OH! ROMEO

JESSE - J'ai fait la queue

Les lumières des immeubles scintillent dans le crépuscule bleuté auquel ont laissé place les oranges incandescents du coucher de soleil. La cime des sapins du jardin de Clark s'élève vers le ciel, narguant les étoiles dont les lueurs timides et naissantes n'éclairent pas vraiment l'endroit. Le crissement des graviers de l'allée principale sous mes pieds s'arrête quand je la quitte, pour m'enfoncer dans l'herbe asséchée par la chaleur de l'été. Son balcon est de l'autre côté de la maison, mais en arrivant j'y ai vu de la lumière : elle est dans sa chambre. 

Je contourne le bâtiment, et y arrive enfin. Elle est là, dans une simple robe noire, appuyée contre la rembarre. Un clope pend paresseusement entre ses doigts, et ses lèvres laissent échapper quelques volutes de fumées.

- Quelle lumière jaillit par cette fenêtre ? Voilà l'Orient, et Juliette est le soleil ! Je crie alors, adoptant un ton amusé.

Son regard tombe sur moi et s'agrandit. Elle me fait signe de partir comme on chasse une mouche, tout en jetant un coup d'œil derrière elle. J'ai vu l'autre voiture, devant la maison. Cette scène a comme des allures de déjà-vu, à ça près que cette fois, je suis l'autre homme. Sans attendre une quelconque autorisation, je commence à grimper sur l'arbre qui se trouve à côté du balcon, m'accrochant aux branches basses sans trop de difficultés.

- Qu'est-ce que tu fais ? Chuchote-t-elle. Descends!

Effectivement : le message qu'elle m'a envoyé dans la matinée était explicite : je devais venir chez elle demain... Oups ? 

Après avoir envoyé mon dernier message, mon dernier ordre, j'ai laissé le portable à Vanessa. « Apporte 500k $ à Saint-Louis, demain, minuit. Au croisement de Millstadt Road et de Eiler Road. Ceci est mon dernier message. »

J'atterris finalement sur le balcon, satisfait de mon effet. 

- Je ne sais même pas ce qui me retient de te pousser pour que tu te brises la nuque en bas ! s'écrie-t-elle, avançant vers moi comme une furie.

Quand elle arrive à mon niveau, je la prends par les hanches et la fais tourner avec moi, comme dans une danse.

- Elle parle ! Oh ! Parle encore, ange resplendissant !

- Lâche-moi immédiatement et arrête de citer du Shakespeare, espèce de malade !

Je la pose selon son désir, et me penche pour embrasser sa joue. Sa voix est sensiblement agacée, mais j'y sens pointer l'amusement : je sais qu'elle adore Roméo et Juliette, bien qu'elle les trouve profondément stupides de se sacrifier ainsi sur l'autel d'un amour jeune et incertain.

Ses lèvres pleines forment une moue boudeuse, et elle se tourne, pour me faire dos, croisant les bras. Rapidement, elle va rabattre les portes-fenêtres qui donnent sur sa chambre, mais j'ai le temps d'entendre le bruit de l'eau qui coule ; Ridley doit prendre sa douche. 

- Oh... J'interromps quelque chose ? Ton mec est là ?

Prenant un air faussement innocent et embarrassé, je m'approche cependant d'elle, alors qu'elle se laisse tomber dans un des fauteuils posés là.

- Oui, il est là, ne fais pas comme si tu ne le savais pas.

- Je ne vois pas ce qui te fait dire ça... C'est bizarre, t'as pas l'air de sortir d'une baise torride pourtant...

Offusquée, elle me lance un regard noir, avant de le détourner.

- Oh... Il vient de rentrer et il prend une douche... Je vois, t'es en train de l'attendre.

- En quoi ça te regarder ? Je vois même pas ce que tu fais là.

Avec un rire, je m'approche et vient m'agenouiller devant elle, mon regard détaillant ses jambes croisées, parfaitement ciselées.

