HEARTBREAKER
JESSE - On reviendra les voler demain
Les mains enfoncées dans mes poches, le sachet avec mes effets personnels sous le bras, je passe les portes du commissariat. L'avocat de Clark a tôt fait de me sortir de là, et je pense qu'elle ne va pas tarder à me rejoindre, si elle n'est pas déjà dehors ; après tout, ils n'avaient aucune preuve, et aucun droit de nous garder en examen.
Devant la porte, une voiture est garée : une voiture de luxe, bien évidement, ce sont les seules que Clark offre à Kim. Et celle-ci est appuyée contre la portière, me lançant un regard équivoque. J'ouvre la bouche pour lui parler, mais une silhouette me dépasse. Son odeur flottant dans l'air derrière elle, je n'ai pas besoin d'un coup d'œil pour comprendre de qui il s'agit. Elle fonce sur la blonde et la prend dans ses bras.
- Kimmy, je déteste les policiers français !
- Ils t'ont fait du mal ?
- Non, mais qu'est-ce qu'ils sont laids ! T'as déjà vu le commissariat de Chicago ? C'est un défilé de mode !
- On est dans le Sud de la France, ma belle...
Par dessus l'épaule de la brune, elle m'observe, avant de me faire signe de les rejoindre dans leur étreinte. Ce que je fais sans hésiter.
- Mon papa et ma maman sont à nouveau ensemble, finit-elle par soupirer, avec un rire.
Mais elle se redresse soudain, donnant à chacun une tape sur la tête.
- Par contre, vous avez de sérieuses explications à me donner !
Une heure plus tard...
Assis au balcon de l'appartement de la grand-mère de Kim, nous profitons d'une bouteille de vin rouge inconnu trouvée dans un placard. Kim nous fixe, en pleine réflexion après ce que nous venons de lui raconter. La chaleur des nuits d'été niçoises nous environne, dans le bruissement lointain des arbres de la rue.
- Vous êtes vraiment tarés, hein ?
Ni Clark ni moi ne répondons, tandis que la petite blonde pousse un long soupir, semblant épuisée par nos conneries.
- Je vais vous demander une chose, ok ?
- Ok.
Nous avons répondu en même temps, et son regard passe de l'un à l'autre, avant qu'elle ne reprenne.
- Je suis d'accord pour accepter votre relation, malgré tout ce qu'il a pu se passer entre vous...
Sur ces mots, elle me regarde, ce qui doit signifier qu'elle n'a pas envie de me ramasser à la petite cuillère une énième fois. Ce que je comprends.
- Mais d'abord, il faut que vous fassiez quelque chose. Je veux que vous passiez une journée entière ensemble, sans voler quoique ce soit. Et si vous voulez toujours être ensemble après ça, c'est okay pour moi.
Clark me jette un coup d'œil, avec un léger sourire en coin.
- Ah, et pas de sexe non plus.
Et cette fois, son sourire s'efface brusquement, m'en arrachant un au passage.
Le lendemain...
Mes yeux ne parviennent pas à quitter sa bouche. Sa langue venant lécher la haut de sa glace à la framboise, quelques mèches de ses cheveux s'échappant de son chignon et venant virevolter autour de son visage sous l'effet de la climatisation de la boutique dans laquelle nous nous trouvons.
Ses yeux vont en viennent d'une paire de lunettes de soleil CHANEL à la porte de sortie. Je la vois vérifier que personne ne la regarde, que personne ne pourra la stopper. Mon adorable petite cleptomane...
Posant un main sur sa taille, je l'attire à moi et embrasse ses cheveux, avant de moi-même prendre un peu de sa glace.
- Clark... Tu as promis, tu te souviens ?
- Mais elles sont vraiment jolies, non ?
- Alors fais comme tout le monde, et achète-les.
- J'aurais pas autant de plaisir à les porter...
Se tournant vers moi, elle m'offre son regard de Bambi, et je pose une main sur ma bouche, tentant de me calmer. Elle est adorable, quand elle fait sa capricieuse. Comment suis-je censé gérer une furie qui sait si bien se déguiser en ange ?
