APOTHEOSIS & OPPROBIUM

JESSE Ne le dis pas.

Sa tête est appuyée sur mon épaule, alors que je roule silencieusement sur l'autoroute. Je ne peux pas savoir si ses yeux sont clos ou ouverts, trop concentré, mais viens tout de même embrasser ses cheveux de temps en temps. Le soleil est désormais haut dans le ciel, commençant lentement à décliner à l'ouest. Dans la voiture, ses rayons tapent et embaument la caisse des senteurs du vieux cuir. Et sur ce silence moite flotte les notes de Wires, The Neighbourhood, s'échappant à toute volée par les fenêtres ouvertes.

- Pourquoi je ne peux pas conduire, encore une fois ? Finit par demander Clark, dans un souffle.

- Parce que tu conduis comme un pilote de F1 et que je n'ai pas l'intention de tomber dans un accident parce qu'une personne aura été trop lente pour toi.

- Donc parce que je conduis trop bien ?

- Si c'est comme ça que tu préfères l'entendre...

Elle embrasse mon cou, et je frissonne, sentant ses lèvres sourire contre ma peau toujours aussi sensible à ses baisers.

- On ne va pas tenir longtemps, si on continue à s'embrasser toutes les deux secondes comme ça... je grogne, affichant un air las, bien que n'importe qui serait capable de deviner que je suis plutôt excité par la situation.

- Qui te dit que j'ai envie qu'on tienne ?

- Toi, il y a plusieurs semaines, quand tu m'as dit que tu ne trompais pas ton copain.

- Avec toi, c'est pas trompé.

« Parce que moi, je suis le seul amour de ta vie ? ». Ce serait tellement plus simple de poser cette question. De l'entendre répondre « oui », et d'arrêter toutes ces conneries.

Mais ce serait aussi tellement facile pour elle de me mentir, comme elle l'a toujours fait. De me faire croire qu'elle n'aime que moi, ce que pense tous les hommes avec qui elle couche... J'ai terriblement besoin d'entendre ces mots, de me sentir important à ses yeux, de penser que j'ai une quelconque autorité sur elle. Mais je sais que c'est le pire des pièges : car ses lèvres prononçant ces paroles, c'est comme une dangereuse et charmante incantation. Un maléfice. Et c'est sous son autorité que je me retrouve.

- On y sera dans quatre heures.

- Parfait !

Quatre heures plus tard...

L'attitude détachée de la brune a très vite laissé place à une inquiétude visible et oppressante, même pour moi. Ses mains entourent mon bras, et elle se serra contre moi, la respiration longue. On a depuis longtemps éteint la radio, et les seuls bruit que j'entends désormais sont celui des roues de la voiture que je gare contre le bitume et celui de mon sang qui bat chaque parcelle de mon corps. Et au bout de ses doigts contre ma peau, je sens le cœur de Clark qui bat comme un fou, au même rythme que le mien. Tout ça n'est que factice. Mais elle... Elle est si réelle.

- Embrasse-moi. Embrasse-moi encore, me murmure-t-elle, levant les yeux vers moi.

Les miens descendent sur elle. D'un doigt, je dégage les mèches qui lui tombent sur les yeux. Elles poussent si vite... Bientôt, ce que je l'ai obligé à faire de ses cheveux ne serra même plus visible. Ma main caresse sa joue, et longe sa mâchoire, jusqu'à son cou. Je fixe celui-ci, et mes doigts qui l'entourent. Et elle attend.

- Non.

- Pourquoi ?

- Tu te souviens de la fois où j'ai juré que tu ne me prendrais plus jamais dans tes filets... ?

Malgré mes dires, je m'approche d'elle, mes lèvres planant au-dessus des siennes, mon souffle s'y écrasant.

- Tu veux dire de toutes les fois où tu l'as dit ?

- Exactement. J'y suis jamais arrivé. Mais là, ça fait deux ans que j'ai réussi à t'échapper. Et j'ai l'impression qu'au prochain baiser, je vais retomber...

- Mais je veux t'embrasser.

Gamine, comme toujours. Je viens de lui dévoiler tout le pouvoir qu'elle a sur moi, cette addiction que j'ai pour elle, et elle ne comprend pas. Ou peut-être qu'elle s'en fout : elle veut juste m'embrasser.

Se redressant, elle cherche à prendre mes lèvres, mais je recule, ouvrant la portière pour sortir de la voiture.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Son ton est soudain inquiet, mais je n'y prête pas attention. J'ai besoin de m'aérer la tête.