- Tu dois être sacrément frustrée... Si mes souvenirs sont bons, tu détestes attendre.

Elle pince les lèvres et ferme les yeux, comme une tentative désespérée de m'ignorer. Il faudrait peut-être que je me rappelle à elle.

Du bout des doigts, je saisis sa cheville, et lui arrache un frisson. Ses poils s'hérissent contre ma peau, et elle se tend. 

- T'étais même très impatiente... Mais peut-être que c'était seulement avec moi, qui sait ? Peut-être qu'il n'est pas assez bon pour que tu n'attendes que lui, toute la journée...

- Dis pas de conneries...

- Alors pourquoi tu ne m'as toujours pas arrêté ?

Mes lèvres sont désormais sur son genou, mais rapidement, elles parsèment l'intérieur de sa cuisse de baisers. Je viens écarter ses jambes, ce qu'elle me laisse finalement faire après quelques secondes à jouer les difficiles. 

Débute alors une longue série de baisers. Je passe d'une jambe à l'autre, mes mains posées sur ses hanches les agrippant, l'empêchant de s'échapper. Mais aux vues des soupirs qu'elle pousse, elle n'en a pas l'intention.

A chaque fois que je m'approche de l'endroit qu'elle voudrait vraiment que j'embrasse et embrase, je recule. Chaque atome de sa peau passe sous mes lèvres, et je la sens se réchauffer contre celle-ci. 

Ses doigts fins passent dans mes cheveux, pour m'attirer à elle. Je sais ce qu'elle veut, mais je n'ai pas l'intention de le lui donner avant qu'elle me supplie.

- Je croyais que tu savais attendre...

- Jesse, gémit-elle, la voix pleine de désir et de privation.

Incarnation capricieuse de l'Eros à la libido endormie et frustrée. 

Mais une bruit de porte qu'on ouvre nous interrompt, et Clark referme ses cuisses sur ma tête, m'empêchant d'aller plus loin. Redressant la tête, qu'elle tenait jusqu'ici rejetée en arrière, elle se lève et me contourne. 

- Dégage, vite !

Prenant sa main, je l'attire une dernière fois à moi, et embrasse sa bouche pendant une fraction de seconde, avant de la lâcher et de m'empresser de regagner l'arbre par lequel je suis venu. Sautant à terre, je lui lance un dernier regard. Et dans ses yeux, rivés sur moi, je peux lire un sentiment d'inachevé. Oh ! Ne t'en fais pas, Princesse, la partie n'est pas finie.

Le bruit d'une voiture qu'on démarre me réveille, dans un sursaut. J'ai juste le temps d'apercevoir la caisse de Ridley quitter la propriété, avant que ses fards ne disparaissent dans un virage. Le soleil est à peine levé sur la ville, montant lentement dans le ciel dormeur.

Sans attendre, je sors de la voiture, avec un bâillement, et refais le même chemin qu'hier soir. La fenêtre de sa chambre est ouverte, et j'y accède à nouveau, entrant dans la maison sans un bruit. Elle est là, allongée nue dans les draps, sa robe de soie négligemment jetée sur le sol. Son visage est écrasé contre un oreiller, et elle semble dormir paisiblement.

Alors que je m'assois au bord du lit, elle pousse un grognement à la sensation de celui-ci qui s'affaisse sous mon poids, et sa main tâtonne le matelas, pour venir me trouver. Penché sur elle, j'embrasse sa joue, mais elle tourne la tête et s'empare de mes lèvres, sans préavis.

- Fais gaffe, ça sent le rat crevé là-dedans, je lui murmure, moqueur.

Ses yeux s'ouvrent alors, écarquillés, et elle me repousse brusquement, tout en se redressant. Sa tignasse est un beau bordel, partant dans tous les sens et tombant en mèches sur son front délicat et ses joues rondes et rosées de sommeil, sur lesquelles se déposent les raillons dorés du soleil matinal, ces mêmes rayons qui viennent éveiller son regard toujours aussi incroyable. Ses lèvres sont encore gonflées, et elle doit se frotter le visage pour tenter de se réveiller.