Lentement, mes mains descendent en dessous de sa ceinture, et sur la pointe des pieds, elle s'accroche à mon cou. Ses lèvres rencontrent les miennes, l'odeur de la framboise se mêlant à celle de la vanille. Du coin de l'œil, je vois les vendeuses nous fixer d'un air offusqué. Avec un petit sourire, je leur rends leur regard, tandis que mes mains s'aventurent dans les poches arrières du short de la brune.
- Je crois qu'il y a un hôtel dans la rue, on peut peut-être trouver une chambre...
- Pas de sexe non plus.
- C'est tellement injuste...
Mes mains remontent jusqu'à ses joues, et je recule le visage pour l'observer. Une moue boudeuse aux lèvres, elle regarde tout ce qu'elle peut, sauf mon visage. Mais quand ses yeux rencontrent finalement les miens, je sens une décharge me parcourir. Ses yeux de toutes les couleurs, à la naissance verte entrecoupée de noisette et cerclée de bleu. Ses yeux de toutes les couleurs, qui me rappellent les eaux claires dans lesquelles je nage avec elle. Car cette fille est une véritable sirène. Ses chants et ses soupirs m'ensorcellent pour mieux me dévorer par la suite. Je suis dévoré par la peur de la voir à nouveau se lasser, à nouveau disparaître. Dévoré par le désir. Dévoré par l'amour.
Prenant sa main dans la mienne, je l'entraîne vers la sortie.
- Allez, viens, j'ai une idée.
- Mais... Et les lunettes ?
- On reviendra les voler demain.
Le sourire qui étire alors ses lèvres me vole une battement de cœur et, secouant la tête, je sors de la boutique.
Quelques heures plus tard...
Je retire mes mains de ses yeux, avant d'entourer sa taille de mes bras, son dos contre mon torse, je laisse mes mains caresser la peau de son ventre. Les siennes sont posées sur mes avant-bras tandis que, assise entre mes jambes sur le sol de la salle dans laquelle nous nous trouvons, elle regarde ce qui se trouve devant elle avec des yeux émerveillés.
Des méduses chimériques flottent dans l'eau de l'aquarium en face de nous, se déplaçant lentement dans l'eau d'un bleu profond.
- C'est magnifique, me murmure-t-elle finalement. Mais comment t'as fait pour nous faire rentrer ?
- Le gardien de nuit est bassiste dans un groupe qu'on avait pris en première partie de notre concert ici sur la dernière tournée... Il m'en devait une.
- Oh, monsieur a des relations...
Elle tourne la tête et la lève vers moi, embrassant rapidement mes lèvres.
- Mais ça ne va pas à l'encontre de notre défi... ?
- Elle nous a demandé de ne rien voler, pas de ne rien faire d'illégal, non ?
- Tu as tout à fait raison...
Poussant un soupir, elle laisse sa tête reposer sur mon épaule. Puis, saisissant son portable, elle met de la musique, comme toujours. Elle sait que j'adore ça, quand les notes nous environnent. Je me sens toujours transporté dans un autre univers, y flottant uniquement avec Clark comme les méduses en face de nous flottent dans l'océan artificiel qu'est leur aquarium. Teenage Blue, Dreamgirl s'élève, et je ris un peu. Est-ce possible de faire plus niais ?
Les secondes passent, les chants suivent la musique. Et lentement, mon amour est secouée de sanglots de plus en plus forts. Quand je le réalise, il est déjà trop tard. Passant les mains sur son visage, elle pleure, les yeux clos.
- Eh, qu'est-ce qu'il se passe ?
- Je t'aime, Jesse, je t'aime tellement, tu sais... ?
Mon sang se glace dans mes veines. Tout ralenti, les méduses s'immobilisent devant moi. Mais mes pensées fusent. La musique changeante me ramène enfin à la réalité : Vanity, Johnny Goth. Et dans mes bras, Clark continue à pleurer. Je ne peux pas parler : ma gorge est tellement serrée que l'air peine à remplir mes poumons. Alors je saisis son menton et l'oblige à me regarder, plantant mes lèvres contre les siennes, humides et salées. Chaque seconde de ce baiser est une nouvelle petite mort. Mais je recommence, je l'embrasse encore. Je suffoque, l'air ne me parvient plus, je m'asphyxie ; ma vue s'assombrit et mon cœur bat à m'en déchirer la poitrine.
