Écrire les images - Élodie Condé
Entretien avec Élodie Condé, alias Forlasass en fanfiction, à l'occasion de la parution de son livre "Page 341" (éditeur: Les livres du Dragon d'or)
Si vous ne l'avez pas encore lu, foncez !
Attention, cet entretien spoile cerrains aspects du livre, soyez vigilent.e.s si vous ne l'avez pas encore lu ! Les questions spoilant le livre sont précédées d'astérisques ***
Est-ce que tu peux te présenter rapidement ?
Je m'appelle Élodie et je suis éditrice. Je suis arrivée sur Wattpad en avril 2020, vers la fin de mes études. J'adore écrire des récits fantasy ou des romances-drames (rien à voir je sais, haha).
Quel est ton parcours d'écriture ?
Disons qu'avant d'imaginer écrire sérieusement, je lisais beaucoup. Puis l'écriture est arrivée à l'âge de 19 ans, juste après le lycée, d'une façon assez « inattendue ». À cette époque, je vivais une sorte de choc émotionnel qui m'a fait tenir un journal intime. C'est ainsi que j'ai pris conscience que je fourmillais de pleins de choses : j'avais envie de cracher, de déborder et de hurler, mais rien ne sortait jamais, sauf sur le papier. De cette écriture thérapeutique, je suis finalement passée à une autre, plus rêveuse et créative... Jusqu'à venir sur Wattpad.
A PROPOS DE PAGE 341
Comment te sens-tu aujourd'hui, maintenant que Page 341 est terminé et publié ? Comment as-tu vécu cette expérience au quotidien, émotionnellement parlant ?
Je ne sais pas trop ? Quand il s'agit d'émotion, je vis tout à retardement, c'est terrible. Mais là, à deux semaines de la parution (instant où je t'écris haha), je ressens une sorte de soulagement, mêlé d'appréhension. L'appréhension... Un reste que je traîne depuis l'écriture.
Écrire Page a été source de stress pour moi, du fait de mon temps limité (j'avais environ 6 mois) et de mes exigences, parfois terribles à porter. Mais j'apprends à me décharger d'elles pour être fière de moi, de ce que j'accomplis.
Est-ce que tu peux rappeler comment est né ce roman ?
Un jour, mon amie Megane me raconte qu'elle a trouvé un petit mot dans un livre qu'elle venait d'emprunter, à la bibliothèque Marguerite Duras, dans Paris. Elle décide de répondre à l'inconnu.e. Ça m'inspire aussitôt...
(PS : Marguerite Duras est mon écrivaine préférée, cette coïncidence me fait bizarre.)
Page 341 est un roman young adult. Comment cela a-t-il influencé l'écriture et la construction de l'histoire ?
À vrai dire, c'est toujours vers ce type de public que je tends, avec des histoires aux sujets durs, car j'estime qu'on doit pouvoir parler de tout dès l'adolescence. Pourtant, la collection dans laquelle est publié Page 341 est plutôt catégorisée comme jeunesse/young adult (accessible à 12/13 ans). Un peu de ce fait, le calibrage (nombre de pages) est assez restreint... C'est surtout ça qui a conditionné mon écriture : le format court. Pour moi qui aime prendre le temps de creuser les relations et la psychologie des personnages, c'était difficile.
Page 341 ça me semble d'abord être le récit d'un changement et d'un long apprivoisement. L'apprivoisement d'une ville d'abord : Jaewon quitte Busan pour Séoul et il va mettre du temps à accepter son nouvel environnement.
Tu décris ces deux villes de manière très détaillée, quelle est ton expérience de la Corée ? Est-ce que le fait d'ancrer ainsi ton histoire dans une géographie et une culture différente a été difficile à mettre en place ?
Pas si difficile dans la mesure où au moment de l'écriture, je ressortais d'un long séjour en Corée du Sud, justement. Ça aide pour l'ancrage et la visualisation. Là-bas, à Séoul, Busan, Jeju, il y a eu des expériences qui ont laissé une trace en moi et ont nourri beaucoup de choses qu'on retrouve en partie dans Page 341. Par exemple, mon voyage sur la Blue Line, que je garde comme un bout de poésie fiché dans l'âme.
Et même si je l'ai entrevue seulement, la mentalité coréenne m'a profondément parlée : un mélange de pudeur et d'audace, de respect et de curiosité...