- Qu'est-ce que tu fous ? Je croyais que c'était Ridley...

Son ton grognon est adorable, et je ne peux réprimer un sourire. 

- Dis pas de bêtises, tu savais que c'était moi.

- Si je l'avais su, je t'aurais plutôt frappé.

Je plante ma main sur sa nuque, et l'attire à moi, pour l'embrasser encore. Sans attendre d'y être invité, j'intensifie le baiser et, avec un gémissement, elle finit par y répondre. Je la lâche enfin, et la regarde. Elle tente de reprendre son souffle, sans détourner ses yeux des miens.

- Cette fois, tu savais. Tu vois, j'ai attendu mon tour, j'ai attendu qu'il parte ; j'ai fait la queue. En parlant de queue, tu ne veux pas qu'on-

- T'es vulgaire !

- Et t'adores ça.

Sur le point de me lancer une de ses répliques cinglantes habituelles, elle s'interrompt soudain, semblant avoir réalisé quelque chose.

- Bref, on s'en fout, il faut qu'on parle de ce pourquoi je t'ai demandé de venir ! L'autre taré veut 500 000$... Tu sais qu'en d'autres circonstances, j'aurais refusé, mais sincèrement, j'en peux plus. Il me demande toujours de faire des petits trucs horribles et humiliants... Y a des moments de pause, je me dis qu'il a fini par abandonner, mais non : il revient toujours. Et j'ai vraiment peur qu'il finisse par s'en prendre à mes proches. Il m'a demandé de le retrouver ce soir, à-

- Je sais, je la coupe.

Elle ferme ses lèvres encore ouvertes, et me lance un regard interrogateur, sans comprendre. En guise d'explication, et puisqu'une image vaut mieux que mille mots, je lui tends mon portable. Sur son écran, les mêmes mots que ceux que je lui ai envoyés.

- Il m'a aussi demandé de l'argent.

- Oh... Donc tu savais déjà, hier soir.

Je hoche la tête, et elle semble s'en vouloir. Mais ces quelques remords s'effacent rapidement de son visage, comme si elle les balayait d'une pensée, et elle se recentre sur « notre » problème.

- Tu comptes payer ?

- Non, mais je vais y aller. C'est peut-être notre seule chance de chopper ce connard.

- Tu penses qu'il viendra en personne ?

- Pas vraiment, mais ça vaut le coup d'essayer. Qu'est-ce qui nous dit qu'il ne va pas réclamer plus, ou continuer son manège, une fois qu'il aura l'argent.

Je vais vraiment finir par déménager à Hollywood. 

- C'est sûr...

- Déjà, on est même pas sûr qu'il ait des preuves. Alors on y va, tu amènes l'argent si tu veux, au cas où, et on improvise une fois là-bas...

Ce plan est horriblement bancal. Mais qu'est-ce que je risque : je suis le méchant et le gentil ! En face de moi, elle hoche la tête, comme si c'était la meilleure proposition qu'on pouvait lui faire dans ce genre de situation. Elle ne doit pas encore réaliser, après tout on lui propose un plan, et c'est tout ce dont elle a besoin à l'instant-même. 

- Tu me promets que ça va bien se passer... ? Me demande-t-elle alors, plaquant ses cheveux en arrière avec un soupir.

- Non. Mais je te promets que si on saute dans la gueule du loup, on y saute à deux.

Quel hypocrite. Oh, Roméo, why are you Roméo ?

Les choses se mettent lentement mais sûrement en place... Prête pour la suite? J'ai hâte que vous puissiez lire tout ça!

Est-ce que la relation entre Jesse et Clark est ce que vous attendiez? Ou pensiez-vous que ce serait différent?

Je voulais simplement remercier celles qui me lisent, ça me fait vraiment plaisir de savoir que vous appréciez l'histoire, qui m'est très personnelle!

Love love love 🕊

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