REMAKE

JESSE - Cours!

- Bouge-toi, Clark !

Les sirènes retentissent, leur hurlement strident vrillant mes oreilles et tuant ma voix qui appelle la brune. Nos jambes se déplacent à l'unisson, nos pieds tapant sur le sol dans ce qui semble être le plus parfait des silences tant l'alarme engloutit le moindre son dans sa cacophonie.

- Tu comptes vraiment nous faire croire que t'étais sur les lieux du crime par le plus grand des hasards ?!

Le coude sur la table et le menton dans ma paume, j'observe l'agent en face de moi, ne disant pas un mot. Son collègue, les bras croisés, attend son heure pour rentrer en scène. Apparemment, ils ont décidé de se la jouer gentil et méchant flic. Si celui qui essaie de m'interroger à l'instant-même est censé être le méchant, je n'ai pas beaucoup de soucis à me faire.

- Écoute, on ne demande qu'à te croire, mais le fait que tu ne dises rien ne joue pas vraiment en faveur...

Ah, voilà, nous y sommes. Cette technique est vraiment censée fonctionner ? Parce qu'à vivre, c'est beaucoup moins impressionnant que dans les séries policières...

Nous avons déjà été repérés, ce n'est pas comme si nous avions encore le luxe de la discrétion. Alors, après avoir arpenté les couloirs de l'entreprise, nous arrivons enfin à l'entrée. Clark est devant moi, devant les portes. Sans attendre, je retire une des brides du sac à dos de mon épaule et ouvre celui-ci, en sortant un pied de biche et le lui lançant.

Elle ne fait pas dans la dentelle : à peine l'objet entre ses mains, elle le projette violemment contre la vitre, qui explose au premier coup.

- T'es marié ? demande alors « bad cop », à qui je trouve que le nom Michel va tout aussi bien. Ou peut-être Augustin. Ouais, son petit nom, ce sera Augustin. Aussi intimident qu'il l'est lui-même.

Je lui souris un peu à cette question, ma joue reposant contre ma paume alors que je le fixe, toujours sans répondre. Il a vu l'anneau doré à mon annulaire gauche.

- Et ta femme, qu'est-ce qu'elle en pense de tes conneries ? Elle sait que tu voles des grandes entreprises pendant ta pause café ?

A l'entente du mot « femme », je retiens une grimace. C'est presque trop banal pour elle, « femme ». Elle est beaucoup trop libre, trop insaisissable, pour porter un nom qu'on a déjà donné à tant d'autres. Ai-je vraiment eu la prétention de vouloir épouser une déesse ? En être aimé n'était-il pas suffisant ?

La course a repris, et cette fois, on entend clairement les coups de nos semelles sur le sol tandis que nous nous éloignons de l'immeuble vandalisé et de sa vitre éventrée. Cette fois, le bruit inquiétant d'un gyrophare résonne au loin, se rapprochant si lentement que son intensification est presque imperceptible.

- Putain de-

Continue à courir malgré la douleur lancinante qui vient de foudroyer ma cuisse, je pousse un grognement, descendant ma main jusqu'à l'arrière de celle-ci, un peu au-dessus du genoux. Et quand je la relève, c'est pour y voir luire les reflets rougeâtres du sang chaud aux allures noires dans la pénombre des nuits de Chicago. Fronçant les sourcils, je ne tarde pas à comprendre qu'en passant trop rapidement par la vitre brisée, j'ai du me blesser.

J'ai beau essayé de maintenir le rythme, je me sens ralentir à mesure que la douleur s'étend dans ma jambe. La mâchoire serrée, je finis par parvenir à appeler Clark, qui me jette un rapide coup d'œil avant de se concentrer à nouveau sur sa trajectoire.

Un policier entre dans la salle d'interrogatoire, l'air particulièrement cérémonieux, mais surtout inquiet. Me saluant d'un signe de tête, il se contente de prononcer un « Monsieur » qui me fait froncer les sourcils. Pour quelqu'un dont la brigade vient d'arrêter un soi-disant voleur, il est bien poli envers celui-ci... D'ailleurs, que fait-il ici ? Aux vues de son uniforme, il est évident qu'il est plus gradé que les deux autres et qu'il n'a rien à faire dans une salle d'interrogatoire. Quoique, étant donné le propriétaire des documents volés, la police a peut-être mis un de leurs meilleurs gars sur le coup.

- Agent Williams, j'ai à vous parler, déclare-t-il alors à « bad cop ».

Celui-ci hoche vivement la tête et sort de la pièce avec son supérieur. Mais heureusement pour moi, la porte est toujours entrouverte et je peux saisir la majeure partie de leur conversation.