- Je vais me balader un peu. Reste ici, je reviendrais avant l'heure du rendez-vous.

- Tu me laisses ?

- Ouais. T'as un portable, non ? Si t'as un problème, tu connais la chanson : 911.

Et je pars, sans plus m'expliquer. Parce que j'ai joué avec elle, comme toujours. Mais que, sans même essayer de gagner, sans même savoir qu'elle était en compétition, elle a réussi à inverser la tendance. Parce que c'est ce qu'elle est : un poison que je désespère de porter à mes lèvres. Ce n'est pas contre elle que je joue ; c'est contre ce désir irrépressible et persistant que j'ai d'être sien.

Deux heures plus tard...

Les écouteurs aux oreilles, je marche en balançant ma tête de droite à gauche, shootant de temps en temps dans un caillou sur la route. Il est minuit, et je la voiture est toujours là, garée où je l'ai laissée. Clark en est sortie, elle est désormais assise sur le capot, les yeux rivés sur le ciel sans étoiles. Je sais qu'elle m'a entendu arrivé, mais elle ne daigne pas me regarder. Ne m'en formalisant pas, je m'approche et vient m'appuyer à la voiture, à ses côtés. Elle ne dit rien, mais m'enlève un écouteur pour le mettre dans sa propre oreille, laissant le fil pendre entre nos corps.

Les minutes passent, et rien ne vient. Évidemment, qui pourrait venir ? Je suis là.

Ma Clark s'impatiente. Elle a définitivement retiré mes écouteurs pour allumer la radio, et danse devant les fards de ma voiture. La poussière capte les lumières de ceux-ci et vole autour d'elle. Je retrouve sa silhouette dansante devant mes yeux fascinés. Les mêmes mouvements de hanches, de jambes. La même main qui vient nonchalamment effleurer la peau que dévoile son décolleté. Qu'elle est belle.

Elle a arrêté de danser. Désormais, son pied tape avec impatiente contre le sol.

Son pied ne tape plus. Elle s'est assise dans la poussière et attend.

Elle n'est plus assise dans la poussière. Faisant les cent pas, elle agit de plus en plus frénétiquement.

Les douze coups de minuit sont passés depuis plus d'une heure, et elle n'a toujours rien dit. Pas une question, pas un signe de résignation. Clark attend.

- Je ne pense pas qu'il v-

- Non, ne le dis pas, m'interrompt-elle. Il va venir. Tout ça va s'arrêter.

- Clark, personne n'a une heure de retard pour récupérer autant d'fric...

J'essaie d'être doux dans mes mots, et m'approche d'elle. Ses jambes reculent, comme si le fait que je la touche mettrait fin à son attente et ainsi à la perspective d'être enfin libérée. Mais je la prends dans mes bras malgré tout.

- Non ! Lâche-moi, on peut encore attendre !

Elle tape contre mon torse, sa voix montant dans les aiguës avec des faux airs d'hystérie.

- On peut attendre toute la nuit, toute la vie, ça ne changera rien.

- Dis pas ça ! C'est facile pour toi, c'est pas toi qu'il harcèle continuellement ! Il va venir !!

Ses cris retentissent, mais la route reste désespérément déserte. Parce que celui qui devait venir mettre fin à son supplice la serre dans ses bras à l'instant-même.

Elle se débat encore, faiblissant à chaque coup qu'elle tente de me mettre. Et enfin, elle fond en larme, s'effondrant contre moi, en sanglots.

Et je m'en veux. Je m'en veux tellement. Mais je sais que c'était la dernière pierre à tomber de son édifice : elle est toute à moi, désormais. Quelle joie.

Et c'est en pleurs qu'elle rentre dans la Corvette, enfermée dans son mutisme. Passant mon bras autour d'elle, je l'attire à moi ; à nouveau, sa tête repose sur mon épaule.

D'un geste rapide, je tourne la clé de la voiture. Je dois recommencer, mais ce n'est pas la première fois qu'elle refuse de démarrer. Mais au bout de plusieurs fois, je comprends : la voiture ne veux définitivement plus se mettre en route.

- Je vous déteste, toi et ta bagnole pourrie, soupire Clark, d'un ton las.

Plusieurs heures plus tard...

Je quitte la réception du motel dans lequel on s'est installé pour la nuit, à défaut de trouver mieux. Une garage ouvert 24h/7j est venu chercher mon petit bijoux, que je ne pourrai récupérer que dans quelques jours... Il va falloir rentrer en bus.