Lorsque Jaewon arrive à Séoul, il est d'abord rebuté par le calme de la ville. La vision que tu donnes ici du calme, par les yeux de Jaewon, est assez atypique : ce n'est pas un calme apaisant, ni le calme ennuyeux d'une vie trop bien rangée. Qu'est-ce que ce calme cristallise pour Jaewon ? Est-il réel ?
Ah ce calme... Il passe ou il casse. Je sais qu'il y a des gens qui n'apprécient pas du tout cette interprétation, mais justement, j'aime ça, moi. J'aime que mon personnage aille à contresens, j'aime qu'il déteste ce calme qui en réalité n'est pas du tout du calme au sens propre. Ce sont les codes de vie, en Corée du Sud. Cette politesse obligatoire, ce respect de l'autre, cet ordre, dissimulé derrière les klaxons et les braillements. Jaewon voit plus loin que ça. C'est un personnage qui contient trop et doit se délester : en cela, il est profondément paradoxal, car finalement calme à son tour. Au fond, c'est ça le véritable problème. C'est lui le calme...
On a rapidement les premières métaphores filées du texte, celles des mailles d'habitudes et du calque d'une ville sur l'autre, ou même d'une personne sur l'autre, comme avec les deux Minho. Peux-tu nous parler de ces deux images ? Qu'est-ce qu'elles représentent pour Jaewon ? Est-ce qu'on peut dire que ce sont des mécanismes de défense face au changement ?
Bien sûr, ce sont des mécanismes de défense, comme tu dis, mais surtout de rêverie. On veut s'enfermer dans un monde qui n'est au fond qu'une représentation idéalisée de celui d'avant. Il est comme un Pays Imaginaire. Le personnage se ment totalement (et il en a plus ou moins conscience). Je trouve que c'est un vrai ressenti d'ado, quand on change, qu'on se sent entre deux mondes. Auquel appartient-on ?
Avec l'image du calque, je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Jungkook de Reflection et à la place que la gravure tient dans cette œuvre. Y a-t-il un parallèle ?
Non, il n'y en a pas pour moi. La gravure dans Reflection symbolise une violence intériorisée. Ici, le calque est ce regard avide de Pays Imaginaire, il représente le fantasme d'évasion dans un endroit inexistant car trop idéalisé.
A côté de cela, on a l'image très douce des petits poissons. On a l'impression qu'ils s'agitent dès que Jaewon rencontre des gens, plus particulièrement des personnes de son âge.
Que sont ces petits poissons ?
Ses émotions. Le rejet du calme. Le concret. Les sentiments. Ces poissons sont la vie en Jaewon, tout simplement. (Je les adore.)
L'autre apprivoisement que Jaewon doit faire est celui des personnes qui l'entourent désormais, et tout d'abord de sa grand-mère qu'il ne connaissait pas avant de venir habiter chez elle. Le portrait que tu dresses de cette femme est très progressif, tout en finesse : on la découvre et on l'aime peu à peu en même temps que Jaewon. En parallèle, Jaewon redécouvre sa mère, la voit sous un nouveau jour. Deux portraits de femmes complexes, que Jaewon voit tour à tour avec des yeux durs ou tendres.
Sur quoi voulais-tu mettre l'accent avec ces deux personnages du monde familial ? A côté d'elles, les hommes de la famille ne sont que des souvenirs ou des absents. Pourquoi ce choix ?
Intéressante question ! Dans mon expérience familiale, j'ai toujours trouvé que les femmes endossaient beaucoup de responsabilités sur leurs épaules, sans trop moufeter. Elles sont piliers, en silence. Elles endurent et endurent. Rien que pour ça, je les trouve admirables.
La grand-mère de Jaewon, faite de ce bois, est directement inspirée de la mienne, décédée en 2017. De cette perte douloureuse, et toujours vivace dans ma mémoire, j'ai tiré beaucoup d'enseignements. C'est une femme que je n'oublierai jamais. Et je suis sûre que chacun en trouvera une autour de soi, inoubliable. Je voulais rendre hommage à ces battantes.
La mère de Jaewon, sa grand-mère, et puis Minho, le petit voisin d'une dizaine d'années. Y avait-il une volonté de ta part d'introduire une dimension intergénérationnelle dans l'histoire ?