- Résultats des empreintes... Actionnaire majoritaire de MITRA CORPS, à quoi pensiez-vous ?

- Quel rapport avec l'affaire ?

Augustin parle beaucoup plus fort que son boss qui, lui, semble vouloir avoir cette discussion en toute discrétion. « Actionnaire majoritaire de MITRA » ? Il faut croire que coucher avec la créatrice de la boite est plutôt lucratif. Jesse Kolesnikov, champion du monde de la promotion canapé !

- La PDG de l'entreprise... Amie du préfet... Gros risque.

Cette fois, je ne peux retenir un rire. Est-ce que finalement ce sont les relations de Clark qui vont me sortir de cette merde ?

- Je ne vais pas te laisser derrière, t'es complètement stupide de penser ça !

- Si ! Pars devant, je te rejoindrai si je peux, mais ça ne sert à rien qu'on se fasse chopper tous les deux !

Son visage montre clairement qu'elle trouve mon plan con et dangereux, surtout pour moi. Mais, alors qu'elle s'est arrêtée pour être en face de moi, le bruit des sirènes se rapproche : on a plus beaucoup de temps.

- Donne-moi ta chemise, je lui demande alors, désignant la chemise noire bien trop grande qu'elle porte ouverte sur un débardeur.

- Quoi ?

- Donne-la moi !

Devant mon insistance, elle la retire sans poser plus de question et me la remet, alors que je lui fourre le sac à dos contentant notre pactole entre les mains. Puis, sans plus attendre, je noue les manches autour de ma taille, cachant ainsi la blessure grâce au tissus foncé. Quand elle comprend enfin, elle hoche un peu la tête, semblant trouver l'idée astucieuse.

- Ne te fais pas chopper, m'intime-t-elle.

- Cours.

Les deux policiers sont revenus dans la salle, après une discussion de toute évidence mouvementée. Le subalterne semble contrarié, le regard rivé sur le sol, et l'autre arbore un air des plus affables tandis qu'il s'adresse à moi.

- Monsieur Kolesnikov, je vous prie d'accepter nos plus sincères excuses, nos hommes n'avaient aucune idée de votre identité en vous interpellant, sinon ils n'auraient jamais osé... Et si vous aviez coopérer et nous aviez donné votre nom, les choses auraient sans doute été plus rapides...

Il semble tellement gêné, dans son uniforme trop serré sur son bide à bière... Haussant un sourcil, je prends un air consterné, trop tenté de jouer un peu avec ses nerfs, qui semblent déjà bien malmenés.

- Pardon ? J'aurais du donner mon nom, alors qu'on m'a arrêté à tord ? Vu les capacités douteuses de vos hommes, ils auraient été capables de trouver un quelconque élément dans mon identité qu'ils auraient interprété comme une preuve !

Et c'est vrai : après tout, je suis particulièrement lié à la fille de la victime, après tout... Victime d'un vol pour une deuxième, pauvre papounet. Si seulement les documents que nous avions volés étaient aussi inoffensifs qu'un œuf de Fabergé.

Je vois qu'elle veut m'embrasser, hésitante, son regard passant de mon visage à la rue derrière mon épaule, pour l'instant encore déserte, seulement animée par les sirènes.

- Clark, cours !

Cette fois, mon ordre lui fait comme un électrochoc et, après un dernier regard, elle s'enfuit rapidement. Pour ma part, je me contente de fourrer mes mains dans mes poches et marcher le plus naturellement possible malgré les vagues de douleur qui vont et viennent dans la chair de ma cuisse. Si seulement la poussée d'adrénaline avait pu durer plus longtemps. Quoique, elle dure... Le sang me bat les tempes et je suis obligé de réprimer le large sourire qui tente de s'emparer de mes lèvres, tant je suis euphorique malgré la douleur. Mais les sirènes arrivent à mon niveau et, avec elles, une voiture de police.

Après une profusion d'excuses, je suis finalement relâché, l'agent m'informant que, si j'ai un jour besoin d'un service, il serait ravi de se rattraper. Lui répondant principalement par des hochements de tête et des phrases de trois phrases, je me retrouve finalement à l'extérieur du commissariat, en profitant pour prendre une longue inspiration dans l'air frais de ce début de matinée. Mais celle-ci est brutalement interrompue par la masse qui saute dans mes bras et manque de me faire tomber sur le bitume. Sans me laisser le temps de parler, de réagir, elle se jette sur mes lèvres, ses deux mains sur mes joues.

Sans chercher plus loin, reconnaissant son odeur, la caresse de ses mains, la texture de ses cheveux entre mes doigts et surtout, le goût de ses lèvres qui jouent des miennes, je la sers contre moi.