- Et c'est pour ça qu'il faut qu'on arrête...
Je recule mon visage, la regarde. De ses mains fines, elle tente encore d'effacer les larmes qui coulent sans cesse le long de ses joues. Ses yeux sont rouges, ses cils regroupés, ses lèvres gonflées par le baiser.
La colère monte en moi. Je ne veux pas qu'elle dise ça. Les deux choses qu'elle vient de me dire, je ne voulais pas les entendre : parce que c'était déjà ce qu'elle m'avait dit la dernière fois : ces deux déclarations sont indissociables, avec Clark.
- Non.
- Jesse.
- Non. Pas cette fois.
Elle tente de me repousser, mais je saisis ses poignets et la maintiens fermement.
- Tu me fais mal...
- J'en ai rien à foutre. Tu ne vas pas me quitter.
Serrant les dents, elle tourne la tête sur sa droite et baisse les yeux, pour ne pas me regarder. Je sais ce qu'elle est en train de faire : elle me rejette parce que je lui fais peur. Elle ne supporte pas de s'attacher. Elle ne supporte pas la possibilité que je puisse vraiment lui briser le cœur.
- Je lui le seul que tu pourras jamais aimé, Clark. Et le seul qui saura t'aimer pour ce que tu es, pas pour ce que tu montres à toutes tes conquêtes. Tu peux pas te débarrasser de moi comme ça.
- Mais c'est justement ça, le problème ! Tu me connais tellement bien, c'est horrible, je ne veux pas... Je ne veux pas que quelqu'un me connaisse autant que tu me connais.
- C'est un peu trop tard pour ça, non ?
Elle se tait, et essaie à nouveau de m'échapper. Ce que je ne la laisse pas faire. Tant pis si je lui fais mal. Mon sang est comme de la lave en fusion coulant dans chaque parcelle de mon corps ; elle me fait atrocement mal.
- Laisse-moi partir. Tu peux essayer de me retenir autant que tu veux, je finirai toujours par t'échapper.
- On est pas obligé d'en arriver là.
- Si ! Parce que quand tu te lasseras, quand tu réaliseras quel genre de fille je suis, quand tu comprendras que t'es beaucoup trop bien pour moi, ce sera beaucoup plus dur de te perdre que si je le fais maintenant.
- Mais je le sais déjà, tout ça.
Je la lâche brusquement, alors que son visage se fige à ces mots.
- Ça m'a jamais empêché de t'aimer. Parce que t'es la seule pour moi, et que ce seras toujours le cas. Parce que personne ne peut me faire ressentir ce que je ressens quand je suis avec toi. Parce que ça fait des années que je suis amoureux de toi, que je pourrai faire n'importe quoi pour toi... Que je fais n'importe quoi pour toi. Et t'en as rien à foutre.
Prenant son visage entre mes mains, je l'embrasse une dernière fois. Et je sais qu'elle peut ressentir toute la rage que ses paroles provoquent en moi.
- Bonne chance pour m'oublier.
Je me lève et pars d'un pas rapide vers la sortie. C'est la deuxième fois qu'elle me brise le cœur pour protéger le sien. Ce que j'aurais du faire dès le début. Je n'aurais jamais du la laisser reprendre ses droits sur mon bonheur, mon désespoir, ma colère, comme je l'ai laissée le faire...
... Ne m'en voulez pas. Après tout, elle a dit qu'elle l'aimait, non?
Est-ce que vous comprenez pourquoi Clark fait ça? Est-ce que vous pensez savoir d'où vient son comportement?
Et surtout: à votre avis, vont-ils savoir rester loin l'un de l'autre très longtemps?
As always, des bisous, et gardez l'œil ouvert, la suite pourrait tomber demain très très bientôt...? 🔥
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