THE CRYING EYES AND SCREAMING MOUTH
3 ans plus tôt
Pièce enfumée, rires gras, blagues salaces et bruitages de jeux vidéos. C'est l'ambiance générale la soirée qui est en train de se déroule. Regrets, ennui, soupirs et alcool: c'est un résumé plutôt exhaustif de ce que je suis en ce moment-même.
La tête appuyée contre le verre frais d'une fenêtre, je regarde par celle-ci, assis sur son rebords. Un cri retentit, et je devine que l'un d'entre eux a gagné la partie qui était en train de se dérouler. Si seulement Kim était là, les choses seraient sans doute plus supportables...
En face de moi, un immeuble. Mais il est déjà deux heures du matin, la plupart des fenêtres sont noires, leur propriétaire dormant déjà. Je regarde les quelques unes qui sont illuminées. Des cuisines dans lesquelles on voit des micro-ondes, des salons dont on distingue vaguement un canapé, et même une télévision... Et mes yeux se posent sur la fenêtre d'une chambre.
Rien d'exceptionnel, à priori. L'endroit est désert, j'y vois juste un lit sur lequel est posé un ordinateur.
Mais elle entre dans mon champs de vision. Les bras en l'air, elle balance ses hanches de gauche à droite, lentement. Elle ne porte qu'un soutien-gorge blanc et une jupe aux motifs écossais... A chaque mouvement de son bassin, les pans de celle-ci virevoltent autour d'elle.
Ses gestes s'accélèrent, elle tourne sur elle-même, balançant un pied en avant, puis en arrière, avant de tourner sur celui-ci, lançant ses bras devant elle, l'accompagnant dans sa ronde. Je n'entends pas la musique à laquelle elle danse, mais ses mouvements sont pareils à des notes, et son corps tendu au possible me semble être le plus beau des instruments.
Entrouvrant la fenêtre, je tends l'oreille, sans la quitter du regard : je ne veux pas l'ouvrir en grand, je veux la garder à l'abri du regard des autres. Je veux la garder pour moi.
Des notes de lute baroque s'élèvent alors, et les battements de mon coeur accélèrent eux aussi, venant se superposer au rythme de la musique: Our Hearts Condemn Us, Josef Van Wissem.
Dans sa chambre, elle décrit des arabesques de jambes, de bras, embarquant son corps entier dans chaque geste, se jetant à corps perdu dans cette dans cette danse.
Elle se cambre, se tord, laissant ses côtes saillantes apparaître sous la lumière dorée de sa lampe de chevet. Les ombres jouent sur son visage, lui en donnant un nouveau à chaque seconde qui passe, et elle tourne, tourne, tourne encore. La tristesse macule sa peau lisse, l'assombrit. Ses lèvres sont ente-ouvertes, mais ses yeux clos. Elle se laisse tomber au sol, et je sens ma respiration s'alourdir ; elle a posé un poids sur mon torse.
Se relevant, elle sautille, décrivant de nouveaux cercles de bras et de jambes, traversant sa chambre de part et d'autres. Ses mains viennent agiter les pans de sa jupe au rythme du lute, au rythme de ses tours, au rythme de mon souffle court. Elle rejette sa tête en arrière, remontant sa jupe sur ses cuisse, laissant ses cheveux tomber contre ses fesses cambrées.
Et dans un dernier rond, elle me fait face. Ses yeux s'ouvrent, et elle les plante dans les miens, immobile. Sa poitrine se soulève, lentement, marquant sa respiration.
Les notes ralentissent, et elle me fixe toujours. Je ne peux voir de larmes sur ses joues, trop loin d'elle, bien que je me sente si près, à ses pieds, à l'instant présent.
Mais son regard pleure, et ses lèvres, silencieuses et béantes, crient.
Un instant, je baisse les yeux, incapable de le supporter.
Et quand je les relève, elle a disparu.
Car dès le premier soir, ma brûlante avait allumé la mèche, et disparu dans la nuit glacée d'une soirée de Novembre.
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