Clark est déjà partie vers notre chambre, la N°17. Elle avance à pas rapides et agacée devant moi. Le temps semble comme rythmé par le balancement de ses hanches et le jeu de ses genoux croisés. Ses mains vont et viennent, s'approchant de moi pour s'éloigner la seconde suivante, et je crève d'envie d'en saisir une.

Enfin, elle arrive devant la porte et se tourne vers moi, sans doute pour me demander les clés. Je la rejoins, me retrouvant en face d'elle. Ses yeux en amande me fixent, un mélange d'agacement et d'impatience tourne dans ses iris. Ses lèvres rouges forment une moue boudeuse ; elle sait très bien ce qu'elle fait. Un baiser. Un baiser, et je sombre. Ce n'est rien de particulier dans son apparence, rien de différent. C'est Clark.

Ses doigts saisissent alors le col de mon t-shirt, et elle m'attire à elle. Je manque de trébucher, et prends appui contre la porte, la bloquant au passage contre celle-ci, mon bras au-dessus d'elle. Nos lèvres se rencontrent comme le font nos corps, et des sensations que je n'ai plus ressenties depuis des années m'envahissent à nouveau. Elle est ce violent et délicieux frisson qui parcoure mon corps à chaque contact, pareille à une décharge d'adrénaline en intraveineuse. Ses doigts prennent le contrôle de mon être d'une caresse, jouant de mes membres et mes sens comme d'une marionnette et me faisant tout oublier : ma fierté, la douleur qu'elle m'a infligée, tous ces hommes à qui elle fait le même effet... Elle me donne envie de croire que je suis le seul.

La main que j'avais posée sur sa taille descend, venant jouer négligemment avec la ceinture de son pantalon. Dans quelques secondes, celle-ci sera retirée, et sa culotte arrachée. Elle lève un bras pour venir lier ses doigts aux miens, ce qui sont posés au-dessus de sa tête, et en retire les clés de la chambre. D'un geste maladroit, elle tente d'ouvrir la porte de celle-ci sans quitter mes lèvres, et finit par y arriver. La porte s'écarte d'un coup sous notre poids, et nous tombons tous deux lourdement sur la moquette moelleuse et rêche. Clark pousse un cri et se serre contre moi, alors que je tente de me tourner pour ne pas l'écraser sous mon poids.

Allongé au sol, je regarde le plafond, et après quelques secondes, éclate de rire, la serrant dans mes bras. Elle se redresse un peu, et me regarde, avant de me rejoindre dans mon hilarité. D'un pouce, elle vient essuyer mes lèvres, que je devine être maculées de rouge à lèvres étant donné l'aspect des siennes.

- Amour... murmure-t-elle.

Mais je pose ma main sur ses lèvres, l'interrompant comme elle le fait si souvent elle-même.

- Non. Ne le dis pas.

Sur ces mots, je passe mes mains sous ses fesses, et elle se redresse. Elle semble vouloir s'amuser un peu avec moi : son bassin commence à onduler, et elle rassemble ses cheveux d'un côté, libérant sa nuque. La vue de sa peau délicate m'obsède, et je me redresse à mon tour pour venir embrasser son cou, y laissant la marque de ma possession.

- Jesse... grogne-t-elle.

- N'essaie même pas de m'en empêcher.

Ses deux mains se plaquent sur mon torse et elle me repousse, mon dos retrouvant la moquette. S'avançant un peu, ses genoux viennent se placer de part et d'autre de ma tête. Avec un sourire, elle vient passer une main dans mes cheveux. Je tourne la tête pour embrasser l'intérieur de sa cuisse, amusé. Mais je refuse de la laisser tout contrôler ainsi. Me relevant, je la porte, mes mains sous ses cuisses, avant de la jeter sur le lit. Elle s'y retrouve avec un nouveau rire, alors que je me mets à quatre pattes au-dessus d'elle et la rejoins. Une fois que mon visage arrive à son niveau, je prends le temps de l'observer. Ses soupirs arrivent à mes oreilles tels un chant, et elle parvient à peine à soutenir mon regard sur elle. Dehors, les néons grésillent, leur lumière fluctuante éclairant son visage. Mais elle vient cacher celui-ci, semblant trop déstabilisée par mes prunelles.

- T'es con...

- Je sais, ouais.

Je sais, ouais. Mais je t'aime quand même.

Frustrées? J'en suis navrée (aha, pas du tout)

Clark et Jesse sont enfin arrivés au moment fatidiques!

Une idée de la façon dont les choses vont évoluer entre eux?

De l'amour et des bisoux, as always 🌞

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