- Je t'ai manqué, je finis par demander avec un petit rire moqueur quand elle me laisse enfin respirer.

Les passants, quelques travailleurs matinaux, nous jettent des regards mi-interrogateurs, mi-offusqués, alors que mes mains passent sous ses fesses pour la soutenir tandis que ses jambes s'enroulent autour de mon bassin.

- J'ai juste pas eu le temps de t'embrasser.

- Tu te rattrapes bien.

Et comme pour me montrer à quel point j'ai raison sur ce point, elle ma vole un nouveau baiser, que je lui concède sans plus lutter.

Le soir même...

Devant le miroir de la salle de bain, je plaque mes cheveux en arrière. Une ou deux mèches arrivent cependant à échapper à mon contrôle pour venir tomber devant mes yeux, mais l'idée-même d'avoir à me préparer plus longtemps me déprime au plus au point. Jetant un dernier coup d'œil à ma tenue, j'acquiesce avec satisfaction. Mais la voix de Clark dans la chambre attire mon attention. Elle est visiblement en train de parler à quelqu'un au téléphone.

Poussant un peu la porte sans faire de bruit, je l'observe un instant. Allongée sur le ventre sur la couette défaite par ce qu'on vient d'y faire, elle balance ses jambes dans l'air, jouant du bout du doigt avec le fil du fixe. Je ne peux pas m'empêcher d'admirer ses courbes légères et discrètes, mise à nue par une couverture qui ne la couvre pas et des vêtements jetés au sol quelques instants auparavant. Mais, sans vraiment chercher à l'espionner, je ne peux m'empêcher de remarquer la teneur de sa conversation.

- Oui, bien sûr... Moi aussi, j'ai envie de te voir. Non, pas pour l'instant, mais quand tu descendras à l'hôtel...

Elle marque une pause avant de rire. Je sens déjà mon cœur se serrer dans mon torse, une main invisible transperçant ma peau pour venir le serrer entre les doigts décharnés de la jalousie.

- Qu'est-ce que dirait ta femme si elle t'entendait parler comme ça à une autre ? ... Ah, non, t'épouser, ce n'est pas dans mes plans pour l'instant, mais peut-être que si tu es sage...

Je ne peux pas en écouter plus. Ouvrant brusquement la porte, je sors de la salle de bain et la rejoins sur le lit, arrachant brusquement le téléphone de ses mains. Elle se retourne pour le récupérer, mais je raccroche et l'envoie plus loin dans la chambre, le balançant au sol sans chercher à savoir si il supporte le choc.

- Jesse, qu'est-ce que-

- C'était qui ?

Levant les yeux au ciel, elle s'apprête à quitter le lit, ne préférant sans doute pas répondre. Cette fois, je perds le peu de calme que j'étais parvenu à conserver et saisis ses deux poignets, la plaquant sans ménagement contre le matelas. Ma respiration s'accélère, c'est comme si tout l'air de la pièce était vicié par la discussion que je viens de suspendre ; je m'asphyxie et, sous mes yeux, la seule chose que j'arrive encore à voir dans la pièce est Clark, le reste étant comme recouvert par un voile de noirceur.

- Tu recommences déjà ? Tu peux pas passer plus d'une semaine sans te faire baiser par un autre, c'est ça ?

Les mots sortent de ma bouche, semblant incroyablement calme quant à la tempête qui s'élève en moi et qui ravage chaque explication, chaque idée me permettant de justifier ce que j'ai entendu.

- Jesse, tu-

- Je te fais mal ?! Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre, là, tout de suite ?

Malgré ce que je viens de dire, ma poigne se relâche un peu, et elle profite de ce moment d'inattention pour extraire un de ses poignets de mon emprise. Sa main vient se poser doucement sur ma joue, et ma tempête se transforme en frisson.

- Jesse.

- Quoi ?

- C'était Alejandro Guerra.

L'information prend quelques secondes à monter à mon cerveau, secondes pendant lesquelles elle caresse lentement ma joue. Mais quand je réalise enfin, je la lâche immédiatement, me redressant et posant mes mains sur mon visage, atterré. Mais quel con je peux faire.

- Alejandro Guerra, comme l'associé de Charles.

Charles, son père. Évidemment, Alejandro fait partie de notre plan... J'aurais du m'en douter.

Elle se redresse à son tour et presse ses lèvres contre les miennes, dans un geste qui n'a rien de doux.

- Tu sais bien que ça m'a jamais dérangée que tu me fasses mal, murmure-t-elle, rompant un instant le baiser.

