il vous plaît ?
Sa question me sort de ma contemplation silencieuse. Lui jetant un regard visiblement désespéré, je finis par soupirer et décide de fouiller dans mes poches pour essayer de lui en trouver un. Il faut bien aider son prochain.
Finalement, je sors de la poche droite de mon costume une serviette. Je ne me souviens pas l'avoir mise là, mais il est évident qu'elle est tout ce qu'il y a de plus propre, alors autant la lui donner. Ce que je m'apprête à faire, avant de m'interrompre d'un coup : un numéro est noté sur cette serviette.
Il n'y a qu'une personne qui aurait pu la mettre là, et si c'est celle que je crois, j'ai peut-être plus de soucis à me faire que je ne le pensais. Poussant un énième soupir, j'observe le bout de papier, tout en secouant un peu la tête.
- Non. J'ai pas de mouchoir.
Euh... Comment ça, ça fait longtemps?! Nooooon, pas tant que ça! Si? Ok, désolée
Bon, vous l'aurez remarqué, ce chapitre introduit un nouveau personnage -je suis sûûûûûûre que vous allez l'adorer ehe-
Et oui, son avatar c'est Kate Moss, don't thank me
Le chapitre en général vous a plu? Micah? Vous avez envie de savoir ce que nos deux cleptomanes du dimanche trament?
Sinon, je vous aime, prêtes pour la rentrée?
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