Pas du tout, je n'y avais pas songé comme ça... ! C'est intelligent de le voir sous cet angle. Peut-être était-ce un peu inconscient de ma part (je fonctionne beaucoup à l'intuition – et je comprends souvent après ce que mon esprit a fabriqué haha).
La communication de Jaewon, plus particulièrement au sein de sa famille puis, plus tard, avec Dohyun, est beaucoup faite de silences, d'hésitations, qui sont autant de moyens pour la relation d'évoluer. De même, les échanges écrits avec l'inconnu permettent de "laisser le temps".
Page 341 est-il un éloge de la lenteur ?
Ha ha... Tu mets le doigt sur un de mes traits d'écriture, issu de mon caractère, dont je rougis un peu parfois. Bien qu'avenante et envieuse de faire des rencontres, je suis très pudique en communication et j'accorde difficilement ma confiance... D'autre part, comme je disais plus haut, je suis intuitive et ça se sent dans mon fonctionnement. Cette vision déborde toujours sur mes personnages. Je les mène dans le silence et les confidences progressives. Pour moi, la communication n'est pas que verbale. (Et mon alpha-lectrice Astelya0o1 peut en témoigner haha.)
Je disais au départ que Jaewon doit apprivoiser son nouvel environnement mais on se rend vite compte que c'est en fait lui qui doit se laisser apprivoiser, notamment par ses amis de lycée. On pense à Sungil bien sûr, mais aussi à Eunha, Rintaro et tous les autres. Le nombre de personnes qui gravitent autour de Jaewon est relativement important.
Était-ce une volonté explicite de multiplier les personnages secondaires ? Comment as-tu géré l'écriture de tous ces personnages et la mise en place de leurs relations ?
Bien vu : c'est à Jaewon de se laisser approcher. Ça me tenait très à cœur de créer un noyau autour de lui. Pour moi, les personnages secondaires sont les touches de couleurs, de nuance et de profondeur sur le tableau général d'une histoire. Ils sont des mondes à part qui vont déclencher des mécanismes au sein des mondes principaux : tout ça, c'est un immense engrenage, ou les cordes d'un grand instrument à bien accorder.
Pour gérer les personnages secondaires je les ai analysés seul à seul, en les comprenant vraiment comme des mondes indépendants. Ils sont eux. Et pas juste l'ami de truc ou la tante de machin. Ils ne doivent pas entièrement dépendre des évènements du récit ou des choix des personnages principaux.
Grâce à ces nombreux personnages, le suspense lié à l'inconnu des messages tient jusqu'à la fin. As-tu construit l'histoire principalement autour de ce mystère ou n'était-ce qu'un axe que tu as dû "caser" au milieu des autres, notamment ceux du développement intérieur de Jaewon ou de sa relation avec sa grand-mère ? Plus généralement, comment as-tu travaillé les différents aspects de l'histoire ?
Ce suspense est un vrai leurre. Pour moi, l'inconnu est très facile à reconnaître, mais c'est normal. C'est même un peu fait exprès, même si je me suis autorisée à jouer pour rythmer le récit. Le véritable enjeu de Page 341, ce n'est pas de trouver l'inconnu. C'est de le trouver avec Jaewon.
Bien sûr, Page 341 est aussi une romance, et plus particulièrement une romance MxM. Pourtant, cet aspect n'est pour ainsi dire jamais nommé : il n'y a pas de "angst" à ce sujet, l'attirance amoureuse ne semble pas être quelque chose qui préoccupe Jaewon, alors qu'il s'interroge pourtant beaucoup sur sa relation à la ville, à ses amis ou à sa grand-mère. De plus, tout se fait naturellement, tout au plus perçoit-on quelques rougissements, des petits poissons qui s'agitent un peu plus... Mais cela pourrait toujours aussi être dû à autre chose qu'à une attirance amoureuse.
Était-ce ton objectif de donner à l'histoire d'amour un côté naturel, presque anecdotique ?
Complètement ! J'aime que la romance ne prenne pas toute la place. Car je vois Page comme une tranche de vie, une ode à l'éphémère et l'envie d'apprécier chaque instant de l'existence. C'est tomber amoureux de la vie...