Ne cherchant pas à lui répondre, je pose mes mains sur ses hanches et l'attire à moi. Mais elle ne se laisse pas faire et, me faisant basculer sur le côté, vient reprendre l'ascendant.

J'essaie. J'essaie, un instant. Mais je sombre. Mes doigts remontent, viennent se perdre dans les ombres de ses cheveux, mes lèvres dans l'abysse de ses baisers. Et je me sens couler, perdre pieds, à nouveau. Cette sensation de déjà-vu qui m'envahit me tord les entrailles, parce que je sais : je sais que ce que je ressens à l'instant, c'est la défaite ; celle qu'elle m'infligeait à chaque fois que mon désir pour elle prenait le dessus sur ce qu'elle me faisait vivre.

Et pourtant j'ai conscience que cette fois, elle ne le fait pas « pour de vrai ». C'est un jeu. Mais elle le joue en me volant mes tours.

- Clark, je grogne finalement contre ses lèvres, mes doigts agrippant sa crinière brune pour la tirer en arrière et l'obliger à lever la tête vers moi.

Fronçant les sourcils, elle me fixe, dans l'attente.

- Ne joue plus sans moi. Tout ça, ce que tu fais avec ce type. Ne le fais plus sans moi. On est deux dans cette histoire, et je ne supporterais pas...

Je ne finis pas ma phrase, ma voix s'étouffant dans ma gorge à cette simple pensée.

- De penser que je te trompe à nouveau ?

- Ouais.

- D'accord. Promis, la prochaine fois que j'excite un gros porc au téléphone, je me mets en haut parleur !

Riant un peu, je secoue la tête en roulant des yeux.

- Merci, t'es un amour.

- Je sais, oui.

Elle veut reprendre là où on s'en était arrêté mais, posant une main sur ses lèvres, je l'en empêche.

- Ca devra attendre, princesse. On a une soirée dans une demi-heure, mon costume est tout froissé à cause de tes conneries et... Bien que j'adore te voir comme ça, je ne suis pas sûr que ta tenue soit appropriée pour l'occasion.

- Tu penses ?

- J'en suis certain.

Avec une moue, elle gonfle les joues et s'éloigne de moi, croisant les bras sous sa poitrine.

- On est vraiment obligé d'aller à cette connerie ? On peut peut-être rester ici, tous les deux, pour ce soir, et chopper le sénateur une autre fois...

- C'est ce soir ou jamais, tu le sais autant que moi. Il fête son élection, il sera tout disposé à tomber dans nos filets, après ces mois de campagne où il a du faire profil bas niveau scandales...

Passant une main dans ses cheveux, elle hausse les épaules, comme si la chose l'importait peu. Mais finalement, la brune hoche la tête, semblant cependant préoccupée par quelques choses. Et, au bout de quelques secondes :

- Mais... Promets-moi que je n'aurai pas à te partager avec lui.

Écarquillant les yeux, je ne peux retenir le fou rire qui monte dans ma cage thoracique, finissant par éclater dans une hilarité libératrice.

- Jesse ! Arrête de rire !

Je n'arrive pas à m'en empêcher. Et la façon dont elle crie mon nom, vexé et les bras croisés, est tout bonnement adorable.

- Amour, c'est le principe-même d'un plan à trois, tu le sais, pas vrai ?

- Mieux que tu ne le crois.

Je hausse un sourcil, alors qu'une étincelle de défi s'allume dans son regard. Provocatrice, comme toujours.

Me levant, je lisse rapidement mon costume, alors qu'elle quitte le lit et s'approche de moi. De ses doigts fins, elle vient alors nouer ma cravate, qui jusqu'ici pendait autour de mon cou.

Elle finit enfin, appréciant le résultat d'un air satisfait, alors que je me penche vers elle.

- Et... Qui sait ? Peut-être que ça t'excitera, je lui susurre alors, avec un sourire en coin.

... Je ne sais vraiment pas quoi penser de ce chapitre.

Quoiqu'il en soit, je suis de retour, vous m'avez manqué!

J'espère tout de même que vous l'avez apprécié, vraiment, pour le coup, donnez-moi vos avis c'est encore plus important pour moi que d'habitude please

Désolée de ne pas avoir posté plus tôt, l'histoire est en train de prendre un nouveau tournant et il est assez compliqué à négocier pour moi, mais la suite sera beaucoup plus fréquente à sortir maintenant!

Est-ce que vous avez bien compris ce qui se passe? A votre avis, pourquoi ce vol? Pourquoi l'associé? Pourquoi le sénateur? Des réponses arriveront très rapidement, ainsi que sur le...

*chuchote*

le mariage...

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