Pour ce qui est du traitement de l'homosexualité en Corée du Sud, je suis restée light pour deux raisons : je ne me sens pas légitime et capable de gérer à 100 % ces questions-là, n'étant pas concernée, et comme je l'évoquais plus haut, le nombre de pages... Pas de place pour tirer ce pan du récit : mon roman est au maximum de l'épaisseur qu'on m'a autorisée.
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La seule réaction forte face à ces sentiments amoureux est celle de Rintaro. Ce personnage est aussi celui qui aurait pu être l'inconnu des messages ou avec qui la romance aurait pu se développer, du point de vue du lecteur.
Pourquoi cette sorte de parallèle entre Rintaro et Dohyun, et même entre amitié et amour dans l'histoire ? Que représente Rintaro ?
Aaaaah, Rintaro... Pour moi, Jae et Rin sont des âmes-sœurs. Rintaro est cet alter représentatif du traditionnel, des chaînes qui retiennent parfois trop fort, mais étonnamment aussi, du lâcher prise et du bruit. Il n'a pas peur d'exister sans pour autant manger les autres. J'ai toujours estimé l'amitié autant que l'amour dans ma vie, alors je me devais de créer quelqu'un comme Rintaro, un ami d'abord parfait, puis soudainement très humain. Son histoire avec Jaewon est une seconde histoire d'amour pour moi.
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Alors que tu as dit sur Instagram n'avoir reçu comme commande que "une romance en Corée du Sud", par bien des aspects Page 341 est plus qu'une simple romance : la relation avec la grand-mère et la construction intérieure de Jaewon sont des contre-points forts à la relation amoureuse, et cette dernière est si naturelle et si apaisée qu'elle s'en fait presque discrète.
Avais-tu cette envie d'écrire "plus qu'une romance" ? Est-ce une manière de ramener l'amour à une place plus juste, celle d'un aspect de la vie, certes important, mais qui n'est pas forcément central ?
Oui, d'ailleurs, je l'avais dit à la maison d'édition, que j'aimais beaucoup écrire du drame et on ne m'a jamais dit de me calmer sur ça, ce dont je leur suis reconnaissante. Grâce à ce pan plus tranche de vie, je pense avoir laissé dans la romance un vrai bout de moi.
Et en effet, pour moi l'amour est au centre, il l'est vraiment. Mais il n'y a pas que lui qui occupe cette place... :)
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Alors que le changement est finalement accepté par Jaewon, qu'il a trouvé sa place, tout prend soudain une intensité plus forte : c'est le décès de la grand-mère, l'annonce du brusque retour à Busan... La métaphore de la fleur de lotus prend tout son sens et Jaewon doit maintenant faire ce cheminement intérieur, à l'image du héros du livre "Une vie de fleur de lotus", pour comprendre la finalité de la vie et le sens de ce qui lui arrive.
Était-ce important pour toi d'ajouter un aspect plus sombre à l'histoire avec le deuil vécu par Jaewon ?
Je fais toujours ça, ajouter du drame. C'est limite viscéral en moi. Parfois, je me dis que ce sont les traces de mon premier rapport à l'écriture : ce besoin de cracher, de poser des mots sur des choses atroces, indicibles. Et c'est marrant, parce que je crois que je me décharge de ça. Page 341 est l'un de mes récits les plus légers depuis que j'ai commencé l'écriture.
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Le livre (hors épilogue) s'achève de plus sur un nouveau déménagement et sur la séparation de Jaewon d'avec ses amis. On pourrait penser que ce sont beaucoup de souffrances pour un être si jeune, toutefois Jaewon ne semble pas le vivre ainsi. Quel est le rôle de ce retour à Busan ? Simplement boucler la boucle ?
Il y a boucler la boucle, en effet, mais surtout la seconde chance. J'aime répéter les cycles dans l'écriture (cf. Reflection...) en transformant un peu mes personnages et les conditions du récit. Clairement, le Jaewon qui retourne à Busan ne sera plus jamais le même.
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Heureusement il y a ce train, ce "refuge" que Jaewon nomme et définit en même temps que la relation avec Dohyun se développe. Est-ce qu'on peut dire que cette idée d'un refuge propre à chacun est ce qui fait la différence entre le début et la fin de l'histoire ? Comme des outils qu'on développerait pour prendre soin de soi dans les moments les plus difficiles, et pour, finalement, "s'aimer soi-même" ?
C'est surtout l'idée d'occuper son propre espace tout en le percevant comme plus qu'un emplacement géographique. Au début du récit, Jaewon fait face à un problème très « matériel » et concret : le mal du pays. Sa ville lui manque terriblement. Pourtant, même si Séoul ne lui fait pas bonne impression, il finira par trouver en elle quelque chose de réconfortant, qui lui fera se sentir à sa place. Et quelque part, aimé oui :)
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Tu as dit sur Instagram que tu aurais voulu pouvoir développer l'histoire sur plus de pages. Quels aspects en particulier aurais-tu aimé développer davantage ?
Le personnage de Dohyun, sa psychologie, la relation Jaewon/Rintaro, Yejun/Eunha, donner plus de souffle encore aux personnages secondaires... Beaucoup de choses en somme haha.
Peux-tu donner 3 mots qui représentent l'histoire de Page 341 ? Et 3 mots qui représentent l'expérience d'écriture de Page 341 ?
Page 341 en 3 mots : percer la surface.
L'écriture de Page : angoisse, apprentissage, découverte.
L'ÉCRITURE
Qu'est-ce qui a été le plus difficile dans l'écriture de Page 341 ?
Condenser mes idées sur un format court comme je disais plus haut.
Penses-tu que cette expérience d'écriture aura une influence sur tes futurs écrits ?
Oui, indéniablement. Le travail avec mon alpha-lectrice (ma chère @Astelya0o1 que je remercie encore une fois de tout mon cœur) a pointé beaucoup de mes défauts... Sur le coup ça fait mal, mais c'était nécessaire. Désormais, je ne peux pas les ignorer, j'ai même la sensation de ne voir qu'eux ! Donc j'ose espérer que tout ça me permettra de progresser sur le long-terme.
As-tu changé, adapté ton style pour écrire Page 341 ?
Oui, j'ai dû le rendre plus efficace afin de tenir un rythme accéléré. Je pense que j'avais besoin d'un peu de ça : me décharger des longueurs inutiles quand j'écris.
Cette expérience d'écriture, en dehors du fait de devoir répondre à une commande en un temps limité, était-elle très différente du fait d'écrire de la fanfiction ?
Clairement, oui, très différente ! Mais j'ai adoré. Honnêtement mes personnages n'ont dans ma tête aucun visage des membres de BTS ou n'importe quel autre groupe. Ils sont 100 % originaux, et je suis contente d'avoir produit quelque chose d'entièrement détaché de la fanfiction.
As-tu envie de continuer dans cette voie (sur Wattpad ou en publication) ?
Après l'écriture de Page, je me sens capable de mener à bout mes propres récits originaux et ouah... quelle joie pour moi. Mais j'ai quelques projets ff à finir ici avant de mettre les voiles sur le papier (car oui, d'ici quelques années, j'aimerais n'écrire que des romans).
Pour parler de ton processus d'écriture en général : quel est le point central à partir duquel tu commences à construire une histoire ?
On commence par de l'anecdotique. Souvent, c'est un paysage OU une émotion/un truc qui me révolte, me fait vibrer, me choque, etc. Mais c'est fort, obligatoirement (sinon ma motivation n'est pas assez forte). Reflection et Une place pour moi sont nées d'une révolte intérieure tandis que Terre et Rêves ou Philtre d'amour, par exemple, me viennent de paysages et de rêveries. J'adore me lancer des challenge parfois aussi (River of the lovers entre autres).
Quelles sont les étapes dans la construction d'une de tes histoires et comment les abordes-tu ? Y a-t-il une étape que tu préfères ?
J'ai appris à créer des scripts et des fiches persos, déjà avec Reflection – histoire trop complexe pour négliger la préparation – et avec Page ensuite. C'est la ME [maison d'édition] qui m'a mis sur cette nouvelle façon de travailler, et je trouve ça plus pro. Surtout, ça permet d'anticiper la phase (atroce pour moi) de relecture/retravail. Car un récit pas assez préparé et pensé au début nécessite un travail faramineux de repassage à la fin. Attention cependant : le script n'est pas une prison, c'est une base de travail. On a le droit de s'en écarter, ce que j'ai justement fait avec Reflection par exemple (mais pas pour Page).
Ce que je préfère dans l'écriture sinon : ce moment, vers le début, où ma plume trouve enfin le ton du récit, la justesse et les images qui vont coller. Ça me fait pousser des petites ailes dans le dos haha.
Fais-tu beaucoup de recherches ou de préparation pour tes histoires, notamment pour Page 341 ?
Pour Page 341, pas trop car il y a eu mon voyage, heureusement. Mais sans lui, j'aurais forcément chercher des heures sur des cartes, des plans de métros et que sais-je d'autre haha. Par contre, pour Reflection, si justement (n'étant pas spécialiste dans le domaine de l'art).
Fais-tu des fiches-personnages détaillées ? Un plan minutieux de l'histoire ? Dans quelle mesure y restes-tu fidèle au moment de l'écriture ?
Sans compter Reflection, c'est nouveau pour moi d'en faire, mais je comprends enfin l'utilité de ces documents de travail car je les ai adaptés à mes besoins. Et clairement, je ne les suis pas à la lettre, j'analyse plutôt mes intentions d'autrice et je vois comment toutes mes idées se comportent sur papier. Car il y a presque toujours une différence entre la façon dont on imagine l'histoire et son écriture.
Comment décrirais-tu ton style d'histoires, et ton style d'écriture ?
Dramatiques mais pleines d'espoir. Quant à mon style... J'aimerais qu'on dise de lui qu'il a tendance à tantôt percuter, tantôt faire rêver (avec les images et la profondeur des émotions). L'écriture est très tournée vers l'émotionnel pour moi, donc j'espère que me lire ne laisse pas insensible.
Les images récurrentes, comme les métaphores des petits poissons, des mailles de la chaîne, ou la fleur de lotus, semblent être une particularité de ton écriture et lui donnent une tonalité poétique.
Est-ce important pour toi de mettre du visuel dans ton écriture ? Est-ce lié à ta manière de vivre ta propre vie ou est-ce simplement un outil d'autrice pour mieux transmettre les impressions du narrateur ? Comment trouves-tu et développes-tu ces images ?
Je ne sais pas d'où ça me vient. De la nature ? Mon caractère ? Mon besoin viscéral de comprendre les autres ? J'ai toujours été très observatrice mais c'est une observation émotionnelle et symbolique. Je crois que je calque un peu en fait, comme Jaewon dans Page. Mon cerveau retient ce qu'il veut (généralement, ce n'est pas la chose la plus flagrante) puis il le colle sur autre chose et tout prend son sens. Ça me fait comme une vision soudaine que mon esprit imprime pour plus tard.
As-tu de nouveaux projets d'écriture ?
Oh que oui... :)
Mais plus adultes que Page 341.
EN BREF:
Une routine d'écriture ?
Pas vraiment, mais je dois m'habituer à plus de préparation pour éviter des phases de retravail trop longues (et chiantes on va pas se mentir) – comme je te disais plus tôt. Je suis justement en train de me chercher une vraie méthodologie, puisque l'écriture, qui n'était pour moi qu'un passe-temps, et devenue professionnelle à mes yeux.
Avec ou sans bêta-lecteurice ?
À priori sans. Et si avec, il me faut quelqu'un que je connais bien/en qui j'ai confiance.
Une de tes scènes préférées à écrire ?
Les scènes de rencontres pouah, mon faible. Et sinon, toutes les scènes de tension avec de l'intensité, et parfois des prises de bec (classique, I know je ne suis pas originale sur ce point).
Ton point fort en tant qu'autrice ?
Je pense aux scènes difficiles ? Là, je bascule au summum de l'émotionnel et j'écris encore plus instinctivement que d'ordinaire. C'est comme si je perdais le contrôle mais que mon moi se révélait (cf. Reflection). Et sinon je pense aux descriptions pour tout ce qui est fantasy.
Ta plus grande difficulté ?
Sortir de mes sempiternels schémas... Je répète beaucoup et ça m'énerve la première car j'ai l'impression d'être une plume qui manque de réserve. Que ce soit au niveau du caractère des personnages, des évènements, des ressorts d'intrigue, etc.
Un dernier mot pour la route ?
Vive ceux qui lisent avec le cœur et vive ceux qui écrivent avec le cœur <3
Et merci pour ton intérêt envers moi.
Un immense merci à Élodie d'avoir accepté de répondre à mes questions. Je rêvais de faire un entretien avec elle depuis Reflection 😊
La sortie de Page 341, que j'ai vraiment beaucoup aimé, a été une belle occasion !
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